20 mai, 2021

C’était mieux avant ?

Le drame de notre temps, c’est que le débat public est monopolisé soit par des progressistes fanatiques qui sont prêts à détruire ce qui existe pour imposer leurs idées, soit par des réactionnaires patentés qui rêvent à un retour vers un passé fantasmé. Dans les deux cas, c’est la logique révolutionnaire qui est à l’œuvre, soit la révolution comme un mouvement de progression qui cherche à s’affranchir de toutes les traditions et de tous les patrimoines, soit la révolution comme retour en arrière, qui refuse le futur et le progrès. Ces deux mouvements, progressistes et réactionnaires, ne sont différents qu’en apparence. Leur opposition irréductible repose plus sur des liens partagés que sur des divergences fondamentales. Le mythe du progrès permanent est tout aussi néfaste que le mythe de l’âge d’or. C’est oublier ce qu’était la France il y a encore quelques décennies et la façon dont celle-ci a progressé.

 

Les fausses Trente glorieuses

 

On se méprend aujourd’hui sur l’expression « Trente glorieuses » employée par Jean Fourastié dans son ouvrage de 1979. Fourastié constate trois choses :

 

1/ L’extraordinaire amélioration des conditions de vie matérielle qui permet à un Français de 1979 d’avoir un mode de vie jamais atteint dans l’histoire et inimaginable pour un Français de 1949. On pourrait prolonger cette réflexion pour un Français d’aujourd’hui vivant en 2021 et que ne pouvait pas imaginer un Français de 1979.

 

2/ Cet accroissement objectif des biens matériels et cette amélioration des conditions de vie n’ont pas été perçus par les Français de l’époque, qui sont restés persuadés que leur pouvoir d’achat diminuait et que leurs conditions de vie régressaient.

 

Ce qui conduit au troisième point :

 

3/ L’amélioration matérielle des conditions de vie ne conduit pas nécessairement au bonheur. Le bonheur repose sur autre chose, une vie à la fois culturelle et spirituelle.

 

Une France qui s’enrichit

 

La vision que l’on a aujourd’hui des « Trente glorieuses » est une réinterprétation de l’histoire qui nous fait voir de façon positive une époque qui n’était pas perçue comme telle par ceux qui l’ont vécue. On peut en dire autant de la période 1980-2010, qui a bien des égards est une nouvelle « Trente glorieuses ».

 

Jacques Marseille a poursuivi le travail de Jean Fourastié dans un de ses derniers ouvrages, L’argent des Français. Les chiffres et les mythes (2009). Il analyse ici l’évolution de la France et des conditions de vie au regard de quelques indicateurs intéressants, comme l’espérance de vie ou la mortalité infantile.

 

France de 1973 :

12 000 bébés meurent avant 1 an, taux de mortalité infantile : 15.4‰

Salaire minimum brut : 684€ par mois.

Dépenses alimentaires : 36.2% du budget.

Téléphone : 65% des ménages

PIB par habitant : 13 000 $ de PPA (parité de pouvoir d’achat).

 

Franc de 2008 :

Taux de mortalité infantile : 4.5‰

Espérance de vie : 76 ans

Salaire minimum brut : 1 100€ par mois (euros constants)

PIB par habitant : 26 000$

 

France de 2018

Espérance de vie : 82 ans.

Taux de mortalité infantile : 3.5‰

Salaire minimum brut : 1 500€ par mois.

PIB par habitant : 38 476 $

 

 

Entre 1973 et 2008, le pouvoir d’achat a autant augmenté qu’entre 1950 et 1973. De même, entre 2008 et 2018, le PIB par habitant a autant augmenté qu’entre 1973 et 2008.

Les données sont résumées sous forme de tableau, elles émanent du travail d’Angus Maddison.

 

PIB par habitant, en $ constants

1950 : 5 270

1973 : 13 123

2008 : 26 000

2018 : 38 400

 

Donc, entre 1950 et 1973 : + 7 853

Entre 1973 et 2008 : + 12 877

Entre 2008 et 2018 : + 12 400

 

Jean Fourastié a proposé une analyse originale, largement reprise aujourd’hui, qui consiste à calculer le temps de travail nécessaire à une personne qui gagne le salaire moyen pour s’acheter un produit. Cela permet ainsi de comparer sur plusieurs décennies, en s’affranchissant des variations monétaires.

