12 juillet, 2012

Nouveaux angles 1 : les riches, la Grèce et le libéralisme

Régulièrement, Jean Jacques Netter publie les notes de son cahier concernant les ruptures économiques, les frictions géopolitiques et les évolutions idéologiques de notre société. Cela permet, essentiellement à partir de livres qui ne s’inscrivent pas dans le court terme, de regarder la réalité telle qu’elle est aujourd’hui ou de faire apparaître de nouveaux angles d’évolution.

Ruptures économiques : les riches risquent de faire partie des espèces en voie de disparition si on les taxe trop

Riches : Jean Philippe Delsol administrateur délégué de l’IREF vient de publier « A quoi servent les riches » Il montre que plus l’état intervient, plus l’économie s’enlise parce qu’il dépense mal et que ses prélèvements fiscaux et financiers handicapent l’économie. La croissance est volée par l’état et un mental commun s’installe. Il a pour conséquence que la vie des entreprises ressemble à celle des administrations, figée pour l’éternité dans de fausses vertus et le bannissement du mot profit… Riches : un ancien associé de Mitt Romney chez Bain, Edward Conard, vient de publier un livre « Unintended Consequences ». C’est un plaidoyer en faveur des entrepreneurs et des investisseurs qui prennent des risques pour créer des entreprises. Cela suppose de les laisser gagner de l’argent. Selon lui, c’est la principale raison pour laquelle Microsoft, Intel, Amazon, eBay, Google FaceBook ont été créés aux Etats Unis et pas en Europe…Impôts : Benjamin Constant, dans « Principes de politiques applicables à tous les gouvernements » publié en 1815, écrivait « les impôts deviennent contraire aux droits des individus lorsqu’ils autorisent nécessairement des vexations contre les citoyens ». Il propose une solution qu’il considère comme aussi morale qu’économique : reprendre la main sur « une cour insolente », celle de l’empereur, en lui imposant la modestie des dépenses …. Genève, est une vraie chance pour la France a expliqué Emmanuel Todd, anthropologue et historien. Invité à Genève par une banque privée pour une conférence, il a expliqué que « Si la France veut se suicider, elle n’a qu’à critiquer Genève ou Bruxelles. La France doit immensément plus qu’elle ne croit à ces deux villes francophones qui échappent à l’influence de Paris. Car sans elles, avec son centralisme, la France serait morte depuis longtemps… » Pouvoir transversal : Joël de Rosnay, dans son dernier livre « Surfer la vie » décrit le pouvoir transversal issu du chaos numérique et du « peer to peer ». Il se développe dans une société totalement fluide en train d’être créée par l’extension rapide d’internet à tous les aspects de la vie en société… Technologie : Marc Andreessen, légendaire investisseur de la Silicon Valley est l’homme qui a su anticiper depuis 20 ans cinq changements majeurs : en 1992, tout le monde sera relié à internet… ; en 1995 le moteur de recherche sera la colonne vertébrale d’internet… ; en 1999 tout le monde sera relié par le nuage de la toile… ; en 2004 tout la vie sociale sera connectée au réseau… Il a confié dans une interview passionnante au magazine « Wired » les prochaines étapes. Elles concerneront : l’éducation, les services financiers, la santé et en dernier la gestion des gouvernements… !

Frictions géopolitiques : tout le monde savait que la Grèce vivait en banqueroute permanente depuis sa naissance en 1830

Europe : Jürgen Habermas, le grand philosophe allemand, principale voix de l’Europe pensante, s’en prend dans son dernier livre « La constitution de l’Europe » à la « classe politico médiatique » qui distille « un brouet d’opinions » qui contribue à éviter les vrais débats… Mondialisation : Serge Gruzinski dans son dernier livre « L’aigle et le dragon » est le récit de la première mondialisation au XVIème siècle par les ibériques, c’est à dire les espagnols et les portugais qui pour la première fois se déploient à l’est comme à l’ouest sur la scène planétaire, en Asie et en Amérique ….Grèce : Edmond About, romancier et journaliste connu pour avoir écrit « L’homme à l’oreille cassée » avait rédigé à l’âge de 27 ans en 1854, « La Grèce contemporaine » dans lequel il écrivait « La Grèce est le seul exemple connu d’un pays vivant en pleine banqueroute depuis le jour de sa naissance en 1830 » Grèce : un excellent rapport intitulé « Dette souveraine, une tragédie grecque moderne » a été publié par le Dr Christopher Waller, Directeur de la recherche de la Federal ReserveBank of Saint Louis. Il rappelle que le premier défaut connu au monde s’est passé en Grèce 400 ans avant Jésus-Christ. Il s’agissait de 13 villes grecques qui avaient emprunté de l’argent au temple de Délos et qui refusaient de rembourser ! Grèce : Dimitris Dimitriadis, dramaturge, essayiste et poète grec auteur de « Nous et les grecs » pense que nous vivons la fin d’un cycle historique qui concerne tous les pays. L’impasse est économique et politique. On ne parle plus que de banque, de bourse, de montée, de descente. On semble oublier que le politique et l’économique font partie d’un réseau bien plus large, qui s’appelle la civilisation. Comment ne pas penser à l’heure actuelle à la République de Weimar, dans l’Allemagne des années 20…

Evolutions idéologiques : le libéralisme un courant de pensée que plus aucun homme politique n’ose revendiquer

