La Cause première de l’endettement de la France.
Les intellectuels en France n’aiment pas le Libéralisme parce que, dans un régime libéral, ils seraient payés à leur vraie valeur.
Raymond Boudon
J’ai été interviewé récemment par une chaine financière et celui qui me posait les questions m’a demandé quelle était la cause de la situation financière désespérée de notre Etat, ce qui était une très bonne question.
Je dois avouer que j’ai été surpris et que j’ai botté en touche, fournissant une explication technique et ne répondant donc pas à la question.
Réflexion faite, je me suis dit que je devais y répondre et voici ce que j’ai à dire.
Les « intellectuels » français pensent dans leur majorité que le profit est le résultat de l’exploitation du travailleur par le capitaliste et je peux ici citer deux phrases, au hasard, pour justifier cette remarque. L’une, d’Honoré de Balzac : à l’origine de toute grande fortune, il y a un grand crime et l’autre de Proudhon : la propriété c’est le vol. On ne peut pas imaginer deux phrases plus stupides.
Et donc, dès qu’une crise économique se produit (et il y en a toujours), le réflexe Pavlovien de ceux qui nous gouvernent est de faire baisser les profits des sociétés (voir par exemple les 35 heures) puisque leurs théories (marxistes) expliquent que la crise est créée par la surexploitation des travailleurs par les capitalistes. Et donc chaque nouvelle crise est l’occasion de faire baisser la rentabilité, toujours excessive des entreprises (voir par exemple le débat surréaliste en ce moment sur les superprofits), pour offrir plus de justice.
La marge brute d’autofinancement (MBA) est ce qui reste aux entreprises une fois qu’elles ont tout payé, et je présente cette marge en pourcentage du PIB.
Et l’on voit que la MBA française ne cesse de baisser depuis 1972, alors que la MBA suédoise ne cesse de monter. Ce qui revient à dire que la part des profits dans le PIB n’a cessé de monter en Suède alors qu’elle a baissé continuellement en France.
Et la Suède va bien et la France va très mal (voir mes papiers sur le sujet)
La thèse que je vais développer et donc la suivante : les politiques économiques suivies en France depuis 1972 ont un but, caché, et un seul : faire baisser la part des profits dans l’économie française.
Prenons l’évolution historique de la MBA française depuis 1972 et superposons-y les « crises ».
Chaque crise se traduit par une baisse de la MBA qui du coup passe de 28 % du PIB en 1972 à 20. 4 % aujourd’hui. Rien de semblable ne se produit en Suède.
A chaque crise (créée par des profits trop élevés d’après la mythologie dominante) le reflexe est le même : Taxer les profits, ce qui fait qu’aujourd’hui les profits sont à un plus bas historique, inférieur à 21 % du PIB …
Et je fais remarquer en passant, qu’en dessous de 21%, nous avons toujours eu des crises financières majeures (1983, 2008-2009,2020) et que, comme nous sommes en train de rentrer en récession, la MBA va s’écrouler dans les mois qui viennent et certainement passer en dessous de 20 %. Et quand les profits passent en dessous de 21 %, il semble bien que l’économie s’arrête faute de combattants. La zone critique va donc être enfoncée et une crise majeure se produire dans les 12 mois qui viennent, c’est quasiment certain.
Qu’est que cela veut dire en pratique ? Tout simplement que l’Etat français, à chaque crise, crée des programmes étatiques financés en taxant les profits, toujours excessifs, et ainsi pouvoir redistribuer l’argent indument gagné par les entreprises aux travailleurs nécessiteux. Mais d’abord, l faut que l’Etat ait plus d’argent a redistribuer. Et du coup, le poids de l’Etat ne cesse de monter dans le PIB.
C’est ce que montre mon troisième graphique.
Plus le poids de l’Etat monte (ligne rouge qui baisse), plus la MBA baisse, (ligne bleue qui baisse).
Il y a un léger ennui cependant : tous ces programmes de redistribution ne sont pas financés que par l’impôt, qui grimpe prodigieusement, mais aussi par des emprunts.
Si une société est en cash-flow négatif, elle disparait et du coup ne paye plus d’impôts et le déficit budgétaire du coup s’accroit. Il faut donc emprunter pour relancer la consommation populaire, comme le réclamait ce bon Georges Marchais, qui aimait tellement travailler qu’il était parti en Allemagne en 1942 volontairement pour s’adonner à sa passion.
