Au cours de la Conférence CA Cheuvreux qui a eu lieu la semaine dernière à Paris, une des interventions les plus intéressantes a été celle de Denis Kessler, Président de la Scor. Pour lui, il faut se préparer dès maintenant pour une remontée des taux d’intérêts, car la politique très laxiste des banques centrales ne pourra se poursuivre éternellement. A partir de cette hypothèse il a retenu quatre scénarios : 1/ un krach obligataire avec une hausse des taux de 300bp, qui peut arriver à la suite d’un éclatement de la zone Euro encore possible, de la victoire de Mitt Romney aux élections présidentielles américaines ou alors d’un déclenchement d’une guerre en Iran. 2/une hausse graduelle des taux à 4,5%-5% à la suite d’avancées dans la crise de l’Euro se traduisant par plus de fédéralisme et d’intégration fiscale. 3/ une hausse des taux très rapide à la suite de la prise de conscience par les marchés que l’inflation va progresser.4/ une courbe des taux maintenue sous perfusion par les banques centrales qui continuent à faire fonctionner la planche à billets en entretenant une déflation à la japonaise. Tout cela se traduit au niveau des investissements de la Scor par une allocation action située entre 7,5% et 12,5% ; une allocation en immobilier de 2,5%à 7,5% ; le reste étant investi sur des instruments permettant de se protéger en grande partie contre les effets de la hausse des taux.
Parmi les autres conférences organisées à chaque rentrée pour les investisseurs nous avons rendu compte la semaine dernière de celle qui a eu lieu à Hong Kong, organisée par le broker CLSA qui faisait partie du Groupe Crédit Agricole. Au même moment a eu lieu la « New York Investment Conference » organisée par le bureau de recherche indépendant BCA.
L’euro peut être sauvé politiquement à court terme
C’est Bernard Connolly auteur du livre « Le cœur pourri de l’Europe » publié en 1995 qui lui avait coûté son job à la Commission Européenne, car il décrivait très bien que l’Euro serait emporté à la première importante tant ses fondations étaient mal conçues et fragiles. Il a présenté les différentes solutions possibles à la crise de l’Euro. La poursuite de l’austérité ne peut mener qu’à la dépression. Une dépression massive de l’euro pour restaurer la compétitivité de la Grèce nécessiterait une parité de 0,35€ pour un dollar, ce qui en trainerait une appréciation de 70% des prix allemands.Quant à la politique d’achat d’obligations par la BCE elle ne permettra que de gagner du temps mais en aucune façon de résoudre le problème.
En ce qui concerne l’Union fiscale, elle nécessiterait un transfert d’environ 10% du PIB allemand. Ce qui paraît inacceptable par les allemands. Finalement la conclusion de son intervention ne fut pas très originale en prévoyant que la sortie de crise se produirait par une combinaison encore à trouver d’austérité, d’interventions de la BCE et d’Union Fiscale…
Dhaval Joshi « Chief European Strategist » de BCA pense que les dirigeants politiques actuellement au pouvoir en Europe ne sont pas prêts à mettre fin au projet politique de création de l’Europe.
L’économie chinoise fait toujours l’objet d’avis contrastés
Elle a été traitée par deux intervenants : Michael Pettis professeur de finance à l’Université de Pékin, estime que la croissance de l’économie chinoise devrait redescendre à un rythme de 3 à 4% pendant les 10 prochaines années.Victor Gao Directeur du « China National Association of International Studies » est plus optimiste car il anticipe une croissance de 8% pour la prochaine décennie. Pour lui les quatre grandes forces qui tirent l’économie chinoise sont toujours présentes : industrialisation, modernisation, urbanisation, globalisation.
L’économie américaine tirée par la politique généreuse de la Fed
Norman Ornstein président de l’American Enterprise Institute, a mis l’accent sur trois facteurs préoccupants : 1/ le système politique américain est bloqué car il y a une absence totale de convergence qui interdit la prise de mesure bipartisane. Le camp républicain doit ainsi s’adapter à la minorité du “Tea Party” pour conserver son unité. 2/La responsabilité des politiques sur leurs décisions est en train de disparaître, ce qui amène dans le débat la notion de mensonge de l’homme politique et développe le populisme ce qui est évidemment très mauvais pour la démocratie. populisme. 3/la politique va rester une source de volatilité très forte des marchés si Obama gagne, ce que la majorité des participants attend.
David Stockman ancien directeur du budget de Ronald Reagan, a lancé une attaque très dure contre la politique de la Fed. Selon lui la politique de taux très bas maintenus par l’institut d’émission permet au gouvernement de continuer à dépenser sans compter.
Harvinder Kalirai « chief currency strategist » de BCA, au cours de la session sur « la monnaie de singe » a montré une série de graphiques impressionnants sur la dévalorisation du pouvoir d’achat des principales monnaies : un Dollar de 1900 ne vaut plus que 3 cents, une Livre un pence, un Franc Suisse 8 centimes ce qui est plus inattendu et 10 000 Yen un Yen.
Dans la proportion de 35%, les participants pensent que la Fed adopte une politique monétaire beaucoup trop stimulante, 66% s’attendent à une forte remontée de l’inflation dans les trois ans qui viennent.
Richard Koo, le très respecté « Chief Economist » de Nomura, a une fois de plus expliqué en s’appuyant sur l’exemple japonais, que la contraction des bilans des banques ne pouvait que mener à la récession. Il est partisan d’une politique moyenne qui consiste a réduire les dépenses publiques dans la durée tout en dosant l’austérité pour ne pas effondrer la croissance.
Le marché américain stimulé par la Fed
David Rosenberg Chief Economist de Gluskin Sheff, est convaincu que le marché sera déçu par la baisse des résultats. En revanche Laszlo Birinyi président de Birinyi Associates et Richard Bernstein CEO de Richard Bernstein Advisors, continuent d’être optimistes.
Au total on sentait bien que malgré l’incertitude, pour les participants, c’était la politique de reflation provoquée par une forte injection de liquidité qui allait prévaloir même avec une croissance économique modeste.
En Allemagne, il ne faut plus avoir peur d’une récession en Allemagne nous dit François-Xavier Chauchat de GaveKal. Il montre dans sa dernière étude que les indicateurs avancés allemands sont trop sensibles aux exportations. Si la crise de l’Euro est maitrisée pour le moment il pense que l’économie allemande sera la première à ré-accélérer.
En Europe de l’Est, dans ce scénario optimiste, plusieurs stratégistes ont remonté leur allocation d’actif notamment Frank Holmes CEO de US Global Investors.
Les marchés frontières semblent de nouveau intéresser certains investisseurs qui achètent le tracker iShares MSCI Frontier 100 Index Fund. Il est investi à hauteur de 31% au Koweit, 16% au Quatar, 12% dans les Emirats Arabes Unis puis ensuite au Nigeria, Pakistan, Argentine, Bangladesh, Vietnam Kenya, Sri Lanka, Liban et Croatie.
Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.