18 janvier, 2017

Le consternant débat de la gauche aux primaires

Les débats des primaires de la gauche passent complètement à côté des grands sujets : modifications à introduire dans les contrats de travail pour les adapter à l’heure de l’économie digitale ; fiscalité pénalisante qui tue l’esprit d’entreprendre et oblige de nombreux talents à aller l’exercer en dehors de France ; performances catastrophiques de l’Education Nationale ; inefficacité des dépenses publiques….

                                                                                                                              

On entend en revanche beaucoup parler du « revenu universel ».  Comme chacun le sait bien, le travail ne peut être qu’un instrument de torture et pas du tout un instrument d’émancipation. Cette idée traduit  l’incapacité de la gauche à envisager l’avenir dans un monde auquel il convient de s’adapter. Au total c’est une très bonne idée pour instaurer en France une véritable guerre civile entre ceux qui travaillent et payent des impôts et ceux qui préfèrent vivre de l’assistanat.

Une fois de plus, rappelons que toute relance de la demande non financée ou pire financée par de la dette, augmente la demande de biens et de services. Le problème alors est que ce sont des entreprises étrangères qui répondent pour l’essentiel à cette augmentation. La part des importations progresse d’ailleurs régulièrement depuis 15 ans. Il vaudrait beaucoup mieux expliquer aux électeurs comment fonctionne l’économie numérique, l’économie digitale, l’économie quaternaire…

 

La nouvelle économie doit être abordée par tous les candidats

 

L’économie numérique est partout, multisectorielle avec le e-commerce, les médias, les réseaux sociaux et les services online. Elle est maintenant  une composante essentielle de la chaine de valeur de toute entreprise. La contribution d’internet au PIB était pour le Royaume Uni de 7,2% en 2009 et de 13% en 2015 ; Suède 6,6%-9,3% ; Israël 6,4%-8,5% ; Pays Bas 4,3%-6,8% ; France 3,2%-5,5% ; Espagne 2,2%-5,1% ; Italie 2%-4,3%. Pour les pays qui veulent geler l’ancienne économie en empêchant les destructions d’emplois dans les secteurs non compétitifs le déclin est assuré.  Les salariés de la Tour Eiffel ont tout compris. Leurs syndicats  s’opposent à une augmentation de la vente de billets en ligne sur internet pour éviter les longues files d’attente aux touristes étrangers !

 

 

L’économie digitale tourne le dos à plusieurs règles fondamentales de l’économie classique. La première voulait que la valeur d’une entreprise tienne en grande partie à celle de ses actifs, ce n’est plus le cas. La deuxième est que Uber et Airbnb n’ont aucune immobilisations incorporelles. Uber ne possède aucune voiture et Airbnb n’a jamais investi dans une chambre d’hôtel. Cela ne signifie pas pour autant que toute l’économie va « s’ubériser ». L’Uber Economie est à la peine, même aux Etats Unis. Faute de rentabilité, les fermetures de start up de services à la demande se multiplient outre atlantique.

 

L’économie quaternaire s’appuie sur le constat fondamental que les technologies de l’information et de la communication vont permettre de satisfaire les besoins des consommateurs d’une façon radicalement différente de celle à laquelle nous ont habitués les technologies de la mécanisation. La séparation radicale entre le secondaire (transformation des matières premières) et le tertiaire (services) s’estompe et une myriade de nouvelles solutions quaternaires permet de dépasser l’économie de « l’avoir plus » pour entrer dans « l’économie de l’être mieux »…

 

Le libéralisme n’est pas le coupable

 

Chaque fois que l’on entend que le libéralisme est pour la gauche, ce qui explique le niveau de chômage, et les inégalités, on a envie d’expliquer  qu’un pays dont l’Etat capte déjà 57% de la valeur ajoutée est tout sauf libéral. La France avec un très fort niveau de redistribution reposant sur une fiscalité pénalisante et une augmentation permanente  de son endettement, a une croissance bien inférieure à celle de ses principaux partenaires commerciaux.

