Et à la fin, c’est le business qui gagne. États-Unis et Ukraine ont ainsi conclu un accord pour l’exploitation et la mise en valeur des terres rares, condition pour le soutien de Washington et la souveraineté de Kiev. La guerre oui, mais le business n’est jamais loin.
Réserves ukrainiennes
L’Ukraine dispose de nombreuses ressources minérales : graphite, lithium, titanium, présentes tant à l’ouest qu’à l’est du pays. D’après l’Institut des matières premières critiques de l’UE, l’Ukraine détient environ 7 % des réserves mondiales de graphite, qui sert notamment pour la fabrication des batteries. Le lithium est présent notamment à Donetsk et Dnipropetrovsk. Selon Reuters, l’Ukraine dispose également de plus de 20 % des réserves européennes de titane, crucial dans l’aérospatiale et l’industrie militaire, et de zirconium utilisé dans les réacteurs nucléaires. À quoi s’ajoutent des terres rares, indispensables pour les semi-conducteurs et le matériel militaire.
On en revient aux éléments de base : la matière, les minéraux, les composants, indispensables pour le fonctionnement de l’économie et le développement des pays. La guerre d’Ukraine révèle quelques réalités intangibles : la permanence de la géographie, la nécessité de l’énergie, le besoin de matériaux. Sans cela, il n’y a ni économie ni puissance.
L’Ukraine est non seulement une voie de passage, notamment des routes énergétiques, mais c’est aussi une terre riche, en surfaces arables et en ressources du sous-sol. Avant-guerre, les entreprises chinoises rachetaient des milliers d’hectares de champ afin de contrôler le blé indispensable à leur alimentation. Alors que la guerre se termine, les États-Unis cherchent à sécuriser ces matériaux à leur profit, mais surtout à éviter qu’ils ne tombent entre les mains des Chinois. L’affrontement en Ukraine est davantage une guerre Chine / États-Unis qu’une guerre États-Unis / Russie.
Affaire conclue
Emmanuel Macron et la diplomatie française n’auront donc que leurs yeux pour pleurer et pour constater qu’ils ont été exclus des négociations, qui se sont déroulées directement entre Kiev et Washington. Zelensky a parfaitement joué son jeu. Pour un homme qui n’a pas été préparé au pouvoir politique, qui n’avait aucune formation de chef d’État, force est de reconnaître qu’il a très bien joué sa partie depuis 2022.
L’accord sur les minerais doit donc être signé vendredi, lors d’une visite de Zelensky à Washington. Si tous les éléments ne sont pas officiels, quelques grandes pistes ont fuité : entente commune entre les États-Unis et l’Ukraine pour exploiter les minerais, création de trusts où les États-Unis apporteraient une partie des financements et où l’Ukraine recevrait une partie des bénéfices. Beaucoup de promesses, les gains générés par les minerais devant permettre de financer une partie de la reconstruction. Mais dans les faits, l’eldorado promis n’est pas aussi évident.
Pauvreté de la richesse
Aucun pays ne tire sa richesse des matières premières. Celles-ci peuvent être un plus, mais elles sont souvent un moins, générant corruption et argent facile, donc sous-développement. Le fameux dutch disease. Les matières premières ne servent que si elles sont mises en valeur et mises au service de l’innovation et de la technologie. La fortune des États-Unis repose davantage sur Apple, Boeing, Walmart que sur les gisements de gaz de schistes, même s’il faut de l’énergie et des matériaux pour créer et développer les grandes entreprises. Le risque pour l’Ukraine est donc de devenir une grande mine qui vend ses minerais, ce qui génère certes des royalties, mais peu d’emploi et peu de richesse.
L’autre élément est que ces richesses ne sont probablement pas aussi riches que disent les annonces. Les « terres rares » ne sont pas aussi rares que l’indique leur nom. Il y a beaucoup plus de marketing et de publicité derrière cette dénomination que d’intérêt stratégique.
D’autant que les coûts d’exploitation sont très lourds. Et c’est là que le bât blesse, notamment pour l’Ukraine. Il faut non seulement créer les mines et les systèmes d’exploitation, mais aussi les réseaux pour exporter les matières extraites. En Ukraine, tout est à remettre sur pied : aéroport, routes, voies ferrées, ports. Cela nécessite du temps et de l’argent. La valeur totale de production de terres rares dans le monde s’élève à 15 milliards de dollars annuels. C’est beaucoup, mais c’est peu comparé au pétrole. 15 Mds, c’est deux jours de production mondiale de pétrole.
