Avant l’été de nombreux risques pesaient sur les marchés. On pouvait s’attendre à un atterrissage brutal de l’économie chinoise, à un retour des turbulences monétaires en Europe, à de nouvelles hésitations de la Fed sur sa politique de désengagement des marchés, à des tensions au Moyen Orient. Le ralentissement était mondial sauf pour le Japon, le Canada et le Royaume Uni.
En dehors de la Syrie très récemment, aucune de ces craintes ne s’est manifestée, ce qui a permis aux bourses de connaitre un bel été avec notamment une progression des sicav actions françaises de plus de 9%.
On enregistre une amélioration des indicateurs économiques mondiaux très contrastée avec un léger mieux en Europe et aux Etats Unis. Cela n’empêche pas la gouvernance mondiale d’être en panne. Le nouvel acronyme de « CRASH » signifiant Conflict, Rates,Speculation, Housing a d’ailleurs été inventé par Merrill Lynch. Il représente tous les dangers qui pèsent sur les marchés pour les semaines qui viennent…
Un petit retour de la confiance se produit en zone Euro
L’Europe a l’air de sortir lentement de sa léthargie, essentiellement grâce aux performances économiques de l’Allemagne. Les élections allemandes se tiendront le 22 septembre prochain. Pour le moment, Peer Steinbrück le représentant des sociaux démocrates est largement distancé dans les intentions de vote par Angela Merkel la chancelière sortante. Elle devrait recueillir après huit ans de pouvoir, les fruits de sa politique économique symbolisée par le « kurzarbeit » qui a permis à l’industrie allemande de gérer, pendant le plus fort de la crise, ses effectifs avec flexibilité et le refus systématique d’imposer un salaire minimum de 8,50€ de l’heure. Elle estime en effet, qu’un smic généralisé à la française contribuerait largement à détruire des emplois et empêcherait les jeunes pas ou non formés d’entrer dans le monde du travail.
Les élections terminées, les relations franco-allemandes vont donc une nouvelle fois être mises à l’épreuve. Si la Chancelière veut maintenir la cohésion de l’Europe il lui faudra accepter, le moment venu, une forme de mutualisation de la dette qui sera assortie de conditions très strictes pour les pays qui auront besoin de recourir au dispositif.
Les politiques de diminution des dépenses publiques, baptisées par leurs détracteurs « politiques d’austérité » donne des résultats en Grande Bretagne où l’économie va mieux. C’est également le cas en Espagne, où les sceptiques qui pensaient que Mariano Rajoy Premier Ministre ne tiendrait pas ses objectifs ont eu tort. Le pays a enregistré la première baisse du taux de chômage depuis deux ans. Il a regagné en compétitivité et exporte donc plus. Déstabilisé avant l’été par les révélations de la presse sur les financements occultes du Parti Populaire, le Premier Ministre a maintenu le cap.
En revanche, en Italie, la reprise s’annonce très poussive en 20124. L’économie sous terraine pèse encore 17% du PIB. Le pays reste confronté au drame d’une jeunesse sans emploi et sans espoir. La Grèce reste la patate chaude de la campagne électorale allemande. Il est désormais clair que les 240 Md€ débloqués ces dernières années ne suffiront pas à faire sortir le pays d’une récession qui dure depuis six ans. L’Europe a finalement débloqué pendant l’été une nouvelle tranche d’aide sans relâcher la pression… Contrairement aux illusions entretenues par les partisans de la croissance infinie de la dette publique, la Grèce montre que les états pouvaient faire faillite y compris au sein de la zone Euro…
La France reste « l’homme malade de l’Europe »
En France, au delà du discours officiel qui nous explique que la reprise est bien là, certaines statistiques font froid dans le dos. Les impayés en matière de salaire ont battu un record inquiétant en juillet. Pour l’Assurance Garantie des Salaires, qui est le système géré par l’Assurance Chômage permettant de payer les employés quand leur entreprise est en redressement, en liquidation ou en procédure de sauvegarde, le montant décaissé en juillet s’est élevé à 228,8M€. Il constitue un niveau record. Les très petites entreprises sont les plus touchées car 80% des demandes proviennent de sociétés qui emploient moins de dix salariés.
Les prêts sur gages constitués auprès des crédits municipaux ne cessent de progresser. A Paris, le nombre de dépôts entre 2008 et 2012 est en augmentation de 61,4% en nombre et de 163% en valeur !
La décision arrêtée sur les retraites est consternante. Pas plus que les précédentes, la réforme des retraites n’est de nature à « sauver » le système. Seul le déficit du secteur privé a été abordé, rien n’a été entrepris sur celui des fonctionnaires alors que le mot justice est prononcé sans arrêt. Aucune mesure n’a été annoncée pour supprimer par exemple des excès comme celui du régime spécial des parlementaires qui permet après deux mandats de dix ans d’obtenir à 62 ans une pension de retraite de 2400€ mensuels, alors qu’un professeur du secondaire l’obtiendra au mieux qu’après 41 ans de travail et à l’âge de 65 ans !
