19 février, 2024

Les cycles longs dans la gestion de portefeuille.

Mon associé à Paris, Didier Darcet, de Gavekal Wealth (aide à la gestion de portefeuille) et de Gavekal IS (développements de logiciels utilisant l’intelligence artificielle dans la construction de portefeuilles) que certains d’entre vous connaissent déjà au travers de ses vidéos sur Grand- Angle avec Richard Détente) a réussi à mettre la main sur des statistiques françaises sur les variations de prix des principaux actifs au travers du temps remontant à 1840

Ces statistiques couvrent :

  • Le taux d’inflation
  • Le cours des actions
  • Le cours de l’or en FF
  • Les taux courts et longs en France.

Et il s’est attelé à une tâche extrêmement intéressante : comment bâtir un portefeuille qui permettra à son détenteur non pas de devenir riche, mais de rester riche.

Pour devenir riche, la méthode la plus sûre a toujours été de devenir un entrepreneur, et donc de créer une société industrielle ou commerciale et d’en faire un succès.

Une fois ce résultat acquis se pose une question : comment rester riche une fois que j’ai vendu ma société, ou, alternativement, comment me bâtir un portefeuille à partir des dividendes que je reçois de ma société, portefeuille qui me permettra de continuer à être prospère même si ma société venait à disparaître.

En termes simples : Quand tous mes revenus viennent de ma société, je suis dans une position de risque maximum.

Il me faut donc gérer mon risque et développer au travers du temps un capital indépendant de la valeur de ma société et mon but devrait être que ce capital externalisé connaisse une croissance de 3 % à 5 % REELS par an et avec la plus faible volatilité possible. Par exemple, toute baisse supérieure à 20 % d’une année sur l’autre me serait très pénible, alors que des baisses autour de 10 % me laissent assez indifférent.

Les contraintes de l’étude sont donc :

  • Rentabilité moyenne annuelle entre 3% et 5% réels. A 4 % réels, je double mon capital en 18 ans, ce qui est beaucoup mieux que la croissance du PIB
  • Perte maximum entre un plus haut et un plus bas entre 8 % et 12 %.

Les résultats sont fascinants et je vais essayer de les résumer sans trop les trahir.

Commençons par les grandes lignes de force de cette étude.

Toute politique d’investissement doit s’ancrer dans deux paramètres :

  1. L’évolution de l’activité économique (croissance ou décroissance).
  2. L’évolution des prix (inflation ou déflation).

 Pour déterminer où nous sommes (et non pas où nous serons), le premier critère pour savoir si nous sommes en période inflationniste ou non est simplement le ratio des rentabilités totales   entre le cash et l’or. Si l’or fait mieux que le cash, cela veut dire que le gouvernement cherche à ruiner l’épargnant, que nous sommes donc dans une période inflationniste et c’est une tres mauvaise nouvelle pour tous les placements à revenu fixe (cash et obligations). Et le contraire est également vrai.

Le deuxième critère est un second ratio, cette fois entre le cours des actions et une fois encore le prix de l’or. Comme le lecteur le sait, l’or est LA réserve de valeur par excellence. Si les actions font moins bien que l’or cela veut dire que la rentabilité du capital baisse et si la rentabilité des affaires baisse, la croissance économique ne sera pas au rendez-vous… et donc, il ne faut pas avoir d’actions.

En utilisant ces deux ratios, je scinde le temps en quatre périodes

  1. Boom déflationniste : prix stables ou en baisse, activité économique en hausse.
  2. Bust déflationniste : Prix en baisse, activité en baisse.
  3. Bust inflationniste: Prix en hausse, activité en baisse.
  4. Boom inflationniste: prix en hausse, activité en hausse.

Sur les 180 dernières années, nous avons eu :

  • De 1840 à 1914 une période sans inflation, le régime monétaire étant l’étalon or. Pendant cette période, nous avons eu une alternance de booms et de busts déflationnistes. L’or ne sert à rien.
  • De 1914 à 1945, nous avons vécu dans une période de guerres et avons donc été dans une période inflationniste, pendant laquelle il y a eu des destructions massives de valeur. Il ne fallait avoir que de l’or.
  • De 1945 à 1972, nous avons eu une période de boom inflationniste et de reconstruction. Il fallait avoir de l’or, acheter des actions dans les sociétés contribuant à la reconstruction de l’infrastructure  et ne pas avoir d’obligations De 1959 à 1972, il fallait vendre les sociétés d’infrastructure pour les remplacer par des valeurs liées à la consommation.  (c’est là ou est la Chine aujourd’hui)
  • De 1972 à 1982, nous sommes passés par un bust inflationniste d’anthologie. Il ne fallait avoir que de l’or à nouveau.
  • De 1982 à 2020, nous avons eu un immense boom déflationniste, à nouveau il fallait tout avoir, sauf du cash et de l’or
  • Et enfin, depuis 2020, nous sommes à nouveau dans un boom inflationniste et il ne faut avoir que des actions et de l’or.

