13 mars, 2013

Accros au monétarisme : les gagnants et les perdants d’une économie américaine droguée par la FED

Aux Etats Unis, le dispositif de séquestration qui gèle 85 Md$ de dépenses, combiné avec une reprise molle devrait inciter la Fed à poursuivre sa politique monétaire laxiste. C’est une bonne nouvelle pour le marché américain. Les investisseurs sont en train de retrouver le chemin de l’investissement en action, au moment où les coupes budgétaires automatiques vont peser sur la croissance.

Il ne faut toutefois pas bouder le plaisir de retrouver le Dow Jones au plus haut, comme en 1999 et en 2007, même si c’est au prix d’une politique considérée par certains, comme du « dévoiement monétaire ». Les marchés aiment bien que Ben Bernanke président de la Federal Reserve achète des monceaux de papier émis par le Trésor américain. Cela revient à ce que le Financial Times décrit comme « droguer les marchés au Quantitative Easing », mais il faut reconnaître que cela a eu des effets jusqu’à maintenant limités sur la sortie de récession de l’économie américaine.

La diminution des dépenses devrait stimuler la croissance aux Etats Unis

Il est intéressant de noter que plusieurs économistes, notamment Michael Boskin de Stanford et Lawrence Kudlow de CNBC ont expliqué que la diminution des dépenses publiques aurait finalement un effet positif sur la croissance de l’économie. Cela devrait permettre de mettre fin à l’idée que le keynésiansime, interprété très librement par le monde politique, ne consiste qu’à dépenser toujours plus. C’est probablement pourquoi Robert Samuelson du Washington Post, rappelle qu’à l’époque de John Kennedy en 1963, sa politique de relance par la dépense publique n’a eu pour principal résultat que de faire passer le rythme d’inflation de 1% en 1960 à 13% en 1980 !

Pour Michael Hartnett Chief Investment Strategist chez BankofAmerica Merill Lynch, la grande rotation va se poursuivre. Les derniers chiffres de l’emploi pour février ont été biens meilleurs à ce qui était attendu. Les gagnants seront selon lui les actions, l’immobilier, les banques, les valeurs d’actif. Les perdants seront les obligations, le crédit, les matières premières, les valeurs de croissance. Le grand risque c’est soit un krach obligataire comme en 1994, soit une guerre des monnaies comme en 1987. Devant ses clients qu’il avait réuni à l’Hôtel Bristol Il a recommandé à l’achat notamment le marché américain, l’immobilier au Japon, les grandes sociétés européennes, les petites sociétés dans les marchés émergents.

En Europe, tout le monde a compris que Mario Draghi le président de la BCE, était prêt à utiliser, notamment pour l’Italie, le dispositif OMT (Outright Monetary Transactions). Il s’agit du programme d’achats illimités de dette d’Etats en difficulté, que la BCE prévoit de mener pour soulager les pays de la zone euro attaqués. Le problème c’est que le programme OMT est soumis à une « conditionnalité stricte et efficace liée au mécanisme FESF/MES approprié », ce programme de soutien pouvant prendre la forme d’un plan de sauvetage à part entière sur les modèles grecs, irlandais ou portugais. Personne ne semble avoir apporté de réponse au fait que pour bénéficier d’une aide européenne, il fallait au moins approuver le fonctionnement de l’Union européenne, ce que l’Italie a rejeté très majoritairement.

La France est prise au piège

En France, le CAC 40 est encore 45% en dessous de son plus haut de 2000… Il va bientôt falloir expliquer de façon pédagogique que nous avons signé en mars 2012 le Traité sur la Coopération la Stabilité et la Gouvernance (TCSG). Négocié par Nicolas Sarkozy et signé par François Hollande, il est passé presque inaperçu sous son apparence purement technique. Pourtant l’histoire retiendra que ce traité baptisé « Pacte budgétaire » aura été une étape décisive de la politique économique européenne. Pour éviter la lourdeur des procédures statutaires de révision des traités communautaires, le Pacte budgétaire a pris la forme d’un traité intergouvernemental sous calendrier rapide… Il s’agissait de donner des gages à l’Allemagne sur la discipline des pays Etats membres impécunieux (les pays du sud de l’Europe plus la France) pour lui permettre d’accepter le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). En clair cela signifie qu’il n’y a plus de couple franco allemand et que la politique économique de la France ne se décide désormais plus à Paris mais principalement à Bruxelles. Cette dépendance par rapport à l’euro est décrite de façon imagée par Marie France Garaud ex collaboratrice de Georges Pompidou de la façon suivante : « A la campagne quand un renard est pris au piège, il préfère sacrifier une patte pour continuer son chemin et ne pas abandonner sa liberté ».

