Beaucoup annoncent « la fin de l’Occident ». C’est un marronnier intellectuel qui revient au moins depuis les années 1960 et les guerres de décolonisation. S’il est vrai que l’on assiste à une fin du monopole occidental et à un redéploiement de la puissance mondiale, l’Occident est toujours bien là.
Occident : idée et espace
La première difficulté réside dans la définition de ce qu’est l’Occident : une idée ou un espace ?
Une idée, c’est-à-dire des valeurs communes, une philosophie partagée, une même vision de l’homme et de la vie, tout ce que l’on regroupe sous le terme de « droit naturel ». C’est aussi une histoire commune et l’histoire est tout autant vécue que recréée et réinventée.
Mais l’Occident c’est aussi un espace, qui comprend l’Europe et l’Amérique du Nord. Et se pose alors la question de ses limites géographiques. Faut-il y inclure l’Amérique latine, longtemps nommée « extrême Occident » par les géographes. Faut-il y inclure la Russie ? Saint-Pétersbourg est bien une ville occidentale et Moscou recèle de très nombreux musées qui comprennent des œuvres d’Occident. Qu’est-ce qui donne à cet espace le droit d’être désigné comme « Occidental » ? Son histoire, son architecture, les personnes qui y habitent ? Si Le Caire n’est pas en Occident, certains quartiers du Caire, peuplés d’Occidentaux et organisés comme des villes occidentales, nous ramènent bien un bout d’Occident.
Hong Kong, n’est-ce pas l’Occident ? Et le bund de Shanghai, avec ses larges promenades et ses gratte-ciels, n’est-ce pas une ville occidentale ? L’Occident, ce n’est pas non plus la chrétienté, bien qu’être chrétien c’est adopter la vision du monde portée par les Occidentaux.
Il est toujours malaisé de définir les concepts et « Occident » plus que beaucoup est particulièrement ardu à délimiter.
Finalement, comme souvent, ce sont les ennemis qui définissent les concepts, c’est-à-dire ceux qui sont à l’extérieur et qui rejettent le dehors. Être occidental, aujourd’hui, c’est donc ne pas être eurasiste, islamiste, décolonialiste.
Déclin ?
De quel déclin parle-t-on ?
Économique ? La mondialisation est un trompe-l’œil. L’Afrique représente à peine 1,7% du commerce mondial et l’Amérique latine, 6%. Donc, 92% du commerce mondial est réparti entre trois pôles : Asie, Europe, Amérique du Nord. Donc, ce commerce tourne toujours autour de l’Occident.
Militaire ? Oui, la Chine s’arme et dispose d’une flotte de plus en plus nombreuse. Mais impossible de mesurer la valeur réelle d’une armée tant que celle-ci n’a pas eu à combattre. Entre la victoire sur le papier et la victoire sur le terrain, il y a un monde. La Russie, qui était censée avoir l’une des plus fortes armées du monde, se casse les dents sur l’Ukraine depuis trois ans. En 2024, elle a conquis l’équivalent du département de la Corse du sud. Pas vraiment une superpuissance. Oui, les États-Unis ont quitté l’Afghanistan, et avant cela l’Irak et le Vietnam. Et alors ? Rien ne s’est passé. Leur puissance ne repose pas sur leurs conquêtes militaires, mais sur leurs conquêtes technologiques. Et ici, ils sont toujours en tête.
Technologique ? Ce sont bien les États-Unis qui mènent la danse. La Chine copie et améliore, mais, pour l’instant, elle n’invente pas.
Culturel ? Les islamistes portent des baskets et rêvent des modes de vie occidentaux, comme les malheureux qui traversent l’Afrique et la Méditerranée, souvent au péril de leur vie. Le jour où les Européens fuiront l’Europe pour chercher une vie meilleure en Afrique, on pourra parler d’un déclin de l’Occident. Pour l’instant, ce n’est pas encore le cas.
