Les drames sociaux que connaissent les outre-mer sont totalement oubliés. Alors que ces territoires constituent un levier de puissance majeur pour la France, ils ne figurent dans aucune pensée et réflexion stratégique.
Martinique : émeutes et couvre-feux
Depuis plusieurs semaines déjà, la Martinique subit des émeutes violentes, des attaques de magasins, des pillages. Un couvre-feu a été ordonné par le préfet, à peu près aussi utile et efficace qu’un seau d’eau dans un incendie. En cause ? La « vie chère », terme fourre-tout qui désigne néanmoins une réalité : les prix sur l’île sont beaucoup plus élevés qu’en métropole. Les raisons sont multiples. Le coût du transport, alors que la Martinique s’approvisionne en France et non pas aux États-Unis ou dans ses pays voisins. Le coût de la main-d’œuvre locale, pour des activités agricoles qui sont très peu mécanisées (notamment la banane et la canne à sucre), alors que les salaires sont, comparativement, supérieursà ceux de la région. Il faudrait soit l’un (mécanisation forte, peu de main-d’œuvre), soit l’autre (peu de mécanisation, mais main-d’œuvre peu chère). L’île cumule les deux tares, essentiellement pour maintenir des emplois de type keynésien. La rentabilité est donc faible ainsi que le dynamisme économique.
Notons que la Guadeloupe n’est pas concernée par ce mouvement, alors que les conditions sociales et économiques sont similaires. Je n’ai pas d’explication à cette différence.
Les tentatives de développer le tourisme ont échoué. Rares sont les métropolitains qui se rendent aux Antilles françaises pour leurs vacances. En cause les prix, la qualité hôtelière et l’accueil. Encore un échec économique.
Le drame de l’octroi de mer
L’autre facteur incriminé est celui de « l’octroi de mer », une taxe spécifique qui remonte au temps de Colbert. Cet octroi est présenté comme suit sur le site des douanes :
« L’octroi est une imposition spécifique dont la particularité est d’être une taxe applicable aux régions d’outre-mer. Il se chiffre en fonction de la valeur marchande des biens.
Elle est un instrument essentiel pour le financement des territoires d’outre-mer. Elle permet notamment de protéger les productions locales des importations. L’octroi constitue également une source de financement pour les communes de la région Martinique.
Ainsi, que l’on importe le même bien ou non à la Martinique ou à en Guyane l’administration fiscale n’appliquera pas le même taux de taxe pour l’octroi de mer. Il faut également savoir que cette imposition de l’octroi de mer se divise en deux : l’octroi de mer et l’octroi de mer régional.
Pour le cas de la Martinique, l’octroi de mer comprend un total de onze taux qui varient de 0 à 50 % de la valeur du bien importé. L’octroi de mer régional est plus modeste dans la mesure où il varie de 0 à 2.5% de la valeur du bien. »
Les objectifs sont donc clairs : augmenter le prix des biens importés afin de protéger les productions locales. C’est-à-dire créer une barrière douanière pour favoriser les productions des Antilles. Les taxes s’appliquent donc notamment aux pâtes, aux conserves, aux couches. Comme chacun sait, le climat et la géographie des Antilles sont tout à fait adaptés à la production de blé pour les pâtes.
L’argent ainsi collecté sert au financement de la région et aux communes. Grâce à ces taxes, il est donc possible de financer des emplois de fonctionnaires, de l’associatif, de la solidarité. Supprimer les taxes, c’est donc mettre en péril l’équilibre redistributif du système politique.
Encore un bel exemple d’effets néfastes des systèmes socialistes. Un rapport de la Cour des comptes de mars 2024explique ainsi que cette taxe représente un tiers du budget des communes. On peut admirer la maitrise de l’euphémisme par les rédacteurs du rapport : « L’effet direct de l’octroi de mer sur la santé et le développement du tissu entrepreneurial ultramarin est au mieux non démontré, au pire négligeable. » C’est dommage, car c’était cela la raison d’être de l’octroi, non le gonflement des budgets municipaux afin de créer une clientèle locale. Le rapport poursuit : « Quant à l’effet sur la création d’entreprises, il reste globalement faible selon les estimations de la présente évaluation, qui constate cependant que l’octroi de mer a tendance plutôt à favoriser les entreprises présentes qu’à susciter des créations d’entreprises. »
Socialisme territorial
C’est là le classique effet du village fortifié : empêcher les autres de rentrer, empêcher les créations internes, mais maintenir les situations existantes et les rentes. L’octroi ne permet donc pas le dynamisme de l’île et en ne suscitant pas la création d’entreprise, c’est l’avenir qui est sacrifié. On ne s’étonnera alors pas que les habitants de l’île votent majoritairement socialiste : PS autrefois, RN aujourd’hui.
