Le discours de Poutine a consisté à expliquer qu’un changement de régime en Ukraine était nécessaire pour la sécurité de la Russie. Il considérait que l’OTAN était une organisation perfide qui constituait une menace existentielle pour la Russie. Pour lui les gouvernements ukrainiens depuis 2014 sont des marionnettes illégitimes des États-Unis. Il n’y avait donc que deux solutions : soit la Russie envahissait l’Ukraine, soit les États-Unis faisaient de la Russie un satellite occidental. Résultat, les millions de réfugiés qui se sont dirigés vers l’ouest depuis l’Ukraine ne sont que le début de cet événement majeur pour l’Europe.
La résistance acharnée des soldats et des civils ukrainiens a forcé la main des dirigeants occidentaux à agir. La décision de sanction contre les banques russes et la banque centrale est une escalade majeure de la part des puissances occidentales.
Le scénario le moins mauvais pour les citoyens ukrainiens serait que Poutine revendique la victoire et se retire dans la partie orientale du pays. Le scénario le plus inquiétant serait le développement d’une insurrection tenace qui menacerait probablement la sécurité des pipelines traversant l’Ukraine.
Les prix du pétrole vont encore monter
Les prix de l’énergie vont encore monter. Cela pourrait transformer le pic d’inflation actuel en une stagflation durable. Au lieu d’acheter de l’énergie bon marché en euros, l’Europe va devoir acheter de l’énergie chère en dollars américains. La hausse de la devise américaine aura des répercussions sur tous les marchés mondiaux. Les guerres se révèlent toujours inflationnistes
La vente de pétrole en Renminbi n’est pas pour demain. Deux raisons expliquent que l’Arabie saoudite hésite à l’idée que le pétrole soit vendu pour du renminbi. 1/ Les dirigeants des émirats du Moyen-Orient n’ont plus confiance dans la politique étrangère américaine dans la région. Les princes saoudiens ne veulent pas prendre le risque de voir à leur tour un jour leurs actifs saisis comme cela s’est passé pour les oligarques russes.
2/ Les producteurs du Moyen-Orient savent que des pays comme la Chine et l’Inde deviendront des acheteurs de plus en plus dominants, il est donc préférable de verrouiller les accords de paiement actuels en dollars ou en Euros avant de changer de devise.
Pourtant, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le gel des réserves russes, la saisie des avoirs des oligarques et les sables géopolitiques mouvants du Moyen-Orient semblent mettre en place un monde très différent.
Une flambée des cours de l’or est probable
Les investisseurs vont chercher à augmenter leur allocation dans l’or. La demande de bons du Trésor américain devrait se réduire alors que Le World Gold Council estime qu’un peu moins de 200 000 tonnes d’or ont été extraites dans l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, cet or vaut 12 000 milliards de dollars, ce qui est peu par rapport au commerce mondial, qui représentait 28,5 trillions de dollars l’an dernier. Néanmoins, la Chine et d’autres exportateurs pourraient souhaiter être payés en métal jaune. Si tel est le cas, le ratio de l’or au commerce mondial devra s’ajuster, soit par une flambée du prix de l’or, soit par une contraction du commerce mondial.
Les investisseurs sont donc confrontés à un problème d’allocation d’actifs. Si la guerre en Ukraine continue, les investisseurs doivent continuer à détenir des métaux précieux, de l’énergie et des actions américaines, et à rester aussi loin que possible de l’Europe.
Parallèlement les tirs récents de roquettes iraniennes sur le Kurdistan irakien semblent avoir anéanti les espoirs qu’un accord à court terme sur le programme nucléaire iranien pourrait conduire à la fin de l’embargo américain sur les exportations de pétrole iranien.
Si la situation perdure, l’idéal serait de posséder aussi des biens immobiliers et financiers à Dubaï, Singapour et même à Hong Kong. Même si les sanctions occidentales contre la Russie sont levées, le précédent a été créé et ces centres financiers semblent au moins aussi susceptibles de prospérer à l’avenir que les centres européens.
Une surperformance des actions chinoises serait logique
Les actifs considérés comme anti fragiles n’ont pas joué leur rôle. C’est une préoccupation pour les investisseurs, car ils avaient commencé à considérer l’énergie verte et les actions technologiques américaines comme anti-fragiles…. Ce qui a émergé comme une classe d’actif procurant un rendement solide et régulier au cours de ces derniers mois, ce sont les obligations d’État chinoises. Les trois classes d’actifs qui s’avèrent désormais anti-fragiles sont les obligations chinoises, l’énergie et les métaux précieux. Elles sont largement absentes de la plupart des portefeuilles.
Une nouvelle longue période de surperformance des prix des actifs chinois est peut être devant nous. Le schiste fournissant une énergie bon marché a très largement profité aux actifs américains qui ont surperformé. La Chine profite d’une position énergétique avantageuse. Elle avait décidé de rouvrir ses mines de charbon et de démarrer ses centrales électriques au charbon, avant même d’avoir la possibilité d’acheter de l’énergie russe à prix réduit dans sa propre devise. La Chine s’est positionnée pour devenir le principal consommateur mondial d’énergie bon marché. Si Pékin peut désormais signer des accords énergétiques à long terme payables en renminbi, la position énergétique de la Chine s’améliorera considérablement. Cela pourrait-il alors déclencher une hausse des actions chinoises.