Libéralisme : c’est un mot qui suscite le sarcasme ou la peur en France. D’ailleurs aucun homme politique ne se réclame de ce courant de pensée. Mathieu Laine, avocat enseignant à Science Po Paris, dans son « Dictionnaire du Libéralisme » montre très bien que le libéralisme n’est pas forcément de droite, qu’il ne se résume pas au « laisser-faire », à la « main invisible » et à l’anarchie sauvage du marché. Il met au contraire en avant l’individu et la liberté face à un état omnipotent…. Néolibéralisme : Serge Audier vient de publier « Néo-Libéralisme(s) une histoire intellectuelle du libéralisme ». Un mouvement portant le message de la déréglementation des marchés, en particulier financiers, du développement de l’individu comme entrepreneur de lui même, et qui a marqué de son empreinte la construction européenne. On comprend la nébuleuse intellectuelle hétéroclite et divisée par l’opposition entre un ultralibéralisme dur et un libéralisme social, loin d’être complètement opposé aux idées keynésiennes…Pensée unique : une langue formate les structures mentales. Si elle devient monopolistique survient alors le danger majeur de la pensée unique. Telle est la thèse du linguiste Claude Hagège. Dans son livre « Contre la pensée unique » il dénonce les effets de l’américain dans de nombreux domaines scientifiques, économiques, diplomatiques. L’anglais dit il est devenu le support de la pensée unique au service de la dictature de la pensée néolibérale…Intellectuels : Thomas Sowell est l’un de ces grands esprits qui honorent les Etats-Unis : noir, élevé dans le sud des Etats Unis à une époque où la ségrégation y sévissait encore (il a plus de 80 ans), il est parvenu à la force du poignet à devenir professeur d’économie dans les plus prestigieuses universités des Etats-Unis sans bénéficier d’aucun passe droit. Dans son livre « Intellectuals and society » il fait la distinction entre ceux qui produisent des biens et des services pour lesquels ils sont responsables et ceux qui produisent des idées et qui ne responsables de rien. Il met dans cette catégorie l’économiste Paul Samuelson qui avait beaucoup d’admiration pour le fonctionnement de l’économie soviétique, ce qui ne l’a pas empêché d’obtenir le prix Nobel. Presse : Benjamin Dormann est le pseudonyme utilisé par un ex journaliste, qui se dit de gauche, pour publier « Ils ont acheté la presse. Pour comprendre enfin pourquoi elle se tait, étouffe ou encense ». Il montre que la quasi totalité des économistes que nous voyons constamment sur les ondes appartiennent en fait à deux « clubs de réflexion » très reliés l’un à l’autre et au Parti Socialiste. Ces deux clubs sont Terra Nova et le Cercle des Economistes… Economistes : Laurent Mauduit, journaliste à Mediapart a publié le pamphlet « Les imposteurs de l’économie. Comment ils s’enrichissent et nous trompent ». Il pointe du doigt la poignée d’experts autoproclamés qui monopolisent le débat public et multiplient compromissions et conflits d’intérêt….Anxiété : Lisa Miller, journaliste américaine a expliqué brillamment dans New York Magazine queaprès cinq ans d’instabilité économique chronique, les voix insistantes des prophètes et des experts qui clament que la catastrophe nucléaire, écologique, politique ou terroriste est inéluctable, ont transformé notre monde en un ensemble de pays en état d’anxiété permanente qui résulte de menaces qui sont à la fois partout et nulle part…Fractures : Christophe Guilluy décrit dans « Fractures françaises » la précarisation d’une France périphérique à la fois majoritaire et invisible aux antipodes du « boboland ». La fracture selon lui n’est plus tant entre la gauche et la droite qu’entre les classes dominantes indifféremment de droite et de gauche et les classes populaires. Hikimori : c’est le mot japonais qui signifie « retrait social ». Il touche essentiellement les garçons et se manifeste en l’absence de schizophrénie ou de retard mental par un mode de vie centré sur le domicile, un intérêt ou un désir nul pour l’école et le travail. Le Docteur Alan Teo dans « International Journal of Psychiatry » a décrit le phénomène qui touche déjà des centaines de milliers d’adolescents au Japon… Haine : Marc Knobel dans son livre « L’internet de la haine » décrit les zones d’ombre d’internet, sa face noire qui se traduit par la diffusion massive des haines, du mépris, des incitations à la violence de racistes, antisémites, néonazis, intégristes, islamistes, terroristes et homophobes…Extrêmes : Pierre-André Taguieff dans son dernier ouvrage « Le nouveau national-populisme » explique bien pourquoi l’extrême droite et l’extrême gauche ont un grand ennemi en commun : le nouvel ordre mondial, superpuissance cachée aux multiples visages … Transparence : Evgeny Morozov dans son dernier livre « L’illusion du net : la face cachée de la liberté sur internet » décrit que la connexion met les personnalités les plus fragiles à l’abri de la diversité et de l’incertitude du monde réel. Un monde dominé par Facebook, dit il sera peut être plus ouvert et plus connecté mais il risque aussi d’être plus immature, plus anxieux, plus morne… Droite : Pour Emmanuel Terray, anthropologue engagé à gauche, auteur du livre « Penser la droite », la pensée de gauche part toujours d’une utopie pour vouloir adapter la réalité. La pensée de droite part de la réalité pour voir quelles sont les solutions possibles pour modifier la réalité…. Gauche : Régis Debray dans « Rêverie de gauche » définit la gauche comme » une volonté farouche mais contrôlée d’inadaptation à la force des choses »…Consensus mou : Ivan Rioufol dans son livre « La fin d’un monde » reprend son bloc note du Figaro depuis un an. Il explique notamment que les électeurs ont choisi avec François Hollande « une gauche penchant à droite, versus une droite penchant à gauche »… Esquive : Ezra Suleiman, professeur à Princeton décrypte les blocages de la vie politique française. Il décrit les mœurs politiques françaises comme étant celles de l’esquive. Chacun s’accorde à fermer les yeux sur l’essentiel qui est comment sortir concrètement du déficit…

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

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