Les obligations européennes ont connu leur plus mauvaise semaine depuis un mois. Les obligations italiennes et portugaises étant au plus bas respectivement depuis 7 et 19 mois. L’Espagne de son côté est au plus bas depuis mars dernier, alors que le refinancement des banques ibériques n’est toujours pas bouclé. L’Irlande à 4,5%, se retrouve même en dessous des taux italiens et espagnols. Parallèlement on a enregistré une bonne semaine pour les marchés actions en Espagne, France, Italie et Portugal.
Sur l’ Euro « le pire est passé » a dit cette semaineFrançois Hollande, Président de la République. Cette déclaration étonnante pour tous ceux qui suivent de près le sujet a été faite dans le cadre d’une interview à six journaux européens dont Le Monde. L’ avis présidentiel n’est pas partagé par tous les investisseurs qui constatent que les divergences franco-allemandes augmentent particulièrement sur l’Union Bancaire qui est retardée et que le mécanisme d’intervention de l’ESM n’est toujours pas opérationnel. Tout cela permettant à la Grande Bretagne de pousser ses pions dans un esprit pas tout a fait favorable aux institutions européennes. Personne n’est aujourd’hui en mesure d’affirmer que la zone Euro sera encore intacte dans 12 ou 18 mois.
Pour le moment, les marchés européens restent à la merci de la microéconomie. Dans un climat momentanément apaisé par les interventions de la BCE, les investisseurs essayent de mesurer les effets de la rigueur. Pour Jean Luc Buchalet de Primeview, les bourses européennes vont continuer d’évoluer en forme de tôle ondulée entre d’un côté les bonnes nouvelles en provenance des banques et de l’autre les mauvaises nouvelles en provenance de la micro économie. Ronan Carr en charge de la stratégie actions sur l’Europe chez Morgan Stanley, s’attend de son côté pour les sociétés européennes, à une nouvelle période de dégradation des résultats pour 2012 et une mauvaise année 2013.
En France, la récession va fragiliser le gouvernement
En France, le PIB se contractera de -1,2% en 2013 selon Patrick Artus patron des études économiques chez Natixis. On va selon lui cumuler les effets de la faiblesse du reste de l’Europe, de la politique budgétaire restrictive et enfin du freinage des salaires et des destructions d’emplois, dans un environnement de fragilité des entreprises. L’OFCE a également revu en baisse ses prévisions de « croissance » pour la France à 0,1% en 2012 et 0% en 2013, si le gouvernement maintien l’objectif d’un retour à un déficit de 3% en 2013. Tous ces chiffres sont très loins des 0,8% de croissance encore prévus par le gouvernement pour 2013. Pour respecter l’objectif d’un déficit à 3% du PIB, il faudra donc soit encore augmenter les impôts soit commencer vraiment à baisser les dépenses publiques, ce qui n’a pas été fait jusqu’à maintenant.
Pour ajouter au sentiment de cacophonie qui règne sur le plan fiscal, Thomas Piketty Directeur d’Etudes à l’EHESS, a rédigé dans Le Monde cette semaine, un article intitulé « Il faut sortir des fantasmes sur la haine de la France vis à vis des riches ». Pour lui, « la tranche à 75% c’est vraiment la caricature de ce qu’il ne faut pas faire »… Dont acte. On a un peu de mal à comprendre l’évolution de sa position, si l’on se rappelle que pour l’économiste, grand soutien de François Hollande pendant la campagne électorale puisqu’il a signé le manifeste de soutien paru dans Le Monde le 18/04/2011, « la richesse des riches ne peut être que le fruit de l’exploitation des pauvres ». Il restera par ailleurs dans l’histoire de la fiscalité, comme celui qui a proposé dans son livre “Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle”, que les propriétaires d’un bien immobilier payent à l’Etat une taxe correspondant à un loyer virtuel, puisqu’ils ne payent pas de loyer et que cela constitue pour eux l’équivalent d’un revenu ! Il fallait faire preuve d’une capacité de créativité fiscale sans limites pour imaginer un tel dispositif !
Les « fuites » sur le Rapport Gallois et les commentaires qui ont immédiatement suivi, montrent que le gouvernement n’est pas prêt pour engager les réformes structurelles qui permettront aux entreprises françaises de redevenir performantes. C’est vraiment dommage pour la France, car avec 3M de chômeurs et plus de 60 000 entreprises qui vont faire faillite au cours des 12 prochains mois, la France n’a pas d’autre choix que de se réformer.
Le Monde Diplomatique, longtemps dirigé par Ignacio Ramonet, grand admirateur du régime cubain, ne fait pas partie de mes lectures habituelles. Toutefois, chaque fois que je le trouve dans un aéroport, proposé gratuitement par Air France, je le lis avec intérêt, non pas pour la pertinence de ses analyses économiques, mais pour comprendre des points de vue alternatifs peu souvent développés dans le Wall Street Journal. Dans un article intitulé « Désobéissance civique pour une Europe de gauche » Bernard Cassen Professeur émérite à l’Institut d’Etudes Européennes et Secrétaire Général de « Mémoire des Luttes », explique que la construction européenne ne peut être qu’un sous ensemble de la mondialisation libérale. Tout essai de « réorientation » se heurtera donc, selon lui, à tout le dispositif idéologique et institutionnel libéral de l’Union Européenne. Il ajoute que les nations latines (France, Espagne, Italie) auront besoin de la contrainte européenne pour réformer leurs politiques dans « les secteurs protégés où le syndicalisme reste fort et le consensus politique interdit les adaptations majeures ». Cette constatation faite par un homme qui se réclame de la gauche, serait plutôt une très bonne nouvelle, si avant d’être publié le Rapport Gallois, qui devait justement consacrer un certain retour à la réalité du gouvernement, n’avait par avance déjà été enterré !
