La guerre à Gaza ne fait pas l’affaire des puissances régionales, Égypte et Jordanie en tête. Non seulement elles craignent une extension du conflit sur leur territoire, mais elles redoutent surtout un renversement de leur régime.
Un rapport différencié au pouvoir
Il y a une différence fondamentale entre l’Europe et le Proche-Orient dans le traitement des anciens dirigeants. En Europe, quand un chef d’État perd les élections, il se retire tranquillement, prend sa retraite et commence une agréable vie d’ancien président. Au Proche-Orient, quand un dirigeant quitte le pouvoir, c’est qu’il a été renversé. Il n’est alors pas rare qu’il soit assassiné, ainsi que sa famille et ses proches. Si la situation est vraiment dangereuse, il ne lui reste plus qu’à courir rapidement à son avion pour s’exiler loin de son pays et vivre de biens dispersés dans différentes banques. Ce fut le cas du roi Farouk d’Égypte, mort à Rome en 1965 et du Shah d’Iran mort au Caire en 1980. Pour les autres, la mort fut la conséquence du renversement de leur trône comme Saddam Hussein ou Kadhafi. Jugé et condamné en 2011, Hosni Moubarak a passé six ans en prison et ne doit sa survie qu’au retour au pouvoir des militaires.
Cette présence de la mort change beaucoup de choses dans le rapport au pouvoir. Bachar al-Assad, Hussein II de Jordanie, Abdel al-Sissi savent qu’en cas de renversement ils iront directement dans la tombe. Raison pour laquelle ils s’accrochent au pouvoir, soit par la lutte armée dans le cas d’Assad, soit par des contorsions politiques dans le cas d’Hussein II et d’al-Sissi. La guerre à Gaza représente donc un danger extrême, pour eux et pour la stabilité de leur pays. La « cause palestinienne » n’est absolument pas une cause arabe. Jordanie comme Égypte se sont toujours opposées à la création d’un État palestinien autonome, car elles estiment que celui-ci menace leur stabilité. La Jordanie a longtemps occupé la Cisjordanie, comme l’Égypte a occupé la bande de Gaza (1948-1967). L’arrivée des réfugiés arabes de Palestine sur leur territoire a toujours été très mal perçue par ces pays.
La lutte contre les réfugiés
Entre septembre 1970 et juillet 1971, la Jordanie mena une lutte à mort contre l’OLP de Yasser Arafat, qui avait tenté à plusieurs reprises de renverser le roi Hussein Ier. Cela aboutit à une épuration dans les camps de résidence des Palestiniens (Septembre noir), à la mort de nombreux combattants et à leur expulsion vers le Liban. Du pays du Cèdre, ils continuèrent la lutte contre Israël et aussi contre leur pays d’accueil, aboutissant à la guerre libanaise des années 1980.
Ce souvenir dramatique pèse sur les consciences. Dans le monde arabe, la question palestinienne a apporté des guerres et des drames. On comprend alors que l’Égypte verrouille la frontière avec Gaza, craignant une arrivée massive de migrants gazaouis qui ne pourraient que déstabiliser un pays continuellement fragile. Plus loin dans le cercle de la zone, l’Arabie saoudite était sur le point de conclure un traité avec Israël, aboutissant à la reconnaissance de l’État hébreu. La reprise de la guerre n’est pas une bonne nouvelle pour Riyad qui espère beaucoup d’une normalisation des relations avec Tel-Aviv pour contrer l’influence de l’Iran et pour se développer au-delà du pétrole.
Quant au Hezbollah et au Hamas, la question n’est pas tant pour eux la création d’un État palestinien que la destruction de l’État hébreu. Une destruction qu’ils souhaitent tout en ayant besoin d’Israël pour justifier leur existence et vivre des aides humanitaires internationales. Leur rente de situation leur est confortable même si elle nuit au développement de la population de Gaza et de la Cisjordanie.
C’est pourquoi depuis un mois le conflit ne s’est pas étendu. Le pire est toujours possible et une extension vers le Liban via le Hezbollah n’est pas à exclure, même si aucun pays arabe ne le souhaite. Raison pour laquelle il n’y a pas de véritable solution au conflit. Si les instances internationales évoquent la nécessité de créer deux États en Palestine, au Proche-Orient personne ne souhaite la création d’un État palestinien, ni les pays arabes, ni les mouvements palestiniens eux-mêmes.
