Un marché obligataire, c’est un endroit ou un grand nombre d’acheteurs rencontrent un grand nombre de vendeurs et essayent de détermine ensemble le prix du produit que certains veulent vendre et d’autres acheter.
Ce qu’ils veulent acheter ou vendre, c’est la disposition d’une somme d’argent pour une durée déterminée, certains ayant trop d’argent, les préteurs, et les autres, les emprunteurs n’en ayant pas assez.
Le prix auquel ils s’arrêteront s’appelle le taux d’intérêts et ce prix sera payé par l’emprunteur au préteur pendant une durée fixe, a la fin de laquelle le principal sera repayé. Le taux d’intérêt n’est donc qu’un loyer, le loyer de l’argent ou d’un appartement étant la même chose.
Et ce loyer sert à compenser le préteur contre les incertitudes du futur.
S’il n’y avait pas de compensation pour ces incertitudes, qui sont réelles, alors le préteur mettrait son épargne dans son matelas ou achèterait de l’or, la vitesse de circulation de la monnaie tomberait à zéro et l’économie s’arrêterait instantanément.
Le futur est incertain et abandonner son argent pour une période donnée exige bien évidemment une rémunération positive.
C’est donc dire que mettre des taux d’intérêts négatifs pour le loyer de l’argent, comme l’a fait la BCE pendant des années, c’est dire explicitement que le futur est plus certain que le présent, ce qui est une ânerie philosophique sans précèdent historique, erreur que les économies européennes n’ont pas fini de payer.
Dans un marché libre, le taux d’intérêt nominal sera donc
- toujours positif et
- autorisé à varier avec le temps.
Et comme ce prix varie avec le temps, la valeur d’un stock d’épargne investie à un temps t va bouger avec la variation des taux d’intérêts, ce qui apparait mystérieux à beaucoup de gens.
Mais qui ne l’est pas, voici pourquoi. .
J’ai investi 100 dollars à 3 % par an, avec remboursement du principal dans 10 ans, je vais donc toucher 3 % par an et je serai remboursé 100 dans 10 ans si tout se passe comme prévu.
Mais si les taux sont passés de 3% à 4 % dans l’année qui suit mon achat alors mes 100 dollars ne valent plus que 80 dollars, en tout cas d’après le relevé que je reçois de ma banque…
Et c’est là où il faut comprendre que, si vous ne vendez rien, vous toucherez 10 fois 3 % et serez remboursé à 100 et c’est ce qui se passerait s’il n’y avait pas de marché entre préteurs et emprunteurs.
Mais il y a un marché et vous pouvez vendre ce contrat à quelqu’un d’autre.
Si les taux ont baissé, vous le vendrez plus cher et si les taux ont monté vous le vendrez moins cher.
Ce qui a baissé dans mon exemple c’est la valeur de marché du temps qui reste pour ce contrat , si vous vouliez le liquider, et il s’agit d’une valeur économique qui n’a rien à voir avec ce que vous allez toucher si vous ne bougez pas, qui est une valeur comptable.
Le préteur ne s’est pas engagé à vous racheter votre contrat à 100 à tout moment, mais à la fin, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Que le lecteur veuille bien considérer le graphique suivant.
Le graphique du haut, en rouge, montre le taux d’intérêt sur les obligations du trésor américain à 10 ans.
Le graphique du bas, en bleu, montre combien vous devez mettre de dollars à n’importe quel moment pour avoir 100 dollars 10 ans plus tard.
Le plus haut sur les taux a été atteint en septembre 1981 à 15.5 % par an. (ligne pointillée horizontale).
Pendant ce mois, vous pouviez acheter un contrat disponible sur le marché libre qui vous coutait $ 24 et qui vous garantissait que vous toucheriez 100 dollars 10 ans plus tard.
En d’autres termes, le trésor américain vous garantissait que vous alliez plus que quadrupler votre capital en 10 ans, ce qui était incroyablement attractif.
Le plus bas sur les taux a 10 ans a été atteint en septembre 2020, quarante ans plus tard à 0.68 % et il fallait investir $94 pour être certain d’avoir 100 dollars 10 ans plus tard, ce qui était sans aucun intérêt (sans jeu de mot)
Imaginons que vous ayez acheté le contrat à $ 24 en septembre 1981 avec des taux au-dessus de 15 %.
Cinq ans plus tard, vous avez touché cinq fois 15 %, il reste cinq ans à courir sur votre contrat qui est valorisé dans le marché bien au-dessus de 100. Vous avez donc déjà fait près de trois fois votre mise initiale en cinq ans et vous devez garder votre capital encore 5 ans pour passer de trois à quatre, soit un peu plus de 6 % par an
Rien ne vous interdit de vendre le contrat, de prendre l’argent et d’acheter un autre actif dont vous pensez qu’il montera de plus de 6 % par an.