 

L’économie administrée est celle que la classe politique française de gauche propose.  Elle rivalise dans l’étatisme avec les nombreux dispositifs pour perpétuer la politique des revenus, qui voit l’état se substituer aux entreprises pour décider des rémunérations.

 

L’économie mixte encore souvent invoquée est un poncif moisi, héritage de la première guerre mondiale. Antiquité rebattue permettant de ne pas choisir entre l’Etat et le marché. C’est ce que proposa Mitterrand quand il dut constater que son programme de rupture avec le capitalisme avait conduit la France au bord de la banqueroute.

 

L’économie pervertie est une science qui consiste pour les économistes à produire  des milliers de pages  pour expliquer que les dettes de l’état ne sont pas un problème. Les économistes qui ont été les apôtres du surendettement viennent aujourd’hui dénoncer les risques de l’austérité qui est bien évidemment la conséquence du surendettement. Ce sont les incendiaires qui viennent faire la leçon aux pompiers accusés de provoquer des dégâts des eaux en éteignant les feux.

 

L’écologie politique enfin est devenue une idéologie globale totalitaire et régressive. A coups de chiffres alarmants de raisonnement spécieux et de diktats politiques et moraux, les apôtres de la décroissance sont devenus de véritables khmers verts.

 

Les marchés s’attendent à l’élection de François Fillon qui devrait déboucher sur une série de réformes qui ressemblerait à ce qui s’est produit en 2003 avec Schröder. Il faudra que le candidat de la droite développe maintenant un discours positif de la réforme.

 

S’il ne le fait pas il risque d’entrainer l’élection d’Emmanuel Macron. Il n’aurait pas la tache facile car sous François Hollande trois ans lui ont été nécessaires pour faire ouvrir deux grands magasins boulevard Haussmann. Ce dossier est le symbole de la lenteur du pouvoir à mettre en œuvre les réformes. Il faut dire que les syndicats sont beaucoup plus obsédés par les vieux dogmes que par les intérêts des salariés qui les ont élus. Emmanuel Macron a renoncé à deux points du Rapport Bailly 1/ il faut toujours l’aval des maires 2/un accord social est obligatoire.

On est donc encore loin des réformes Hartz  sur le marché du travail qui ont eu lieu en Allemagne, entre 2003 et 2005, sous le mandat du chancelier Gerhard Schröder.

Elles ont eu pour but de renforcer la lutte contre le chômage volontaire et d’améliorer le retour en activité des bénéficiaires d’allocations . Ces réformes controversées, officiellement, visent à adapter le droit (du travail, fiscal) allemand à la nouvelle donne économique dans le secteur des services.

 

En Europe, Pierre Moscovici, membre du Parti socialiste, ancien ministre de l’Economie et des Finances devenu commissaire européen  s’est illustré en expliquant qu’il y avait un « fiscal space » en Europe d’un demi point du PIB qui pouvait être utilisé pour « faire de la relance ». Il reviendrait de mutualiser les recettes et les dépenses avec l’Allemagne sur la base d’un concept qui n’a jamais vraiment réussi « L’Allemagne paiera ».

 

Sur une idée européenne de brillants esprit  réfléchissent à une taxe sur les robots. On attend avec impatience l’apport de la gauche française qui pourrait adapter « Le compte personnel d’activité » et « Le compte pénibilité » de chaque robot.

 

En Grande Bretagne les choses difficiles vont débuter après le déclenchement de l’article 50. La perspective d’un « hard brexit » où Londres n’a plus le passeport européen peut entrainer des suppressions de dizaines de milliers d’emploi dans la City…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

20 Commentaires

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  • Robert

    24 janvier 2017

    @ Garofula : Le minimum pour vivre décemment est de 10.000 euros net ? Définissez, SVP, le terme « décemment »… A moins que vous ne soyez, tout simplement, un provocateur…

    Répondre
    • Garofula

      25 janvier 2017

      Malheureusement, vous n’avez pas compris le propos car il ne s’agit pas d’une provocation.

