30 octobre, 2012

Et si on déduisait les moins values boursières des revenus du travail?

Dans le slogan politique accrocheur et simpliste du gouvernement français,  « les revenus du capital doivent être taxés comme les revenus du travail » se cache une erreur conceptuelle majeure, qui est que la plus value n’est pas un revenu. Seuls des gens qui n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise privée ou acheté eux mêmes une action en bourse, peuvent commettre une erreur pareille. Comme le montre très bien Hubert Jousset de la société de gestion GEFIP, dans sa dernière lettre à ses clients, la plus value diffère du revenu pour deux raisons majeures : 1/ elle est non contractuelle, incertaine et réversible. 2/ elle résulte non pas d’un contrat, mais d’un risque qui n’est garanti par aucun organisme public ou privé. La meilleure preuve de la mauvaise foi du législateur en la matière, dit il, est que si la plus value du capital est assimilable à un revenu du travail et doit être taxée au même taux marginal, rien ne devrait donc s’opposer à la déduction des moins values boursières sur les autres revenus !

 

En France, l’investissement est en panne

 

Le dernier indice PMI français  est toujours nettement en dessous de 50. La liste des sites industriels qui vont prochainement fermer s’allonge chaque semaine. Les Tribunaux de Commerce croulent sous les dossiers de sociétés en difficulté.

Le chômage a connu en septembre sa plus forte augmentation mensuelle depuis trois ans. Les coûteuses mesures de traitement social du chômage par le gouvernement, les « emplois d’avenir » et les « contrats de génération » ne ralentiront que peu l’horrible flux, écrit Eric Le Boucher dans Les Echos.  D’ailleurs, Randstad, la société de travail temporaire hollandaise, très présente en France, a abaissé encore ses prévisions de résultats.

Le  « Rapport sur la compétitivité de l’économie française » rédigé par Louis Gallois  a proposé à Jean Marc Ayrault, le Premier Ministre, de réduire massivement les cotisations patronales à hauteur de 30 à 50Md€ financée par la CSG et la TVA. Ses conclusions rejoignent celle de l’AFEP,  qui regroupe les 98 plus importantes sociétés françaises. Elles recommandent notamment, de baisser le coût du travail de 30Md€ sur deux ans en réduisant les cotisations sociales qui pèsent sur les salaires moyens. Cela devrait être fait par un transfert financé pour moitié par un relèvement de la TVA de 19,6% à 21% (la moyenne européenne) et l’autre moitié par une baisse des dépenses publiques.

Dans l’immobilier, selon la dernière étude de Michel Mouillart de l’ « Observatoire CréditLogement/CSA »,  la chute des crédits immobiliers accordés par les banques est spectaculaire et les transactions baissent.  On n’a jamais vu selon lui, une chute d’une telle ampleur et d’une telle rapidité.

L’investissement privé est donc en train de s’arrêter en France dans tous les domaines. La prise de conscience devrait être lente et progressive mais inexorable comme l’a été celle des 35 heures.  On aurait aimé que le gouvernement soit aussi sensible aux commentaires sur l’entrepreneuriat, la compétitivité, l’épargne à risque, l’innovation, les talents qu’il l’a été concernant le marché de l’art, fait remarquer Bertrand Jacquillat d’Asociés en Finance.

 

L’Allemagne aussi a enregistré un PMI inférieur aux prévisions : 48,1 en octobre contre 49,2 le mois dernier.  Elle commence, elle aussi, à être touchée à l’exportation.

 

La Grande Bretagne, par contre,  est en train de sortir de la récession. Elle a reproduit ce qu’avait fait le Canada en 1994, qui avait consisté à diminuer rapidement les dépenses de l’état de 30%. C’était une stratégie de bucheron canadien, qui à l’époque avait  été tout à fait efficace, car elle montrait à condition de s’inscrire dans une perspective, que l’on pouvait réduire les dépenses publiques sans casser durablement la croissance.

 

L’Espagne est toujours engluée dans sa récession avec une baisse du PIB de -0,4% au T3, mais elle  a pris des mesures courageuses pour réduire ses déficits.  L’Italie est en bien meilleure situation que la France. Cela incite Matthieu Louanges de Pimco à acheter de nouveau de la dette espagnole et italienne.  

 

L a moitié de l’Europe se porte encore bien a expliqué François Xavier Chauchat de GaveKal à Paris. Pour lui l’Europe du Nord et l’Europe de l’Est, qui est devenue l’usine de l’Europe, sont encore des zones de croissance. Le sociétés présentes dans ces zones sont selon lui aussi compétitives que les sociétés asiatiques. Parmi celles qu’il a sélectionné figurent notamment : Südzucker, Heineken, Carlsberg, Deutsche Post, Geberit, Ryanair, ThyssenKrupp et Oriflamme.

 

Aux Etats Unis, la croissance est plus forte que prévue à 2% annualisé au T3, contre 1.3% au T2. La dépense publique, qui a augmenté de 3.7% au T3 (contre -0.2% au T2), a soutenu la croissance. Les dépenses de défense ont grimpé de 13%. Il en a été de même de la consommation des ménages (+2%) et surtout des investissements résidentiels (14.4% vs 8,5% au T2). Ces bons chiffres n’ont pas empêché le marché américain de baisser cette semaine. Bruce Geller, le gérant value Dalton Greiner, Hartman Maher & Co a présenté une étude sur les effets des hausses d’impôt sur l’indice Dow Jones. Entre 1917 et 2009, ; la hausse moyenne suivant une baisse de la fiscalité a été de 14,7% dans les dix ans qui suivent et de seulement 4,8% quand les impôts augmentaient.

