2 octobre, 2024

Iran : la clef du Moyen-Orient

Au Moyen-Orient, l’Iran est à la manœuvre. Financement du Hezbollah et du Hamas, lutte contre Israël, soutien aux Houthis, c’est par Téhéran que passent les routes de la guerre et de la déstabilisation.

C’est désormais un bras de fer entre Israël et l’Iran.

Dans l’histoire des dernières décennies du Moyen-Orient, la guerre a d’abord été un affrontement entre Israël et les pays arabes, affrontement soldé par les défaites successives, puis un affrontement entre Israël et les mouvements palestiniens, dont l’OLP. Désormais, c’est entre Israël et l’Iran que l’affrontement se joue. La question palestinienne n’est pas le sujet, ou plutôt n’est plus le sujet. Aucun pays arabe de la région ne souhaite voir la naissance d’un État palestinien autonome, la Jordanie, l’Égypte, le Liban, gardant de très mauvais souvenirs de la gestion des réfugiés de Palestine. Les monarchies du Golfe, riche de leur pétrole, se désintéressent complètement du sort des Palestiniens. Leurs préoccupations sont ailleurs. Comme s’en désintéressent aussi les responsables du Hezbollah et du Hamas : cela n’est pour eux qu’un prétexte.

C’est l’Iran qui joue désormais le facteur de la guerre, pays dont l’idéologie au pouvoir depuis 1979 est celle d’un anti-occidentalisme exacerbé et d’une lutte vitale contre Israël, qui est la caution de survie du régime. L’Iran a donc ses proxys : le Hamas, le Hezbollah, les Houthis, qui bombardent les positions israéliennes et qui sèment la désolation dans les territoires qu’ils contrôlent.

Fragilités iraniennes

Le régime iranien est dans une situation extrêmement fragile. L’année dernière, il a eu à affronter de nombreuses et violentes manifestations qui ont été réprimées dans le sang. La base populaire, soutien du régime, est presque inexistante. Le régime tient par le contrôle de la police et par l’absence d’alternative crédible. S’il devait perdre une guerre frontale contre Israël, cela pourrait aboutir à son renversement. Vue d’Occident, et analysé de façon rationnelle, l’Iran n’a pas intérêt à la guerre. Mais ce n’est pas parce qu’il n’a pas intérêt qu’il ne le fera pas. La rationalité des mollahs n’est pas la nôtre. Une guerre contre un ennemi clairement désigné est aussi la meilleure façon de souder la population en activant la nécessaire union nationale.

Quoi qu’il en soit, l’élimination des cadres du Hezbollah, qui va au-delà de la seule mort de Nasrallah, fragilise l’Iran en réduisant son principal relai d’influence et de puissance dans la région. Les conséquences seront importantes au niveau politique, mais aussi au niveau de la criminalité. Comme l’a très bien démontré Emmanuel Razavi dans son ouvrage enquête La Face cachée des mollahs (Cerf, 2024), l’Iran et ses proxys tirent une grande partie de leurs revenus du trafic de drogue, qui transite notamment par le golfe de Guinée. L’attaque contre le Hezbollah a donc provoqué des remous sur les marchés mondiaux de la drogue.

En Côte d’Ivoire, dans le port de Sassandra, par où transite une partie importante du trafic de cocaïne, des émeutes se sont déroulées sitôt la mort de Nasrallah connue, les cartels du Nigéria ayant tenté de prendre le contrôle du trafic tenu par les hommes du Hezbollah. Celui-ci s’est implanté en Afrique dès les années 1980, c’est-à-dire dès le moment de sa création. Les financements du Hezbollah reposent à 30% sur le trafic de drogue, dont une grande partie passe par les routes africaines, c’est-à-dire la connexion entre l’Amérique latine et le golfe de Guinée, profitant de la diaspora libanaise installée en Afrique de l’Ouest et au Brésil. Autant dire que le combat contre cette organisation et contre le régime des mollahs ne passe pas uniquement par le bombardement de leurs infrastructures, mais aussi par l’assèchement de leurs réseaux financiers.

