La guerre civile est depuis l’Antiquité le mal redouté des nations. Elle parcourt la Guerre du Péloponnèse de Thucydide, cette stasis qui voit des Grecs affronter d’autres Grecs et des familles se déchirer entre elles. La guerre civile est la plus terrible des guerres, car elle n’a pas de fin. Il est impossible de chasser l’adversaire ou de contrôler un territoire quand l’ennemi est son père ou son frère. Romulus et Rémus se sont déchirés, tout comme Caïn et Abel. Avec ce paradoxe terrible que la guerre civile, souvent, engendre l’État moderne. Et donc, en tant que telle, devient parfois une nécessité.
La guerre de Cent Ans peut être lue comme une guerre civile entre deux familles cousines, les Plantagenêt et les Capétiens. Cela aboutit à leur scission et à l’émergence des nations anglaises et françaises. La Révolution française possède elle aussi un ressort puissant de guerre civile, le sang coulant de chaque côté. La dernière guerre de ce type que nous avons connue en France est la Seconde Guerre mondiale, qui est à la fois une guerre de nation, France contre Allemagne, une guerre d’idéologie, démocraties contre totalitarismes, et une guerre civile, résistants contre collaborateurs. Ce qui donne à ce conflit un caractère bien plus complexe que la Première Guerre mondiale.
Comment finir la guerre
La guerre civile ne s’achève ni par un traité de paix ni par le silence des armes, mais par l’anéantissement de la partie adverse ou bien la réconciliation. Anéantir suppose massacrer l’adversaire, raison pour laquelle la guerre civile est si meurtrière. Les républicains envoient le canon contre les insurgés de Lyon et les massacrent dans la plaine des Brotteaux, comme ils massacrent dans le bocage vendéen. René Girard explique très bien que cette pulsion sanguinaire et ce déchainement de violence sans fin proviennent justement du fait que les belligérants sont si proches et si similaires. La guerre se poursuit tant qu’il reste du sang à verser. La seule façon d’y mettre un terme sans éradiquer l’ennemi est de recourir au pardon, cette vertu chrétienne que les États se sont efforcés de mettre en place. C’est tout l’enjeu de la Restauration en France : comment faire cohabiter des révolutionnaires, des monarchistes, des bonapartistes sans relancer la guerre civile ? C’est-à-dire, comment établir la concorde civile. Louis XVIII a réussi cet exploit de concilier toutes les France et d’assurer la paix. Il est probablement le dirigeant français le plus sous-estimé des deux derniers siècles. Louis-Philippe, après la rechute de 1830, eut à reprendre ce chemin de la concorde, qu’il a pu maintenir dix-huit années durant.
Pardon et réconciliation
La réconciliation passe par le pardon, qui n’est certes pas l’oubli, mais qui est la ferme volonté de briser le cycle de la violence, le désir mimétique et donc la montée aux extrêmes. Une politique de pardon conduite par le général de Gaulle, qui permit à d’anciens collaborateurs de retrouver une vie civile, Maurice Papon et Maurice Couve de Murville en étant les exemples les plus connus. À sa suite, Georges Pompidou proclama des lois d’amnistie, notamment à l’égard de Paul Touvier. On peut certes s’indigner que des criminels soient laissés libres, mais cette injustice est assumée en raison d’un but plus grand à atteindre et d’une justice plus importante à défendre, celle de la concorde et de la pacification de l’État. Il faut savoir finir une guerre et passer à autre chose, sans s’enferrer dans le cycle sans fin de l’épuration. Chacun doit consentir à de petits sacrifices afin d’obtenir un bien plus grand : la vie en commun et la paix civile.
Le socialisme, c’est la guerre
Une autre forme de guerre civile surgit aujourd’hui en France, celle qui oppose, à cause des retraites par répartition, une guerre entre les générations et entre les cotisants. Aucun sujet n’est probablement plus inflammable dans les familles, l’étudiant reprochant à ses aînés de devoir se sacrifier pour eux, les aînés revendiquant une légitime compensation pour le travail passé. Guerre civile entre les régimes spéciaux et les autres, guerre civile entre les jeunes et les vieux, la retraite par répartition, loin d’apporter le bien commun et la solidarité, comme cela est invoqué, brise les foyers et entraine avec elle dissensions et rancœurs. Alors qu’elle est censée établir une solidarité nationale, elle conduit au contraire à des frictions majeures, preuve de son injustice.