Colonisation et puissance
La fin de la colonisation a été perçue par certains comme le signe du déclin de l’Occident. Or les pays occidentaux à avoir colonisé sont minoritaires. D’autre part, comme l’ont démontré notamment les recherches de Jacques Marseille, la colonisation a plus été un fardeau pour la France qu’un levier de puissance. Entre la Corrèze et le Zambèze, il fallait bien choisir la Corrèze. Loin de participer à sa puissance, la colonisation a flatté l’ego des Occidentaux, mais l’a affaibli. D’où la volonté d’un de Gaulle de quitter au plus tôt l’Algérie, chose dont il est convaincu dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Si les Occidentaux ont perdu les guerres coloniales, c’est qu’ils n’ont pas mis une motivation très forte à leur victoire. L’opinion ne suivait pas, l’intérêt stratégique non plus.
La vraie nouveauté n’est donc pas tant la fin de l’Occident que l’apparition de concurrents sérieux, dont la Chine et le Japon figurent au premier plan. C’est probablement cela le fait le plus important.
Longtemps, l’Occident fut en situation de monopole. À partir des années 1970, ce monopole se brise et s’efface. Puis la situation de concurrence devient évidente dans les années 2000, avec la montée en puissance de la Chine. Le Japon d’une part, la Chine de l’autre, sont capables de faire jeu égal et donc d’offrir une concurrence qui était inexistante dans les siècles antérieurs. Mais cette montée en puissance s’est effectuée en copiant le modèle technologique occidental et en cherchant à dominer dans les secteurs où l’Occident était dominant. La Chine ne propose pas un autre système ou une autre vision, elle essaye de faire jeu égal en suivant le modèle occidental.
Fin de l’universalisme
Ce qui est manifeste, depuis une vingtaine d’années, ce n’est pas tant le déclin de l’Occident que le déclin de l’universalisme porté par l’Occident. L’universalisme repose sur la négation des cultures, l’idée que les autres seraient un miroir de nous-mêmes, qu’ils copieraient ce que nous sommes et notre façon d’être. La colonisation fut fondée et justifiée par l’idée d’universalisme. Or c’est bien cette idée-là qui est aujourd’hui brisée. Une idée que j’estime pour ma part contraire à l’essence de l’Occident ou plutôt, un Occident renversé et retourné. Mettre un terme à l’universalisme, c’est pouvoir revenir à l’authenticité de l’Occident, à sa spécificité et à sa raison d’être. Et ainsi assurer le déploiement de son identité.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Patrice Pimoulle
20 mars 2025En Asie, ou je vis une paisible retraite, il n;y a pas d »islamistes. Toures les filles sont en jean et en T-shirt. Paa de voile pas de probleme. L’hopital fonctionnr ben. C’est l’unuversalisme de la civilisation occidentale.
Paul
19 mars 2025Les islamistes (en baskets ) revant du mode de vie occidental ?? Alors ils ne sont pas islamistes ….tous les musulmans ne sont pas islamistes .
Amike
19 mars 2025« tous les musulmans ne sont pas islamistes »
C’est comme dire que tous les chrétiens ne sont pas croyants.
Un chrétien non croyant, c’est quoi ? L’équivalent du « catholique zombi » de Todd ?
Je ne crois pas que les pays musulmans aient eu la même évolution que l’occident.
Paul
20 mars 2025Un islamiste aspire a dominer l’ensemble des autres croyances y compris les athées ( kafir ) ; un musulman qui n’est pas islamiste aspire a suivre son culte , sans empiéter sur la vie d’autrui . La distinction existe , en Asie Centrale , les musulmans ne sont pas islamistes ( Kazakstan Ouzbekistan Turmenistan Azerbaidjan ) . Donc la definition de l’auteur fait une confusion entre musulman et islamiste. L’islamiste déteste le mode de vie occidental .
syko
17 mars 2025« La Russie, qui était censée avoir l’une des plus fortes armées du monde, se casse les dents sur l’Ukraine depuis trois ans. » Ne serait-ce pas plutôt parce que la zone occupée en Ukraine est majoritairement peuplée d’ukrainiens russophones? Ce qui expliquerait une retenue de la part des Russes?
David.V
17 mars 2025C’est plutôt la fin des Français… Un peuple qui se laisse envahir par une population antagoniste, repoussée maintes et maintes fois par nos ancêtres, est un peuple mort.