11 novembre, 2022

Amérique latine : l’histoire sans fin

En Amérique latine, l’histoire semble se répéter et ne jamais finir, comme si le continent restait bloqué dans les années 1970, en écoutant un vinyle rayé émettant des chansons communistes.

Brésil : victoire en trompe-l’œil

Au Brésil, voici Lula da Silva, 77 ans, qui vient d’être réélu de justesse président du Brésil, après deux mandats (2003-2011) où la corruption a tourné à plein, ce qui lui a valu un passage en prison, ainsi qu’une condamnation pour Dilma Roussef, celle qui lui avait succédé. Pour certains, Lula est un espoir, pour d’autres il réveille les moments douloureux de la criminalité galopante au Brésil et de la corruption mêlant les juges et les politiques.

Mais si Lula a gagné la présidentielle, le parti de Bolsonaro a remporté de très nombreuses élections locales, notamment des postes de maire, de gouverneur et de député. Sans majorité à la Chambre, Lula ne pourra pas gouverner, sitôt élu il est donc déjà impuissant. Les grandes villes brésiliennes, comme Rio et Sao Paulo, ont choisi les candidats de Bolsonaro, preuve que ses idées et son parti ne sont pas morts.

Adulé par la presse occidentale, Lula a néanmoins jeté un froid lorsqu’il s’est montré favorable à la Russie contre l’Ukraine. Un soutien non prévu qui témoigne d’un non-alignement de l’Amérique latine sur le camp occidental.

Bolsonaro vaincu, son parti et ses idées demeurent plus fort que jamais au Brésil. C’est peut-être davantage l’homme qui a été rejeté que ce qu’il incarne.

Le communisme est toujours là

Dans les autres pays d’Amérique latine, le communisme fait toujours recette. Bien qu’il soit jeune (36 ans), le président chilien Gabriel Boric est un ardent défenseur du régime d’Allende et de Cuba. La constitution qu’il avait fait écrire, et qui fut finalement rejetée, reprenait tous les vieux thèmes du marxisme, agrémenté d’indigénisme et de féminisme de bon aloi. Si les États-Unis sont accusés d’ingérence dans la politique des pays sud-américains, c’est surtout Cuba et son idéologie marxiste qui continuent d’infuser la vie politique et les postures intellectuelles.

À Cuba, la transition des frères Castro s’est opérée sans grande difficulté. Après des émeutes de la faim à l’été 2021, vivement réprimées par le régime, l’ordre règne. L’île est figée dans la doctrine des années 1950, avec ses vieilles voitures que d’aucuns trouvent charmantes alors qu’elles sont le signe de la pauvreté et du non-développement de la population. Aucun espoir de changement de régime à La Havane ; l’impasse reste la seule issue.

Au Nicaragua, Daniel Ortega, 76 ans, est revenu avec plus de force et de répression. Président depuis 2006, il a déjà été réélu quatre fois et dirige depuis 1979 le Front sandiniste de Libération. Répressions policières et militaires, contrôle de la vie économique, arrestation des opposants politiques, le Nicaragua et ses 6 millions d’habitants est un laboratoire de la dictature militaire et marxiste.

La liste est longue de ces pays où le peuple a choisi le communisme et où celui-ci s’accroche à sa population. Bolivie, Venezuela, Pérou, à quoi s’ajoutent les États faillis du Mexique et de la Colombie. Il y a une grande tristesse à observer l’Amérique latine et à constater à quel point ces pays, qui disposent d’une véritable histoire et d’un peuple industrieux, n’arrivent pas à sortir de leurs mythes politiques et donc de la pauvreté. L’Argentine est un cas d’école de pays failli. Lui qui était l’une des principales puissances économiques dans les années 1920 a fait ensuite le choix du populisme péroniste, mélange de socialisme, de démagogie et de pouvoir autoritaire. L’Argentine va de crise en crise, de dévaluation en banqueroute, sans qu’aucun espoir ne s’offre à ses habitants.

Pourquoi la servitude ?