Si l’Etat est en cash-flow négatif, il emprunte. Voila une observation que personne ne contestera, surtout pas Milton Friedman qui disait : « Rien n’est plus durable qu’un programme étatique temporaire. »
Et donc la dette explose et c’est ce que montre mon dernier graphique.
Et l’on voit donc que depuis 1972 au moins toute la politique économique française avait deux objectifs qui n’ont jamais varié, quel que soit le gouvernement :
- Faire baisser la rentabilité des entreprises françaises puisque tout profit est immoral et le résultat d’une exploitation injuste.
- Faire monter le poids de l’Etat dans l’économie, toute augmentation de ce poids étant la preuve que la justice sociale avançait.
Et cette politique n’a jamais changé, sauf durant 24 mois, pendant l’épisode libéral qui dura de 1985 à 1987.
Hélas, nous arrivons à la fin de nos capacités d’endettement…
Conclusion
La cause première de notre effondrement est que ceux qui nous gouvernent ont un schéma mental de la façon dont l’économie fonctionne qui est tout simplement faux et qui était celui de la défunte Union Soviétique.
L’effondrement de l’EU (RSS) et de la sociale- démocratie sont donc tout aussi certains que celui du communisme en 1989.
La France n’a pas besoin de réformes, elle a besoin de changer d’élites, comme la Grande- Bretagne le fit avec madame Thatcher.
Nous avons besoin d’une révolution culturelle.
Et comme la Liberté l’emporte toujours sur la contrainte, en attendant cet heureux jour, vendez dans vos portefeuilles tout ce qui dépend du capitalisme de connivence et achetez tout ce qui a prospéré en restant libre. Certes, beaucoup de ces opportunités ne se trouvent pas en France. Mais il en reste quelques-unes.
Auteur: Charles Gave
Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).
Schiehl
28 novembre 2024Hors sujet mais quelqu’un peut il me répondre ? : quand Charles Gave dit de se débarasser des obligations dans les contrats d’assurance vie, veut il dire toutes les obligations d’entreprises ou seulement les obligations d’état ? Merci de votre aide.
idlibertes
1 décembre 2024‘etat
Bernard
26 novembre 2024Les impôts de l’escrologie ne serviront pas à payer les dettes ni à sauver Gaïa, mais à maintenir le niveau de vie des ci-devants.
Henry
30 novembre 2024Si les verts aviant voulu sauver la planète, ils auraient développé une industrie propre en occident. On était et on est toujours je crois, les plus capables d’être l’usine du monde en polluant le moins possible.
On a commencé par nous vendre de « sauver la planète » en … polluant plus ailleurs. Pour ce faire, on a décrété en 97 à KYOTO qu’on allait sauver la planète, en 99 on commençait à réfléchir comment en 2005 on a essayé de sauver la planète en polluant plus ailleurs. Avant, si vous fermiez une usine, vous aviez des coûts énormes. Désormais si vous arrêtiez une cimenterie en Europe pour aller l’ouvrir en Turquie (y a pas que la Chine), la Commission vous donnait des millions de quotas que vous pouviez vendre et vous enrichir. Bref, on vous payait pour délocaliser et polluer … beaucoup plus mais ailleurs. Le CO2 étant un polluant global, il est impossible de trouver un mécanisme plus idiot que ETS.
Alors on nous a dit : oui mais il y a les tonnes de C02 par personne, assez vite la Chine nous a dépassé
Alors on nous a dit oui mais l’histoire : la Chine nous a dépassé
Alors on nous dit : oui mais c’est parce qu’ils produisent ce que nous consommons.
Que les micro et plumes à gage se rassurent nous serons bientôt tellement pauvres que nous ne pourrons plus rien acheter à ceux qui ont gardé une industrie ou l’ont développée pour nous remplacer.
La bien-pensance est un cancer moral et financier qui va tuer l’occident.
RICARDO STECCA
26 novembre 2024Je regarde souvent Charles GAVE que je lis aussi et l’analyse qui est décrite est le résultat du tissus intellectuel constitué par nos élites, nous sommes simplement des « contribuables » présents pour payer la note, non des citoyens et nos avis même dans les urnes importent peu dans cette « démocratie ». De temps a autre sont agités des leurres qui détournent l’attention du plus grand nombre. Un éternel recommencement qui fatigue et donne envie de quitter le pays.
Beauchamp
26 novembre 2024J’ai imprimé et relié le travail de Charles , et je fait connaître celui ci parmis mes proches et amis.
Munoz
25 novembre 2024Margareth Thatcher ?
