2 juillet, 2012

La mécanique européenne est brinquebalante, mais elle avance.

Le sommet européen a été de l’eau tiède écrit Bruno Cavalier économiste chez Oddo Securities. Il faut reconnaître que c’est la première fois depuis deux ans qu’un sommet ne se termine pas intégralement sur les positions allemandes… Cela ne permet toutefois pas de présenter le communiqué comme une grande victoire.  Ce serait aller un peu vite, car la France a du reculer sur plusieurs points : 1/François Hollande accepte de ratifier le traité signé par Nicolas Sarkozy. 2/ les banques espagnoles emprunteront directement auprès des fonds de soutien, mais après la mise en place d’un mécanisme de supervision des banques qui sera créé sous l’égide de la BCE. On peut imaginer que les banques anglaises et allemandes ne manifesteront pas beaucoup d’enthousiasme pour ce dispositif. 3/  la force de frappe des fonds existant n’a pas été accrue.  L’EFSF ne dispose plus que de 150Md€ et le futur ESM n’existe toujours pas. 4/ le rôle de la BCE n’est absolument pas modifié. 5/ aucun nouvel instrument comme les fameux « eurobonds » n’a été créé 6/ Les avancées institutionnelles ont été repoussées à un prochain sommet qui devrait se tenir en octobre prochain.  On est donc assez loin de la métaphore footballistique utilisée par Libération pour décrire les résultats du dernier sommet européen : « Hollande 1- Merkel 0, la nuit où le sud a fait flancher Merkel… »

Le “gang des quatre” comme l’écrit dans son papier hebdomadaire Chris Wood de CLSA Hong Kong :Van Rompuy /Conseil Européen, Barroso /Commission Européenne, Junker/Europgroupe et Draghi/BCE, a aidé “le trio du Sud” (Hollande/France, Rajoy /Espagne, Monti/Italie) à obtenir de l’Allemagne son accord (qu’elle avait d’ailleurs déjà donné…) pour que les nouvelles lignes de crédit accordées par les fonds européens à l’Espagne ne soient pas considérés comme de la dette senior par rapport à l’encours existant. Cette disposition est très importante, car sans elle, de nombreuses institutions auraient du vendre toutes leurs obligations espagnoles de leurs portefeuille.

Quand à l’effort concernant la croissance européenne, il est beaucoup plus symbolique que réel. La Commission Européenne n’a même pas cherché à  évaluer l’impact  des 120Md€ qui vont être injectés dans des travaux d’infrastructure, tant l’effet de relance immédiat sera limité. Jean Peyrelevade ancien directeur adjoint du cabinet de Pierre Mauroy en 1981 et notamment ancien Président du Crédit Lyonnais considère qu’au mieux, l’effet  positif ne représentera pas plus que 0,2% à 0,3% du PIB européen !             Il vaut beaucoup mieux se référer à l’audit de Didier Migaud Président  de la Cour des Comptes qui a rappelé dans son audit de la France,  que la trajectoire pour revenir à 3% de déficit en 2013, nécessitait une discipline sévère au niveau de la réduction des dépenses publiques.  Elle devra déboucher sur le fait que tous les dispositifs d’intervention, de transfert ou d’investissement qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité devront soit être réduits soit supprimés…

Marchés actions : l’économie japonaise va mieux

En Europe, l’Eurostoxx a surperformé (+3.1% grâce à Unicredit, CRH et Anheuser Busch) le DJ Stoxx (+1.9% grâce à Anheuser Busch, Bayer et E.ON). L’Italie et l’Espagne ont enregistré des hausses spectaculaires respectivement de 4.5% sur le Mib, et 3.3% pour l’Ibex et le CAC 40. Sur le mois, le marché espagnol a repris 15% et la place italienne 11%. Les places défensives comme le Royaume-Uni et la Suisse sont restées à la traîne à cause de leurs banques.

 L’Europe fait l’objet de plusieurs recommandations d’achat de la part de stratégistes. James Laing de Aberdeen Asset Management considère que plusieurs grandes sociétés sont à des niveaux attractifs notamment : Rolls Royce, Roche, Atlas Copco, Royal Dutch Shell. Graham Secker, le stratégiste Europe de Morgan Stanley  redevient moins négatif sur l’Europe après ce qui s’est passé pendant le week end.

Aux Etats Unis, la situation de l’économie est toujours contrastée. L’immobilier n’est plus le point noir. Les ventes de logements neufs ont crû de 7.6% m/m à 369 000 unités en rythme annualisé, au plus haut depuis avril 2010. Le stock de logements neuf a été ramené 4.7 mois de vente, au plus bas depuis fin 2005. Par ailleurs, les promesses de ventes de logements ont augmenté de 5.9% m/m en mai (le consensus tablait sur +1.2%) et se situent 13.3% au-dessus de leur niveau d’il y a un an. La consommation des ménages est au plus bas depuis 6 mois. La confiance des consommateurs (indice publié par le Conference Board) a perdu 2.4 points à 62.0, enregistrant sa 4e baisse consécutive. Les commandes de biens durables se sont appréciées de 1.1% m/m en mai. Toutefois, elles n’ont pas réussi à effacer la baisse des deux mois précédents (-4% en cumulé). L’objectif pour le S&P 500 à la fin de l’année est de 1450 (contre 1362 actuellement) pour Savita Subramanian de Bank of America Merrill Lynch. C’est vraiment le moment d’acheter nous explique Richard Schellbach de Citi. Ce qui n’empêche pas Tom Fitzpatrick, l’analyste technique de Citi d’expliquer que nous allons bientôt revoir les plus bas de 2011 ! Cette situation est assez courante dans les grandes maisons de courtage.