 

Durée de travail en minute pour acheter :

1 kg d’orange

1973 : 20

2008 : 9

2018 : 8

 

12 œufs

1973 : 37

2008 : 10

2018 : 8

 

1 kg de poulet

1973 : 60

2008 : 23

2018 : 21

 

1 ampoule de 75 watts

1973 : 15

2008 : 4

2018 :3

 

Ce sont là quelques exemples. De nombreux exemples de prix peuvent être retrouvés sur le site du comité Jean Fourastié.

https://www.fourastie-sauvy.org/accueil/qui-est-jean-fourastie/bibliographie-fourastie

 

La révolution du temps libre

 

L’accroissement de la productivité a conduit à la diminution du temps de travail et donc à un bouleversement anthropologique qui est l’émergence du temps libre. Si les ouvriers peuvent partir en congé à partir de 1936, ce n’est pas parce que le Front populaire leur a fait « cadeau » d’une semaine de vacances, mais parce que les innovations technologiques permettent de travailler moins tout en gagnant plus, et donc d’avoir du temps de loisir. Cet élément nouveau, massif et majeur transforme le rapport au temps et à la vie.

 

L’apparition de l’électroménager à partir des années 1960 fait que les femmes n’ont plus besoin de se rendre au lavoir pour laver le linge ou bien que les aliments peuvent être conservés plusieurs jours au réfrigérateurs, évitant la nécessité de se ravitailler tous les jours. Il n’est pas certain que ceux qui estiment que « c’était mieux avant » soient prêts à renouer avec la vie des Français de 1960 ou 1970.

 

Si aujourd’hui nous sommes confrontés au fléau de la drogue et du cannabis, le problème des années 1950-1960 était celui de l’alcoolisme. Les gouvernements de l’époque avaient lancé cette campagne de sensibilisation « Quand les parents boivent, les enfants trinquent ». Les ouvriers étant payés à la semaine, il n’était pas rare que beaucoup boivent leur paye en allant au bistrot une fois la somme reçue. Il a fallu attendre le mandat de Georges Pompidou pour que le salaire soit versé de façon mensuelle, et sur un compte en banque, ce qui était une façon d’éviter cette perdition du salaire du foyer.

 

Engoncée dans un modèle social mêlant étatisme et rigidité normative, la France de 1970 accumulait un retard technique dommageable sur bien des plans, notamment celui du téléphone. En 1969, la France avait un nombre d’habitants raccordé au téléphone inférieur à celui de l’Italie (7 lignes pour 100 habitants contre 9.6 pour l’Italie) et très en deçà de l’Allemagne et du Royaume-Uni (9.7 et 13). La France était en queue du classement européen pour les services rendus au client, mais en tête pour le prix de ces services. La faute à des PTT qui refusaient d’automatiser les lignes et qui étaient incapables d’étendre le réseau. Comme le disait à l’époque Yves Guéna, ministre des PTT, le téléphone : « Cela ne sert qu’aux hommes qui traitent de graves affaires et aux femmes qui ont quelque chose à dissimuler. » Bref, le téléphone ne sert à rien, il est donc inutile de se préoccuper du retard français en la matière.

Sauf qu’au début des années 1970, le téléphone était absolument indispensable pour le développement du pays et la modernisation de l’économie. Ce retard dans le raccordement est l’un des facteurs aggravants de la crise des années 1970.

 

Plusieurs facteurs expliquent ce retard. Une méfiance culturelle d’une part à l’égard de la technologie et de la mécanisation. La défiance à l’égard de la machine, encore trop souvent perçue comme un ennemi de l’homme, alors qu’elle le soulage des travaux pénibles, qu’elle lui permet d’avoir plus de loisirs et de disposer de produits de meilleure qualité et à coûts moindres.

L’étatisme d’autre part, les entreprises publiques et les syndicats. Dans le cas du téléphone, ce sont les PTT qui ont refusé l’ouverture au privé et à la concurrence, ainsi que l’automatisation, bien conscients que cela nuirait à leur monopole. L’adoption du communisme dans les années d’après-guerre, qui a fait de la France « une URSS qui a réussi » a pesé très lourd dans le retard technologique et la modernisation de l’appareil productif.