Et on se retourne vers « l’Etat’ quand on a pas pu sortir suffisamment de profit ( chemins de Fer en renationalisation, entre autres trop d’état tue l’état pas assez aussi
Beauchamp
25 novembre 2024La vision de Charles Gave , est encore dans ce travail d’une très grande justesse.
Raby
25 novembre 2024Monsieur Gave, je parfois d’accord avec vos analyse, des fois non. En effet, dans le MBA, on ne prend pas en compte les dividendes ! Or, si nous regardons notre voisin allemand, on constate que les dividens des entreprises y sont bien moindre avec une industrie et une population nettement plus grande. Et si les entreprises françaises n’avaient pour but que de gaver leurs actionnaires et de compter sur l’état pour réaliser ses investissements. On serait bien dans une logique des sociaux-démocrates. Par ailleurs, jen esais pas à quel point les suède délocalise, facteur dont nous sommes friands en France. Tiens, une entreprise fait de beau bénéfice mais ferme des entité pour délocaliser, ce qui augmentera les dividendes ( tiens! On les retrouvent ici). Et pour finir, il est aussi intéressant de noter un autre fléau de la consommation des ménage : le prix de l’immobilier. La France a le rapport salaire/loyer le plus élevé au monde. On ne peut s’empêcher de penser que le bâti fonctionne comme,…des dividendes. Pour toutes ces raison, je ne partage mas votre analyse avec un indicateur (MBA) qui n’est pas vraiment contextualisé.
Karizoc
27 novembre 2024Je fais remarquer que les entreprises qui distribuent le plus de dividendes en France, sont les entreprises dont l’État est actionnaire. C’est en effet l’État qui est le plus gros demandeur de dividendes en France. C’est l’État, un très mauvais actionnaire, qui demande les dividendes pour utiliser cet argent à sa guise plutôt que de laisser ces bénéfices dans l’entreprise (et qui pourrait lui assurer un meilleur développement).
Nox
27 novembre 2024La principale cause des délocalisations est le coût très élevé du travail en France, et je vous mets au défi de me contredire sur ce point. Du fait de la mondialisation et de la concurrence des pays à faible coût de main d’œuvre, la délocalisation est souvent une question de survie pour les entreprises. Et même si elles font encore des bénéfices, c’est AVANT de commencer à perdre de l’argent qu’il faut délocaliser…
Suzanne et Obelix
25 novembre 2024Félicitons monsieur Gave pour son talent pédagogique et sa lucidité dans la science ( ou l’art) économique. Si les salariés sont mal payés c’est que les charges patronales sont excessives. Le malheur de la France c’est qu’elle a été dirigée par des socialistes de droite et des socialistes de gauche. Je me permets une petite remarque, je crois que Balzac avec « ses grands crimes » faisait allusion aux spoliations de la révolution française, notamment la nationalisation des nies du clergé.
Marion
25 novembre 2024La France est un pays collectiviste. J’essaye d’en comprendre les facteurs. Une révolution libérale confisquée par des esprits haineux au dix-huitième siècle. La déchristianisation du pays, non pas que les catholiques français aient compris l’économie de marché, mais elle a entraîné la dévalorisation de vertus qui font la grandeur de l’homme d’affaires libéral, l’humilité, le sens de la responsabilité, le refus de la jalousie. Aussi, cette arrogance intellectuelle très française, qui rend supérieur un imbécile pérorant confusément sur des idées abstraites, au plus brillant ingénieur- entrepreneur. Et tant d’autres facteurs.
Lejeune
25 novembre 2024Bravo Mr Gave pour cette excellente analyse. L’un des problèmes du monde c’est en 1845 on était 1milliard 800 millions sur Terre; En 1945 2.05 milliards et aujourd’hui 8.5 milliards. On est au presque maxi de ce que la planète peut contenir d’humains. Donc croissance infinie c’est terminé. Il faut donc un état qui ponctionne moins et maigrisse, des riches oui mais pas d’ultras riches (A quoi sert autant d’argent pour Bernard Arnault par exemple), une vraie liberté d’entreprendre et contenir une mondialisation qui est tout sauf heureuse. La vie est faite d’équilibre, tout excès se corrige et se paie cher. Et surtout que le travail du salarié comme de l’entrepreneur PAYE pour qu’enfin les gens retrouvent le gout du travail.
Blondin
25 novembre 2024C’est merveilleux, vous avez repris la plupart des clichés ineptes qu’on peut lire dans l’Immonde ou L’aberration !!!