Le résultat, c’est que les problèmes sociaux, réels, de la Martinique et des outre-mer ne sont jamais traités. Pourquoi l’île Maurice a-t-elle réussi là où les îles françaises ont échoué ? Pourquoi de nombreuses îles des Caraïbes et des Antilles sont-elles plus dynamiques et développées que les îles françaises ? Ce sont les questions essentielles à poser et à résoudre.
Avec son corollaire : que veut-on pour ces territoires ? En faire des leviers effectifs de la puissance française, des points d’appui pour une présence mondiale ou des terres lointaines et folkloriques à qui quelques aides sociales permettent d’éteindre les incendies et d’acheter les fidélités ?
C’est aujourd’hui la Martinique qui connait des drames sociaux, comme la Nouvelle-Calédonie, dont les problèmes sont autres. Mais la même absence stratégique parcourt la Réunion, la Guyane, les îles de l’océan Indien et celles du canal du Mozambique. On ne peut pas à la fois être obnubilé par le Doliprane et développer une pensée stratégique mondiale.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Bertin
29 octobre 2024Peut être pourriez-vous m éclairer quant à la censure de mon commentaire qui me semblait plutôt objectif sur la situation aux Antilles ? Était il trop long ?
FP37
29 octobre 2024Le mal principal de la France est son jacobinisme. Il n’est pas incurable pour peu que l’on veuille réellement décentraliser et responsabiliser car il y a plus d’intelligence pratique dans la population que dans quelques cerveaux formés à des visions théoriques de la vie en commun.
Il y a environ 35 ans je suis allé en Martinique et dans d’autres iles des caraïbes faisant partie du Commonwealth. J’y suis retourné il y a un an. La comparaison des évolutions des deux systèmes (dirigisme ou assistance) montre que plus les décisions sont prises localement, plus elles sont efficaces.
Xavier
29 octobre 2024J ai habité 7 ans en Guadeloupe et réside maintenant à St Barthelemy. Les problèmes que j ai pu relevés sont multiples:
– l état n y voit qu un bassin de voix pour les prochaines élections
– trop de subventions et d aides n incitant pas les gens à travailler officiellement mais plutôt au black pour gagner sur tous les tableaux
– passif difficile à réconcilier entre noirs et blancs à cause d un côté, de la victimisation et de l autre, du sentiment de supériorité ( c est une généralisation bien entendu)
– niveau scolaire trop faible
– aucun investissement sérieux de la part de l état: quid de l exploitation du domaine maritime avec l aquaculture ou les bio carburants à base d algue ?
– loi littoral inadaptée à une île: les touristes veulent des endroits sympas sur la plage pour se dépayser.
– service hôtelier et commercial qui supporte difficilement la comparaison avec des destinations équivalente ms ailleurs sur le globe
– Beaucoup trop de délinquance pour une destination touristique
– Immigration économique massive pour les soins médicaux et le job.
– trop de magouilles et de détournement de fonds publics
En. Guadeloupe il u à déjà eu la grève générale à l époque de Domota et cela a été une catastrophe économique pour l île et surtout les petits commerces tenus par les locaux . Beaucoup ont fermé et revivre ça ne leur fait pas envie. Cela explique a mon sens la différence de réaction avec la Martinique.
Ces îles ne sont pas la métropole et certaines règles ou avantages ne devraient pas y être imposées ou donnés. Les antillais n ont pas besoin de subventions. Ils ont besoin de projets viables mettant en valeur la richesse de ces îles , ils ont besoin d être considérés.
Ils votent pour des gens qui les asservissent par le biais des subventions, c est leur plus grand paradoxe: vouloir se libérer de l homme blanc et voter pour celui qui les enchaine a cette trappe à pauvreté.