Mise en place de la paix
Dans la région, la guerre n’est pas une malédiction : beaucoup de progrès de paix ont déjà été accomplis. Paix entre Israël et l’Égypte (Camp David, 1978), paix entre Israël et la Jordanie (Wadi Araba, 1994). Les accords d’Oslo (1993) signés entre Israël et l’OLP permirent la reconnaissance d’un gouvernement palestinien sur la bande de Gaza et plusieurs villes de la Cisjordanie. Quant aux relations entre Israël et le Liban, elles se sont nettement améliorées depuis 2006, même si le Hezbollah continue d’utiliser le territoire libanais pour tirer sur son voisin. Cette région que l’on présente souvent comme « complexe » ou vouée « naturellement » à la guerre et aux drames a démontré, au cours des dernières décennies, qu’elle savait aussi bâtir la paix et connaitre des mouvements de réconciliation. La dernière en cours est celle des accords d’Abraham, bien avancés, et qui devraient survivre à l’actuel conflit contre le Hamas. Il n’y a donc pas de fatalité ni de malédiction orientale. Le Hamas vaincu, la stabilisation est possible même si un mur anthropologique sépare de plus en plus les Arabes de Palestine des Israéliens. Un mur qui, lui, n’est pas prêt d’être abattu, mais qui n’empêche pas, à défaut d’une paix durable, une guerre endormie.
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Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Jacques B.
26 novembre 2023(1)
Bon article de M. Noë.
Je trouve frappant, depuis le début de cette guerre Israël-Hamas, la montée de l’anti-israélisme et disons-le, de l’antisémitisme, dans le monde, y compris anglo-saxon, ce qui est assez inédit, en tout cas à ce niveau.
Frappante l’ignorance de beaucoup quant à l’Histoire de cette région, histoire compliquée que beaucoup abordent de façon simple, pour ne pas dire simpliste – parce qu’ils ont fait l’économie de s’informer sérieusement, très souvent.
Il n’a d’ailleurs jamais existé de pays-État appelé « Palestine » dans l’Histoire, avec sa langue propre, sa monnaie, son armée, avec pour capitale Jérusalem… tout au plus, des Arabes, ou plus précisément des populations arabisées – et fortement islamisées – et cela depuis la fin du 7ème siècle, époque où débutèrent les conquêtes arabo-musulmanes. Des chrétiens aussi, linguistiquement arabisés ; des Juifs également, même si en nombre réduit. Tout ce monde étant à la fois en petite quantité (on parle de 340.000 personnes environ en 1850, contre 14 à 15 millions aujourd’hui dans cette région allant du fleuve à la mer – voir aussi les commentaires de nombreux voyageurs du 18ème et du 19ème siècles décrivant le pays comme désolé) et vivant sous l’autorité de puissances impériales, tantôt arabes, tantôt chrétiennes (byzantine, européennes), tantôt turque ottomane.
Alors oui, un nationalisme juif (sionisme) s’oppose à un nationalisme « arabe » depuis le début du 20ème siècle dans cette région ; oui, la puissance mandataire britannique a joué un jeu trouble entre 1917 et 1948, promettant tantôt à la partie juive, tantôt à la partie arabe ; censée favoriser l’établissement d’un foyer national juif en Palestine selon le mandat reçu de la SDN, mais ne respectant que partiellement ce mandat, intérêts géopolitques « pétroliers » aidant (rien de nouveau sous le soleil : que ne feraient pas les pays occidentaux pour du pétrole)…
Philippe
29 novembre 2023Le Qatar subventionne a raison de 4,7 Mds $ en 10 ans aux USA plus de 200 departements universitaires dont les enseignants sont réceptifs aux théories wokistes , tiers-mondiste , anti-sionistes et anti-sémites . Lire l’article de Julie Girad dans Marianne du 21 Novembre . Le relais du Qatar en France est l’ex 1er ministre de Villepin qui vient d’appeler à dénoncer la « coupole juive « qui ferait régner le silence dans les milieux du cinéma, de la musique, du spectacle etc.. en parfait copié-collé avec les appels à la dénonciation de » Je suis Partout » feuille des collaborateurs vichystes . Le vocable » coupole » renvoie a la » Cuppola » de la mafia italo-américaine.
Jacques B.
21 novembre 2023Très compliqué de poster sur IDL… vraiment compliqué et dissuasif, dommage.
Après de multiples tentatives, j’ai seulement la 3ème partie de mon commentaire qui est parue, ce qui va le rendre (en partie) incompréhensible…
Jacques B.
21 novembre 2023Et même, cette 3ème partie a disparu le temps que je poste le présent commentaire…
Jacques B.
21 novembre 2023(3) Comment pouvez-vous faire la paix avec un interlocuteur qui veut vous éliminer ?
On trouve facilement sur YT des vidéos de micro-trottoirs en Cisjordanie (en anglais, très regardées) où il apparaît clairement que la majorité des Arabes palestiniens soutiennent le terrorisme. Et cela sur la base d’un mensonge, selon lequel les Israéliens seraient des voleurs et des colons. Pourtant les faits historiques sont clairs : ils se sont bien moins que les Arabes !