En Ukraine, si les réserves sont réelles, les études géologiques estiment que les concentrations sont faibles et les coûts d’exploitation très élevés. Autrement dit, ce n’est pas la manne annoncée. Sans compter qu’une partie des minerais se trouvent en territoire contrôlé par les Russes. Donc hors de portée de l’accord. Avant la guerre, l’Ukraine était déjà un pays important pour la production de charbon et de minerai de fer, mais les mines étaient vieillissantes et nécessitaient des investissements massifs pour être modernisées. Trois ans de guerre n’ont pas arrangé la situation.
Autrement dit, au-delà de l’accord, c’est une réalité assez faible sur laquelle Trump met la main. L’accord permet surtout d’arrimer l’Ukraine aux États-Unis et d’éviter que le pays ne se tourne vers la Chine. C’est aussi une façon de préempter l’avenir, si jamais la valeur de ces minerais venait à croître fortement. Mais au-delà de la signature, il reste encore beaucoup à faire pour valoriser ces ressources.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Nanker
4 mars 2025« Zelinski a aussi signé un accord avec le Royaume Uni dans le dos des USA. (…) On parle aussi d’un accord avec la France »
Amha ce ne sont que des gesticulations médiatiques pour faire oublier le fiasco de l’autre vendredi. L’armée française ne pourrait tenir correctement que 80 km de front ukrainien, qui en fait 1200.
Quant aux Anglais leur armée est encore plus dépeuplée… ils ont plus d’amiraux que de bâtiments de guerre.
Et de toute façon Starmer et Macron sont deux cadavres politiques donc leurs promesses n’engagent à rien.
fred
4 mars 2025Bonne analyse mais pas sur que Zelinsky ait bien joué le coup : manipulé, il semble désormais naviguer à vue pour flatter ses Maîtres en échange d’une protection pour son avenir :
L’Ukraine a implosé suite aux sabordages des accords de Minsk. La prise de contrôle politique du pays par l’UE sous couvert d’une hypothétique « entrée dans l’Europe » depuis la « révolution orange » est un échec : le pays est devenu politiquement instable ; il n’est plus question d’imposer un régime occidental à Kiev et l’intégration dans l’Europe ne se fera pas car désormais trop sensible géopolitiquement parlant, face au géant russe.
Donc : épuration en vue & guerres des chefs et des mafias qui voudront, eux aussi, se partager le gâteau et occasionnellement nos armements. Quant au peuple ukrainien…on voit que personne ne s’en souci.
A mettre en relation avec le fait que l’OTAN (et le matériel américain) semble se servir de la Roumanie comme base avancé pour le contrôle des sorties de gazoduc ; l’ouest de la mer noire et l’accès au Bosphore. Les événements politiques qui ont récemment eu lieu en Roumanie ne sont pas anodins.
Amerillac
4 mars 2025Il n’y a pas de terres rares en Ukraine, renseignez-vous ! Vous les trouverez en Chine principalement mais aussi en Russie et aux US. Majoritairement dans les zones BRICS. Les minerais que vous citez n’en sont tout simplement pas. De fait, cela remet en question, au moins pour partie, le contenu de votre article.
pascal Lafond
4 mars 2025Cet article est un gag et au vue de vôtre CV ça fait peur, mais plus rien ne m’étonne.
Explorer76
4 mars 2025Zelinski a aussi signé un accord avec le Royaume Uni dans le dos des USA. L’accord US Ukraine n’est pas signé. On parle aussi d’un accord avec la France. Juridiquement la signature de ces accords est elle valable alors que le mandat de Zelenski est expiré depuis un an? Zelenski semble vendre plusieurs fois la même chose. Les différents acheteurs vont s’affronter. La guerre ne va pas s’arrêter maintenant ce qui arrange les affaires des politiques qui profitaient de cette pompe à fric via les industries d’armement. Trump doit fait une annonce « explosive » mardi soir. Affaire à suivre.
