Je ne sais si la victoire hier soir du Gouverneur Scott Walker, élu républicain de l’Etat du Wisconsin, à 4h de route au Nord Ouest de Chicago, a été relevée/commentée dans les media français, mais elle a clairement vue de New York, une portée politique significative.
Scott Walker était devenu peu après sa prise de fonctions aux élections de mid term 2010, la cible des syndicats, de la gauche dite « libérale », et des employés du secteur public d’Etat, car il s’était attaque à leur rémunération, à leur faible niveau de cotisation de retraite et santé, et plus fondamentalement à un droit « acquis » historique, le « collective bargaining », qui leur permet chaque année de renégocier les termes de leur emploi.
Traditionnellement en majorité démocrates de gauche, l’Etat de Wisconsin, est tout à la fois rural, avec des ilots très conservateurs, et universitaire, l’Université du Wisconsin installée dans la ville capitale de Madison, représente avec les étudiants, le corps enseignant et l’administration, à peu 25% de la population..Un climat rigoureux la plus grande partie de l’année, un été assez bref, ce territoire a été il y a deux siècles et plus visité par des Français en provenance du Canada.
Nombre de ses hommes politiques, pas tous de gauche ont eu et encore maintenant une stature nationale, Joseph Mc Carthy dans les années 50, Paul Ryan, un des leaders de la majorité républicaine à la Chambre des Représentants maintenant.
Classe dans les 10 Etats les plus endettes du pays, le Wisconsin se caractérisait par les avantages significatifs par rapport au prive consentis grâce au « collective bargaining »à ses fonctionnaires d’Etat.
Le Gouverneur face à une législature divisée mais grâce à une très faible majorité républicaine tente de passer en force sur des mesures jugées emblématiques, et notamment l’abolition du « collective bargaining ».Pour le contrer, la minorité républicaine refuse de siéger, et sommée de revenir en séance quitte l’Etat et se refugie dans l’Illinois limitrophe.Parallèlement, des manifestations hostiles se déroulent quotidiennement contre la majorité républicaine et son agenda.Le Gouverneur ne cède pas et finalement obtient le passage des mesures controversées.
Dans un souci de revanche les syndicats soutenus par une fraction du parti démocrate de l’Etat, entreprennent une procédure dite de « recall’, tendant à faire revoter l’électorat si un nombre suffisant de signatures le demandent.De fait 900 000 signatures seront recueillies pour demander le ‘recall’ du gouverneur, de son adjoint et de 4 sénateurs républicains.
L’élection était hier, et Scott Walker l’a emporte 53% contre 46 à son adversaire démocrate, avec une majorité renforcée par rapport à la consultation de Novembre 2010.
La campagne fut particulièrement disputée, acrimonieuse, partisane avec des soutiens financiers hors Etat importants de certains milieux d’affaires conservateurs qui voulaient donner à ce vote une portée plus générale, tout à la fois sur le rôle et l’influence des syndicats, mais aussi dans la perspective des élections de Novembre 2012, Présidentielles et Congres, le Wisconsin étant considèré désormais comme susceptible de basculer dans le camps de Mitt Romney.
Au delà des échéances électorales, on assiste aux Etats Unis à un double mouvement de fond dont cette élection est un bon exemple concret :
– une radicalisation et une polarisation des deux grands partis, les ailes centristes étant progressivement marginalisées et écartées au niveau des primaires ou ne votent que les militants engagés.
– une volonté d’un certain nombre d’élus que l’on classe parfois un peu sommairement sous l’étiquette Tea Party mais qui effectivement tentent de remettre en cause les droits acquis dans une époque plus consensuelle.Vue de France on aura sans doute de la peine à concevoir qu’un gouvernement local puisse réduire de 5 à 10% le salaire de ses fonctionnaires et agents publics, tout en augmentant leur taux de cotisations sociales…
L’election de Novembre se jouera dans moins de 10 Etats, dont le Wisconsin et l’Ohio, ni à New York ou en Californie, solidement démocrates, les indécis représentant 10% au mieux du corps électoral et se décidant tardivement sur un certain nombre d’éléments concrets dont leur perception personnelle de la situation de l’économie.
A ce stade je pense que Barack Obama n’ a pas perdu l’élection face à un challenger controversé sur son passé professionnel chez Bain capital, mais aussi comme Gouverneur du Massachussetts.Et surtout par son appartenance affichée à l’Eglise Mormone.
Affaire à suivre.
et aussi voir il y a un an
“Egypte, wisconsin, même combat” par Charles Gave
https://institutdeslibertes.org/2011/02/27/wisconsin-egypte-france-meme-combat/
Auteur: Jean-Claude Gruffat
Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.