Au Japon, la situation économique s’améliore. En mai, le taux de chômage a décru à 4.4% après 4.6 % en avril et a surpris positivement les attentes. Le ratio offre d’emplois/demandes continue à se redresser progressivement à 0.81% après 0.79%. En revanche, le rythme de croissance de la production industrielle a décéléré plus que prévu à 6.2% a/a après 12.9% a/a en avril. L’indice des prix au détail national n’est plus en territoire positif que de 0.2% après 0.4%, comme prévu. Les ventes au détail se sont bien tenues en mai. Elles ont crû de 0.7% d’un mois sur l’autre, chiffre ajusté des variations saisonnières. Yoshihiko Noda le Premier Ministre  a fait approuver par la Chambre Basse une augmentation de la TVA de 5% à 8% en avril 2014 et de 10% en octobre 2015. Comme on peut le voir, le Japon ne prend pas des mesures fiscales rétroactives mais les annonce au contraire longtemps à l’avance !

L’indice MSCI émergents a monté de 1%. Le Micex russe a rebondi de 3% en raison du redressement du cours du brut. La bourse brésilienne a cédé 2% en raison de mauvais indicateurs économiques, notamment sur la hausse des créances douteuses et surtout de la violente chute d’OGX Petroleum (-40%) dont les perspectives ont été revues à la baisse.  Le Shanghai composite a cédé 1.6% . La Chine va vraiment ralentir beaucoup plus pense Edward Chancellor De Grantham Mayo à Boston.                            Le Sensex a gagné 2.8% dopé grâce à un rebond des titres d’acier et d’ICICI Bank. L’indice mexicain a atteint un plus haut annuel en anticipation de l’élection du candidat Pena Nieto. Il a gagné 15.8% en euros depuis le début de l’année.

Secteurs : les cycliques remontent

Le secteur de la construction est en tête des deux côtés de l’Atlantique. En Europe, ce sont des valeurs comme Acciona, CRH, Sacyr qui ont gagné entre 5 et 7%. Aux USA, les titres de construction comme Lennar ou KB Home ont profité des bons chiffres du secteur et ont atteint des plus hauts annuels.

Le rebond des cours du brut a porté le secteur du pétrole et gaz. Aux Etats Unis,  ce sont les pétroliers intégrés comme Chevron ou Exxon Mobil qui en ont profité le plus. En Europe, ce sont les services pétroliers comme Vallourec (12%), Saipem et Technip qui ont progressé.

Les services aux collectivités ont été tirés par les valeurs de service public  allemandes alors que Suez Environnement, qui a baissé ses estimations de résultat, a chuté de 9.56% sur la période.

Le secteur  bancaire n’a pas surperformé l’indice européen malgré le rebond des grands titres bancaires espagnols et italiens vendredi. Il a été tiré à la baisse par la chute de Barclays et de RBS.

La technologie a été pénalisée par Nokia (-5.3%) et ST Micro Electronics.

 Marchés obligations : les obligations irlandaises sont attractives

 La BCE pourrait abaisser ses taux cette semaine pense Laurence Boone économiste Europe chez Bank of America Merrill Lynch. Plusieurs banques centrales devraient également baisser leurs taux notamment la  Banque d’Australie, la  Riksbank en  Suède et la Banque d’Angleterre. Les banques centrales ne peuvent absolument pas se substituer à des politiciens incompétents, mais elles peuvent aider à éviter une dépression économique.  Pour le moment, les taux négatifs ne dissuadent pas les investisseurs d’acheter des obligations allemandes qui ne leur rapportent rien.

En Italie Mario Monti vivait la survie de son gouvernement, car le niveau des « spreads » (=écart entre le rendement des obligations d’état espagnoles à 10 ans et le bund allemand) sur la dette italienne  était revenu à un niveau proche de celui de la fin du gouvernement Berlusconi.

L’Irlande peut emprunter sur les marchés à un taux qui est comparable à celui qu’elle payait avant la crise. L’exemple est intéressant, car il montre que l’on peut revenir dans une bonne trajectoire à l’intérieur de la zone Euro sans dévaluer mais en ajustement fortement le coût du travail. François Xavier Chauchat de GaveKal Paris est très positif sur les obligations irlandaises car il estime que le pays va obtenir pour ses banques le même traitement que celui qui a été accordé à l’Espagne.

 Matières premières : la baisse du pétrole redonne un peu de marge

 Le pétrole est au plus bas depuis 18 mois. Depuis le mois de mars dernier où le baril valait 128,40$, le cours est passé en dessous de 90$ soit une baisse d’environ 30%. Economiquement cela représente un transfert de 100Md$ des pays producteurs vers les pays consommateurs.  Cela fait diminuer sur le plan économique les perspectives d’inflation et rajoute du pouvoir d’achat dans la poche des consommateurs. Sur le plan sectoriel la baisse bénéficie aux compagnies aériennes qui en avaient bien besoin.

 Devises : les monnaies des pays émergents baissent

Les monnaies des BRICS ont pour la première fois depuis 1998,  été plus faibles que celles des pays en développement. Au deuxième trimestre, la Roupie indienne et le Rouble russe ont reculé de 11% par rapport au Dollar. Le Réal brésilien de 12%. Cette évolution suit celle des matières premières,  qui par rapport à leur plus haut de mars dernier ont reculé de 26,6% pour le pétrole Brent, 19,1% pour le charbon et 12,8% pour l’aluminium. Le recul de ces monnaies pénalise les entreprises très présentes dans les marchés émergents. Plusieurs sociétés ont annoncé une révision en baisse de leurs prévisions de résultat notamment : Procter & Gamble, Philip Morris. Selon David Bloom stratégiste change de HSBC, les investisseurs sont devenus beaucoup moins enthousiastes sur le concept d’investissement BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

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