Il est impossible de parler de la retraite sans provoquer des drames, des insultes, des frictions. A lire les commentaires sur LinkedIn on prend la mesure du drame de la retraite par répartition : personne ne sait comment elle fonctionne, alors même qu’elle est encensée, à l’inverse de la retraite par capitalisation, qui est honnie. Beaucoup pensent en effet qu’ils ont cotisé toute leur vie et qu’ils toucheront donc, une fois retraités, le fruit de leur cotisation. C’est exactement le système par capitalisation, qu’ils détestent, mais ce n’est pas celui par répartition, qu’ils adorent. D’autres invoquent « un contrat social entre les générations ». Mais qui a signé un tel contrat ? Un contrat n’existe que parce qu’il est librement adopté. Un système imposé n’est nullement un contrat. L’amour forcé n’est pas l’amour, mais un viol. Et un contrat imposé est un mensonge et un vol.
Cette énième réformette va donc aboutir au cortège habituel des Français dressés les uns contre les autres, SNCF et RATP en grève pour empêcher leurs concitoyens de travailler et de se déplacer. Ce qui n’empêche pas la majorité des Français de continuer à être opposée à une privatisation de ces administrations, pourtant excellente façon d’éviter ces grèves. Comme si la guerre civile était le cœur même de notre pays et, pour la France, une fatalité.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
GILLES
25 janvier 2023La révolution française s’est terminé par l’avènement de la dictature Napoléonienne, mettant le feu et le sang à l’Europe, avant d’aboutir à cette concorde que vous décrivez très bien dans cette article lumineux.
Settler
18 janvier 2023@Robert
vous avez bien exposé de manière simple et dans les grandes lignes le système Suisse
Mais bien que ce système mixte soit effectivement efficient….il ne faut pas oublier que la Suisse à déjà revu et revois encore son système….pour ainsi dire il l’adapte au défis actuels et la Suisse n’échappe pas à la règle
Pour simplifier allongement de la durée de cotisations et 65 ans est un doux rêve pour les -40 ans, abaissement des taux de conversion etc….
Au final….un système qui fonctionne bien. Qui permet une base minimaliste (répartition employeur/employé)) complétée par une base en lien avec ses revenus (capitalisation employeur/employé) – complété par une partie totalement privée (capitalisation personnel)
Ceci n’évite pas de devoir revoir en permanence la système et de l’adapter au défi du moment (avec toujours un peu de retard)
Robert
19 janvier 2023Merci d’ avoir utilement complété ma courte intervention.
Effectivement le pragmatisme et la « discipline » suisse permettent au système dit des « trois piliers » de s’adapter à la configuration du moment.
Je demeure sceptique à son adaptation en ce qui concerne la France mais peut-être suis-je pessimiste…
Patrice Pimoulle
16 janvier 2023La guerre civile que nous avons connue pendant la IIe guerre mondiale est une pure fiction; les documents saisis par les allies le prouvent. La question est donc de savoir a qui pouvait profiter le crime? La reponse est simple: 1/ a la strategie stalinienne du « Front Populaire » qui avait besoin d’introduire la guerre civile en France pour affaiblir l’occident; 2/ ce sur quoi s’est greffe le celebre general de Gaulle, auquel personne ne demandait rien, mais qui avait besoin du soutien des communistes pour realiser ses phobies, qu’il expose avec nettete dans ses Memoires de Guerre: le Reich allemand, la malveillance des allies, les frontieres que la nature destinait a la France, le sang francais verse sur le sol de l’Indochine…. Et voila comment, de proche en proche, on en arrive a Emmanuelle, par Chirac interpose. C’est un immense succes.
breizh
18 janvier 2023le Reich allemand, la malveillance des alliés, les frontières naturelles de la France ne sont pas des phobies, mais des réalités.