Cet état de fait pose un problème philosophique. Pourquoi ces peuples ont-ils choisi la servitude, pourquoi cette appétence pour la violence et le communisme ? Ceux qui le refusent n’ont d’autre solution que le départ, généralement vers les Etats-Unis, comme en témoigne le grand nombre de Latinos. D’autres ont fait le choix de courants politiques extrêmes, une dictature militaire remplaçant une autre dictature militaire. Les Picaros et le général Tapioca ne sont jamais loin, mais cette fois-ci sans l’humour d’Hergé. Se joue un drame sud-américain dont les acteurs semblent eux-mêmes très fatalistes et résignés à supporter leur sort.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

12 Commentaires

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  • jeannot

    24 novembre 2022

    pourquoi ? USA.

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  • N. Barlet

    16 novembre 2022

    Il n’y a pas qu’Hergé pour se moquer des états latinos. Clemenceau disait déjà que « le Brésil est un pays d’avenir et qui le restera longtemps ». Alain Peyrefitte comparait le développement des USA avec celui de l’Amérique du sud depuis leurs indépendances respectives ; effectivement il n’y a pas photo, alors que les climats, la taille et les ressources naturelles sont identiques. Il l’expliquait par une différence de culture. Celle des USA est fondée sur les principes chrétiens et bibliques (le nouveau président prête serment sur la bible) apportés par tous les persécutés d’Europe, dissidents ou juifs. Alors que le sud reste englué dans la culture de la contre-réforme fondée sur la soumission et la corruption, même celle de l’église dominante ce qui y explique aussi la croissances des évangélistes. Le « mal français » et « la société de confiance » devraient être des ouvrages de référence pour ceux qui essayent de comprendre la géostratégie. Mais , à la Sorbonne et dans l’éducation nationale, ces ouvrages sont considérés comme pernicieux parce qu’ils ne prennent pas le marxisme pour le stade insurpassable de la pensée comme disait Sartre. La France a toujours été au carrefour de ces deux cultures. Depuis tente ans, c’est celle de la soumission qui domine….

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    • Etienne

      20 novembre 2022

      Merci pour ses références littéraires, en espérant qu’elles viennent étoffer ma culture

  • Roger

    13 novembre 2022

    « Cet état de fait pose un problème philosophique. Pourquoi ces peuples ont-ils choisi la servitude » ; La servitude docile ou involontaire, consciente ou inconsciente de certains pays ou peuples, voilà une thématique phylosophique très intéressante pour l’un de débats/interviews avec un invité.

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    • YB

      13 novembre 2022

      En réalité les gens se sont laissé embobiner par un discours populiste et une fois le système mis en place très souvent avec l’appui de l’armée, on ne peut plus s’en sortir !
      Quand on compare les manifestations en France ou des milliers de personnes défilent avec relativement peu d’’incidents, par exemple en Iran il y a déjà plus de 300 manifestants morts ! Est-ce que vous iriez à une manifestation sachant que vous risquez d’être tué ou mutilé a vie ?

    • Etienne

      20 novembre 2022

      En effet, voir les récentes manifestations en Colombie ou la police tirée à balle réelles sur la foule. Sans parler du niveau de vie, et de salaire qui n’est pas le même (accès à l’éducation, au capital etc). Donc, dans un discours politique, le peuple modeste va avoir tendance à aller vers celui qui lui promet le plus d’avantages. Mêmes, en Europe, la grande majorité ignore le fait que économiquement, le socialisme c’est un désastre, peut-on leurs en reprocher aux latinos ?

