18 juin, 2012

La France rame à contre courant de la compétitivité mondiale

L’économie mondiale est confrontée à un dangereux cocktail depuis des semaines avec un ralentissement de la croissance mélangé avec une forte incertitude politique. Malgré un calendrier politique chargé : G20, Sommet de Rome, Conseil Européen…,  on sent bien que ce sont les banquiers centraux qui vont de nouveau être appelés à jouer leur rôle de pompier. Le monde est engagé de nouveau dans une séquence de reflation très forte nous dit Chen Zhao de BCA au Canada.

Attention aux contrepieds pour ceux qui sont trop négatifs à court terme. Tous les opérateurs qui avaient vendu à découvert les obligations françaises avant les élections présidentielles ont perdu beaucoup d’argent sur leurs positions.  Marc Faber qui rédige le fameux «  Gloom and Doom Report » explique dans Barron’s de cette semaine que le chaos n’aura pas lieu avant 3 à 5 ans, car entre temps les banques centrales auront encore injecté beaucoup de liquidités. D’ailleurs, les anticipations d’assouplissement des politiques monétaires par les banques centrales et des rachats de positions à découvert ont permis cette semaine à l’indice MSCI Monde de gagner 1.2% en devises locales et de passer sur les statistiques américaines décevantes et le niveau des emprunts d’état espagnol. Fait extrêmement rare, les progressions en devises locales de l’indice MSCI US, Europe et Asie Pacifique ont été identiques à 1.2%.

En Grèce on a évité le pire des scénarios, mais rien n’est résolu. La Grèce s’est offerte comme le dit un économiste, « une petite bouffée d’oxygène avant sa noyade ».Comment pourra t on refuser à l’Espagne l’Irlande, le Portugal et l’Italie de profiter des mêmes avantages que ceux qui seront inévitablement une nouvelle fois accordés à La Grèce.  Pas particulièrement optimiste, Félix Zulauf de Zulauf Asset Management à Zug pense que la désintégration de l’Euro commencera au deuxième semestre et entrainera un véritable chaos sur les marchés financiers mondiaux. Cela nécessitera une nationalisation des banques. Ce qui l’inquiète particulièrement c’est l’encours de 800 Md$ de produits dérivés. Bien évidemment il privilégie  dans son allocation d’actif l’or physique. Si l’Euro éclate, cela se passera par les banques, estime André Lévy-Lang ancien Président de Paribas,  car le couplage états-banques est massif. Il n’y a aucune solution rapide aux problèmes européens. Pour sauver l’Euro sans sacrifier la croissance il faut à l’Europe une vision commune qui fait cruellement défaut.

Marchés actions : fort rebond de l’indice grec

 En Europe, le DJ 600 et l’Eurostoxx ont dégagé des performances très proches (0.9% et 1.1%). Le fait marquant de la semaine est le rebond de 13.7% de l’indice grec, Alpha Bank et EFG se sont respectivement envolées de 71% et 57% ! L’indice portugais est resté quasiment stable malgré le rebond des banques. L’Ibex espagnol a monté de 2.5% soutenu par l’annonce du plan de sauvetage des banques. Inditex a réalisé la meilleure performance 12% à la suite de la publication de ses résultats. En revanche le MIB italien  s’est légèrement replié. Quant au CAC français a gagné 1.4% tiré par Lafarge (7.6%), GDF et Carrefour. Les constructeurs automobiles ont été attaqués, tant français qu’allemands. Les marchés les plus défensifs tels que le Royaume Uni et la Suisse ont moins progressé. La dégradation des PMI (Purchasing Manager Index) pèse sur le discours des présidents de sociétés, au risque de provoquer des avertissements sur résultats comme SKF. Ceci se traduit par une détérioration du ratio de révisions (nombre de révisions en hausse – nombres de révisions en baisse rapportés au total des estimations).

La France rame à contre courant de la compétitivité mondiale. Les mesures économiques annoncées sont trop idéologiques et la fiscalité envisagée trop spoliatrice pour créer les conditions élémentaires d’un retour de la croissance. C’est la raison pour laquelle Christian Saint Etienne, économiste, a courageusement donné sa démission de membre du Conseil d’Analyse Economique, organisme placé auprès du Premier Ministre pour le conseiller,  car il était en opposition totale avec les options prises par le gouvernement de Jean Marc Ayrault. Disposant désormais de tous les pouvoirs, la question est maintenant de savoir si François Hollande pourrait devenir le Gerhard Schröder français, c’est à dire un homme politique de gauche qui ferait passer l’intérêt à long terme de son pays pour prendre des décisions courageuses allant à l’encontre  des préoccupations clientélistes de court terme.  Saurait t il faire évoluer le modèle social français pour qu’il devienne germano compatible. Cela supposerait au préalable de reconnnaitre que le modèle social actuel ne fonctionne plus, sinon aux dépens de ceux qu’il est censé protéger. A défaut d’inventer un libéralisme de gauche pour relancer la croissance,  il faudra bien expliquer au français la réalité.  La France est en faillite : la dette de l’état est à 1730 Md€, ce qui représente environ 50Md€ à payer en intérêts, tout en affichant un déficit budgétaire de 85Md€. Le secteur industriel français décline. Ces douze dernières années son poids est passé de 24% du PIB à 14% ! Le gouvernement n’a pas d’autre route raisonnable que de diminuer les dépenses publiques.