ThomasD
16 janvier 2023Bonjour,
Je trouve que la dite guerre civile concernant les cotisation des retraites, n’est qu’une sorte de diversion, ou de guerre civile dans la guerre civile. La réelle guerre civile est celle entre, comme précédemment, les résistants et les collabo. Résistants et collabo à quoi ? A l’élite mondialiste apatride qui est actuellement en train de prendre ses ordres à Davos, pour savoir comment mieux instaurer le Grand Reset transhumaniste dans les pays occidentaux et/ou sous contrôle mondialiste, bien souvent par des Young Leader.
Cette guerre a lieu à différentes échelles, elle est à la fois mondiale (Russie-Chine-Iran vs Occident), nationale (Trump vs Biden ; Poutine vs 5ème colonne ; Gouvernement Iran vs fausses révolutions), locale (ARS vs santé, censure, diner de famille, police contre gilets jaunes, armée pour protéger le forum de Davos, etc.).
Ce qui est en jeu, dépopulation, infertilité, puces dans le corps, monnaie numérique centralisé, esclavagisme, fin de toute pensée, inversion des valeurs, fin de la propriété physique, corporelle, des enfants etc.
L’enjeu des retraite n’est qu’une des parties anecdotique de cette guerre civile mondiale.
Bien à vous, et bon courage à tous !
Dominique
14 janvier 2023La Révolution française créa cette guerre civile permanente que fait toujours la patrie révolutionnaire à la patrie traditionnelle ( l’expression est de l’historien Jean de Viguerie ).
Tout n’est que guerre civile.
Patrice Pimoulle
16 janvier 2023C’est le merite de la Restauration d’avoir depasse la Revolution, et apres la renonciation du roi Heni V, de nous avoir legue une repulique « sagement organisee », qui a vecu jusqu’au referendum de 1945. Ce qui s’est passe ensuite, du general de Gaulle a Jean-Michel et Emmanuelle en passant par Jacques Chirac et Francois Mitterrand appartient a l’histoire contemporaine; c’est autre chose.
breizh
14 janvier 2023les deux guerres mondiales ont été la guerre du Péloponnèse de l’Europe, laquelle s’est terminée de la même façon par l’occupation/colonisation de l’Europe par des puissances extérieures.
Patrice Pimoulle
16 janvier 2023Certes, mais des 1940 l’Europe avait besoin d’avions americains. Lockhheed. Curtiss, Pratt and Whitney, lel gouvernement a envoye un telegramme a Roosevelt, Les « puissances » exterieures » pouvant s’appuyer sur les 160 annees d’amitie franco-americaine » suivaient le gouvernement francais au jour le jour… Il faut elargir et elever le debat.
breizh
18 janvier 2023@Patrice Pimoulle
en 1917, Pétain attendait déjà les américains.
Charles Heyd
14 janvier 2023Je suis assez d’accord avec vous sauf sur ce point: « Ce qui n’empêche pas la majorité des Français de continuer à être opposée à une privatisation de ces administrations, pourtant excellente façon d’éviter ces grèves. ». En effet, on a vu le résultat de la privatisation, certes partielle, d’EDF et finalement de sa renationalisation en cours avant une probable deuxième privatisation (dépeçage). Car qui transporterait les « usagers » si, ne serait-ce qu’un syndicat d’une entreprise de transport privée, se mettait en grève et bloquait une majorité de trains? Les raffineries sont jusqu’à plus ample informé privées mais vous ferez le plein comment si dans une semaine quelques centaines de certaines de ces personnels se mettent en grève? Donc le problème n’est certainement pas dans la privatisation sauf si c’est pour créer, en plus d’un noyau de répartition, des retraites par capitalisation. Mais comme le dit fort justement un intervenant plus bas, si on confie cela à Macron autant appeler tout de suite Mc Kinsey pour s’en occuper! Un deuxième intervenant parle d’ailleurs aussi et lui aussi fort justement des retraites des (hauts) fonctionnaires (j’en était mais pas haut!) et de leur multiples cumul grace aux multiples aller/retout fonction publique/privé (de conivence).
