En Europe, l’indice de confiance est au plus bas depuis trois ans et le spectre de la déflation est loin d’avoir disparu. « Ça va mal finir » écrit cette semaine Patrick Artus de Natixis. L’incompréhension des autorités européennes, ainsi que des gouvernements allemands et français, sur les mécanismes économiques en place dans les pays en difficulté de la zone Euro (Grèce, mais aussi Espagne, Italie, Portugal et potentiellement la France) n’incite pas à beaucoup d’optimisme. D’ailleurs, la pauvreté est de retour explique Jan Zijderveld le patron des opérations européennes de Unilever. Nous nous préparons, dit il, à vendre des doses individuelles de shampoing, comme en Indonésie, car de nombreux consommateurs en Europe n’auront plus les moyens d’acheter un flacon entier ! Ce sentiment est confirmé par Michel-Edouard Leclerc patron des magasins Leclerc…
Au moment où les rumeurs de démission de Jens Weidman président de la Bundesbank se font plus insistantes, les marchés veulent voir la BCE acheter de la dette souveraine de l’Espagne et de l’Italie. Cela ne se produira certainement pas explique Chris Wood de CLSA avant le 12 septembre, date de l’annonce de la décision de la Cour Institutionnelle de Karlsruhe. L’establishment allemand ne veut pas d’une sortie de la Grèce de l’Euro car cela ouvrirait la porte à la sortie d’autres pays…
Pratiquement toutes les grandes maisons de gestion ont travaillé pendant l’été sur des hypothèses d’éclatement de la zone Euro. Legg Mason dans ses scénarios extrême a envisagé une hypothèse de fermeture des marchés. State Street tirant les leçons de la faillite de Lehman Brothers s’est surtout concentré sur les risques de contrepartie. Vanguard a mis au point des dispositifs pour éviter d’avoir des capitaux bloqués dans les pays qui quittent la zone Euro. Fidelity Investments enfin a préparé un site web pour répondre à toutes les questions que ses clients poseront…
Marchés actions : il faut surveiller de près les indices chinois
En Europe, il y a peu de nouvelles encourageantes en dehors de François Chauchat de GaveKal, selon lequel on assiste actuellement à une diminution du risque européen. La valorisation des actions européennes est tombée selon lui en relatif, au plus bas depuis 50 ans. Les ratios price/book value (=cours/actif net comptable) et price/sales (=cours/Chiffre d’affaire) sont la moitié des ratios américains et au même niveau que les japonais.
En Allemagne, la production manufacturière a baissé de 0,3% au T2. Le retour au chômage partiel est demandé par les syndicats, ce qui montre tout l’intérêt de la flexibilité dans l’organisation du marché du travail.
En France, la simple lecture de la couverture des magazines explique bien l’ambiance de la rentrée : l’Express titre sur « Les cocus de Hollande », Le Point s’adressant à François Hollande « On se réveille ? », Valeurs Actuelles « La rentrée du Petit Chose », Alternatives Economiques « Pourquoi on ne s’en sort pas » et Mariane « Hollande, secoue toi il y a le feu » sans oublier le Nouvel Observateur « La guerre des dames » commentant longuement les deux livres de la rentrée : « Favorite » de Laurent Greilsamer et « Entre deux feux » de Anna Cabana et Anne Rosencher.
Ce ne sont certainement pas les 150 000 « emplois d’avenir », qui apporteront malheureusement un début de solution à la dégradation des très mauvais chiffres de l’emploi. Au lieu de financer des emplois publics précaires et artificiels, il aurait mieux valu mettre en place un environnement qui incite les entreprises à embaucher. La normalité qui pouvait être très utile en campagne électorale ne remplace pas la rigueur et l’imagination de la vie réelle…. Une fois de plus Yvon Gattaz ancien président du CNPF défend les Entreprises à Taille Intermédiaire (ETI). Elles devraient être la priorité des priorités dit il car ce sont elles qui créent de véritables emplois.
Aux Etats Unis, la campagne électorale bat son plein avec des arguments qui ne sont pas d’une grande qualité. Bloomberg Business Week a consacré un long article aux finances de l’église mormone. L’ensemble des participations détenues par « l’Eglise de Jésus Christ et des Saints des Derniers Jours » s’élèveraient selon Reuters aujourd’hui à 40 Md$ ….Newsweek a donné la parole à Ian Fergusson Professeur à Harvard. Il développe une démonstration selon laquelle le bilan de Barrack Obama est pitoyable. Courrier International fait sa couverture sur « Pourquoi Obama peut perdre » en expliquant que les scénarios négatifs sont nombreux pour empêcher la réélection d’Obama.
Sur le plan économique, la production manufacturière en août a moins baissé que prévu. Les chiffres de l’emploi qui seront annoncés vendredi seront déterminants pour le déclenchement éventuel du QE3. Quelle que soit la décision, l’effet sera limité. Jan Hatzius, le chef économiste de Goldman Sachs, estime qu’un programme d’achat d’obligations de 500 Md$ par la Fed produirait 0,2 point de croissance en plus et ferait diminuer le taux de chômage de 0,1 point….Pour Alan Sinai de Decision Economics les chiffres sont respectivement de 0,3 et 0,2.
