Les marchés peuvent rester irrationnels plus longtemps que vous ne pouvez rester solvables
Keynes
La description du cycle du cochon est l’un des grands moments dans les cours d’économie en première année. La voici.
Au début de l’année t, le prix du kilo de viande de cochon est très bas. Et donc, aucun paysan n’élève des cochons. Un an plus tard, en t+1, il y a, fort logiquement, une pénurie de bacon, et le prix de la viande de cochon s’envole. Immédiatement, les paysans se précipitent, les pauvres truies sont mises à contribution comme jamais, les verrats sont sur le flanc…Et, en t+2, compte tenu de la surproduction, le prix du rôti de porc s’effondre à nouveau et avec lui la naissance de petits cochons. Plus un seul paysan ne produit du cochon. En t+3 le prix du bacon s’envole derechef.
Et ainsi de suite…
Le lecteur va me dire que le cycle du cochon est une invention d’économistes qui cherchent à avoir l’air malin et que dans la réalité, les choses sont beaucoup plus compliquées et ne se passent jamais de cette façon. Je n’en suis pas si sûr, surtout quand je vois le secteur le plus important pour l’économie, celui de la production d’énergie exhiber un cycle du cochon parfait avec une légère différence cependant, le cycle n’est pas à un an mais à …trente ans. Vérifions.
Explications
- Le scenario semble être toujours le même : le pétrole (l’énergie) est bon marché et il est donc très rentable de transformer l’énergie en produits ou en services. La demande d’énergie explose. La ligne rouge monte, mais comme il n’est pas rentable de faire des recherches pour trouver des cochons, pardon du pétrole, au bout d’un certain temps (20 ans…), le prix du pétrole se met à monter puisque l’offre est devenue inferieure à la demande.
La ligne rouge commence à baisser. La rentabilité des affaires se contracte et un bear market structurel commence.
- Ce cycle semble avoir une durée de trente ans. Les plus bas sur les actions ont été atteints à chaque fois à trente ans d’écart : 1920, 1950, 1980, 2010. Le prochain plus bas devrait donc être atteint vers 2040.
- Le ratio est totalement horizontal ce qui permet de dire que quand la ligne rouge passe au-dessus de 180, le marché des actions est probablement « cher » et qu’il est de plus en plus dangereux de rester sous-pondéré en valeurs énergétiques. C’est le cas aujourd’hui.
- Il semble que le cycle énergétique et financier connaisse trois phases, hausse des actions, stabilisation, baisse des actions. Nous sommes dans la phase de stabilisation.
Et la question se pose immédiatement : comment jouer ce cycle. Voici MA reponse.
- La ligne rouge est à nouveau le ratio S&P 500 Prix du Pétrole.
- La ligne bleue est la moyenne mobile à 7 ans de ce ratio.
- Les hachurages jaunes montrent les périodes dangereuses pour le marché des actions, durant lesquelles la ligne rouge est sous la ligne bleue = cours des actions sous performant le prix du pétrole depuis 7 ans au moins) ce qui veut dire que la transformation énergie-produits se fait à perte.
Vérifions maintenant que ces périodes jaunes correspondent vraiment à des périodes dangereuses.
C’est ce que je fais dans le graphique suivant.
Quelques mots d’explication pour ceux qui ne suivent pas la finance pour expliquer ce qu’est le multiple cours bénéfice.
Soit une société XYZ qui a un bénéfice de 10 e par action et un cours de bourse à 100 e,
Le cours d’une action est donc fonction de deux paramètres, son bénéfice par action et un multiple de ce bénéfice que le marché lui attribuera et que les américains appellent le PE Ratio ou Price earnings ratio, que nous avons traduit « multiple cours bénéfice ». Dans le cas de XYZ, la valeur se vend à 10 fois son bénéfice annuel, et plus le nombre d’années est grand, plus la valeur est chère.
Si vous additionnez les profits de toutes les sociétés qui constituent un indice, vous arrivez à un profit par action pour cet indice et la courbe noire qui apparait sur le graphique ci-dessus est simplement le multiple cours bénéfice pour l’indice Américain S&P 500 depuis 1918. A 5, les actions sont données dans la rue. A 36, l’enthousiasme est sans doute un peu excessif. Et quelque chose de stupéfiant apparait. Quand on regarde le graphique. Début 2000, le PE est à 45 fois, ce qui est très élevé. Vingt ans plus tôt il était à 5. Dix ans plus tard, il est à moins de 15 fois les profits des mêmes sociétés.
En réalité, le PE ratio pour le S&P 500 a oscillé entre 5 et 45 depuis un siècle (voir le graphique)
Et donc, ma société XYZ, si elle se vendait au multiple du marché avec les mêmes bénéfices de 10 pourrait voir son cours varier entre 50 et 450, ce qui ne parait pas très sérieux, et d’ailleurs ne l’est pas. Personne n’a jamais dit que les marchés étaient sérieux, mais juste que sur le long terme, ils faisaient un meilleur travail d’allocation du capital que les technocrates.
Cette volatilité dans l’appréciation que les marchés portent sur les bénéfices est en fait la cause principale et des krachs et des bulles.
Mais peu de monde a réussi à expliquer cette volatilité
Je m’y essaye dans ce papier.
La reponse que je soumets est que la variation des multiples est causée par la variation du cours de l’énergie, cette variation ayant un profond impact sur la rentabilité des sociétés.
- Si les cours de l’énergie baissent par rapport aux cours des actions, il faut se bourrer d’actions représentant des valeurs de croissance dites à duration longue puisque les multiples vont monter.
