2 octobre, 2025

Donald Trump : un plan pour changer le Proche-Orient

Donald Trump avait créé le suspense. Il avait annoncé un plan novateur, qui allait transformer le Proche-Orient. Après avoir annoncé la fin de la guerre en Ukraine, qui n’est pas venue. Autant dire que le scepticisme était grand face à des déclarations à l’emporte-pièce, souvent brouillonnes et emplies d’amateurisme. Le plan en 20 points annoncé lundi a pourtant changé la donne.

 

Il est en effet très bien construit et articulé, à la fois suffisamment précis pour être concret, mais suffisamment large pour laisser une part de négociation et de latitude d’application. Il est mesuré, ne donnant pas à Israël tout ce que le gouvernement Netanyahou souhaite, mais combattant le Hamas sans relâche. Il propose, point extrêmement important, une amnistie pour les combattants du Hamas qui rendraient les armes. Ce plan a un projet, à la fois de désarmement, de fins des combats et d’organisation future pour le territoire de Gaza. Loin de l’amateurisme habituel, il est parfaitement construit et articulé. On le doit notamment à l’habileté et la connaissance de Massad Boulos, conseiller de Donald Trump pour le Moyen-Orient et lui-même Libanais. Fait particulièrement remarquable, il suscite l’unanimité en sa faveur. Israël est d’accord, comme les pays arabes de la région, les Européens, la Chine, l’Inde et même la Russie. Rarement un texte aura suscité une telle unanimité. Reste le Hamas, qui n’a pas tellement le choix tant la pression est forte pour qu’il accepte la main tendue. Les jours qui viennent diront ce qu’il en est.

 

De Riyad à Gaza

 

Pour comprendre le plan proposé pour Gaza, il faut revenir au discours prononcé le 13 mai dernier à Riyad. Dans cette intervention programmatique, Donald Trump annonçait une ère nouvelle pour le Proche-Orient, en rupture avec les néo-conservateurs qui avaient voulu bâtir de nouveaux régimes par la guerre. Ce texte marquait la fin de l’universalisme et du nation-building telle que pratiquée par les États-Unis depuis 2001. Le président américain s’alarmait aussi du sort des populations civiles à Gaza et de la nécessité de trouver une solution à une guerre qui s’éternisait. Le plan de Gaza est l’aboutissement de ce discours. Donald Trump est obnubilé par l’idée d’obtenir le prix Nobel de la paix, Barack Obama l’ayant obtenu alors qu’il venait à peine d’être élu et qu’il n’avait donc rien fait. Lui, au contraire, estime qu’il a déjà résolu plusieurs conflits, ce qui est vrai notamment pour la Thaïlande et le Cambodge ainsi que pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il veut donc réussir à Gaza ce que tous les négociateurs ont jusqu’à présent échoué à obtenir.

 

Ce qui frappe dans ce texte c’est l’élaboration de la construction, l’idée d’un mandat international destiné à superviser la reconstruction et la gestion du territoire, mandat confié à Tony Blair et les projets pour le futur de la région de Gaza. Un projet qui repose sur l’intégration des populations, à qui on reconnaît le droit de rester sur leur terre, évitant ainsi un nouvel exil.

En proposant une amnistie aux combattants du Hamas, le plan rompt avec la logique de vengeance. Certains pourront regretter que les hommes du Hamas ne soient pas jugés et qu’ils puissent vivre librement après la guerre. Mais, quoi que l’on pense d’eux, une amnistie est essentielle pour pouvoir passer à autre chose. Pour mettre un terme aux guerres, la justice est une solution. Mais tirer le rideau, clôturer une période, ouvrir un chemin nouveau est une autre possibilité, bien souvent nécessaire, surtout dans ce conflit de Palestine qui concentre les haines et les murs anthropologiques. L’amnistie n’est pas l’oubli, mais la nécessité de refermer un chapitre pour passer à un autre moment.

 

Changement d’opinion

 

La guerre à Gaza aura profondément changé l’opinion mondiale, et notamment fissuré le soutien apporté à Israël. Si la solidarité fut unanime après l’attaque du 7 octobre 2023, deux ans de bombardements, de civils tués, de territoires rasés, et près de 65 000 morts, ont fait douter de la stratégie suivie par Benjamin Netanyahou. Fait notable et symptomatique de ce changement, aux États-Unis, selon une enquête du New York Times, la population est aujourd’hui plus nombreuse à soutenir les Palestiniens que les Israéliens, ce qui n’était jamais arrivé depuis 25 ans que le journal effectue ce sondage. Si les électeurs démocrates sont plus nombreux à soutenir la Palestine plutôt qu’Israël, le soutien s’érode aussi chez les Républicains. Quant aux moins de 30 ans, ils sont près de 70% à soutenir les Palestiniens bombardés. Le plan de Trump est donc aussi une réponse à une situation intérieure qui a considérablement changé. Les États-Unis, traditionnels soutiens d’Israël, sont en train d’infléchir leur position. Israël ne peut ignorer cela et le fait que la poursuite de la guerre nuit à son image internationale et donc à ses soutiens.

Des attaques des houthis en mer Rouge aux interruptions du tour d’Espagne, les mouvements anti-israéliens se sont structurés et organisés, fragilisant la projection du pays en dehors de ses frontières. Cette guerre a épuisé les partis ; il est désormais temps d’en trouver une fin.

 

 

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

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