 

On le voit aujourd’hui encore dans un grand nombre de secteurs, comme l’école, la santé, les retraites, etc.

 

Ce retard dans la mécanisation a empêché la modernisation et donc la compétitivité des usines et des entreprises. Elle a empêché aussi la modernisation de l’économie et l’adaptation aux nouvelles réalités. Ce n’est pas qu’un problème intérieur, c’est aussi un problème pour la place de la France dans le monde et dans le maintien de sa compétitivité dans la concurrence mondiale. Le même problème se pose aujourd’hui avec le retard dans la robotisation, la 5G et l’économie connectée.

 

Pourquoi la déprime ?

 

Finalement, la seule question fondamentale est celle posée par Jean Fourastié tout au long de ses Trente glorieuses. Pourquoi, en dépit d’une amélioration sans précédent des conditions de vie, les Français ne sont-ils pas heureux ? Plusieurs causes et facteurs peuvent être avancés. L’étatisme délirant, qui a englouti les gains de productivité obtenus par les entreprises privées, le fiscalisme irrationnel, qui ponctionne plus de la moitié du salaire des travailleurs, rendant, selon les mots de Richelieu, la fainéantise plus profitable que le travail. Le syndicalisme triomphant, de la CGT autrefois, des mouvements gauchistes aujourd’hui, qui sont toujours en train de récriminer, de regimber et de manifester. L’immigration subie et incontrôlée, qui a modifié la structure de bien des villes et des quartiers et qui a contribué à distendre les liens culturels. Tout un ensemble de facteurs donc, qui agissent à des stades et des degrés divers et qui font planer une grande inquiétude, effaçant, ou faisant oublier, les gains réels et importants obtenus dans l’amélioration des conditions de vie.

 

 

 

 

 

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

27 Commentaires

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  • MrJoe

    29 mai 2021

    Dans les années 90, je payais environ 1200f de loyer pour mon studio, Butte aux Cailles, pour un smic à 4800F environ. Avec 500F, je faisais mes courses pour le mois, sans vraiment me priver.
    Aujourd’hui, le smic est à 1200€, le même studio est à plus de 1000€ HC. Et je mets au défi n’importe qui de faire les même courses qu’avant avec 100€, même 200, ou 300…

    Les statistiques peuvent dirent ce qu’elles veulent, les faits sont les faits, le coûts de la vie a explosé depuis vingt ans. On vit en moyenne plus vieux, moins mortalités infantiles, probablement de meilleurs soins, certe, mais ça nous fait une belle jambe si on n’a rien à bouffer et que l’on est dans le rouge en début de mois avec un smic.
    Je gagne entre 1500€ et 2200€, je ne suis donc pas, plus, pauvre, mais mon niveau de vie est merdique comparé à ma « jeunesse » smicarde…

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  • MrJoe

    29 mai 2021

    Je trouve que comparer le prix d’achat de produits fabriqués lacolement ou dans l’environnement proche avec des produits aujourd’hui importés de l’autre bout de la planète fabriqués par des esclaves est un peu…

    Bref. Sinon, le vrai souci économico-financier des ménages aujourd’hui, et qui fait que même des patates à 1€ les deux kilos sont chères, c’est le coût de l’habitation. En pourcentage de salaire, combien coûtait de se loger (loyed, taxe, énergies etc) il y 30, 40, 50, 60 ans?
    Quand un loyer vous saigne des 3/4 de votre salaire, tout est cher, et tout vas mal.

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  • Nanker

    24 mai 2021

    1 kg de poulet

    1973 : 60

    2008 : 23

    2018 : 21

    1 ampoule de 75 watts

    1973 : 15

    2008 : 4

    2018 :3

    Pardon mais ces chiffres sont intellectuellement faux : si l’on devait acheter une ampoule **fabriquée en France** par des Français je pense qu’en 2021 il faudrait toujours 15 minutes de travail. Forcément comme tout vient de Chine…

    De même s’il fallait acheter un kilo de BON poulet, et pas de la cochonnerie bretonne industrielle vendue une poignée d’Euros chez Lidl, le kg je pense qu’il faudrait toujours 1h de taf pour pouvoir l’acquérir.