Dans la rubrique mauvais signes de la semaine dernière, nous n’avions pas bien compris que la loi d’amnistie votée pour les syndicalistes casseurs couvrirait aussi les malversations financières commises par les syndicats. Cela permettra au passage de mettre fin aux poursuites engagées contre les comités d’entreprise qui ont détourné, comme le rappelle Yves de Kerdrel dans Le Figaro des centaines de millions d’euros !

Parmi les faits qui vont vraisemblablement être amnistiés on peut retenir les trois exemples suivants : au comité d’Entreprise de la première société, selon un rapport d’expertise judiciaire, le trésorier du comité d’entreprise, dans une filiale du groupe, aurait détourné à son profit 230 747€ entre 1997 et 2006… ! Le comité d’entreprise de la  deuxième société est soupçonné de fraudes. Il fait l’objet d’une enquête pénale.

Au comité d’entreprise de la troisième société, les subventions et avantages accordés sont considérables. Des vacances aux restaurants d’entreprise, la facture s’élève à plus de 55M€.

Au moment où le plan de réorganisation de sa recherche par Sanofi est annulé par la justice pour vice de forme en matière de communication  et où de nombreux chefs d’entreprises sont traduits sans ménagement devant les tribunaux de la République, on a vraiment le sentiment que nous n’allons pas vers l’apaisement. Pourtant, François Hollande avait promis pendant la campagne électorale que « moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante »… !

Parmi les sujets économiques traités récemment par les télévisions françaises on préfère d’autres sujets : « Les Conti » sur France 3 retraçant « la lutte exemplaire des ouvriers de Continental à Clairvoix » ! ; « Les infiltrés » sur France 2 qui est un documentaire sur les laboratoires pharmaceutiques. Il montre que toute cette industrie, « c’est de l’or pour les labos et du poison pour les malades » ! ; « La malédiction du gaz de schiste » sur Arte, qui dresse la longue liste des dangers de l’hydrofracturation : accélération du changement climatique par la combustion de davantage de gaz, pollution de l’eau, accidents. Tout cela pour un bilan carbone proche de zéro !

Avec ces quelques exemples on ne pourra pas dire que les télévisions ne traitent pas sérieusement les sujets économiques !

Au Portugal on a vu 1,5M de personnes défiler dans la rue pour protester contre les mesures d’austérité prises par leur gouvernement.

Le Japon reste toujours le marché le plus intéressant pour 2013 selon Chris Wood stratégiste de CLSA à Hong Kong. L’indice Topix est encore 65% en dessous de son plus haut historiqueIl faudra suivre de près les propos de Haruhiko Kuroda, nouveau gouverneur de la Banque du Japon le 3 avril prochain. Il annoncera ce jour les détails de ses nouvelles interventions sur les marchés. Le déficit commercial a progressé de 10% en un an essentiellement à cause des importations d’énergie. Cela signifie que si le nucléaire n’est pas remis au moins en partie en marche le Japon pourrait entrer dans une phase de déficit structurel très longue.

Dans son portefeuille type, Chris Wood a décidé de remplacer Canon par Sumitomo Real Estate car le rendement moyen de l’immobilier de bureau à Tokyo est proche de 4,8% contre 0,68% pour les obligations du gouvernement à 10 ans. Il surpondère la Thaïlande et les Philippines et réduit son exposition sur l’Inde et l’Australie.

La Chine continue d’augmenter ses dépenses de défense. Elle y a consacré 106Md$, soit 15% du budget américain. Nous sommes en train d’assister à la plus grande course aux armements depuis la Guerre froide. Il y a une véritable ruée sur les sous marins. La tension entre la  Chine et le Japon au sujet des iles Senkaku/Diaoyu n’étant qu’un des éléments qui entre en ligne de compte. Tout cela n’empêche pas les investisseurs de garder leur confiance dans l’économie chinoise comme le reflète la demande de Renminbi.

Matières premières agricoles : trois maladies graves se développent

L’Orange de Floride est menacé par le champignon Huanglongbing en provenance de Chine. Depuis huit ans plus de la moitié des orangers de Floride ont été touchés par l’insecte psyllid qui véhicule le champignon d’un arbre à l’autre. Si aucune parade efficace n’est trouvée rapidement les vergers de Floride pourraient être détruits.