Les épisodes précédents de désaffection étrangère envers les actions chinoises ont été transitoires. La baisse des valeurs technologiques n’est pas terminée car les perspectives des acteurs technologiques chinois restent difficiles. La Chine n’a aucune incitation à mettre en péril ses relations commerciales avec l’Occident à propos de la Russie, car Il est peu probable que la Chine se libère avant 2030 de sa dépendance technologique. Bien que des efforts pour accroître son autosuffisance soient en cours des sanctions empêcheraient de nombreuses entreprises chinoises de continuer à fabriquer des biens en raison du manque de composants qui doivent être importés. La Chine doit réinventer tous les outils matériels et logiciels nécessaires pour atteindre l’autosuffisance en semi-conducteurs. Aujourd’hui, les capacités technologiques du premier fabricant de puces chinois, SMIC, ont environ six ans de retard sur celles du premier fabricant de puces mondial, TSMC. Mais même cela sous-estime considérablement la faiblesse de la Chine dans les semi-conducteurs. Les fabricants de puces chinois dépendent d’équipements de production provenant principalement des États-Unis, des Pays-Bas et du Japon qui ont tous rejoint les sanctions contre la Russie.
Tout effort pour exercer plus de pression sur la Chine par le biais de nouvelles sanctions serait probablement une mauvaise idée. Le problème est que, compte tenu des chaînes d’approvisionnement mondiales sous tension, de l’inflation galopante et de la profonde intégration de la Chine dans le commerce mondial, sanctionner Pékin pourrait avoir un effet néfaste.
Les risques identifiés concernent surtout l’Europe
L’ampleur du choc qui touche l’Europe » depuis le 24 février équivaut pour le moment à 2 % du PIB de la zone euro. Il y aura des effets secondaires sur la demande des consommateurs. Depuis l’arrivée du Covid, les niveaux d’endettement de l’Europe du Sud ont augmenté fortement. Et jusqu’à présent, les capitales du Nord ont été réticentes à approuver la mutualisation supplémentaire de la dette. L’Europe du Sud souhaite financer de nouvelles mesures d’allègement. À court terme, il est donc peu probable que la politique budgétaire compense la crise de croissance à venir en Europe.
Un risque systémique sur les marchés dérivés des matières premières surviendra, si un vendeur de protection fait faillite. En raison de l’imposition par l’Occident de sanctions financières à la Russie les acteurs russes des produits dérivés ne peuvent plus accéder au dollar américain pour faire face à leurs obligations. Les marchés pourraient donc être confrontés à une réaction en chaîne du type de celle qui est survenue en 2008. Elle a eu lieu en raison de la discontinuité qui a frappé le système financier américain lorsque le Trésor a refusé de garantir les obligations émises par Fanny Mae.
Dans cet environnement, le système bancaire de la zone euro a une base de capital précaire.
Le marché du crédit aux États-Unis approche de niveaux qui suggèrent qu’une récession est possible.
L’heure du crash est -elle arrivée à Hong Kong ? Des flux constants de professionnels locaux et d’expatriés quittent Hong Kong. L’endettement des ménages de Hong Kong est faible alors que les familles disposent de montant élevés de liquidités. Le taux de chômage est bas. En raison d’une répression plus stricte du Covid , le marché immobilier de Hong Kong fait face aux vents contraires les plus violents. Une chute de -20 % ou plus, comparable à celle de 2008, est facilement concevable. Mais la baisse sera maitrisée et le risque systémique pour le secteur financier de Hong Kong est faible.
Compte tenu d’un environnement particulièrement incertain tous les investisseurs qui visent une préservation de leur épargne devraient veiller à équilibrer leur portefeuille en quatre postes de 25% : 1/ Liquidités, 2/ Actions de sociétés en mesure d’augmenter leurs prix en période d’inflation 3/ Obligations offrant un taux réel positif dans une monnaie orientée à la hausse 4/ L’or. Les études réalisées sur ce type de portefeuille montrent qu’il peut dans la durée passer dans de bonnes conditions au travers de périodes de forte volatilité.
Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.
Scutt
22 mai 2023Dans ce contexte, si l’on souhaite miser sur l’inde sans être un expert, quelqu’un saurait comment s’y prendre ? un ETF en particulier ?
Merci beaucoup par avance
et bonne semaine à tout le monde
DROUIN
27 avril 2022Bonjour,
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour vos suggestions en investissement en cette période de crise.
Lorsque vous suggérez des investissements en or, je voulais savoir si il est préférable d’investir en en format physique et/ou papier.
Par ailleurs, dans certaines vidéos , Charles Gave suggère d’investir dans des obligations gouvernementales chinoises à 10 ans et ici vous n’en faîtes pas mention. Serait-il possible de nous donner votre avis sur cet investissement, svp?