Pour votre gouverne et si ça peut vous rassurer, la population de la planète est en train de baisser. La question qui va se poser est celle d’un monde où les « vieux » seront majoritaires (relativement au moins).
fred
25 novembre 2024>On est au presque maxi de ce que la planète peut contenir d’humains.
La fameuse notion de « l’espace vital » (auf deutsch : « die Lebenraum » – mot à mot « la pièce de vie ») Cela ne vous rappelle rien ?
Question : avez-vous seulement été en Alberta ; dans les plaines argentines ou du coté d’Irkoutsk pour colporter de telles inepties ?
Inquiétant de lire ce change de propos dangereux. Décidément ils n’ont rien retenu de l’Histoire…
lty78
25 novembre 2024En lisant votre commentaire, j’ai la vague l’impression que vous le faites sciemment exprès. Était-ce pour exciter les habitués de l’IDL? Ou bien vouliez-vous faire semblant de sortir une réflexion goubligoublaesque d’un militant EELV?
Landrieux
25 novembre 2024La comparaison avec la Suède ou avec la grande Bretagne de Thatcher me paraît très légère quand on voit où en sont arrivés ces deux pays que ce soit sur le plan économique et sur le plan politique. Là où je rejoins le raisonnement c’est sur le plan de nos « hauts fonctionnaires »,biberonnes à l’entre-soi, sur payés, comme nos élites politiques. L’exemple doit venir d’en haut, et là encore, nous attendons vainement.
pascal.pat49420@gmail.com
25 novembre 2024Intéressant mais comptez vous les dividendes dans vos graphiques.
Font il partie le la création de richesse ou dont ils considérer comme charges ?
Il faudrait effectivement chercher à rassembler plutôt que diviser.
Ne devenons pas trumpiste
Cordialement
patrick ricaud
25 novembre 2024et la loi du trois janvier 1973 on en parle pas article 123 du tfue
idlibertes
25 novembre 2024Oh pffff le boulet
Chessebeuf
25 novembre 2024Article très intéressant. Pourquoi toutefois se comparer à la Suède ? Pourquoi pas l’Allemagne ? Ou même la suisse !
Jacquemin Quentin
26 novembre 2024Parce qu’ils n’ont pas l’euro! Mais la comparaison avec la Suisse a déjà été faite il y a quelques mois il me semble
Louis Jean SYLVOS
25 novembre 2024Merci belle démonstration.
Je reviens sur un clip passé sur la santé des PME Italiennes, vous avez omis de préciser qu’elles ne sont pas sujettes à l’impot lors de leurs transmissions, et ça change tout.
scardanelli
25 novembre 2024La baisse du taux de profit n’est pas intrinsèque au capitalisme, elle est la conséquence d’interventions étatiques, elles-mêmes conséquences de superstitions marxistes.
Billard
25 novembre 2024Cher Monsieur
Votre analyse est passionnante.
Quels seraient selon vous les opportunités dont vous parlez, qu’elles soient en France ou à l’étranger ? Merci
Alain B.
25 novembre 2024Bravo, merci pour cette brillante démonstration !
Jérôme L
25 novembre 2024C’est quand même marrant de parler de MBA quand les grands groupes font du rachats d’action ou distribuent plus de dividende. La MBA n’est donc pas un outil d’invetsissement mais de rémunération ou bien son imputation est le fait de décisions du CA de l’entreprise.
Pétulante
25 novembre 2024Nos Z’élites sont des metteurs en œuvre du supplice de Tantale, des promesses, des promesses et au final, la ruine.
Charles Heyd
25 novembre 2024Toujours ces graphiques lumineux! Il n’y en qu’un autre (d’économiste) qui utilise aussi pas mal de graphiques mais sur les blogs on a coutume de le railler car il n’aurait rien compris à l’économie; son nom m’échappe; mais vos graphiques je n’en ai pas encore vu beaucoup, pour ne pas dire personne, qui les raillent car cela, comme une certaine procureure, leur ferait sans doute mal quelque part!
Alain Saliez
25 novembre 2024Excellent !!!!! Merci Monsieur Gave
breizh
24 novembre 2024La parenthèse libéral 85-87 est en fait la première cohabitation (86-88), l’époque des privatisations, d’un Jacques Chirac premier ministre qui disait « plus libéral que moi tu meurs », de la suppression de l’autorisation administrative de licenciement (mise en place par le même JC 10 ans auparavant d’ailleurs)…
Cela hélas n’a pas duré…
breizh
24 novembre 2024la suppression également de l’IGF…
Patrice Pimoulle
25 novembre 2024Ca ne pouvait pas durer, parce que Chirac avait une sale g…