En ce qui concerne le marché, David Kostin le stratégiste de Goldman Sachs sur les valeurs américaines s’attend à une baisse du marché de 12% d’ici la fin de l’année car il est convaincu que le Congrès ne prendra aucune décision sur le déficit (« fiscal cliff »). Denis Gartman le très écouté éditeur de la « Gartman Letter » a indiqué de son côté qu’il n’avait pratiquement plus aucune action dans ses portefeuilles.
En Russie, Jim Rogers, le légendaire investisseur américain installé à Singapour, est en train de se dire que pour la première fois de sa vie il a envie d’investir en Russie.
En Asie, les indicateurs conjoncturels en provenance du Japon, de Corée de Hong Kong et de Chine ont surpris négativement à la fois sur la production industrielle et les ventes au détail. Elles ont conduit les autorités japonaises à abaisser leurs perspectives de croissance pour l’année en cours. Les marchés asiatiques sont au plus bas depuis un mois. En Chine, Laurence Balanco, analyste chartiste de CLSA constate que l’indice China A Share est au plus bas depuis quatre ans. Il ya maintenant selon elle un vrai risque de décrochage. Le Shangai Composite Index a cassé de son côté le niveau 2100. L’indice MSCI China a sous performé l’indice S&P 500 de 37% depuis octobre 2010.
Sur les marchés émergents Morgan Stanley constate que les « business model » sont en train d’évoluer : en Chine on passe d’une économie tirée par les exportations et les investissements à une économie dont la croissance va provenir de la consommation ; en Inde on est sur une transition consommation /investissement ; au Brésil et en Russie on est en train de passer des matières premières à l’industrie. L’indice MSCI Emerging Market a sous performé l’indice S&P 500 de 29% depuis octobre 2010.
Secteurs : rebond des banques
Le rebond estival a profité aux valeurs les plus décôtées du SBF 250 (Banque +31,9%, Assurance +22,5%, Loisirs +18,4%, Ventes de détail + 17,3%, Pétrole +17,2%)
Les banques européennes ne représentent plus dans l’indice que 10% de la capitalisation boursière de l’Eurostoxx contre 25% en 2007. En anticipation de la réunion de la BCE, BBVA, ING et Intesa ont gagné entre 6% et 5%. Le Crédit Agricole a fait mieux (9%) sur des rumeurs de cessions d’Emporiki.
Les sociétés domestiques, dépendant pour l’essentiel de leur chiffre d’affaire de leur marché national pèsent 9% contre 43% pour les sociétés exportatrices!
Matières premières : les métaux de base souffrent de la crise
Or : parmi le petit nombre de stratégistes qui ont bien vu le démarrage des mines d’or début août figure Cyril Casteli de Rcube. La hausse semble indiquer que le Q3 sera lancé par la Fed aux Etats Unis. Investor’s Chronicle le magazine des investisseurs britanniques, note que les fonds les plus performants sont : Smith and Williamson, LO Funds World, Investec Global Gold.
La poursuite de la hausse du Pétrole continue de faire peser un risque très important sur l’économie globale.
Sur l’Aluminium : Ian Roper le stratégiste matières premières de CLSA anticipe que les prix de l’aluminium vont baisser de 5 à 8%. Rusal en Russie a d’ailleurs décidé de diminuer sa production de 4%.
Le cuivre et l’indice S&P 500 sont en train de diverger observe Michael Widmer, stratégiste métaux chez BOA ML. Le métal rouge est à son prix au niveau actuel. Il anticipe un cours de7400$/T au T3 2012 et de 7000$/T au T1 2013
Devises : l’Euro gagne du terrain
L’euro a poursuivi sa remontée contre la plupart des devises. Il a gagné 0.7% contre le dollar et 0.3% contre la livre et le yen. A noter la stabilité vis à vis du franc suisse ce qui se traduit par de moindres achats par la Banque Nationale Suisse.
La couronne suédoise a cédé 0.85% sur des prises de profit après ses gains de la semaine précédente.
Les devises asiatiques se sont marginalement effritées. Les devises sensibles aux matières premières comme le dollar australien et le réal se sont affaiblies (1%). Les plus forts replis reviennent au zloty polonais (-2.23% en raison d’anticipation d’une baisse des taux) et au rouble (-2.4% impact de la baisse du brut).
Le comportement du Renminbi est surprenant. La devise chinoise aurait du se déprécier plus. Si la PBOC (= banque centrale chinoise) se lançait dans un assouplissement puissant, cela montrerait que les autorités monétaires ont perdu la main, ce qui dans le modèle léniniste-capitaliste de la Chine peut conduire à un décrochage du marché. A surveiller …
Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.