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    • breizh

      24 mai 2021

      comme le parfum : au début entièrement naturel et aujourd’hui totalement artificiel, mais toujours vendu au même prix !

    • Cheunbaba

      25 mai 2021

      La question du poulet agite la volaille apparemment ! Au magasin bio, le poulet est à 14 euros le kilo dans ma petite ville de province. 20 minutes de travail, c’est 14*3 = 42 euros par heure. A 140 heures mensuelles (je suis gentil, j’applique les 35 heures), il faudrait un salaire moyen annuel de 140*12*42 = 70560 euros pour ne pas avoir perdu en niveau de vie. Or en 2018, les statistiques nous indiquent 38400 euros. Pour continuer dans l’amusement, il faudrait donc que mon revendeur bio me le vende à 7,61/kg euros pour m’en payer une bonne tranche sans avoir perdu en pouvoir d’achat. En vérité, si j’étais un honnête travailleur moyen (ce qui est très loin d’être le cas), il me faudrait donc 36 minutes pour gagner mon kilo de poulet et satisfaire ma femme et mes enfants. Rappelons que les poulets de l’époque étaient bio d’origine si j’ose dire, et qu’ils ne coûtaient quasiment rien à faire venir parmi une populations majoritairement agricole. Mais là encore, nous retombons sur les temps de travail familiaux non induits etc…

  • Stefano

    23 mai 2021

    M Noe, J ene suis pas d’accord avec votre article, mais
    D’accord avec Breizh et Nitsch
    je vous renvoie à l’article d’ Etienne CHAUMETON (IREF) qui dit ce qui suit:
    « Depuis 2002, la France est en situation de récession organique, car la faible croissance de ces 20 dernières années n’a été obtenue qu’à coups de déficits publics plus importants que l’augmentation de la valeur ajoutée apportée à l’économie. »
    Quand on a 1% de croissance et 3 % de déficit on s’appauvrit de 2% et encore il faut savoir que le PIB inclut le secteur public.
    Les problèmes sont devant nous car la poussière est sous le tapis.
    https://www.contrepoints.org/2021/05/17/397562-leconomie-francaise-20-ans-de-recession

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  • Shell

    23 mai 2021

    Intéressant, cependant je me permet de mettre un point qui n’est pas négligeable pour moi. Les citoyens anticipent (comme les agents économiques), je m’expliques quand les perspectives d’un future radieux était à porté de main les gens sont plus vite heureux. Que quand le future s’assombris les gens sont malheureux. À mon avis les gens s’attendent à un future moins bon que la situation actuelle. En faite une chute est toujours douloureuse même si on atterrit plus haut que des décennies précédant. En conclusion, ce qui rends les gens heureux c’est la perspective d’un avenir meilleur et pas autre chose. Qui peut être heureux sachant que le futur d’année en année sera pire ? Il est plus facile à mon avis d’être heureux même si on est mal lotis mais qu’on est persuadé que le futur sera meilleures d’année en année.

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  • Robert

    22 mai 2021

    Je ne commenterai pas les statistiques. Elles ne sont pas fausses, elles sont relatives…
    Par contre : vous soulignez à juste titre que le bonheur ne repose pas exclusivement sur le matériel, mais aussi sur une composante spirituelle et culturelle.
    C’est tout le problème de la France et de l’ Europe actuellement face à l’immigration venue du sud, laquelle concerne des populations avec une culture spirituelle forte, pour qui notre laïcité élevée au rang de « religion » n’a aucun sens.
    Nos démocraties ne sont pas armées face à l’islamisme militant : dans ce cas, la judiciarisation aura toujours « un train de retard », interdisant d’agir préventivement face à des adversaires pourtant bien identifiés !

