18 février, 2015

L’euthanasie du rentier et du retraité se poursuit…

Devant l’optimisme des marchés, il est très mal vu de rester sceptique. Les marchés sont sur leur petit nuage et les investisseurs qui ne veulent pas croire à la fameuse « rotation sectorielle » (= acheter des valeurs de moins en moins bonne qualité) sont des empêcheurs de danser en rond.

En Europe, le cap de la BCE est clair. Il consiste à racheter des montants considérables d’obligations dans le marché pour faire baisser les rendements afin que les investisseurs s’en détournent pour aller vers des actifs plus risqués comme des obligations d’entreprises…

Le meilleur exemple est fourni par Apple qui a emprunté cette semaine en Franc Suisse à 10 ans au taux de 0,281% et à 15 ans au taux de 0,74%. Le papier émis par la première société mondiale en terme de capitalisation (plus de 700 Md$) rapporte plus que le papier émis par des états criblés de dettes !

Le problème c’est que les banques et surtout les assureurs-vie sont obligés par les réglementations financières de privilégier les « actifs sûrs » (= les obligations d’Etat qui ne rapportent plus rien, voire proposent des taux négatifs pénalisants). Il s’agit d’un excellent moyen pour faire exploser les compagnies d’assurance et rendre encore plus difficile les solutions pour traiter le problème des retraites des cadres et des salariés du secteur privé. Plus que jamais, les régulateurs ont mis en place une répression financière qui consiste à obliger les institutions qui gèrent nos retraites à acheter des obligations de mauvaise qualité ce qui provoque une véritable euthanasie du rentier et remet en cause le paiement des retraites.

La Grèce est d’ailleurs en train de devenir le laboratoire de l’euthanasie du rentier européen. Ce qui se passe à Athènes concerne tous les contribuables et les épargnants européens. Grâce à Angela Merkel, l’Europe affiche une position claire en fermant la porte à toute idée d’annulation même partielle de la dette grecque. Il n’est pas encore sûr qu’elle puisse résister jusqu’au bout…

L’écart de croissance franco allemand est toujours là

En France, la croissance est toujours insuffisante pour faire baisser le chômage. Au quatrième trimestre + 0,1% pour la France contre 0,7% en Allemagne. L’investissement dans la construction est au plus bas depuis 1998, merci Cécile Duflot ex ministre du logement. Quand à l’investissement des entreprises privées, l’expression politiquement correcte consiste à dire qu’  « il traduit de l’attentisme ».

Le déficit commercial s’améliore un peu, tant mieux, mais c’est essentiellement grâce à la douceur des températures et à la baisse du prix du pétrole. On ne constate en effet aucune amélioration sur le front de la compétitivité.

Aux Etats Unis les indices sont au plus haut, notamment l’indice Nasdaq représentant principalement les valeurs de croissance qui est au plus haut depuis 15 ans.

Micosoft et Apple s’endettent pour racheter leurs propres actions. La raison est connue. Les entreprises américaines, grâce à des montages fiscaux, ne payent pratiquement pas d’impôts sur leurs bénéfices réalisés en Europe. La contrepartie est qu’elles ne peuvent rapatrier les liquidités disponibles aux Etats Unis, car elles seraient alors soumises à l’impôt. S’il y a un sujet fiscal, qui devrait mobiliser tous les européens c’est bien celui là. Malheureusement, les sociétés qui pratiquent cet exercice ont les moyens de payer des armées de lobyistes, de consultants et d’avocats pour défendre leurs positions.

Le Japon est sorti de la récession mais la reprise est toujours molle malgré les mesures très ambitieuses prises par Shinzo Abe le premier ministre. Les européens doivent regarder comme du lait sur le feu l’évolution de l’économie japonaise. Les mesures adoptées récemment par la BCE ressemblent beaucoup à celles qui ont été prises par la Banque du Japon il y a quelques mois. Malgré les montants spectaculaires de liquidités qui ont été injectés la croissance n’est toujours pas revenue…

Les valeurs liées au gaz et au pétrole de schiste connaissent un véritable bain de sang aux Etats Unis et au Canada, car la baisse des cours fait passer les cash flow de ces entreprises dans le rouge, mais en plus il faut provisionner la valorisation des réserves sur la base de laquelle des emprunts ont été contractés auprès des banques. Bien évidemment toutes les maisons qui recommandaient chaudement ce type de valeurs ne publient plus beaucoup d’études. A suivre …

Le secteur des banques a toujours été très difficile à suivre. De l’extérieur l’investisseur n’a aucun moyen de connaître ce qu’il y a dans le bilan des banques.