Le frémissement de l’économie française reste à confirmer. Les équations deviennent de plus en plus impossibles à résoudre en matière de retraites, de budget, de croissance. La France est toujours incapable de mettre en œuvre les réformes nécessaires car la gauche tout comme la droite se trompent sur le rôle de l’Etat. Il devrait se contenter de réguler convenablement la vie économique au lieu de vouloir en permanence en être un acteur.
La croissance américaine reste molle
Les Etats Unis sont probablement le seul pays où la croissance va être durable. Certes un changement de comptabilité a permis de gonfler un peu le PIB américain depuis le début de l’année, car les coûts de recherche et développement figurent désormais dans la catégorie des investissements et non plus des dépenses. Une crainte sur un nouveau blocage sur le plafond de la dette se profile de nouveau à l’horizon.
La prochaine réunion de la Fed aura lieu les 17 et 18 septembre. Comme toujours elle influencera beaucoup le comportement des investisseurs.
Les pays émergents ont déprimé les marchés
Les pays émergents sont confrontés à la fin prévisible de la politique de soutien de la Fed à l’économie américaine. Le Brésil et la Turquie ont rejoint la Chine, l’Inde et la Russie dans le camp des pays émergents dont l’économie a ralenti. Les investisseurs anticipent la fin de l’argent facile qui fera particulièrement défaut aux économies les plus fragiles.
Le Brésil a été confronté a une véritable colère des classes moyennes. L’ Inde doit faire face à la faiblesse de la Roupie qui entraine la bourse dans sa chute…
La Turquie a aussi été obligée de voler au secours de sa devise qui s’est effondrée. La Banque Centrale Turque a relevé son taux d’intérêt à court terme pour modérer l’inflation.
A l’échelle mondiale les politiques de dévaluation sont un jeu à somme nulle qui risque de précipiter les déséquilibres et renforcer encore les antagonismes nationaux. Ces mouvements semblent annoncer une crise de liquidités qui se produirait en raison d’un manque de dollars.
Par contre, les pays frontières connaissent un autre sort. George Friedman de Stratfor président d’une société d’intelligence économique américaine a établi la liste des 16 pays qui vont prendre le relais en matière de coût du travail attractif : Kenya, Ethiopie, Tanzanie, Ouganda, Bangladesh, Sri Lanka, Indonésie, Myanmar (=Birmanie), Cambodge, Laos, Philippines, Vietnam, République Dominicaine, Mexique, Pérou, Nicaragua…D’ailleurs, depuis le début de l’année on constate que les flux investis sur les marchés frontières sont très supérieurs à ceux qui sont investis sur les marchés émergents. Pendant cette période les marchés émergents ont baissé de 9,2% alors que les marchés frontières progressaient de 0,7%.
Les « pays frontières » réalisent des performances boursières nettement supérieures à celles des marchés émergents avec notamment le Ghana qui progresse depuis le début de l’année de 85% et le Pakistan de 67%
Les économies des printemps arabes s’enfoncent dans la crise. L’instabilité politique pèse sur le secteur clé du tourisme et font fuir les investisseurs. Deux ans après sa révolution l’Egypte est un pays au bord de l’abîme.
En Chine, l’économie montre des signes de rebond grâce aux exportations qui repartent sur une meilleure demande aux Etats Unis et en Europe. Mais le miracle qui lui permettait d’attirer les usines du monde entier avec un coût du travail très bas est en train de toucher à sa fin. D’ailleurs l’acronyme « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine , Afrique du Sud) inventé par Goldman Sachs est remplacé par « Five BIITS » (Brésil, Indonésie, Inde, Turquie, Afrique dub Sud) de la Deutsche Bank. Il est censé représenter les pays qui sont entrés dans une zone de forte vulnérabilité.
Le cartel bielo-russe des engrais dénoncé
Le secteur des engrais a été fortement déstabilisé par la dissolution du cartel Belarusian Potash Company (BPC) entre la Russie et la Bielorussie. Il regroupait les sociétés Uralkali et Belaruskali. Le prix de la potasse qui était de 840$/T en 2009 pourrait tomber autour de 250-300$. Canpotex est le cartel nord américain qui regroupe Potash of Saskatchewan, Mosaic et Agrium. Avec PBC ils fournissent 70% du marché mondial de la potasse. En Europe c’est K et S (Allemagne) le n°5 mondial qui a beaucoup souffert. La plupart des producteurs de potasse ont pour le moment un bilan qui leur permet de supporter une pression sur les prix. A suivre …
Les établissements bancaires britanniques et allemands ne sont pas tirés d’affaire, compte tenu des nouvelles régulations elles devront avoir recours plus aux capitaux de leurs actionnaires qu’à l’emprunt. La vraie restructuration bancaire n’a toujours pas eu lieu. Jamais le monde réel n’au autant eu besoin de la finance. Le crédit sain, celui qui finance l’avenir doit se développer au détriment de celui qui finance les dépenses courantes. Barclays est concerné par le sujet tout comme Royal Bank of Scotland et Lloyds Banking Group, mais ces deux derniers sont partiellement nationalisés. C’est donc l’Etat britannique qui leur fournira les fonds supplémentaires exigés. En Allemagne, parmi les banques côtées, c’est Commerzbank qui aura encore besoin de lever des fonds.