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  • Roger Galinié

    22 mai 2021

    Ce qu’il y avait incontestablement de mieux « avant » (je suis né en 1938), ce n’est pas quantifiable, ça ne se mesure pas en chiffres.
    L’ancien monde, celui d’avant Mai 68, celui d’avant l’Internet, c’était celui du bon sens commun, comparé aux folies progressistes et sociétales actuelles. C’était celui où l’individu moyen cherchait à résoudre par lui-même ses problèmes , avec un coup de main éventuel des parents ou amis, sans faire appel à la solidarité nationale et aux subsides de l’Etat. C’était celui où, en cas de catastrophe naturelle ou personnelle, on ne faisait pas appel à une cellule psychologique, on s’efforçait de réagir en homme ; et on ne portait pas plainte contre la terre entière quand par exemple une rivière sortait de son lit, car on savait que c’était là le cours inévitable des choses depuis toujours.
    Bref, oui c’était mieux avant, même si c’était souvent plus dur…

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  • Cheunbaba

    21 mai 2021

    D’un point de vue strictement économique :

    _ Le salaire minimum et même moyen peut augmenter, si l’écart type a augmenté lui-aussi, nous nous retrouvons dans une société où pas mal de gens vivent moins bien.
    _ Ce qui amène à la deuxième considération : l’augmentation du chômage extraordinaire et maquillée statistiquement qui devrait normalement se traduire par une augmentation de cet écart type salarial (à vérifier pour voir si les statistiques sont fiables).
    _ Ce qui m’amène à une 3ème considération : les statistiques sont-elles fiables quand l’on songe qu’entre 2008 (première crise financière) et étalement de cette crise jusqu’à 2018, le PIB moyen aurait crû de 50% en francs constants ! soit plus que toutes les périodes précédentes… En vérité, il s’agit d’une augmentation artificielle du PIB avec augmentation de la dette et donc ponction de l’activité sur le patrimoine des Français. En somme, l’augmentation de l’activité a été permise par une suppression de capital, ce qu’un de vos lecteurs expose très bien : mes grands-parents ont remboursé leur prêt en moins de 20 ans, et les échéances étaient ridicules à la fin. La génération de mes parents, cela se situait autour de 25 ans. Et actuellement, c’est plus proche des 30 ans. Et encore, avec consolidation de prêts dans une période de baisse des taux d’intérêt… Quand les gens arrivent à emprunter, ce qui semble de plus en plus difficile aux dires autour de moi.
    – Enfin et cerise sur le gâteau : dans une société traditionnelle, vous n’avez pas à débourser ou très peu, pour la garde des enfants, pour l’entretien des vieux, pour vos repas etc… alors que dans notre économie telle qu’elle s’est construite, ces dépenses sont obligatoires, ce qui grève d’autant votre pouvoir d’achat. Il y a donc augmentation du PIB sans forcément augmentation du niveau de vie, même lorsque les prix des produits alimentaires baissent. Il n’y a qu’à songer au coût d’une maison de retraite pour comprendre que ce n’est pas si évident.

    Pour résumer : les indicateurs sont peu fiables en eux-mêmes mais aussi pour calculer le vrai train de vie des gens. Dans nos sociétés où nous devons nous débrouiller seuls, les coûts d’entretien courant deviennent gigantesques; un logement pour une personne, des équipements pour une personne, des économies pour gérer seul sa fin de vie etc… Dans ce genre de société, le PIB par habitant peut augmenter, le prix des produits peut baisser, il se confond avec une baisse effective du niveau de vie. Seule la société a intérêt à utiliser le PIB par habitant pour calculer son pouvoir réel qui augmente lui. Mais les individus de ces sociétés peuvent souffrir d’une telle augmentation et à l’extrême, s’appauvrir, voir leur insécurité financière augmenter, leur dépendance à l’état ou à leur emploi augmenter aussi etc… parce qu’ils sont isolés et que cela n’améliore pas leur condition individuelle.