Patrice Pimoulle
16 janvier 2023Absolumnt; la notion de « privatisation » des administrations releve de la plus parfaite imbecillite; c’est en fait le retour a la feodalite et a la venalite des offices, et finalement, a l’epoque franque et a la vengeance privee. Il est pourtant facile de comprendre qu’on distribue l’eau, le gaz, l’electricite, le metro, par la main invisible du marche, mais par la voirie et les « reseaux divers », qui sont des « travaux publics »; on ne fait pas du metro comme on fait des primeurs ou de la cremerie. Il y a pourtant des rigolos qui font semblant d’y croire et essayent de le faire croire… Ca finit par etre lassant… Et personne n’est dupe.
Dominique
14 janvier 2023La Révolution française a créé la guerre civile en France. Et la révolution continue toujours.
La Patrie révolutionnaire a tué la Patrie traditionnelle. Lisez l’ouvrage de l’histoiren Jean de Viguerie : Les deux patries.
Patrice Pimoulle
16 janvier 2023C’est plutot la Commune (1871) qui a inaugure en France la guerre civile, tres peu de temps apres la parution du « Capital » de Karl Marx. Elle reprend en 1934 lorsque Staline invente, pour l’Espagne et la France, la strategie du « Front Populaire ». que Litvinov annonce loyalement a Georges Bonnet (juillet 1934). La Haute-Cour de 1945 est le point d’orgue de cette strategie.
Dominique
17 janvier 2023Patrice, lisez Jean de Viguerie et vous comprendrez que la Révolution a créé cette guerre civile.
Steve
13 janvier 2023Bonsoir M. Noé
Curieusement personne ne parle du système Suisse qui fonctionne assez bien sur un mélange de répartition et de capitalisation. Pour mieux connaître l’état exact de notre système, perfectible, voir le dossier établi par O. Berruyer, actuaire de profession et donc assez au fait du problème.
La réforme des retraites a ramené son poids à 11% du PIB ce qui est tout à fait gérable sans problème. Il n’y a donc aucune raison autre qu’idéologique ( si , il y a peut être en plus quelques espoirs très personnels de grosse culbute financière – voir Transparency International sur les spécificités de la France )
Bref l’actuel débat lancé par les msm est une fois de plus le doigt pointé vers un arbre pour cacher la forêt dans laquelle les chacals se tiennent à l’affût: on sait bien que si quelqu’un comme Larry Fink, grand bienfaiteur de Macron depuis le deal Pfizer -Nestlé, s’intéresse de près à la manne des cotisations c’est uniquement par philanthropie et par charité chrétienne !
Les fonds de pension US cherchent à ramasser le de l’argent partout et par tous les moyens pour payer les retraites des américains et se faire un max de commissions dessus Point barre.
Comme d’habitude, à chaque proposition de ce gouvernement il faut se demander: cui bono?
Cordialement
breizh
13 janvier 2023la répartition permet à l’Administration/l’Etat de contrôler les retraites et donc la vie des Français, tout en s’octroyant le meilleur (voir les retraites des politiques, des hauts fonctionnaires).
Les énarques qui nous gouvernent ne vont donc pas l’abandonner et même simplement laisser la capitalisation de mettre en place.
Patrice Pimoulle
16 janvier 2023Tout le monde est d’accord pour dire que le recours a la technique de la repartition pour gerer un regime de retraite est une… erreur; du point de vue de l’assureur, il s’agit d’appliquer a un « risque qui depend de la vie humaine » une technique applicable normalement a l’assurance incendie; l’expedient pouvait se justifier en 1947 alors qu’il fallait servir des retraites a effet immediat. Certains assureurs avaient prevu la solution des… 1971. la situation actuelle est imputable a la seule incurie des pouvoirs publics.
Robert
18 janvier 2023Steve : Effectivement le système de retraite suisse des « trois piliers » (financement état, employeur, bénéficiaire) mixte répartition et capitalisation et se révèle jusqu’à présent efficace.
Il fonctionne dans un pays de culture pragmatique, pour ne pas dire « terre à terre », et où les syndicats ne sont des annexes de partis politiques, contrairement à la France.
Bref, dans notre pays où l’on adore faire compliqué quand on peut faire simple, je crois que la mise en place de ce système est, à elle seule, une gageure !