Tous les deux ans se tient le salon de l’aéronautique du Bourget. Une vitrine pour l’excellence industrielle française et un état des lieux du secteur de la défense.
Avions civils et militaires se donnent rendez-vous au Bourget pour des présentations des nouveautés et pour exposer les innovations techniques. Cette année, la guerre d’Ukraine était bien évidemment en tête, notamment pour l’usage intensif des drones qui en est fait, ainsi que la guerre en Iran, débutée quelques jours avant l’ouverture du salon. La maîtrise du ciel de l’armée israélienne et l’utilité de l’aviation pour détruire les sites nucléaires iraniens démontrent l’importance de cette arme.
Un complexe industriel
Le salon du Bourget démontre que l’industrie aéronautique, comme tous les secteurs industriels, est d’abord un complexe, c’est-à-dire un ensemble d’entreprises qui fonctionnent en réseau. Il y a certes les têtes d’affiche, comme le Rafale, que tout le monde vient voir et admirer, mais il y a surtout l’ensemble des entreprises qui sont mobilisées pour permettre la réalisation de cet appareil. Ceux qui fabriquent les vis, objets techniques s’il en est, qui doivent résister à la pression et à la dilatation ; ceux qui fabriquent les verrières, les trains d’atterrissage, les systèmes de câbles et de communication, etc. Tout cela forme un réseau, un complexe industriel, parfaitement imbriqué et dépendant. Sans eux, Dassault ne serait rien, comme Airbus, comme tous les grands noms de l’aéronautique. Ce sont des milliers d’emplois, souvent situés dans les petites et moyennes villes françaises. C’est un tissu économique souvent mal connu, qui offre pourtant de nombreux débouchés professionnels et qui a souvent du mal à recruter. Et pas seulement des ingénieurs purs et durs, mais aussi tous les métiers qui gravitent autour de ces secteurs.
Ce complexe industriel est fragile et soumis à une législation fiscale et juridique délirante. À visiter les stands, on comprend le temps qu’il faut pour créer un tel humus industriel, et combien il est si facile de le détruire par des mesures inadaptées et confiscatoires.
Le problème des financements
L’autre grand enjeu de l’industrie de la défense, notamment pour Dassault, est celui de l’accès au financement. En dépit des discours politiques et de l’opinion partagée qu’il faut « réindustrialiser » et soutenir l’industrie française, ces entreprises ont beaucoup de mal à trouver des financements. Les grandes banques françaises sont rétives à financer leurs projets, souvent à cause des normes ESG qui pèsent sur eux. Si bien que les capitaux français étant taris, les entreprises françaises doivent se tourner vers des banques étrangères. Ce qui est contradictoire avec les appels gouvernementaux à la souveraineté et à l’indépendance nationale. On mesure là aussi le drame qu’est pour la France l’absence de système de retraite par capitalisation : c’est autant d’épargne des Français qui pourrait être investie pour soutenir ce secteur économique. Et en l’absence d’un tel système, les entreprises doivent chercher des capitaux ailleurs.
Mais sans capital, les grands discours et les bonnes intentions ne pourront pas aller loin et vont se heurter à ce besoin crucial d’énergie financière.
Le problème des normes
Troisième problème pour l’industrie de la défense, celui des normes. Bien évidemment, tout le monde est d’accord pour assurer la protection des salariés, celle de l’environnement et pour lutter contre la corruption. Le problème étant que ces normes, qui sont des règles du jeu, ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Notamment pour les entreprises américaines qui, bien souvent, ne respectent pas les normes imposées aux autres. Pour les entreprises françaises, il faut non seulement vérifier la conformité de ses entreprises et de ses sous-traitants, ce qui est normal, mais aussi des sous-traitants des sous-traitants, ce qui devient particulièrement complexe. Avec à la clef le risque de procès et de guerre informationnelle qui menace la stabilité et la réputation des entreprises.