Patrice Pimoulle
29 octobre 2024Dire que lla Martinique pourrait etre un levier de puissance pour la Farance est une plaisanterie. D’abord parce que l France n’a aucune volonte de puissance parce qu’elle n’en a pas les moyens et que lorsqu;elle a une volonte de puissance elle se fait instantanement ecraser. On ne va pas installer une industrie siderurgique en Martinique pour resister a la menace du Reich allemend ou aux tentaives hegemoniques anglo-saxonnes. Si la Martinique ne se ravitaille pas aux Etats-Unis, c;est parce que la Martinique est un territoire francais et que le commerce martiniquais releve du commerce exterieur francais.
Ceci dit Il n’y a rien a faire en Martinique en dehors de la canne a sucre et du rhum. L’avenir de la Martinique passe par l’administration et la centralisation. Traversrer la Seine pour aller de l’Eure en Seine-Maritime, c’est gratuit, pourquoi faut-il payer pour aller en Martinique? Les Martiniquais sont des Francais comme les autres, En revanche il srait peut-etre judicieux de renforcer la puissance militaire francaise en liaison avec nos voisins et amis americains, et y devlopper notre puisssnce universitaire pour accroitre notre rakonnement en Amerique du sud.
Thierry
28 octobre 2024Bonjour
Il manque un « détail » énorme a cet article.
Pour une fois ce n’est pas l état qui est responsable de tout. Il faut savoir que les descendants des colons esclavagistes, les béké détiennent tous les réseaux de distributions que ce soit agroalimentaire ou autre. Entre le produit qui passe en douane par la société importatrice et la société qui vent le même produit au supermarché (qui appartient également aux familles béké) il peut y avoir jusqu’à 14 oui 14 intermédiaires. Tous ces intermédiaires sont des béké de la même famille le plus souvent qui prennent chacun leur petit % sans aucune valeur ajoutée…
C’est comme le cocu tout le monde le sait mais personne ne dit rien…
Pour un fois wikipédia sous entend la vérité
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9k%C3%A9
Alors est ce que l abolition de l’ esclavagisme a vraiment eu lieu ?
Oui et non car d un autre côté certaines communes ont jusqu’à 6% de leur administrés en temps qu employé municipaux…
Tout cela arrange notre petit monde, ce qui pour conclure nous rappelle que nous sommes bien dans un état communiste mais cela ce voit plus facilement dans les DOM qu en France
Christian Gaudin
28 octobre 2024Mon opinion sur ce sujet est le même que pour les autres la SEULE VRAIE RAISON est l incompétence avérée des guignols qui nous gouvernent renforcée par leur corruption et leur soumission aux americains
David Lejeune
28 octobre 2024Merci pour votre article, très stimulant intéressant comme d’habitude!
Pepe
28 octobre 2024Supposons que l’octroi de mer ait l’utilité qu’on lui dit avoir, ne serait-ce pas aux habitants de ces îles de produire par exemple du blé etc…? Afin de s’en sortir
Et éventuellement d’arrêter les subventions sur la canne et la banane voir sur tout afin disons… « d’encourager » la production d’autres ressources?
francesco
28 octobre 2024Il n’y a donc pas d’avantage comparatif ( Ricardo ) pour l’Ananas entre la Martinique et la métropole !!!
Patrice Pimoulle
28 octobre 2024Qu’est-ce que c;est au juste, un « ermploi de type keynesien?
Flo
28 octobre 2024c’est un emploi basé sur l’idée que la dépense publique (« relance économique ») génèrera de la consommation et par là des rentrées d’argent. C’est la mentalité qui prévaut chez les universitaires et énarques français et qui nous coule (trappe à dette).
Patrice Pimoulle
29 octobre 2024Justement, on a invente l;ENA pour ca, et uniquement pour ca. qui a fait ca?
PAK
28 octobre 2024« On ne peut pas à la fois être obnubilé par le Doliprane et développer une pensée stratégique mondiale » superbe formule qui résume bien l’infinie médiocrité des tarés qui nous gouvernent.
Gaulois refractaire
28 octobre 2024D’accord à 100% avec vous !
Blondin
31 octobre 2024Cette formule est extraordinaire !