Le bon exemple est celui de la Société Générale qui a annoncé des profits en hausse de 35% en 2014 après avoir passé des provisions importantes sur ses activités au Brésil et en Russie. A priori c’est une bonne nouvelle, mais par ailleurs, elle propose un dividende de 20% inférieur aux attentes du marché et se retrouve avec un ratio de fonds propres en dessous de 10%. Cela ce sont de mauvaises nouvelles qui montrent que la banque est inquiète sur l’évolution de ses résultats pour les mois à venir…

Le secteur de la pharmacie est en plein bouleversement. Le meilleur exemple est celui du rachat d’Allergan, inventeur du fameux Botox , par Actavis qui va créer la dixième société pharmaceutique mondiale. Cette performance due à Brent Saunders, président d’Actavis, est remarquable. La stratégie repose sur une idée simple : l’idée qu’il faut pour une société pharmaceutique dépenser beaucoup d’argent en recherche et développement pour découvrir de nouvelles molécules est selon Brent Sauders une grave erreur. Il suffit de réaliser des acquisitions. Sa position constitue donc une raison de plus pour s’intéresser de près à toutes les sociétés actives dans la biotechnologie, la génomique, l’immuno-oncologie, la medtech, la médecine régénérative …C’est précisément dans cet univers que les grands groupes de la pharmacie feront leurs acquisitions…

Les futurs Uber

Avant de s’envoler en bourse la société Uber qui concurrence dans le monde entier les services de taxi traditionnels avait réussi à lever 1,2 Md$ sur la base d’une valorisation de 40Md$. Bien évidemment tout le monde des fonds de private equity travaille beaucoup pour identifier les sociétés qui pourraient connaître le même destin.

Voilà une liste de sociétés qui ont réussi récemment à lever de l’argent : Instacart (courses en ligne avec livraison à domicile de produits alimentaires frais /54,8M$ levés), Dogvacay (promenade de chiens pris à domicile/47M$ levés), Handy (bricolage à domicile / 42M$ levés), Urbansitter (babysitting à domicile/23M$levés), Yourmechanic ( réparation mécanique de votre voiture à domicile/ 12M$),Zeel (massage à domicile), Washio (personnel qui vient prendre à domicile votre linge sale et vos vêtements à porter à la teinturerie), Bloomthat (livraison de fleurs 90 minutes), Pager (obtenir un rendez vous chez le médecin en deux heures), Glamsqad (coiffeur et maquilleur à domicile), Eaze ( livraison de majiruana médicinale à domicile). A suivre…

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

10 Commentaires

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  • Charles

    23 février 2015

    Cher M.netter,

    le rentier a déjà été euthanasié en europe , par la république de Weimar et la fuite de sa banque centrale dans la presse a imprimer du papier–monnaie.La suite fut désastreuse.Le quantitative easing de la FED a crée une augmentation, trés artificielle des valeurs mobiliéres, la BCE fait de meme. Le petit rentier vous pose cette question; pour le moment , il n’ y a pas d’ inflation visible; les taux d’ interet sont bas, mais cela peut-il durer ? Le cycle economique en europe est a un point bas, la liquidité de la BCE ne vient pas dans l’ economie réelle mais comme aux USA va dans la bulle financiére. Je vois donc une séparation entre bulle financiére inflationniste et economie réelle déflationniste. Le rapprochement des deux parties de l’ économie va t ‘il avoir lieu ? Avec quelles conséquences pour le rentier ? Les loyers immobiliers commencent à baisser par exemple.
    Le renversement de cet étrange  » paradigme » me semble couver.
    A moyen terme, ( 3-5 ans ) ou sera l’ or , qui me semble trés bas vu la quantité de liquidités des banques centrales , qui sont une licence pour créer une orgie financiére.