      Ce serait d’ailleurs une bien petite provocation comparativement à la bêtise sidérale du revenu universel. Ou ne devrait-on pas plutôt parler de « rente universelle » ?

      Une rente, ou un revenu si vous préférez, distribuée sans contrepartie de création de richesse, est strictement inflationniste. En effet, vous pouvez bien distribuer 10000 euros aujourd’hui, si les biens à consommer n’augmentent pas également de 10000 euros en volume, le pouvoir d’achat de votre distribution sera nul. Puisqu’il n’y a pas plus de richesses produites, pour trouver les 10000 euros, vous devez imprimer l’argent à distribuer. Illusion de richesse, illusion de revenu.

      Autre solution, vous pouvez décider de prendre leurs biens à ceux qui créent les richesses pour les distribuer à tous. Mais dans ce cas, votre revenu n’est plus du tout universel, car même si tout le monde le reçoit, le bilan financier de ceux qui devront le financer sera nul ou négatif. En fait de revenu, le revenu universel n’est en réalité qu’un nouvel impôt pour les créateurs de richesses.

      Dans la proposition « revenu universel », un des deux termes est forcément faux. Soit ce n’est pas un revenu, soit ce n’est pas universel, mais ce ne sera jamais les deux en même temps. C’est matériellement impossible.

  • nolife

    20 janvier 2017

    https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-01-20/u-k-retail-sales-fall-most-since-2012-as-store-prices-rise?utm_content=brexit&utm_campaign=socialflow-organic&utm_source=twitter&utm_medium=social&cmpid%3D=socialflow-facebook-brexit

    Les effets du krash de la livre commence à se faire sentir, les ventes au détail ont baissé de 2 % au mois de décembre, les prix commencent à monter, Apple a augmenté de 25 % ses prix sur AppStore.

    HSBC délocalise, Goldman Sachs prévoit de couper la moitié de ses effectifs.

    Jusqu’où ça va aller ?

    -1.9 % conter -0.1 %, chaud quand même la claque !

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  • Robert Marchenoir

    19 janvier 2017

    « Ce sont les incendiaires qui viennent faire la leçon aux pompiers accusés de provoquer des dégâts des eaux en éteignant les feux. »

    Très bien, j’encadre et je mets sous verre.

    J’aime bien aussi :

    « Sous François Hollande, trois ans ont été nécessaires à Emmanuel Macron pour faire ouvrir deux grands magasins boulevard Haussmann. »

    Et ne parlons pas de :

    « Les syndicats de la tour Eiffel s’opposent à une augmentation de la vente de billets en ligne sur internet pour éviter les longues files d’attente aux touristes étrangers. »

    Répondre
  • goerg

    19 janvier 2017

    Un revenu universel peut être parfaitement compatible avec un libéralisme raisonnable ;
    -Un revenu de base simple remplaçant l’usine à gaz des aides sociales en tout genre.
    -Les gens travaillent remboursent implicitement ce qu’ils ont touchés par l’impôt de façon progressive
    -Pas de peur de rester bloqué dans un emploi qui ne convient pas
    -Pas d’incitation à l’assistanat puisqu’il doit donner juste le minimum pour vivre, le montant peut être calibré en fonction de la région sur la base du prix de l’immobilier
    -Chaque heure travaillée rapporte un revenu supplémentaire concret
    -Une partie peut être conditionnée a une activité dans un sens élargi (travail, bénévolat dans des associations)

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    • orldiabolo

      19 janvier 2017

      « Un revenu de base simple remplaçant l’usine à gaz des aides sociales en tout genre », en théorie, pourquoi pas ? Mais vous connaissez la France : on vous dira très vite qu’il est injuste que Me. Bettancourt et M. SDF touchent la même somme tous les mois. Donc on réintroduira des aides sociales à telles et telles catégories, pour « compenser les inégalités ». Et ce sera reparti pour un tour…