Bien cordialement
Véronique Drouin
Henri Ramoneda
20 avril 2022Depuis le conflit entre l’Ukraine et la Russie, la France et l’Allemagne ne parlent que d’une seule voix pour affaiblir la Russie. La progression feutrée de l’OTAN et l’Union européenne à l’Est nous entraîne inéluctablement vers une division durable de l’Europe.
De tels enjeux politiques sont contraires aux engagements pris en 1959 par Charles de Gaulle afin d’instaurer une paix durable allant de l’Atlantique à l’Oural. Nul ne peut simplement ignorer les leçons de l’histoire, la complexité des lois de la géographie ou les exigences de la sécurité.
Qu’on se le dise, la France et l’Allemagne s’engagent à livrer une guerre économique et financière totale à la Russie. Cet engagement belliciste n’est nullement anodin : il présente de vraies interrogations.
De surcroît, le déséquilibre économique et industriel entre la France et l’Allemagne ne sera nullement compensé par une volonté politique commune faisant jouer les avantages dont la France dispose par ailleurs : son statut de puissance militaire et nucléaire. Aucun engagement, aucun soutien à ce sujet.
Depuis l’adoption du Traité de Maastricht en 1991 et du Traité d’Aix-la-Chapelle en 2019, il faut se rendre à l’évidence que Berlin détermine constamment la politique prétendue commune entre la France et l’Allemagne.
Le marché unique européen de l’énergie pénalise déjà fortement le prix de l’électricité en France alors qu’elle provient pour l‘essentiel des centrales nucléaires et des barrages hydroélectriques de notre pays.
Une guerre économique et financière totale à la Russie génèrera inexorablement la flambée des prix de l’électricité et des carburants, la spoliation des petits épargnants ainsi que le déclin de la France dont sa dette publique se situe au-delà de 2 600 milliards d’euros, soit près de 120% du produit intérieur brut (PIB).
Aussi, il est parfaitement légitime de s’interroger sur la nécessité d’une telle implication de la France dans ce conflit qui dure depuis 2014. D’ailleurs, la Constitution de 1958 qui nous régit, stipule que la démocratie est « pour le Peuple » et surtout « par le Peuple ».
Est-ce donc le cas ?
Divine surprise, ni le Parlement, ni même les Français n’ont été consultés à ce sujet. Cela semble bien surprenant pour la République et surtout plus inquiétant pour la France.
Robert
18 avril 2022Faire de la Russie un satellite occidental ? C’ est l’occasion qui a été manquée lors de l’implosion de l’ URSS et de la venue au pouvoir de Boris Eltsine, désireux à l’époque de se rapprocher de l’occident…
Même Poutine, nommé premier ministre par Eltsine était alors favorable à cette option, ayant noué ensuite d’excellentes relations avec George W. Bush !
Mais les américains ne voulurent pas prendre le risque de voir la Russie contester un jour leur autorité en Europe, et quant aux gouvernements européens aux ordres ils se rangèrent comme d’ habitude derrière leur seigneur et maître …
Robert
18 avril 2022Il est raisonnable à tous points de vue de ne pas envisager un élargissement du conflit… si la raison a encore un sens dans la période actuelle !
Dominique
16 avril 2022Article très intéressant.
Dans vos scénarios, la guerre ne sort pasde l’Ukraine. Est ce raisonnable, d’un point de vue financier, de ne pas envisager un élargissement du conflit ?
oblabla
17 avril 2022Dans ce cas le conflit sera nucléaire et donc on peut s’autoriser à considérer l’aspect financier comme secondaire, non?
Dominique
18 avril 2022https://m.youtube.com/watch?v=mSbJw5g26as&feature=youtu.be
Le risque d’une guerre OTAN/Russie est réel.
Robert
18 avril 2022Il est raisonnable à tous points de vue de ne pas envisager un élargissement du conflit… si la raison a encore un sens dans la période actuelle !
Philippe
16 avril 2022Dans une époque de dislocation ,avec forte inflation; pour la Chine , etre payée en or , serait contre-productif ;cela nuirait a ses exportations et peu de pays sont pres a sacrifier leur or ( Sarkozy – Gordon Brown l’ont fait et a des prix tres bas ) . En ce moment meme le Yuan est un peu trop fort face au $ ( 6,38 ) , le covid freine l’economie chinoise, il leur faut diminuer le taux d’interet ; La Chine a tout interet a etre payé en US $ , sauf si elle envahit Taiwan . Taiwan est le coeur de la production mondiale de semiconducteurs .Enjeu crucial .
L’Or va aller a 2200 $ .Meme l’Argent métal le suivra a 32 puis 40
L’immobilier a Dubai ? Un mirage qui sera balayé au moindre incident avec l’Iran . Le régime iranien finit toujours par saborder sa normalisation soit avec les USA soit avec les voisins arabes .
Hong-Kong ? L’élite souhaite partir suite au durcissement du regime . Singapour ? Humide .
Le Canada et l’Australie me semble les meilleurs endroits ; stabilité politique, énergie et matières premières abondantes , monnaies en hausse , le Brésil , le Chili aussi.