  • YB

    11 novembre 2022

    Ayant vécu au Venezuela pendant plus de 50 ans, j’ai vu et vécu le passage d’un pays très riche a un pays détruit par l’idéologie cubaine !
    Nous sommes arrivés au Venezuela en 1963 (J’avais 6 ans), la dictature de Marcos Perez Jimenez était tombée en 58, laissant derrière lui un pays ou le PIB par habitant était parmi les plus élevés du monde. Le Venezuela était le plus grand producteur de pétrole mondiale et à l’époque une population de 6 millions d’habitants qui vivaient principalement dans l’opulence.
    Dans les années 60 les cubains ont fait une tentative de débarquement militaire sur les côtes vénézuéliens, mais ils ont tout de suite été arrêtés dans leur élan par l’armée vénézuélienne !
    Une immigration pauvre importante, une forte natalité ajoutée à une corruption endémique et des prix de pétrole qui ont stagné et la pauvreté n’a cessé d’augmenter.
    En 1998, après un coup d’état manqué quelques années auparavant, Hugo Chavez prend le pouvoir avec un discours populiste et la commence la descente aux enfers de ce magnifique pays, malgré une conjoncture économique florissante pendant les mandats de Chavez. En effet, lorsque Chavez prend le pouvoir, le baril de pétrole est à 8$ et quelque temps après il est à 15$ puis 20$ puis 50$ jusqu’à 150$ et bien évidemment Chavez est considère comme le Messi. Bien avant son élection Chavez était allé plusieurs fois à Cuba invité par Fidel Castro en personne. Une fois au pouvoir, Chavez a signé des accords économiques très favorable à Cuba et très souvent il se rendait à Cuba,
    Une des premiers choses qu’a Fait Chavez quand il est arrivé au pouvoir, est de changer la constitution, de changer la façon d’exercer le vote qui a été totalement automatisé (Chavez n’a perdu aucune élection depuis !) et il a armé des milices dans les bidons villes pour contrôler le peuple.
    Sa haine contre les riches et industriels a fait qu’il a nationalisé et exproprié de nombreuses sociétés, terrains agricoles…. Et peu à peu le Venezuela c’est enfoncé dans la crise.
    D’une production de 3,5 millions de barils de pétrole par jour en 1955, la production est tombée à 350.000 barils par jour en 2022 !
    Voilà en résumant comment on détruit un pays riche !

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    • Charles Heyd

      11 novembre 2022

      Votre commentaire vient appuyer les dires d’un de mes amis qui a été en poste chez Thalès (Thomson à l’époque) au Venezuela dans les années 80 et qui a d’ailleurs épousé une colombienne rencontrée là-bas; et aussi les rencontres que j’ai pu avoir avec des officiers de marine vénézuéliens en étude en France dans les années 70; le Venezuela était à l’époque (70-80) un paradis qui n’a cessé de s’étioler avec Chavez; qu’un certain Mélenchon le trouve « génial » (Chavez) montre le destin de la France.

    • S vand

      12 novembre 2022

      Et les americains alors ?

      Croyez vous que l envolé du baril est du uniquement a ce monsieur ? Sachez qu un pays comme celui ci est obligatoirement sous influence economique et strategique americaine meme si les observateurs locaux ne le montrent pas. Tant que la misere et la corruption regne dans les rues , le pays ne se redressera pas et une caste americano locale s engraissera sur le dos du peuple .

    • YB

      14 novembre 2022

      Chavez a foutu dehors les compagnies pétrolières américaines du Venezuela, qui ont été remplacées par les russes et chinoises !
      Dans ce cas précis, les américains n’ont rien a voir, dans d’autres pays, c’est une autre histoire, c’est au cas par cas !
      La corruption et les décisions ont été prises par des vénézuéliens, au césar ce qui est au césar !

  • Sys ATI

    11 novembre 2022

    « Pourquoi ces peuples ont-ils choisi la servitude, pourquoi cette appétence pour la violence et le communisme ? »

    La troisième loi de Newton est le principe de l’action et de la réaction. Si un corps A exerce une force sur un corps B, alors B exerce sur A une force d’égale intensité, de même direction et de sens opposé.

    Vouloir expliquer la situation de l’Amérique Latine sans mentionner une seule fois les Etat-Unis semble assez peu réaliste.

    S’il n’avaient pas un voisin aussi puissant et omniprésent ils n’en seraient certainement pas la…

    Mais ceci est sans doute une opinion « complotiste » ou tout au moins trop « anti-occidentale » on ne la mentionnera donc pas ici…

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