Deux modèles utilisés par Charles Gave donnent des signes négatifs
Le premier est celui de la croissance américaine et de la vélocité de la monnaie qui évoluent maintenant dans des directions différentes. Jusqu’au début de cette année, l’indicateur de vélocité précédait d’environ six mois l’indicateur de croissance. Cela n’est plus le cas, car cela résulte du conflit entre la politique fiscale non orthodoxe de la Maison Blanche et le retour à une politique monétaire orthodoxe de la Federal Reserve. Le résultat probable de cette situation est que des marchés vont être déstabilisés. Certains événements seraient soit favorables aux actions soit aux obligations.
Parmi les événements qui pourraient être favorables aux actions, il y aurait : 1/ une poursuite de la baisse du pétrole 2/ l’arrivée d’une « grosse baleine » qui sont des événements très déstabilisants comme ce que pourrait être la faillite de General Electric.
3/ un retournement de la politique de la Réserve Fédérale due à la fameuse baleine ou un niveau d’inflation qui deviendrait négatif.
Parmi les événements qui seraient favorables aux obligations du gouvernement américain mais défavorable aux obligations émises par les entreprises et aux actions on pourrait avoir :
1/ une hausse du dollar se produisant en même temps qu’une remontée du pétrole 2/ une récession se produisant en dehors des Etats Unis et particulièrement en Europe 3/ une sortie de l’Italie de l’Euro 4/ un renforcement encore plus strict de mesures protectionnistes contre la Chine et l’Allemagne. 5/ une dévaluation très nette du Reminbi par rapport aux autres devises surtout asiatiques.
Le deuxième modèle est celui de Wicksell. C’est un outil qui fournit un signal dès que les taux de marché se remettent à monter et deviennent supérieurs au taux de croissance de l’économie. Dans ces périodes il est nécessaire d’enlever du risque dans les portefeuilles. Le signal s’est mis au rouge en mai dernier sur les actions américaines, un peu tôt, mais c’est ce que l’on demande aux indicateurs avancés
La détente entre les Etats Unis et la Chine est peu probable
Il y a des raisons de croire à la détente entre les Etats Unis et la Chine. Conformément à son habitude Donald Trump commence en général par de l’escalade verbale avant d’entrer dans une négociation. Elle est nécessaire du côté américain, car toute augmentation des tarifs douaniers se répercutera au niveau du consommateur et fera augmenter le rythme d’inflation. Quant à Xi Jinping, il ne peut abandonner la partie sans avoir obtenu des contreparties dans le cadre d’une négociation.
La détente peut se produire mais être très vite remise en question. Il ne faut pas oublier du côté américain, la politique américaine est moins déterminée par Donald Trump que par un groupe d’hommes partisans d’un repli de l’Amérique sur ses valeurs pour sauvegarder sa position dans le monde. Jusqu’à maintenant ce sont eux qui ont remporté toutes les batailles. Du côté chinois, les marges de manœuvres de Xi Ping pour éviter un ralentissement de la croissance chinoise se sont réduites. Les prochains ajustements qui seront nécessaires se produiront plus par une baisse du Renminbi que par des mesures de relance classiques. C’est un scénario qui ne serait pas favorable aux pays émergents.
La baisse du pétrole parait durable
Les gouvernements des pays exportateurs de pétrole vont devoir se serrer la ceinture. Les marchés ne croient pas à ce que l’Arabie Saoudite et la Russie réduisent leur production. Les grandes sociétés pétrolières pompent plus de pétrole qu’elles n’en découvrent. Cela explique la sous performance relative de plus de dix points des sociétés du secteur sur les douze derniers mois.
La surperformance des actions américaines semble terminée
La sur performance des actions américaines s’expliquait pour l’essentiel par la forte croissance des résultats. Ce n’est plus le cas puisque l’on constate que quand les résultats annoncés sont supérieurs aux prévisions des analystes le marché n’en tient pas compte. Le marché obligataire US semble se préparer à une correction. Le marché du crédit est plutôt convenablement valorisé, surtout si l’on assiste à un défaut sur la dette de General Electric. D’ailleurs les banques américaines sous performent le marché en ce moment ce qui n’est jamais un bon signe. Par ailleurs, il n’y a aucune raison pour que les marchés non américains prennent le relais.
En Europe après la Grande Bretagne, l’Italie et L’Allemagne c’est la France qui inquiète
La Grande Bretagne a obtenu une proposition de compromis pour effectuer un « Brexit » avec l’Union Européenne. Si le document a été accepté par Theresa May, sept ministres de son gouvernement ont démissionné et il n’est pas encore ratifié par le parlement. Il propose de maintenir le Royaume Uni à titre provisoire dans une union douanière avec l’Union Européenne jusqu’en 2020. L’arme dont dispose maintenant la Premier Ministre anglais est celui de l’organisation d’un second référendum. On peut s’attendre néanmoins à une ratification qui ferait entrer la Grande Bretagne dans une longue période de transition à la norvégienne.