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    • Christophe

      21 mai 2021

      Tout a fait d’accord avec vous. L’analyse produite par Mr Noé est trop simpliste. C’est le risque lorsque l’on évalue des dynamiques complexes à la seule lumière de chiffres dont la méthodologie de recueil est très contestable. Beaucoup de travaux notamment, ont démontré que l’indice des prix de l’Insee était totalement biaisé par le poids de l’immobilier très sous-évalué et « l’effet qualité » très mal apprécié. La destruction du tissu social, l’exode rural, l’émergence d’un modèle de vie mondialisé, la puissance du marketing, les réseaux sociaux, etc…ont conduit à la marchandisation de tout ou presque, sans aucune place pour l’entraide, le troc et les « échanges informels ». De fait nous payons aujourd’hui pour beaucoup de petites choses qui était gratuites il y a 20ans. Et l’état a mis son nez partout pour ponctionner tout ce qu’il peut. Si vous ne tissez plus aucun lien social, personne pour garder vos enfants, pour vous amener au supermarché, pour vous prêter des outils, pour vous renseigner sur tel ou tel sujet, pour vous introduire auprès de quelqu’un qui pourrait vous aider, etc…La moindre action se soldera par une dépense, elle même taxée. A ce sujet petite anecdote : Je me promenais dans le centre ville de Toulouse et j’ai croisé un vieil homme. Celui-ci me raconta qu’il était mécanicien et sa femme couturière. Il a acheté une maison au centre ville de Toulouse il y a 50ans en empruntant la somme à son médecin de famille. Aujourd’hui sa maison vaut un demi million d’euros. Essayer de demander a votre médecin de vous prêter de quoi acheter une maison dans une grande ville française aujourd’hui…Gagner 200 000€ par mois ne fait pas de vous un riche si vos frais mensuels sont de 210 000€. Rajoutez à ca l’explosion des prix de l’immobilier, de l’énergie et des taxes foncières en sachant que le logement est le 1er poste de dépenses des Français et on comprend aisément que vivre aujourd’hui c’est beaucoup plus cher qu’hier, la réalité est aussi simple que cela.

    • Cheunbaba

      25 mai 2021

      @Christophe : je viens d’avoir une conversation avec une personne qui a acheté une maison construite en 1900. Sur les actes de l’époque : 500 francs or pour une maison de 100 m2 avec jardin en plus dans la périphérie d’une ville moyenne. La personne a remboursé en 3 ans. Si vous calculez en poids or/argent, vous arrivez à 30 546 euros actuels. Alors que le cours de l’or et de l’argent sont au plus haut… La même maison vaut 200 à 250 000 euros de nos jours à la construction, voire plus puisqu’elle est désormais située dans la ville. Bon, ce n’est qu’un exemple qu’il faudrait étayer, mais si j’étais chercheur, j’irais fouiller dans les actes de propriété de 1900 pour calculer les différences et comprendre ce que nous avons réellement vécu, de ce point de vue au moins. Après je ne conteste pas qu’en tant que pauvre, je vis matériellement comme aucun prince du passé n’a vécu, mais je suis célibataire et quand je vois mon copain médecin qui galère comme un malade pour accéder définitivement à la propriété avec ses 4 enfants, tandis que par le passé, il aurait pu en avoir 12 et vivre sans se poser aucune question, je me dis que nous avons quand même manqué un « truc ».

  • Steve

    20 mai 2021

    Bonsoir M. Noé
    Dans les cahiers statistiques de l’OCDE, il est précisé que PIB et PPA servent surtout à mesurer la performance d’une économie et la productivité individuelle.
    De ce fait ce sont des indicateurs qui ne reflètent pas correctement le « bien être » ou le « bien vivre » des gens.
    Votre part de PIB peut bien augmenter par une opération arithmétique, mais si l’Etat augmente ses prélèvements sur cette part , et si les actionnaires étrangers prélèvent une part grandissante – on sait bien que si les profits des entreprises ont augmenté les salaires n’ont pas suivi, depuis longtemps , la carte de crédit jouant un rôle de camouflage de cette stagnation, cela peut dissimuler une baisse du pouvoir d’achat: le nombre de foyers français qui ne peuvent plus vivre sans crédits relais est en constante augmentation, ceux qui de même ne peuvent même plus payer leurs loyers sans ces mêmes crédits augmente aussi ; de même, le nombre de gens qui ne peuvent plus acquérir un terrain ou un logement dans la région où ils sont nés, en raison de la bulle immobilière augmente nettement, c’est une première en France. La privatisation systématique, idéologique , des services publics et de ce que l’économiste Gaël Giraud nomme « les communs » augmente le coût des prestations en diminuant leur qualité comme le montre la privatisation des chemins de fer en Angleterre et la dégradation du système de santé chez nous.
    Pour la première fois en France, depuis longtemps de nombreuses personnes sentent et croient que leurs enfants vivront moins bien qu’eux.
    L »augmentation du PIB par habitant peut bien réjouir M. Bernard Arnaud , elle ne signifie rien pour beaucoup de nos compatriotes!
    Ludwig von Mises, que Charles Gave aime bien n’avait pas très confiance dans les modèles mathématiques simples et faux utilisés pour « mesurer » et théoriser sur l’économie qui pour lui devait prendre en compte l’ensemble des sentiments, réactions, relations humaines.
    Cordialement