Quelles suites ?

L’Iran a donc réagi en lançant une salve de missiles contre Israël, dont une grande partie a été interceptée. Entre les drones et les missiles, le total s’élève à près de 200 attaques balistiques. Pas de quoi saturer le système de défense israélien ni mettre le pays en danger. Pour l’instant, c’est donc une réponse mesurée, surtout symbolique. Comme la dernière fois, où l’Iran avait fait prévenir les États-Unis, ce qui ne semble pas être le cas cette fois-ci. Israël devrait répondre, puisqu’il ne lui est pas possible de ne pas réagir. Une partie de ping-pong qui maintient l’équilibre des forces, qu’aucun belligérant ne semble vouloir rompre, pour l’instant.

Mais il n’est pas à exclure que l’Iran monte d’un cran en allant au bout de son programme nucléaire et en finalisant le développement de la bombe. Des essais souterrains devraient alors avoir lieu pour permettre de finaliser le processus. Si tel était le cas, il est évident qu’Israël ne pourrait pas laisser l’Iran se doter de l’arme nucléaire, et qu’en conséquence une réponse militaire serait inévitable, beaucoup plus puissante que les simples échanges de tir. Là seraient la véritable rupture et le principal risque pour la région. C’est donc bien l’Iran qui, aujourd’hui, détient les clefs du Moyen-Orient.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

12 Commentaires

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  • Quousque

    8 octobre 2024

    Comment en arriver à écrire que l’Iran détient les clés du Moyen-Orient ? N’est-ce pas dire qu’en se suicidant l’Iran deviendrait le maître du destin de l’Islam chiite et que sa disparition déterminerait l’avenir de la Perse : enfoncer une porte ouverte peut certes avoir des conséquences, mais ça n’engage pas gravement l’avenir de ceux qui entourent l’acteur qui chute, non ?

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  • Pal Fekété

    4 octobre 2024

    Il faut distinguer dans le régime actuel en Iran , le parti idéologique des gardiens de la révolution qui est la garde prétorienne du régime et détient un empire économique en récompense de sa loyauté , l’armée qui est assez mal équipée ( pas d’aviation de haut niveau – système anti-aérien russe SS300 – marine nombreuse mais peu sophistiquée dans le Golfe ) et dont les cadres sont moins fanatiques que les gardiens de la révolution ; La population est ethniquement divisée , les azéris, les kurdes, les baloutches , les arabes ne sont pas unis aux persans . La population éduquée des 25-40 ans attend le retour a un mode de vie plus libre et proche de l’occident ; elle n’est ni antisémite ni anti Israel bien au contraire . Les femmes de cette couche protestent contre le port obligatoire du voile et de nombreuses femmes ont été condamnées voire exécutées par la police politique des Basjis , petites frappes qui répandent leur terreur dans les quartiers . La ligne politique du régime actuel à l’intérieur est la répression , les élections truquées, les prises d’ otages occidentaux accusés d’espionnage . A l’extérieur , on observe une expansion permanente en Irak , au Liban , en Syrie , au Yemen , au Pakistan avec des groupes mercenaires qui se réclament plus ou moins de la  » résistance contre Israel, contre l’Occident , les USA  » ,et aussi contre les pays arabes sunnites , dont l’Egypte et les pétro-monarchies , . Cela fait donc une très longue liste d’ennemis .Depuis un mois le régime de Téhéran est tombé sur un os plus dur qu’il ne le pensait . Israel a renversé la vapeur et les prochains jours peuvent amener un coup d’arret violent aux visées des ayatollahs . Ce qui nous ramène à Beyrouth en 1983 où le Sayed Hassan Nasrallah avait fait assassiner 58 paras français et 241 marines américains. Justice est faite …

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  • jean-luc

    3 octobre 2024

    Compris, no comments, comme apparemment ceux-ci dérangent JB.