En Italie ce sont les marchés qui obligeront le gouvernement à rester dans les clous. Le pays est dans une phase difficile car le rendement des obligations à 10 ans du gouvernement italien est passé de 1,71% en avril dernier à 3,44% en ce moment. Comme les banques italiennes ont des positions très importantes en obligations d’Etat qui s’ajoutent à leurs positions en crédits douteux. On a le droit d’être particulièrement inquiet
En Allemagne, Il y a trois candidats pour succéder à Angela Merkel. La position de Berlin sur l’Europe est toujours partagée entre apporter un soutien à Emmanuel Macron ou partager les idées des pays du nord de l’Europe qui sont beaucoup moins intégrationnistes. Trois candidats sont en piste : Annegret Kramp Karrenbauer surnommée AKK, est la candidate d’Angela Merkel. Jens Spahn est l’actuel ministre de la santé. Appartenant à l’aile droite de la CDU il est très critique à l’égard de la chancelière. Friedrich Merz, écarté en 2000 serait le candidat pro-business défendant un programme libéral
En France le mouvement des « Gilets Jaune » n’a pas surpris tous ceux qui ont lu les livres de Christophe Guilly notamment « La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires » , « Le crépuscule de la France d’en haut ». En revanche, il a fait apparaitre clairement que la hausse de la fiscalité verte ne finançait pas en majorité la transition énergétique, mais qu’elle faisait partie de l’arsenal des mesures destinées à financer les dépenses publiques. Il a montré ensuite combien Emmanuel Macron s’était isolé des français. On a le droit de se poser la question de savoir s’il n’est pas maintenant trop tard pour réduire les dépenses publiques en réformant l’Etat.
Turquie et Russie sont confrontées au ralentissement
En Turquie, le niveau de la production industrielle est inférieur à celui de l’année précédente. La balance des paiements courants est devenue excédentaire car les importations diminuent en raison de la baisse intervenue sur la Livre turque. Comme elle parait stabilisée on peut s’attendre à une modération de l’inflation. Le marché obligataire ne se dégrade plus avec tout de même un rendement de 17,23% sur les obligations à 3 ans émises par le gouvernement. En Russie, la confiance des consommateurs se dégrade compte tenu de l’annonce par le gouvernement d’une prochaine augmentation de la TVA. La balance du commerce extérieur a produit des résultats supérieurs à ce qui était attendu. Le Rouble a cédé du terrain en ligne avec la baisse du prix du pétrole, mais la Russie continue à diminuer sa dépendance face au dollar américain.
L’Asie continue sur sa lancée
La Chine l’activité a continué de ralentir en octobre, ce que tout le monde avait anticipé. En revanche le ralentissement de la croissance du crédit a constitué une surprise. Les autorités chinoises incitent les banques à prêter plus au secteur privé mais il n’est pas sûr que cela suffise à inverser la tendance. Les investisseurs étrangers continuent d’augmenter leurs positions en Renminbi aussi bien dans la classe des actions que dans celle des obligations. L’encours d’obligations en renminbi détenu par des institutions étrangères à la « China Central Depository & Clearing » et à la Shangai Clearing House ont progressé de 47% depuis le début de l’année à 1689 Md de dollar.
En Inde la croissance industrielle reste robuste (4,5%), le rythme d’inflation est maitrisé grâce à une baisse des prix de l’alimentation et du pétrole. Cela a permis à la Roupie indienne de remonter un peu. L’Indonésie a remonté ses taux de base malgré un rythme d’inflation qui reste maitrisé. La Roupie indonésienne a aussi repris un peu de hauteur dans le sillage des devises asiatiques.
Les économies du Mexique et du Brésil divergent
Le Mexique a un nouveau gouvernement de gauche qui se propose de prendre très vite des mesures contre les banques et ensuite de s’attaquer au secteur privé. Cela a fait baisser le marché actions et poussé le rendement des obligations à 10 ans émises par le gouvernement mexicain à 9,02% . Le Peso mexicain est également sous pression à 20,38 contre dollar.
Au Brésil, la production industrielle est nettement orientée à la baisse, les ventes de détail sont moins bonnes que ce qui était attendu, les exportations baissent. En revanche il n’y a pas de signe de reprise visible de l’inflation et les ventes d’automobiles remontent. En ce qui concerne les actions, les investisseurs préfèrent les gouvernements de droite (Jair Bolsonaro nouveau président du Brésil) aux gouvernements de gauche (Andrés Manuel López Obrador)
L’Argentine est maintenant clairement en récession avec un Peso qui a un peu remonté par rapport à son récent plus bas
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Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.
PHILIPPE LE BEL
11 décembre 2018Bonjour,
Voilà une analyse précise et concise. Top.