En Italie, par contre, le gouvernement Monti qui lui, a entrepris des réformes courageuses, a réussi à lever cette semaine 18Md€ auprès des épargnants italiens. Dans sa grande sagesse, le Trésor Italien exonère de droits de succession tous les porteurs d’obligations de l’état italien. Cela a été le cas en France à l’époque d’Antoine Pinay Ministre des Finances en 1952 et en 1958 qui pour renflouer les caisses de l’état qui étaient vides, avait avec grand succès émis un emprunt indexé sur l’or et exonéré de droits de successions. Comme de plus il pouvait être souscrit de façon anonyme cela avait entrainé le rapatriement de sommes importantes de l’étranger.
En Espagne, la législation pour que l’ESM puisse participer à la recapitalisation des banques devrait prendre plus d’une année à mettre en place.
Aux Etats Unis le marché a connu une mauvaise séance vendredi dernier. Pour Richard Ross, le talentueux chartiste d’ Auerbach & Grayson à New York les actions, les métaux et le pétrole sont selon lui clairement entrés dans une zone de vulnérabilité. Pourtant, les indicateurs de consommation ont enregistré de bonnes ventes de détail en septembre et sur le marché de l’immobilier on note une nette amélioration selon Jamie Dimon patron de JPMorgan. Dans sa dernière grille d’allocation d’actif, Chen Zhao Managin Director de BCA, reste toujours positif sur le marché américain à horizon 6-12 mois, malgré l’issue très incertaine des prochaines élections américaines.
En Chine les bons chiffres de l’excédent commercial ont surpris. Ils sont en hausse de 10% d’une année sur l’autre. Pourtant, l’économie la plus dynamique de la planète a le marché dont le comportement a été parmi les plus décevants depuis 2007. Pour Chen Zhao Managing Director de BCA, la Chine ne sera pas dans 6-12 mois une source de déception et il reste acheteur du marché dans les niveaux actuels.
SECTEURS : bonne semaine pour les banques
Banques : hausse des deux côtés de l’Atlantique
Berlin est assez réticent pour avancer rapidement sur la supervision bancaire sous l’égide de la BCE. L’Allemagne veut protéger ses banques, les Landesbanken qui appartiennent aux Länder et aux fédérations de caisses d’épargne, source de prestige et de puissance pour les régions allemandes. On a souvent l’impression que vu de Berlin le fédéralisme c’est pour les autres. Il n’y aura donc pas de supervision bancaire avant 2014 même si la régulation entre en vigueur le 1er janvier 2013. Dans le domaine des dérivés, un organisme central de clearing va enfin être mis en place. C’est une bonne nouvelle.
Energie : le gaz de schiste redonne de la compétitivité aux industriels américains
La production de gaz de schiste aux Etats Unis a fait reculer le prix du gaz naturel à 2$ le million de BTU, ce qui correspond à un prix du baril de pétrole à 12$. Le consommateur américain a donc vu sa facture de gaz diminuer de 50% depuis 2006. En Europe, le prix du gaz naturel est quatre fois plus élevé qu’aux Etats Unis. L’avantage des Etats Unis par rapport à l’Europe en terme de compétitivité et de revenu devient donc énorme. Il se chiffre selon Patrick Artus Directeur de la Recherche et des Etudes de Natixis à 2,5 points de PIB.
Le Luxe est à son tour touché. Pour LVMH, la croissance ralentit. LVMH a enregistré une baisse de la progression de ses ventes de +6% au T3 contre 14% au T1 et 10% au T2. On commence à voir que même le secteur du luxe ne peut pas échapper complètement à un environnement économique déprimé.
La Technologie américaine a annoncé des résultats en demi-teinte. IBM a vu son chiffre d’affaires du T3 impacté par la hausse du dollar. Le cours est en baisse de 7% sur la semaine et celui d’ Apple de 3,2%. Intel tout comme AMD, souffre du succès des tablettes. Elles n’ont pas pris assez tôt le virage des mobiles et voient leurs profits reculer. Ce sont des entreprises comme Qualcom et Nvidia ainsi que le coréen Samsung qui tiennent le haut du pavé. Microsoft a aussi déçu. La plus grosse déception a été toutefois le fait de Google qui a perdu 10% au cours de la séance de jeudi dernier
Dans l’alimentation Danone a vu la progression de son chiffre d’affaires à son tour touchée dans les pays de l’Europe du Sud…
Les valeurs cycliques sont rattrapées par le ralentissement mondial comme on a pu le voir chez Alcoa (en perte toutefois moins importante que prévue), Chevron qui a lancé un avertissement sur ses résultats. Caterpillar, le premier constructeur mondial d’engins de chantiers dont les commentaires sont toujours scrutés par les économistes a dressé un tableau sombre de la conjoncture des prochains mois.
Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.