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    • idlibertes

      23 février 2015

      Cher Monsieur,

      Encore une fois, on assiste avec des raisons différentes à la même dichotomie que celle d’avant la guerre , ou l’on avait oublié pourquoi la monnaie avait une valeur;

      En effet, dans l’esprit des génies banquiers centraux, quelque part, ils pensent créer de la richesse avec leur QE. Cependant, nous voyons bien en pratique que cette création monétaire n ‘est en réalité qu’une couverture afin de permettre à la zone euro de fonctionner. Car non seulement la création monétaire n’arrive pas aux entrepreneurs mais en plus, elle arrive aux allemands. Evidemment, l’argent crée va la ou il est le mieux rétribué c’est à dire les Euros Marks. Nous assistons donc à l’éternelle problématique des oints du seigneur, « si cela ne fonctionne pas, c’est que nous ne sommes pas allé assez loin ».

      mais pendant ce temps, effectivement, c’est la valeur de confiance, nécessaire à toute « monnaie » qui est ébranlée. Choisir l’or est et sera toujours une façon de voter avec ses pieds. Vous retirez aux gouvernements/politiques la possibilité de créer de la monnaie mais vous vous enfermez ce faisant dans un système restreint ou aucun QE ne sera jamais possible, donc aucun levier, JAMAIS. Ce qu’un Chicago Boy aura du mal à accepter :-)) et même s’il sent défend.

    • Charles

      23 février 2015

      Cher Mr Netter, je suis bien perplexe apres avoir lu votre réponse.Je ne peux pas me permettre de prendre un levier financier pour spéculer avec mon revenu de petit rentier. D’ un autre coté, ma demande reste  » technique » : Y aura t’ il envolée de l’ inflation , et quel en sera le vecteur ?
      La masse énorme de cash imprimé par la FED et maintenant la BCE va t’ elle rester  » stérile » et confinée au monde de la grande speculation ou bien va ‘ elle contaminer  » l’ economie réelle  » ?
      Si les taux d’ interet remontent aux USA, cela devrait en principe rendre les obligations plus attractives et donc faire baisser le prix de l’ or .
      Merci par avances de vos lumieres

    • idlibertes

      23 février 2015

      Pas de « contamination  » en vue.

  • BA

    20 février 2015

    Vendredi après-midi, sur le site internet du journal « Der Spiegel », un article intitulé : « La BCE se préparerait à une sortie de la Grèce de la zone euro. »

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  • Roger Duberger

    20 février 2015

    Cher JJ Netter,
    Merci pour cet article et ces pistes d’investissement….mais il faut être un expert ou choisir des fonds spécialisés pour aller dans les biotechs.
    Le titre est très parlant, de sujets que l’on tait : la spoliation des rentiers et des retraités. Par petites touches, par petites réformes,petits rafistolages pour équilibrer des budgets; on procède à une véritable mutation de notre société. Je ne vois pas bien où nos gouvernants veulent nous mener et je me demande si eux-mêmes en ont la moindre idée ?
    Bien cordialement

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    • jpr

      21 février 2015

      Vous dites: »Je ne vois pas bien où nos gouvernants veulent nous mener et je me demande si eux-mêmes en ont la moindre idée ? »
      Si, ils savent exactement ou ils veulent aller, et une fois de plus c’est le contribuable qui va payer cash l’incurie de nos hommes politique:
      Je vous renvoie à l’excellent article paru en 2011 dans finances et développement « retour de la répression » qui explique dans le menu détail, que l’objectif des banques centrales et d’obtenir des taux négatifs, inférieurs à l’inflation de façon à faire payer le désendettement des pays par un transfert des épargnants vers l’emprunteur ( l’état).
      à lire absolument
      http://www.elibrary.imf.org/abstract/IMF022/11504-9781455215751/11504-9781455215751/11504-9781455215751_A008.xml?rskey=zA5Oo8&result=42

    • idlibertes

      23 février 2015

      En effet, ne jamais sous estimer la paresse d’autrui.:_))

  • Francis

    19 février 2015

    Des synthèse toujours bien faites. Merci

    Répondre
  • d'Halluin

    19 février 2015

    Bonjour,

    Ce qui m’étonnera toujours, c’est le fait que les Etats empruntent à des taux négatifs. Il est préférable de garder son argent plutôt que de dire je vous prête 100 et dans 4 ans, vous me rendrez 99. Autant ne rien prêter (puisque cela ne rappporte rien) ou autant le placer dans une entreprise (rien qu’avec le dividende, le rendement sera supérieur à 0).
    La reglementation est mauvaise et les banques/assurance doivent pour se proteger,(proteger leurs actionnaires et leurs employés) ne pas respecter cette réglementation stupide.

    En attendant, il est urgent de ne pas jouer ces valeurs là en bourse même si elles progressent.

    Cdt
    Grégory

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