28 avril, 2025

De l’inévitable réévaluation des monnaies asiatiques.

Dans le secteur des biens, (moins dans celui des services), le commerce mondial en ce moment est complètement déséquilibré par la sur-compétitivité des pays en Asie.
Commençons par la Chine, dont voici l’évolution de la balance commerciale depuis vingt ans.
La Chine est rentrée dans l’organisation mondiale du commerce en 2003.
Vingt ans après, l’excèdent commercial de la Chine par rapport au reste du monde excède 1000 milliards de dollars US sur les 12 derniers mois, ce qui est sans précédent dans l’histoire.
Passons aux pays qui sont dans ce que j’appelle la zone monétaire du renminbi. Voici les chiffres pour leurs comptes courants annuels. Nous rétrouvons un excédent d’environ 300 milliards de dollars en faveur de ces pays d’Asie, ce qui est gigantesque
La « zone monétaire chinoise » a donc un excédent de près de 1400 milliards par envers le reste du monde, ce qui est tout simplement insensé.
Essais de comprendre ce que cela veut dire en pratique : La zone chinoise vend 1400 milliards de dollars de biens de plus chaque année qu’elle n’en achète au reste du monde (soit à peu près la moitié du PIB de notre pays).
Dans un monde normal où tous les pays seraient autour de l’équilibre du commerce extérieur, ils nous vendraient des voitures et viendraient passer leurs vacances en France et tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
C’est loin, très loin d’être le cas, et 1400 milliards d’excédents, c’est donc tout simplement incompréhensible.
Comme nous n’avons pas assez de produits à leur vendre à des prix qui les intéresseraient vraiment, il faut que nous leur vendions non pas des produits mais des actifs réels (…la Tour Eiffel… le palais de Versailles… votre appartement à Paris… l’or de la banque de France…) ou encore des actifs financiers tels des reconnaissances de dettes ou les actions d’Air Liquide.
Cela veut dire tout simplement que nous ne sommes pas compétitifs sur le plan commercial mais que nous continuerons à consommer toujours autant, en vendant les bijoux de la couronne si nécessaire.
Ce qui durera aussi longtemps que nous aurons des actifs à vendre qui intéresseront les producteurs à l’extérieur.
Hélas, il arrive toujours qu’à un moment ou à un autre, nous allons nous retrouver ne disposant plus d’actifs qui intéressent les producteurs étrangers et quand cela se produit, le taux de change de la monnaie nationale s’écroulera instantanément, et avec lui notre niveau de vie.
A ces moments-là, le taux de change de la monnaie du pays qui est en déficit baisse à terme très fortement contre la monnaie du pays en excèdent, et ne sont plus achetés à l’étranger que les produits qui peuvent être payés en donnant les produits correctement localement.
C’est ce qui s’est passé en Corée du Sud et en Thaïlande à la fin du siècle dernier quand la crise asiatique éclata.
De fait, lorsqu’une crise de solvabilité frappe un pays, il est d’usage que le taux de change du pays débiteur baisse de 50 % quasiment instantanément par rapport au taux de changement du pays créditeur, et donc il me semblerait raisonnable que le cours de changement de ce qui sera la monnaie française à ce moment-là, baisse de moitié par rapport à la monnaie chinoise.
Pour nous en sortir, il n’y a qu’une solution et une seule : redevenir performantes et cela veut dire, consommer moins et produire plus de choses qui intéresseront les non-français
Et pour cela, la solution passe toujours par un écroulement de la monnaie du pays qui a choisi de vivre au-dessus de ses moyens.
Et cet écroulement commence toujours par une baisse du marché obligatoire du pays débiteur vis-à-vis du pays créditeur, et c’est ce que nous voyons déjà entre la Chine et la France.
Le franc français à10 ans a déjà dévalué de 77% contre le renminbi, (244/138) depuis 2018.
Ce qu’il faut bien comprendre est que la dévaluation de la monnaie française ainsi que la réévaluation du taux de change de la monnaie chinoise ont déjà commencé dans les marchés à terme
Je ne conserve aucun contrat en France puisque leurs valeurs ont déjà commencé à baisser.