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  • Jean-Luc

    3 octobre 2024

    Les commentaires que je lis ici sont déconcertants contrairement à l’analyse faite par Jean-Baptiste Noé. La « démocratie » donne la parole à tout le monde, en théorie sur les réseaux sociaux, mais là: « Si j’aurais su, j’aurais pas lu ».

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  • Noël Vuignier

    3 octobre 2024

    Excellentes Questions!
    Concernant le Moyen Orient, selon un de mes amis, responsable du CICR à Gaza à la fin des années 90, c’est clair: c’est Israël qui a créé le Hamas pour contrer Yasser Arafat qui était en train d’organiser un Etat Palestinien. Israël n’en voulait pas, n’en a jamais voulu et n’en veut pas encore aujourd’hui. Tout ce qui est arrivé par la suite et qui arrive aujourd’hui, les milliers de morts à Gaza et au Liban, est de la responsabilité d’Israël. Tout ce que veut Israël c’est se débarrasser de tous les Palestiniens, d’une manière ou d’une autre.
    Comme le disait si bien Jean de la Fontaine: « La raison du plus fort est toujours la meilleur. »

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  • Patrice Pimoulle

    3 octobre 2024

    quoiqu’il en soit, si le regime des ayatollahs s;effondre, l’Irantombera aux mains de Russes, non des Anglais…

    Ceci prouve que les Americains ont eu rarison non seulement de donner les cles du Moyen Orient aux ayatollahs, mais encore de faire la guerre a la Russie pour assurer le rgne de l’economie de marche et du demantelement des monopoles.

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  • Patrice Pimoulle

    3 octobre 2024

    Ceci prouve qu l’occident a bien fait de donner les cles du Moyen-Orient aux ayatollahs en 1979. Mais evidemment, on ne pouvait pas savoir…

    « L »Iran m’a pas interet a la guerre. Mais ce n;est pas parce qu’il n’y a pas interet qu’il ne la fera pas » Tres juste; de meme que l’OTAN n’a pas interet a la guerre a la Russie et pourtant elle la fait, qui conduit a son renversement; d’autant plus que i »Iran des Ayatollahs est l’ami de la Russie…

    Rappel: il existe une resolution de l’ONU, a laquelle la France est partie, qui prevoit en Palestine l’existence de deux Etats et qui est rapportee au « Journal Officiel » de 1948. Donc toutes ces dicussions sont purement oiseuses,

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  • Bill

    3 octobre 2024

    Je dirais que l’analyse est erronée.
    Soyons plus sérieux, l’Iran ne compte pas sur le commerce aléatoire de la blanche tout de même.

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  • Lieu Tenant

    3 octobre 2024

    Quel parti pris, j’en arrive à me demander si ce n’est pas du 2ème degré ?

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  • harnois

    3 octobre 2024

    petition de principe pro-israélienne… sans grand intérêt. Analyse si ce n’est partisane, en tout cas d’une naïveté confondante. Assez pathétique quand on pense aux analyse fouillées de Charles gave.

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    • Noël Vuignier

      3 octobre 2024

      C’est vrai, c’est un peu du n’importe quoi. Un manque de connaissance du sujet, de l’histoire.

  • le chinois

    3 octobre 2024

    Du n’importe quoi.
    Primo, les Libanais d’Afrique noir ont la monopole de de plusieurs denrée alimentaires, dont le riz et le blé. Ils ne vont pas mettre en danger leurs tranquillité pour le peu que rapporterait la colombienne.
    Secundo, la Hamas est actuel nom de l’espoir palestinien, hier avait un autre nom, demain aura un autre. Le Hez est la Défense nationale du Liban depuis 50 ans.
    Tertio, l’Iran produit 140 000 ingénieur par an , de facto ils sont dans une phase de développement différent de » l’Internationalisme ».Tous ces proxys sont devenus du poids inutiles.
    Et on ne dits jamais a un proxy qu’on n’a plus besoins deux.

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