En réalité, à chaque fois, la première chose qu’il faut faire est donc de déterminer où nous sommes et cela de façon objective, en utilisant les deux ratios mentionnés plus haut.

Une fois ce résultat atteint, il faut considérer les instruments que je peux utiliser dans ma gestion et ils sont au nombre de quatre.

  1. Le cash.
  2. L’or.
  3. Les obligations d’Etat à longue durée.
  4. Le marché des actions.

Si vous avez 100 à investir, vous pouvez investir 25 % dans chacun des actifs, rebalancer à 25 % chaque année et votre portefeuille tournera à 3 % réels sur le long terme, avec une faible volatilité.

C’est ce qu’il est convenu d’appeler le portefeuille permanent, une découverte due à Harry Browne à la fin des années 60.

Et c’est là que se trouve l’astuce.  Car il est possible de faire mieux en croisant cette idée avec celle des quatre scénarios présentés plus haut.

 A la place de mettre 25 % sur chaque actif et de rebalancer régulièrement, vous pouvez décider de ne mettre aucun capital dans l’actif qui n’a aucune chance compte tenu du scénario dans lequel nous sommes.

Dans le boom déflationniste, il ne faut avoir ni or ni cash.

Dans le bust déflationniste, il ne faut avoir ni actions ni or, sauf si nous sommes en étalon or. En étalon or, cash= or. Dans le cas contraire, il faut avoir du cash.

Dans le boom inflationniste, il ne faut avoir aucune obligation.

Dans le bust inflationniste, le pire des scénarios, il ne faut avoir ni obligations ni actions, juste de l’or et du cash.

Par exemple, aujourd’hui, comme nous sommes dans un boom inflationniste, avoir des obligations est idiot depuis 2020, et il est plus intelligent de mettre 33 % dans chacun des autres actifs.

De même, si nous rentrons dans un bust déflationniste comme pendant les années 30, il ne faudra avoir que de l’or et des obligations d’un pays qui ne fera pas faillite (la Chine ? la Suisse ?)

L’idée est simple : il faut ne mettre aucun capital dans l’actif ou les actifs qui n’ont aucune chance compte tenu du scénario dans lequel on est et diversifier également dans les actifs qui restent

Et celui qui suit cette stratégie sur le long terme sait qu’il va faire mieux que l’or, mieux que les marchés obligataires, mieux que le cash mais moins bien que les actions.

Mais son portefeuille ne baissera que de 10 % à 12 % au maximum, alors que sur un siècle, les actions baisseront trois ou quatre fois de 50 % ou plus, pour remonter ensuite, mais cela peut prendre du temps.

Et si l’investisseur suit cette stratégie, la hausse annuelle moyenne de son portefeuille sera d’environ 4 %  a 5 % réels, ce qui est très bien.

Encore une fois, le but de cette stratégie n’est pas de devenir riche, mais de le rester.

Et le lecteur avisé remarquera que le portefeuille IDL n’est rien d’autre qu’une déclinaison de cette stratégie pour des petits porteurs et que pour l’instant ce portefeuille donne toute satisfaction.

Conclusion

Pourquoi je vous raconte tout ça ?

Pour une raison toute simple : Je commence à avoir beaucoup de signaux que nous sommes en train de rentrer dans le monde développé (le nôtre) dans des scénarios qui pourraient être très dangereux pour votre épargne.

  • En termes clairs, allons nous arriver dans des période inflationnistes où des guerres se produisent ?
  • Allons-nous vers des dépressions inflationnistes ici et des booms déflationnistes ailleurs ?

Je n’en sais rien. Mais rien de tout cela ne m’apparaît pas improbable.

Et donc, plus que jamais, il vous faut bâtir un véhicule tout terrain pour votre épargne et c’est mon intention de continuer à vous y aider.

ADENDUM

Pour ceux qui lisent l’anglais et qui voudraient avoir accès à l’étude originale de Didier (bien plus complete que le résumé que j’en ai fait) sur ce sujet, vous pouvez en faire la demande à :

 

Didier Darcet

ddarcet@gavekal.com

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

17 Commentaires

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  • Cyril

    17 avril 2024

    Bonjour

    J’aurai besoin d’informations pour comprendre votre article. Je pense faire des erreurs.