    Répondre
  • Bilibin

    20 mai 2021

    Difficile d’avoir l’impression de s’être enrichi quand on demande à ses parents combien ils ont acheté la maison et en combien de temps ils ont pu la rembourser… le monde a beaucoup changé. Beaucoup de choses sont plus faciles certes mais certaines sont devenues très difficiles, et naturellement on ressent plus les secondes que les premières (et la fiscalité évolue inexorablement dans le mauvais sens ce qui n’aide pas à être optimiste). Et c’est seulement pour l’analyse économique…

    Répondre
  • ERIC

    20 mai 2021

    Je retiens juste les propos de Jean Fourastié pour l’exemple = 3 minutes de travail en 2018 pour une ampoule de 75w c’est à dire 8€ de l’heure net au smic environ (c’est mon cas) cela nous donne 0.40€ l’ampoule !! Je ne vis pas dans le même monde que lui visiblement….

    Répondre
  • VINCENT

    20 mai 2021

    Bonjour,
    Cet article m’a ramener à mon apprentissage en 1960,en 1964 j’étais fier d’avoir un métier grâce à mon maitre d’apprentissage, peu de temps après j’effectuer mon service militaire, libérer fin 1965, je rentrais dans la vie active, mon salaire était de 200 Frans environ, il a continuer à progresser, et puis en 1974, plus possible d’avoir une augmentation importante, j’ai eu une opportunité de travailler dans le commerce, que je n’ai pas louper, j’avais acheter une maison en 1971 et j’avais des difficultés à rembourser le prêt. La paye est passer de 600 Frs à 1500 Frs et jusqua 5000, voir plus ! Dans certaines profession on pouvaient si on le souhaiter travailler plus et gagner plus, (j’étais au chiffre d’affaires), les impôts de toutes nature commençait à nous tomber dessus et j’étais heureux de voir la retraite arriver, car le commerce que j’avais aimer, n’était plus le même !

    Répondre
  • breizh

    20 mai 2021

    concernant l’augmentation du PIB, quelle est la part de la dette publique ?

    concernant le moral morose, il faut le relier à la perte des libertés due à l’extension délirante de l’étatisme dans tous les domaines de la vie (la gestion du covid en est la dernière illustration).

    Et cette étatisation sans cesse croissante commence à faire voir ces effets : outre la dette, on peut constater la dégradation de tous les services publiques (santé, éducation, administration, sécurité,…).

    on peut ajouter aussi le délitement de la société (éclatement des familles, dénatalité & vieillissement, immigration, archipélisation, ghéttoïsation, grand remplacement).

    je ne suis pas optimiste pour notre pays.

    la vie en 1973 n’était pas plus facile qu’aujourd’hui, mais les perspectives étaient meilleures.

    Répondre
    • bart

      20 mai 2021

      @Breizh
      Tout à fait d’ accord, sauf sur le dernier point:
      En 1973, la vie était beaucoup plus facile !

      L’ auteur de l’ article nous dépeint la vie à travers…des statistiques !
       » Je ne crois aux statistiques que lorsque c’ est moi-même qui les ai falsifiées !  » Winston Churchill
      Peut être que le kg d’ oranges représentait 20 min de travail en 1973 et 8 minutes aujourd’ hui….
      Mais en 1973…il y avait du travail !!!
      J’ étais étudiant à l’ ESSEC, c’ est à dire sans revenu…mais , en quelques heures, je trouvais un petit job bien rémunérateur !
      Chauffeur de maitre, manutentionnaire aux Halles la nuit, garde du corps, leçons particulières de maths…etc Et la vie était belle !
      Et en ce qui concerne les oranges, une étude 50 millions de consommateurs a montré que pour avoir la même quantité de nutriments d’ une orange de 1950….il en faut x50 aujourd’ hui !!!
      Parle t on des mêmes oranges ???