Si Boeing avait été une entreprise européenne, elle n’aurait jamais survécu à ses problèmes techniques et à l’ensemble des accidents. Pas seulement celui du crash en Inde, dont les responsabilités restent à déterminer, mais tous ceux qui ont eu lieu avant, où des personnes ont été contraintes à se taire et à cacher les malformations. Cette guerre des normes n’est pas équitable, donc elle n’est pas juste. Là aussi, c’est une fragilité pour l’industrie française de la défense.
Le salon du Bourget démontre néanmoins que la France est encore capable de faire de grandes choses. Il faut saluer également l’organisation, parfaitement huilée et compétente, ce qui est toujours complexe pour ce type de salon. Accueil en gare RER du Bourget, orientation vers les navettes, facilité d’accès, contrôles de sécurité, points d’information tout au long du salon, ce sont de « petites » choses essentielles pour que toutes les journées se passent bien et que les visiteurs, professionnels et privés, soient bien accueillis. Or, Le Bourget est une vitrine de l’excellence française. Des cadres de haut niveau, des ministres et des officiers étrangers s’y rendent, des pays du Golfe, d’Asie, d’Europe. Il faut que toute l’organisation soit parfaite pour que l’image de la France soit bonne. C’est aussi une façon de vendre des avions : si le salon est bien organisé, on peut supposer que les entreprises françaises savent bien effectuer leur travail. À l’inverse, une organisation désordonnée et défaillante serait une terrible image de faiblesse. Le rôle des salons dans la puissance internationale d’un État est trop souvent négligé. Que ce soit Le Bourget tous les deux ans, la Porte de Versailles et Villepinte tout au long de l’année, ces salons sont essentiels pour permettre les rencontres et pour afficher l’excellence française.
Quand les choses fonctionnent bien, il faut aussi savoir s’en réjouir. Et retrouvez les joies de l’enfance de voir voler de beaux avions, de capter une part de rêve, de s’émerveiller. C’est aussi cela la puissance industrielle.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Jean-Luc
25 juin 2025Je m’étonne que macron n’ait pas vendu Dassault aux Américains ! On en est plus à une bavure près de la part de cet individu.
Sylvos
25 juin 2025Dommage d’avoir assisté à la fermeture du stand d’Israël. Quel en était l’intérêt ?
Patrice Pimoulle
25 juin 2025La France de 1981 a choisi la lutte contre le capitalisme. Il n’y a donc plus de fiancements.
La France a choisi la liberte de circulation des capitaux. les entreprises vont chercher l’argent a l’etranger.
La souverainete et l’independance nationale ca n »existe pas; la France est dependante des Etats-Unis pour sa politique etrangere, pour sa defense, voire meme pour sa politque interieure, (The Unites States and tne Making of Postwar France). depuis les annees 30 (ambassadeur Bullitt). Tout le reste n’est que vantardise habituelle du camelot.
Certes, les retraites doivent etre constiruees en capitalisation, la repartition n’etant qu’un expedient provisoire pour servir en ugence des retraites a des travailleurs ruines par le nominalisme de la monnaie. La repartition, qui est une technique applicable aux assurances de choses, n’est pas appropriee aux « risques qui dependemt de la vie humaine ». la question est posee et les solutions pretes depuis 1970. Mais la gaucge a un prejuge contre la constitution de capitaux.. La pollitique precede l’economie…
L’industrie aeronautique aurait pu faire encore mieux si elle n;avait pas ete entravee par une puissance publique erratique La maison Dassault a concu des projets intelligents auxquels la politique a fait echec: le bireacteur moyen courrier « Mercure », l’avion de combat Mirage 4000″…
Et que dire, par analogie, de l’industrie automobile? L’automobile est nee en France (Panhard, 1892). Aujourd’hui, les usines Renault, apres avoir ete « narionalisees » et servi de « modele social ». sont en voie de demantelement. La famille Peugeot se retire du secteur. Elle a raison. Vive la Revolution!
Jean-Luc
25 juin 2025Merci à vous, sans doute ancien combattant ! Que dire également de notre avion « européen » CONCORDE, rayé de la carte par les USA … personne n’avouera pourquoi ! Sans doute encore une fois, une affaire de gros sous. Vive la corruption.