Dans le secteur de la Brasserie, les pays émergents compensaient jusqu’à maintenant la morosité des pays développés. Ce n’est plus le cas car Heineken et Carlsberg ont annoncé un recul de leur activité au premier semestre. AB Inbev le leader mondial avait déjà fait ce constat en juillet.
Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.
BA
13 septembre 2013Vendredi 13 septembre 2013 :
Espagne : nouveau record de la dette publique.
La dette publique de l’Espagne a atteint fin juin un nouveau record à 92,2% du PIB, dépassant l’objectif annuel fixé par le gouvernement, ce dernier expliquant cette hausse par la récession et la plus forte activité du Trésor public.
Ce taux est d’ores et déjà supérieur au maximum visé par le gouvernement pour la fin de l’année (91,4% du Produit intérieur brut), selon les chiffres publiés vendredi par la Banque d’Espagne.
La dette de la quatrième économie de la zone euro a augmenté de 14,7 points de pourcentage par rapport à la même période de 2012.
La Banque centrale a révisé à la hausse l’endettement de l’Espagne au premier trimestre, passant de 88,2% à 90,1%, après la révision fin août des chiffres officiels du PIB de l’Espagne sur la période.
La porte-parole du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, a reconnu vendredi, lors de la conférence de presse après le Conseil des ministres, ce « rebond de la dette », qu’elle a expliqué par « la situation de récession de l’économie espagnole » et « le niveau élevé d’émissions menées par le Trésor public, avec actuellement 80% des émissions prévues sur l’année déjà réalisées ».
Profitant de marchés plus sereins, après une année 2012 très tendue, le Trésor a accéléré son rythme d’émissions et avait couvert fin juin (date de référence pour le chiffre de la dette publique) 65% de ses besoins de financement. Début septembre, elle en était rendue à 79,8%.
Soraya Saenz de Santamaria a également évoqué « le plan (de paiement) aux fournisseurs », par lequel l’Etat espagnol a aidé les collectivités à régler leurs factures, comme élément ayant contribué à creuser la dette.
« La dette est l’autre versant du déficit et la principale façon de contrôler la dette publique est de contrôler le déficit », a-t-elle souligné, alors que l’Espagne s’est engagée à ramener son déficit public à 6,5% du PIB cette année, contre 7% en 2012.
En montant brut, l’endettement de l’Espagne atteignait 942,76 milliards d’euros au deuxième trimestre, un record absolu depuis l’année 2000, contre 804,66 milliards un an plus tôt.
Le graphique est en bas de l’article :
http://www.boursorama.com/actualites/espagne-nouveau-record-de-la-dette-publique-752669137980a0921c9903fbdead1825
Fred
6 septembre 2013J’ai du mal à imaginer l’Allemagne accepter la mutualisation des dettes européenes. Surtout eu égard la politique irresponsable de la France et de ses socialistes au pouvoir…
Jules
12 septembre 2013Entièrement d’accord avec vous, Fred. Le danger étant d’assister à un détricotage des quelques avancées européistes réalisées (dans le désordre le plus parfait 🙂 ) depuis 10 ans…
La solution qui semble se profiler (puisque l’Allemagne ne peut pas payer pour les 27 autres.. lol), c’est d’abord une offensive (déja lancée) sur les avoirs exfiltrés (regardez comment la Suisse est en train d’être mise à genoux), puis un « bail-in » généralisé (agrémenté d’une inflation sévère bien que ne disant pas son nom).
JEPIRAD
5 septembre 2013« La France est toujours incapable de mettre en œuvre les réformes nécessaires car la gauche tout comme la droite se trompent sur le rôle de l’Etat. Il devrait se contenter de réguler convenablement la vie économique au lieu de vouloir en permanence en être un acteur. »
Oui c’est tout à fait ça le problème, mais si on l’applique à la lettre les pauvres deviendront encore plus pauvres. C’est l’obstacle à ce qu’il faudrait faire et ce ne sont pas les socialistes qui vont gérer ainsi.
roger duberger
5 septembre 2013Bien d’accord avec vous et merci à JJ Netter pour son billet
Amellal Ibrahim
4 septembre 2013Bonjour,
« Swing low, sweat chariot »
Chant que les supporters anglais chantent quand le XV de la Rose se met à dominer ses adversaires, les britanniques seront-ils les premiers à se tirer de la crise ?