Le caféier Arabica est atteint par le champignon Colletotrichum kahawae, venant du Kenya. Il provoque une pourriture des fruits du caféier Arabica. Les pertes de récolte sont en moyenne de 40% à 80%.

Le raisin est également touché par le champignon esca qui a fait son apparition dans les vignes en France entrainant un taux de mortalité annuel des pieds de 10 à 20%. Il y a également l’euypa et la botyosphaeria.

Une partie de la solution se trouve dans les producteurs de semences qui peuvent au bout d’un certain temps arriver à produire des espèces résistantes à certaines maladies ou nécessitant moins d’eau. Tout cela ne se fera malheureusement pas en France, où au nom du principe de précaution il est interdit d’entreprendre des recherches sur les OGM mais pas d’importer des produits élaborés à partir de semences OGM !

Innovations de rupture : les gagnants selon le MIT et Forbes

Chaque année le Massachusetts Institute of Technology publie le classement des entreprises qui sont à l’origine d’innovations de rupture. Parmi les valeurs cotées on trouve : ABB (coupe circuit haute densité pour les énergies renouvelables), Corning (nouveau verre pour écran tactile), Dow Chemical (tuiles avec des matériaux photovoltaique), GE (nouvelle turbine éolien-solaire/énergie classique), Philips (LED contrôlable par smartphone),Siemens (nouvelles batteries pour les énergies renouvelables), Facebook (corrélation online offline), Safaricom (M-Pesa au Kenya), Tencent (version chinoise de Twitter), Amazon (mise en place de la livraison dans la journée), Apple (développement de la technologie Retina), ARM Holdings (chips pour smartphones…), Google (logiciel de smartphone le plus utilisé), IBM (nouveaux circuits qui transmettent des données avec de la lumière),Intel (technologie superbe non reflétée par les performances boursières), Microsoft (Windows 8 va influencer le marché des PC et des mobiles), Nuance Communications (reconnaissance vocale), Smartphones (n°1 des smartphones), Xerox (gestion du prix des parking en yield management), VMware (cloud services).

Heureusement, dans le classement des sociétés les plus innovantes réalisé par le magazine Forbes pour 2012, on trouve une société française : Pernod Ricard. La société a créé un « Breakthrough innovation Group- BIG », censé casser les codes de l’innovation. Il travaille plus sur des modèles économiques de rupture que sur des nouveaux produits. C’est une distinction qui a été bien peu reprise dans les média français !

Gaz de schistes : les équipementiers qui en profitent

La France reste toujours stupidement à l’écart de cette révolution énergétique qui devrait permettre aux Etats Unis d’accéder dans la décennie qui vient à la quasi indépendance énergétique. Plusieurs sociétés développent des technologies nouvelles pour faire évoluer les procédés de fracturation hydraulique. Parmi les sociétés européennes figurent : Sulzer (gestion de l’eau/Suisse), Flowserve (pompes centrifuges/US), Weir Group plc (pompes/UK), Rotork plc (Valves/UK), Burckhardt Compression Holding AG (Allemagne).

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

2 Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  • roger duberger

    13 mars 2013

    Bonsoir,
    Merci pour ce billet interessant.
    J’ignorais cette loi d’amnistie pour les malversations des comités d’entreprise et des syndicalistes casseurs. C’est honteux !
    Ce qui m’a choqué aussi est la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires, alors que les salariés du privé en ont trois. Moi président, je serais inique !
    Pour ce qui est du gaz de schiste, cela pourrait profiter à Vallourec qui a installé une usine aux USA.
    Il y a une chose que j’ignore, en matière de prêts internationaux, les prêteurs peuvent ils s’assurer contre le risque de change ? Sinon, ceux (non américains) qui ont prêté en dollars forts, perdent beaucoup avec la baisse du dollar…Il faudrait prêter à des monnaies faibles avec l’espoir qu’elles s’apprécient, sinon on peut perdre une partie du capital prêté.
    Est-ce ainsi ou je fais fausse route ?
    Merci pour vos éclaircissements
    Bien cordialement

    Répondre
  • JoS

    13 mars 2013

    Billet intéressant.

    Je n’avais pas non plus réalisé que l’amnistie des voyous caractérisant les syndicats Fr portait également sur les détournements d’argent public.

    C’est finalement certainement la 1ère raison d’être de cette loi !

    Pour les sociétés profitant du gaz de schiste on pourrait également ajouter Schlumberger non ?

    Cdlt

    Répondre

Me prévenir lorsqu'un nouvel article est publié

Les livres de Charles Gave enfin réédités!