- Si l’inverse se produit, il faut avoir des valeurs à haut rendement et à faible duration puisque les multiples vont baisser.
Pour l’instant, il n’y a pas de problème avec l’énergie.
Mais, compte tenu de ce qui se passe au Moyen-Orient, une forte hausse des prix du barri n’est pas à exclure. Auquel cas, il faudra vendre les valeurs de croissance et acheter les sociétés à fort rendement.
Auteur: Charles Gave
Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).
le chinois
26 juin 2025Bjr,
La production US semble achever son « Adam&Eve », donc descente profonde.
https://www.eia.gov/dnav/pet/hist/LeafHandler.ashx?n=pet&s=mcrfpus2&f=m
En autre « les nombres de puits en activité de l’indice Baker Hugues est au niv de 2007.
https://fr.investing.com/economic-calendar/baker-hughes-u.s.-rig-count-1652
On dits, que les USA sont le premier producteur.
Et quand il quittera la scène ?
paeschli
24 juin 2025Que veut on dire par « valeurs à haut rendement »?
Romain
30 juin 2025Je copie colle la réponse de chat gpt :
En bourse, valeurs de croissance et sociétés à fort rendement désignent deux types d’entreprises qui attirent des investisseurs avec des profils et des objectifs différents. Voici les différences clés entre les deux :
—
🔹 Valeurs de croissance (growth stocks)
Définition :
Ce sont des entreprises dont les bénéfices et le chiffre d’affaires augmentent rapidement, souvent plus vite que la moyenne du marché. Elles réinvestissent généralement leurs profits pour financer leur expansion plutôt que de verser des dividendes.
Caractéristiques :
Taux de croissance élevé du chiffre d’affaires et/ou des bénéfices
Peu ou pas de dividendes
Valorisation souvent élevée (ratios PER/PB élevés)
Potentiel de forte appréciation du cours en cas de réussite
Exemples typiques :
Entreprises technologiques ou innovantes (ex. : Tesla, Amazon à ses débuts, Nvidia)
Type d’investisseur visé :
Ceux qui recherchent une plus-value importante sur le long terme
Prêts à accepter plus de volatilité
—
🔹 Sociétés à fort rendement (high dividend yield stocks)
Définition :
Ce sont des entreprises qui versent un dividende élevé par rapport au prix de leur action. Elles sont souvent plus matures, avec une croissance plus lente, mais plus de stabilité.
Caractéristiques :
Dividendes élevés et réguliers
Croissance modérée ou faible
Moins de volatilité en général
Potentiel de valorisation plus limité
Exemples typiques :
Services aux collectivités, banques, télécoms, immobilier coté (REITs)
En France : TotalEnergies, Orange, AXA
Type d’investisseur visé :
Ceux qui recherchent des revenus réguliers (ex. : retraités, rentiers)
Profil défensif, préférant la stabilité à la croissance rapide
—
📊 En résumé :
Aspect Valeurs de croissance Sociétés à fort rendement
Objectif principal Plus-value Revenus (dividendes)
Dividendes Faibles ou nuls Élevés et réguliers
Risque/Volatilité Élevé Plus modéré
Type d’entreprise Innovante, en expansion Mûre, stable
Idéal pour Investissement long terme Revenus passifs stables
fred
23 juin 2025https://en.macromicro.me/collections/8005/commodities-overview/71431/major-commodities-index-comparison-gsci-bcom-crb
On observe dans ce graphique qui montre le S&P 500 et le CRB, que l’écart entre ces deux indices est de plus en plus important dans le temps.
Faut-il en déduire une décorrélation du Marché avec le CRB ? La chose serait assez illogique puisque « l’économie, c’est de l’énergie transformé » mais alors quel serait la cause de cette décorrélation ? Le marché serait il en train de s’indexer sur autre chose par exemple le bit d’information ? Auquel cas, l’énergie serait alors en quelque sorte relégué au second plan en tant que moyen pour faire tourner des serveurs. C’est juste une expérience de pensée…
petite remarque : la géopolitique – et donc l’énergie – c’est aussi celui qui a la plus grosse armée (13 porte-avions pour les USA ; voire aussi l’empire Romain) « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent » 🙂
La hausse du baril est évoqué ici :
https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/tableau-bord-marches-petroliers
Benj
23 juin 2025Merci Charles,
Serait il intéressant d’ajouter au raisonnement (brillant) la variable démographique ?
Marc
23 juin 2025La situation au Moyen-Orient coïncide parfaitement avec le manque de compétitivité des USA. Ces derniers produisant du pétrole, plus que l’Europe et la Chine je suppose, créent une déstabilisation, entraînant une spéculation sur le baril, leur permettant ainsi de se replacer en terme de prix à la production, ce que conduirait à la hausse des exportations.
C’est un calcul d’apothicaire, mais s’il y a du vrai dans mon hypothèse, ils voudront ce dérangement long pour mettre sous pression ces concurrents et les faire plier sur les « tariffs ».
Donc n’en reviendrait-on pas encore à ce que disait la légende : » ne jamais parier contre les USA » ?
En extrapolant, ne serait t-il pas intéressant de se tourner vers les pays nordiques dans les investissements d’un PEA ? En particulier la Norvège, ayant du pétrole et pas l’Euro pour monnaie……
Patrice Pimoulle
23 juin 2025Conclusion, surtout: l’enegie n’est pas une chose de genre pouvant se negocier sur un marche: c’est une matiere strategique, donc une chose certaine, qui releve de la politique/