Nanker
3 mars 2025» c’est une réalité assez faible sur laquelle Trump met la main »
On peut supputer que le blond, essayant de tirer le maximum d’une situation cauchemardesque, tente de gratter quelques milliards de la carcasse ukrainienne, et ce alors que le conflit qui a doucement mijoté depuis 2014 sous les « bons » offices du Deep State ricain, aura coûté des centaines de milliards au budget des USA.
Mais au vu de l’entretien/passage à tabac de vendredi dernier, il semblerait que Trump ait tiré un trait sur ces miettes et ait décidé d’envoyer Zelenski et le bourbier ukrainien au diable.
Ce qui est maintenant sûr c’est que cette guerre s’arrêtera cette année.
Michel
3 mars 2025Ils ont signé ?
Patrice Pimoulle
3 mars 2025Il est important de parler d’Emmanuel Macron, car c’est un personnage important. President de la Republique francaise, ce n’est pas rien.
Jepirad
3 mars 2025Ce n’est pas tout à fait ça. Pour l’instant rien n’est signé. En revanche la France et l’Ukraine sont sur le point de signer un accord pour les minéraux et les terres rares. Cdt.
Aristophélès
3 mars 2025Au minimum un erratum s’impose.
Olivier Cane
3 mars 2025Votre article a été écrit avant le clash et la mise à la porte du clown Zelensky par Vance et Trump. Voyons la suite, sachant qu’il est vrai que l’Ukraine n’a aucune option
Olivier COUSIN
3 mars 2025Ce deal permet à Trump d’afficher un réel succès auprès des américains : fin de la guerre en Ukraine + succès économique.
Mais il me semble très peu probable que cette exploitation des minerais ukrainiens par des entreprises US ait lieu.
Parce que les russes ne l’accepteront pas.
Pourquoi ? Parce que cela signifie des infrastructures américaines, certes privées, en Ukraine, notamment dans le domaine de l’exploitation minière : il sera alors aisé pour ces grandes entreprises américaines de disposer discrètement dans les mines des ogives nucléaires orientées vers la Russie.
Le sujet va être enterré rapidement. Le succès médiatique pour Trump aura été là.
Et l’Ukraine restera un pays neutre, et qui aura besoin de l’énergie bon marché russe pour se reconstruire, et … pour exploiter ses mines.
Et c’est très bien ainsi pour éviter toute nouvelle guerre sur le territoire européen.
Francis
4 mars 2025Il y a longtemps que positionner des ogives nucléaires à proximité d’un adversaire potentiel n’offre aucun intérêt militaire réel… On n’est plus en 1962 à Cuba, quand les missiles avaient quelques centaines de km de portée !
Amike
6 mars 2025Poutine a dit l’inverse, donc votre développement sur les mines et les ogives nucléaires devient abscons.
Ou alors ils accepteront une exploitation conjointe.
Sinon, je ne comprends pas pourquoi certains sont si opposés à l’exploitation internationale des ressources minières. Cela fait 30ans que l’Ukraine est indépendante et le principal blocage semble être la rapacité des oligarques locaux.
Emmanuel
3 mars 2025Il n’a pas été signé l’accord à ce jour après le clash entre Zelensky et Trump…
Jorge Teixeira
3 mars 2025Dire que Zelensky a parfaitement joué son jeu, alors qu’il a simplement détruit son pays, qu’est ce que ce serait s’il avait mal joué.
Alexandre T.
3 mars 2025J’ai l’impression que la propagande médiatique a bien fonctionné. On ne sait trop pourquoi, un homme qui a plus de casseroles que d’accomplissements a été érigé en héros.
yvan
3 mars 2025Excellent ! Merci.
gilles
3 mars 2025Mort de rire
Nasry Bakhache
3 mars 2025Pour la clarté et l’intelligence du sujet, il serait intéressant de connaître l’exacte distribution géographique de ces différents minerais dans les differents oblasts ukrainiens ou dans la NOVA ROSSIA, donc chez les russes. Personne n’achètera à ZELINSKY, ce qu’il ne possède pas! Ou comme le disaient nos grands-mères : » il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué « . Je regrette, Mr NOE, de vous causer un surcroît de travail !
Michel
3 mars 2025Avec quoi voulez-vous que Zelensky rembourse les USA ? La guerre gratuite n’existe pas. A notre époque, e perdant paie tout.