    De ce que j’avais compris :
    -le cash (ou obligation de court à moyen terme) s’evalue en période de déflation
    -les actions s’évaluent en période de croissance
    -les obligations d’état fiable s’évaluent en période de recession
    -l’or s’évalue en période d’inflation.

    Sur cette base par exemple. En Boom Deflationniste, j’aurai acheter obligations d’états fiable en solde et de l’or moins cher car mes actions et mon cash prennent de la valeur. Pourquoi dans votre cas ne pas avoir ni cash ni or ?

    Répondre
  • Joseph

    5 avril 2024

    Ce que décrit cet article est très aligné avec l’approche de Ray Dalio et ses quatre cadrans. Merci pour ces explications très claires.

    Répondre
  • Beauchamp Michel

    25 mars 2024

    Je suis un petit porteur type PEA , j’écoute beaucoup les conseil de C.Gave ,

    Répondre
  • Benjamin

    21 février 2024

    Superbe article, merci Charles et Didier.

    Répondre
  • Darvishi zhaleh

    19 février 2024

    Merci . Excellente analyse.

    Répondre
  • 11AD

    19 février 2024

    Une suggestion : faire un article sur la place de l’immobilier (hors résidence principale) dans le portefeuille d’investissement.

    Il n’y a pas que l’or qui est un refuge de valeur. L’immobilier en est aussi un.

    Beaucoup de Français semblent n’avoir essentiellement que de l’immobilier dans leur patrimoine. Ils n’ont pas assez d’actions.
    Ceux avec beaucoup d’immobilier ont peut être besoin de moins d’or pour suivre votre stratégie.

    Je partage votre avis que des scénarios qui pourraient être très dangereux pour l’épargne sont de plus en plus probables.
    Je pense en particulier au scénario qui s’est déroulé au Liban ces ~ 5 dernières années où la quasi totalité de l’épargne a été spoliée, qu’elle ait été dénominée en LBP ou en USD. De cette expérience il ressort deux précautions importantes:
    1. CASH ça veut dire en billets dans un ou plusieurs coffres, pas en électrons sur un compte bancaire. Et si comptes bancaires, plutôt dans plusieurs pays.
    2. OR ça veut dire or physique auquel vous pouvez facilement accéder, pas en titres théoriques d’un stock gardé on ne sait où.

    Répondre
    • SysATI

      19 février 2024

      Avec le taux de natalité actuel, investir dans quelque chose voué à la destruction à + ou – long terme n’est peut être pas spécialement indiqué ? Ou alors en Inde 🙂

  • Jean Louis ROUVILLAIN

    19 février 2024

    Avez vous un portefeuille dans lequel investir???

    Répondre
  • YUTIAN WANG

    19 février 2024

    La majorité de patrimoine des ménages en France sont les biens immobiliers. Comment intégrer l’immobilier dans votre stratégie ? Qu’en pensez-vous de l’investissement locatif ?

    Répondre
    • breizh

      20 février 2024

      L’immobilier permet de se loger et et c’est le seul actif qu’un particulier peut acheter à crédit.
      Sinon, plutôt des inconvénients (très taxé, très règlementé, non délocalisable…).
      Quant à l’immobilier locatif, la loi est contre le propriétaire…

    • Robert

      20 février 2024

      D’ expérience, je ne prends plus en considération que l’ immobilier en résidence principale, et une SCPI de santé en placement.
      Trop de contraintes diverses ( impôts, charges, locataires plus ou moins fiables…) sur l’immobilier locatif.

  • Hannequart

    19 février 2024

    C est une vision globale des différents scenari, très bien développé. Cela sera très utile

    Répondre
  • Louis Rodrigue

    19 février 2024

    Excellent !! Je connais ce portefeuille Couch Potatoes depuis 15 ans, je me demandais si les REIT résidentiels ou commeerciaux, selon son analyse, pourraient être considérés comme un 5ième élément, dont chaque type d’investissement pourrait alors correspondre à 20 %. Le REIT commercial surement pas actuellement, mais le résidentiel ?

    Merci pour vos excellents articles pour notre éducation financière dont si peu en tirent avantage!!

    Louis Rodrigue

    Répondre
    • Hannequart

      19 février 2024

      Je vois rejoints dans les RIETS et j aurais voulu avoir l avis de Charles Gave et Didier Darcet

    • Jean-Marie

      22 février 2024

      Oui les REIT qui gèrent du foncier agricole sont une excellente opportunité.

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Les livres de Charles Gave enfin réédités!