Prenons le cas inverse : quarante ans plus tard vous avez mis $ 94 pour racheter une obligation qui sera remboursée à 100 dix ans plus tard.
Cette obligation a pris une grosse gamelle et aujourd’hui vaut autour de $ 65.
Donc, vous avez perdu 35 % en valeur économique.
Vous pouvez la garder puisque maintenant elle rapporte du 4. 40 % par an (ce que je ne ferai pas) et attendre que son cours revienne à 100 à l’expiration, et vous n’enregistrerai aucune perte comptable.
Mais vous pouvez aussi la vendre, prendre une perte comptable et acheter autre chose avec les $ 65 qui vous restent.
Il faut donc bien comprendre que la confusion que vous ressentez quand quelqu’un vous parle de la performance des obligations que vous avez dans votre portefeuille vient tout simplement du fait que dans ce marché il y a deux valeurs qui sont présentes à tout moment :
- La valeur comptable qui est certaine. Vous toucherez vos 3 % par an et vous serez remboursé de vos cent dollars à la date prescrite.
- La valeur économique de votre portefeuille obligataire qui varie chaque jour en fonction de l’évolution des taux sur le marché
Le fisc ne s’intéresse qu’a la valeur comptable.
Je ne m’intéresse qu’à la valeur économique pour pouvoir comparer cet actif avec tous les autres actifs à tout moment.
Et que me disent mes comparaisons ?
Que détenir des obligations dans la zone de l’OCDE est de la folie pure et simple et qu’il n’ y a aucune amélioration en vue tant nous sommes gouvernés par des fous furieux incompétents.
Le message ne change donc pas : rester en or, en actions et en monnaies asiatiques.
Auteur: Charles Gave
Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).
Benj
23 juin 2025Merci Charles, explication limpide 🙂
Patrice Pimoulle
22 juin 2025La France du bapteme de Clovis n’a rien a voir avec la Turquie. En revanche l’occident romano-germaique conserve des affinites avec l’orient romano-byzantin. Conclusion> le monde a venir sera un monde unipolaire russe. Il y a quelquechose qui vous deplait? Trop tard, il fallait y penser avant…
Alex
18 juin 2025Musk lâche l Amérique > https://youtu.be/d-9Q46d8GSc?si=vDbICFAyKaFLmZRe
Alain
17 juin 2025c’est clair comme de l’eau de source
Michel Georgel
16 juin 2025On ne prête qu’aux riches, et les préteurs son morts… Mais les coquilles valent bien ce respectueux clin d’œil, coquille qui n’enlèvent rien à l’intérêt du texte et de son sujet…
Didier Bronselaer
16 juin 2025Merci beaucoup, Monsieur Gave, pour ce rappel intelligent! Mais je peux acheter des obligations de sociétés comme Solvay, Air Liquide, normalement, ces contrats-là devraient tenir la route, non? Encore merci de mettre vos compétences à notre niveau!
Michel Forever
23 juin 2025Bonjour Didier,
Effectivement. Mais si la valeur de l’euro baisse avant le remboursement de votre obligation, la valeur de la monnaie dans laquelle vous serez remboursé diminuera. Donc oui Air Liquide va vous rembourser les euros que vous lui avez prêté (avec taux d’intérêt) mais ces euros vaudront beaucoup moins. En d’autres termes, vous serez bel et bien remboursé mais en « monnaie de singe ». Voilà pourquoi, en cas de dépréciation d’une monnaie, il vaut mieux détenir des actifs réels comme une action Air liquide plutôt qu’un contrat libellé dans la monnaie étant en train de s’effondrer.
Bonne journée
Patrice
16 juin 2025Servir un « internet negatf », cela revient a dire que l’on sort de la motion de pret pour entrer Dan’s celle du depot atitre onereux
Chateaubriand disait que l’Etat n’emprunte pas, mais « qu’il vend de la Rente », ce qui a deplu au roi.
Soufiane
16 juin 2025Merci pour cet eclairage.
En d’autres termes, les assureurs ont des loups dans leurs comptes car ils ont pris pour eux la perte lantente sur les fonds euros. Les clients n’ont pas connaissance de ces pertes car elles ne sont pas repercutees sur eux. Les assureurs esperent lisser cette perte dans le temps (notamment avec l’argent frais des nouveaux entrants). Autrement dit, rester en fond euro aujourd’hui, c’est avoir foi dans son assureur pour qu’il arrive a prendre sur lui la perte latente.
Patrice
16 juin 2025Un contrat d’assutance n’est pás un titre de credit.
Soufiane
16 juin 2025Effectivement, c’est donc encore pire. On a un contrat avec une societe qui elle-meme a un contrat (en notre compte) avec l’Etat.