L’Espagne n’a pas encore traité son problème immobilier

Le sauvetage des banques espagnoles de 100 Md€ n’a pas été accompagné par des mesures d’accompagnement. Pour Andrew Lilico de Europe Economics, il s’agit d’un tournant très important, car on est passé de l’objectif de sauver l’Euro à celui d’organiser dans l’ordre son démantèlement.  Comme les prix de l’immobilier devraient encore baisser de 20% avant d’atteindre leur plancher, les banques espagnoles possèdent encore 175M€ de prêts considérés comme risqués par La Banque Centrale Espagnole.

L’Italie est confrontée à une forte baisse de sa production industrielle.

Depuis 2000, la production industrielle allemande est passée de l’indice 100 à 111 alors qu’en Italie elle est passée de 100 à 76. C’est la raison pour laquelle une « dévaluation » de 32% est déjà implicite dans les obligations italiennes. Tout comme en France, le fédéralisme ne résoudra pas les problèmes de l’Italie

L’Allemagne ne parle pas d’une voix, c’est la réalité. Il ne faudrait pas toutefois en conclure trop vite que les socialistes allemands du SPD et les verts ne voteront pas avec Angela Merkel l’instauration d’un mécanisme européen de solidarité financière, ce qui implique le soutien de la gauche allemande à un fédéralisme budgétaire accompagné du respect de la « Règle d’Or ». Les exportations allemandes se font encore majoritairement en Europe (+ 25% depuis 2009) alors qu’elles ont progressé de 42% hors zone Euro. En attendant, Nouriel Roubini, professeur d’économie à la New York University,  propose une idée originale : le gouvernement allemand devrait remettre à chaque allemand un bon d’achat de 1000€ plus un crédit d’impôt sur le prix de ses vacances, à dépenser pour ses vacances dans un pays du sud de l’Europe. Cela permettrait au moins de relancer le tourisme en Grèce et en Espagne.

En Grande Bretagne la Banque d’Angleterre a annoncé un plan de soutien de 100Md£ baptisé « Funding for lending ». Les banques britanniques devront absolument prêter l’argent qui leur est alloué aux entreprises et aux particuliers. Si l’on assistait à une désintégration de la zone Euro, l’indice FTSE pourrait baisser de 30% à 3500 pense Nick Nelson de UBS. Toutefois il n’y croit pas car le coût d’un démantèlement de l’Euro serait selon lui beaucoup trop élevé.

Aux Etats Unis, les chiffres économiques publiés ont été décevants

Sans être catastrophique, les chiffres publiés au cours de la semaine n’ont pas été de nature à rassurer. Les ventes au détail ont reculé, tout comme la production industrielle, alors que les inscriptions hebdomadaires se stabilisaient à un niveau cohérent avec des créations d’emplois inférieures à 100 000 par mois, soit la moitié de ce qui est nécessaire à la stabilisation du taux de chômage. L’indice des surprises économiques s’enfonce ainsi un peu plus en territoire négatif. Aux USA, l’abaissement de la croissance anticipée du PIB au deuxième semestre pèse sur les anticipations bénéficiaires qui sont revues en baisse de 10% à 6.5% pour le deuxième semestre en rythme annuel. La Fed n’a pas d’argent mais elle l’imprime, les marchés attendent  un QE 3.

Les politiques américains ont l’air de faire un concours de bêtise avec les politiques européens nous disent Ethan Harris et Laurence Boone de BOA Merrill Lynch. Il faudrait une vision claire sur la réduction des déficits et la croissance, or 70% des messages envoyés aux opinions publiques sont négatifs. Si Obama est réélu il y aura un fort courant vendeur de valeurs américaines pense Mario Gabelli Chairman  de Gamco à New York. Le S&P 500 est vulnérablecar les résultats des entreprises vont décevoir dit il.

 Marchés obligations : remontée du rendement des Bund allemands

 Les taux allemands ont évolué cette semaine dans le même sens que ceux des pays plus risqués. Une fois n’est pas coutume, le rendement de l’obligation allemande n’a pas joué son rôle de valeur refuge et a évolué dans le même sens que les rendements des pays de la périphérie européenne. Ainsi, le taux à 10 ans allemand a grimpé de 15 points de base à 1.38%après avoir touché un plus bas historique un peu plus tôt dans le mois. Les rendements des pays considérés comme faisant également partie des plus sûrs de la zone euro (Autriche, Belgique, Pays-Bas, France) ont eux aussi repris entre 5 et 15 points de base .

En Espagne, le taux à 10 ans espagnol s’est apprécié de 69 bps à 6.9% après avoir frôlé la barre des 7%au cours de la semaine en raison des nombreuses incertitudes entourant le plan d’aide au secteur bancaire et l’éventualité d’un plan d’aide à l’état.

Devises : l’Euro remonte

 L’euro s’est raffermi contre toute devise cette semaine. Il a gagné 1.2% contre le dollar US, 0.5% contre le Dollar canadien , 1.6% contre le Réal brésilien et la Roupie indonésienne et 1% contre le Peso mexicain et le Dollar Hong Kong. Les parités €/Franc suisse et €/Yen sont restées stables. En revanche, le zloty polonais (1%) et les monnaies nordiques (couronne suédoise 0.8%) se sont appréciés contre l’euro. La couronne danoise est restée stable mais le gouverneur de la banque centrale a mentionné les pressions haussières qui s’exerçaient sur la devise. Le taux de change pondéré de la couronne suédoise s’est dégradé.

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

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