    • goerg

      23 janvier 2017

      Très juste mais plutôt que de passer d’un extrême à l’autre n’est-ce pas mieux de chercher des solutions simples et attractives pour une majorité ? Le concept c’est justement de dire que la société garantie un maigre filet de sécurité et que pour le reste il faut se débrouiller. Un dividende du capitalisme pour tout le monde, qui augmente quand l’économie marche bien et vice versa. Un intérêt commun pour tout le monde.
      Très juste mais il ne vous aura pas échapper que le socialisme est à terre, il est temps d’avoir la main ferme.
      Gaspard comme tout le monde peut avoir plus ou moins de bonne et mauvaises idées.

    • idlibertes

      19 janvier 2017

      Gaspard ? Toi , ici ?

    • Garofula

      20 janvier 2017

      Pas besoin de remplacer l’usine à gaz quand il est nécessaire et suffisant de la supprimer.
      Les gens qui s’organisent pour ne pas être officiellement salariés ne remboursent jamais.
      La peur n’existe plus quand on a compris qu’il suffit de démissionner.
      Le minimum pour vivre décemment est au moins de 10 000 euros nets par mois au pouvoir d’achat actuel.
      Chaque heure travaillée rapporte déjà un revenu infiniment plus élevé qu’une heure non travaillée. Extraordinaire découverte !
      Une aide sociale conditionnée n’est pas une nouveauté. On l’appelle esclavagisme depuis la nuit des temps.

  • Eric Bader

    18 janvier 2017

    Désolé Mr. Netter, je suis directement allé à la partie internationale de votre article!
    Lire un article sur la France, c’est comme boire un café amère le matin, je préfère ne rien boire plutôt!

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  • sassy2

    18 janvier 2017

    d’abord ils vont dire à ceux à londres vous partez parce que c’est la vie il y a eu le brexit c’est pas nous…

    Plus loin, plus pittoresque & racé, outre un derivatives ban, concernant l’avenir de ce qu’on appelle les « banques » alors qu’elles n’en sont pas, de la même façon que l’euro n’est pas de l' »argent »:
    http://russeurope.hypotheses.org/5589

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    • sassy2

      18 janvier 2017

      oups, pour prolife

  • lapaladine

    18 janvier 2017

    Avant de voir Macron gagner la présidentielle de 2017, il faudra qu’il s’explique sur son programme. Car voilà un homme qui n’a aucun programme chiffré. Avec lui, « il suffit de demander quelque chose pour que cela soit possible », aucun chiffrage, aucune étude de faisabilité, par exemple :
    -remboursement à 100% des lunettes, des frais de dentistes, des prothèses auditives, retraite quand on veut, etc. comment et avec quel argent? mystère.
    – Temps de travail, c’est comme on veut, une première fois il dit que les plus jeunes travailleront 39 heures et les plus âgés 35 heures (qu’appelle t’il les plus jeunes et les plus âgés? et le salaire est il basé sur un SMIC horaire unique auquel cas les plus âgés gagneront moins ou un SMIC horaire adapté) pour revenir aux 35 heures pour tous;
    – plus besoin de passer de diplômes pour être coiffeur, plombier, notaire, on peut s’installer comme on veut,
    – etc..

    On a le revenu universel avec Hamon et avec Macron,toutes les utopies des uns et des autres sont possible, « elle est pas belle la vie? ». Décidément les Français sont de grands enfants!

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  • hoche38

    18 janvier 2017

    La suppression de milliers d’emplois dans la Cité supposerait, je crois, une compétence équivalente à Francfort et les Allemands en sont loin, sans même parler du paysage juridique. Il faut bien avouer, par contre, que les arguments de la place de Paris sont convaincants:

    les entreprises pourront bénéficier pour leur finance de toute la sollicitude de nos fonctionnaires de Bercy pour leur fiscalité

    et pour leur management, elles disposeront des conseils éclairés des apparatchichs de la CGT, qui se feront un devoir de les guider à travers ce code du travail et ce code social que le monde entier nous envie.

    Répondre

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