      Quant à la morosité, J’ ai vécu en République Dominicaine, au Nigeria…des pays « statistiquement » avec un niveau de vie égal à zéro ….Et la morosité n’ y existe pas !!

    • bart

      21 mai 2021

      @Breizh
      tout à fait d’ accord avec toi
      Mon post de réponse a été censuré/modéré…..hihihi
      alors je refais une dernière tentative, en toute simplicité :
      L’ auteur nous abreuve de statistiques ….
       » Je crois aux statistiques lorsque c’ est moi qui les ai falsifiées !  »
      Winston Churchill
      Un kg d’ oranges réprésenterait 20 min de travail en 1973….
      Et seulement 10 min de travail aujourd’ hui…
      Parlons nous des mêmes oranges ??? Oranges OGM et naturelles ?
      Et de la même quantité de travail ?
      Qui a du travail aujourd’ hui ?????

  • Nicolas Nitsch

    20 mai 2021

    Il y a un biais, de taille, dans le calcul du PIB depuis que l’on y inclue les dépenses de l’état (je refuse de l’écrie Etat). Il serait plus pertinent d’utiliser le PIB marchand, et il serait divisé par près de 2. En effet, on ne s’enrichit pas quand les fonctionnaires sont payés puisque c’est notre argent qu’ils prennent pour se payer. Ce « PIB » est par ailleurs payé par le surendettement, et il faudrait multiplier les recettes des impots par deux pour équilibrer le budget de l’état. La qualité prétendue du service public s’est effondrée, mais les impots se sont envolés. Le pays vit à crédit

    Répondre
  • Lionel

    20 mai 2021

    Excellent article !

    Répondre
  • Huger

    20 mai 2021

    Le bonheur est autre chose que les biens matériels et la vie bien plus que la vie biologique. Le malheur de l’Occident – pas seulement la France – n’est-il pas de s’être laissé enfermer dans le matériakisme?

    Répondre
    • Dan

      21 mai 2021

      Tout à fait. J’ai vu le bonheur et l’ai vécu chez mes grands-parents longtemps actifs. Ils subvenaient à la majorité de leurs besoins avec entraide entre voisins. Peu, pas, de voitures sur la rue. Maison construite par mon grand-père, grand-mère couturière,
      jardin potager, pêche, baignade dans une rivière non polluée à l’époque. Chat pour les souris, poules, lapins (l’horreur cependant quand ils étaient sacrifiés.
      Et pourtant eau à la pompe, chauffage dans la grande cuisine. Seule ombre : les lessives…
      Grimper aux arbres…
      Actuellement je passe un temps fou à gérer plein de trucs sur internet, impôts, ss, mutuelle, courriers, achats… Je cours pour rattraper le temps. heureusement il y a encore amis et famille mais chacun dans sa boîte et dépendants de presque tout. Tiens Bouygues me sollicite pour la 5G, il m’indique m’offrir le bonheur.

  • marc durand

    20 mai 2021

    Pas un mot sur l’immigration, la criminalité, sur les enfants qui savaient lire et écrire, sur la politesse ect.
    Le recensement chinois vient d’avoir lieu, il y a que 965 00 étrangers en Chine ! le grand remplacement est en cours en France.
    C’etais mieux avant.

    Répondre
  • PAK

    20 mai 2021

    Ce que vous ecrivez sur le retard pris pour le téléphone me rappelle ce qui est arrivé un peu plus tard, quand un président se vantait de cabler la France. Mes amis informaticiens à l’époque rageaient en disant qu’il fallait en profiter pour mettre de la fibre optique, et bien là aussi on a perdu 30 ans.

    Répondre
    • breizh

      20 mai 2021

      l’Allemagne a développé le téléphone via ses entreprises privées (Siemens ) : résultat 20 ans d’avance par rapport à la France.

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