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

11 Commentaires

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  • Quiviger

    4 mai 2025

    la sortie de l’euro est inéluctable. il est hautement probable qu’elle ait lieu à l’occasion de troubles majeurs en France entraînant des difficultés de production et le refus de la BCE, ou plutôt des pays frugaux de la zone euro, de faire marcher la planche à billets pour la France.

    Répondre
  • Stéphane

    30 avril 2025

    À la lecture de cet article faut-il comprendre que nous ne devons rien conserver en EURO ? En quoi faut-il conserver nos gains ? Les changer en OR et faire l’opération contraire lorsqu’on en a besoin ?

    Répondre
  • Robert

    28 avril 2025

    Votre raisonnement montre ce qui se passerait en cas de Frexit et de retour au Franc : une monnaie qui s’écroulerait pour reprendre vos termes.
    Certes, il faudrait recommencer à produire dans l’ hexagone, mais les Français accepteront-ils de se serrer la ceinture pendant 5 à 10 ans ?
    Ce serait effectivement la fin de l’agonie… qui s’appelle la mort !

    Répondre
    • Marc

      30 avril 2025

      Les français y seront contraints de se serrer la ceinture

  • Karl DESCOMBES

    28 avril 2025

    D’accord pour la partie européenne qui amènerait avec à la dévaluation structurelle de la monnaie française d’alors.

    Mais quid des actions des chinois pour maintenir la parité, le statu quo et la dépendance?

    Par exemple imprimer massivement de l’argent pour effondrer la valeur du RMB.
    Directement par la banque centrale.
    Ou via le crédit par les banques locales.

    Ou bien des achats massifs de la monnaie française.
    Via la dette française.
    Via des produits dérivés.

    Cela amènerait certes à des pertes et phénomènes parasites néfastes.
    Mais moins que l’arrêt des flux d’exportation.

    Répondre
    • Guy

      28 avril 2025

      A Karl Descombes
      Les flux d’exportations excédentaires n’ont aucun intérêt pour le peuple chinois et auraient disparu depuis longtemps dans un pays libre, car il reviennent à priver les producteurs chinois d’une partie non négligeable du fruit de leur travail au profit des clientèles des Etats déficitaires. Le but final de tout échange économique, c’est l’achat (biens et services contre monnaie) et non la vente (monnaie contre biens et services), d’autant plus quand la monnaie est fiduciaire et n’a aucune valeur tangible autre que la confiance dont elle bénéficie. A moins d’être complètement cinglés, même les dirigeants chinois n’ont absolument aucun intérêt à poursuivre cette politique.

    • Soufiane

      28 avril 2025

      Le Japon bloque la re-evaluation des monnaies asiatiques. Le Japon qui est un des plus grands pays exportateurs au monde, a une monnaie encore plus sous evalue que les autres.

  • LEJEUNE

    28 avril 2025

    Bravo excellente analyse. Notre beau pays est cuit depuis longtemps hélas, la seule solution comme vous l’indiquiez sur un plateau de Cnews c’est de virer tous les hauts fonctionnaires qui ne servent à rien et surtout immédiatement sans délai. Ensuite baisser massivement les impôts taxes et prélèvements. Et ensuite faire de l’emblême national comme les Suisses l’Entreprise et l’Entrepreneur sont la solution et méritent respect. Et non l’oligarchie bureaucratique. Et j’avais oublié sortie immédiate de cette Europe. Et la on retrouverait un véritable espoir.

    Répondre
    • Jaume

      28 avril 2025

      Bien vue Bravo

    • Aristophélès

      28 avril 2025

      Vous avez raison et pensez ainsi comme moins que 10% des français, le reste ayant de la famille dans un des fromages d’état qui constitue la pyramide sociale des mendiants clients de la répartition.
      Cela veut dire qu’espérer que les français se sortent les doigts au lieu de faire des marches victimaires est totalement vain, et même hideusement naïf.

    • Robert

      28 avril 2025

      Aucune comparaison possible avec la Suisse, où le travail est une valeur, contrairement à la France.
      Quant à sortir de l’ UE, c’est un rêve. il ne fallait pas entrer dans l’ Euro qui est une voie sans retour ( et sans issue ?)
      Le Brexit a pu se faire car eux avaient gardé leur monnaie…

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