 

Au Japon, en septembre, les exportations se sont repliées de 10% a/a, en ligne avec les attentes mais les importations ont crû plus que prévu (4,1%, LNG et pétrole). Ainsi, le déficit commercial pour le mois est le plus élevé depuis septembre 1979.  Le gouvernement  a débloqué une aide de 4Md€ pour soutenir l’économie qui sera prise sur la réserve budgétaire. Le gouvernement pourrait se retrouver dans une quasi cessation de paiement s’il n’arrive pas à faire voter d’ici la fin du mois une loi permettant d’émettre des obligations d’Etat pour financer le budget. Sans relèvement du plafond de la dette, le pays sera obligé de suspendre certains paiements et des émissions obligataires. Le 30 octobre, la BOJ devrait annoncer un nouveau QE.

 

En Chine, le PMI a rebondi à 49,1 contre 47,9 le mois dernier.

 

Résultats du troisième trimestre : de nombreuses sociétés baissent leurs prévisions

 

Dans la consommation, ce n’est pas l’euphorie.  FedEx et UPS dont l’activité est très liée aux ventes réalisées sur internet prévoient que le troisième trimestre va être « mou ». 3M a annoncé un chiffre d’affaire inférieur aux prévisions des analystes. Colgate Palmolive va supprimer 2300 postes et Kimberly Clark 1500. Publicis a été surpris par la baisse du marché de la publicité. Puma a enregistré une baisse de 85% de ses résultats semestriels

 

General Electric anticipe un ralentissement. Caterpillar,  le premier constructeur mondial d’engins de chantiers,  est pessimiste pour 2013. United Technologies a de son côté revu en baisse ses prévisions de chiffre d’affaire.

 

DuPont a aussi déçu et annoncé la suppression de 1500 postes de ses effectifs. Dow de son côté va supprimer 5% de ses effectifs.

 

Overseas Shipholding Group, le premier transporteur de pétrole côté sur le marché américain est au bord de la faillite.

 

Philips, tout comme Electrolux  tranchent agréablement avec la morosité des résultats annoncés cette semaine. En revanche les ventes de SEB ont déçu. Le spécialiste du petit électro ménager a revu à la baisse ses objectifs pour 2012.

 

Secteurs : SAP et Samsung sortent du lot

 

Dans la  technologieSAP a une fois de plus, fait la démonstration de sa capacité à manœuvrer dans un environnement difficile. La société a pour objectif de se concentrer sur les poches de croissance qui existent encore dans l’économie mondiale. Samsung a annoncé des résultats trimestriels record. En revanche Juniper Networks qui est au cœur des réseaux du « cloud computing » a baissé de plus de 7% le jour de l’annonce de ses résultats semestriels.

Facebook a monté de 10% à l’annonce de résultats bien meilleurs que prévus.

Amazon a pour la première fois depuis 2003 enregistré une perte due pour l’essentiel à des provisions passées sur LivingSocial.

 

Les banques françaisesont été malmenées après la décision de S&P d’abaisser leur note. Cela n’a pas empêché les Fonds Monétaires Américains qui avaient pratiquement

cessé tout achat de dette bancaire de les reprendre depuis l’été.  Credit Suisse a sorti de mauvais résultats trimestriels, tout comme Santander dont les profits ont reculé de 94%. UBS va supprimer 10 000 emplois dans le monde.

 

 

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

4 Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  • Julie

    6 juin 2015

    Je pense que les dirigeants sont pour la plus part des politiciens et non des techniciens hautement qualifiés dans le domaine de la bourse. Donc, il est assez compréhensible qu’ils fassent certaines erreurs. Cependant, il me semble qu’ils sont entourés de ces techniciens donc ils auraient très bien pu leur demander leur avis, si ce n’est déjà fait.

    Répondre
  • Homo-Orcus

    31 octobre 2012

    Nos socialistes ont des problèmes naturels de raisonnement, induits par l’idéologie. Avant de constater une plus-value il faut : 1) faire un effort de trésorerie – 2) accepter un certain risque, c’est à dire de perdre et globalement de se priver de consommer son revenu. Ainsi, si on spolie le gain, le candidat devient de plus en plus hésitant jusqu’au renoncement à faire un effort et à prendre des risques, et…

    Répondre
  • roger duberger

    30 octobre 2012

    Bonsoir,
    Encore merci pour vos informations. C’est toujours interessant !
    Pour ce qui est de la non imputation des déficits. Il me semble, mais ce serait à vérifier malgré tout….
    Le législateur a cloisonné les revenus et interdit la déduction de certains déficits pour éviter le financement par l’impôt de certains investissements. C’était le cas de la  » fermette de normandie  » (gros travaux et déficit agricole) pour une jolie demeure d’un chirurgien par exemple. Donc imputation sur d’autres catégories de revenus, d’un déficit agricole.
    En principe il y a peu de cas d’imputation de déficits fonciers sur des revenus salariaux ou autres, sauf les déficits Malraux….etc.
    Bien cordialement

    Répondre
    • Homo-Orcus

      31 octobre 2012

      D’accord avec vous mais il y a un autre principe fiscal à ne pas oublier « Une dépense ne peut-être imputée que sur un revenu » (On a eu des problèmes avec le LMP, à ce sujet)

Me prévenir lorsqu'un nouvel article est publié

Les livres de Charles Gave enfin réédités!