On trouve aussi maintenant des vidéos (interrogatoire de prisonniers du Hamas, caméra de vidéosurveillance de l’hôpital Shifa) où il apparaît très clairement que le Hamas est installé dans et sous les hôpitaux, les écoles, les mosquées ; qu’il utilise des ambulances pour se déplacer et qu’il a détenu des otages à Shifa.
La paix dans cette région ne sera possible que quand les Arabes, notamment palestiniens (les Arabes des pays voisins sont souvent bien plus modérés, cf la normalisation des relations avec Israël depuis plusieurs années) accepteront l’existence de l’État d’Israël. Que ceux qui parlent de « génocide palestinien » aient l’honnêteté de considérer la situation des près de 2 millions d’Arabes israéliens, leurs frères, qui disposent des mêmes droits que tous les autres citoyens israéliens : passeport, vote, éducation, santé, religion, etc. ; et dont la situation économique est tout à fait honorable : il n’y a aucune raison que les Arabes habitant les territoires disputés ne soient pas traités par Israël de la même façon, dans la mesure où ils accepteront l’existence de l’État hébreu.
le chinois
21 novembre 2023Tout faux.
Vos solutions sont criminelles.
Jacques B.
21 novembre 2023La paix serait criminelle ?
Jacques B.
20 novembre 2023Mon commentaire ne passe pas ?
Simonnin E.
19 novembre 2023Je me permets de signaler à M. Noé une faute de frappe dans le 3° paragraphe : le roi actuel de Jordanie est Abdallah II , fils de Hussein et non Hussein II.
Thomas T
19 novembre 2023Le roi Abdallah II , pas Hussein II
Rafael
18 novembre 2023Le facteur » arabe palestinien » remplit depuis 1918 ( 1er congrès panarabe de Damas ) un role délétère dans la région et au-delà. IL convient de dévoiler la mystification sémantique, historique, ethnique, cartographie de ce facteur . Le mot palestinien dérive du mot hébreu » Plishtim » qui désigne le peuple de la mer provenant de Crète et Chypre qui se répandit sur le pourtour sud de la cote méditerranéenne suite a l’explosion du volcan de l’Ile Santorini vers 1600 AVJC. Plishtim veut dire envahisseur . Les Plishtim n’ont laissé aucune trace culturelle en 3,500 ans , ils se sont fondus dans les peuplades nomades pastorales qui ont sillonné la région , appelés Bedouins . Apres les Byzantins ( fin 6eme s. ere chretienne ) et le court royaume chrétien de Jérusalem 1080-1215) sont arrives les seldjoukides d’Egypte ( 1200-1500) puis les Ottomans ( 1517 – 1917 ) . En 400 ans de domination Ottomane aucune capitale, aucune université , aucune création economique concréte ( hors de l’agriculture ) n’ a vu le jour qui aurait pu qualifier ces habitants de peuple distinct des autres arabes de la région . Les arabes locaux se sont toujours considérés comme des syriens et lors de ce 1er congrès congrés panarabe de Damas en 1918, ils ont désigné le Shérif de la Mecque Ibn Ali Al Husseini comme futur roi de l’etat panarabe a venir . De cet evenement Jerusalem est absente . D’identité arabe en Palestine il n’en etait pas question sauf dans le refus arabo-musulman de permettre aux juifs de revenir sur leur terre ancestrale . l’identité arabo-musulmane en Palestine est un réflexe de refus . Refus et surtout ignorance de leur livre saint le Coran Sourate 5 verset 21 » Moussa ( Moise ) dit ; O mon peuple , entre dans la terre sainte que Dieu a décrété pour toi et ne te révolte pas de peur de tout perdre . Sourate 17 verset 104 ; Nous , Allah , avons annoncé aux Banu Israel vivez en sécurité en terre promise , et quand viendra le dernier avertissement nous vous ferons venir en foule rassemblée du sein de différents pays .
Que le hamas comme l’OLP ignorent délibérement ces textes du Coran en dit long sur l’ignorance de leurs membres qui adoptent une contrefaçon de leurs propres sources religieuses pour justifier leur eternel conflit . Mais la haine des arabes envers les juifs s’ancre aussi dans d’autres sourates qui ordonnent de tuer les juifs et les chretiens .
Ainsi les dirigeants arabes dit » palestiniens » abusent leurs propres troupes et profitent a coups de milliards de la misère dans laquelle ils maintiennent celles-ci .
Pour comprendre la situation actuelle il est utile d’etudier les sources anciennnes du début du 19 siecle » Voyage en Egypte et Syrie » 1823 du Comte Volney , » le voyage des innocents » 1869 de mark Twain . De Palestine arabe ( au sens actuel ) et de palestiniens pas l’ombre d’une feuille de figuier . C’est le reveil economique apporté par les Juifs fin 19eme s. qui a suscité l’arrives de milliers de travailleurs arabes venus d’Egypte, du Soudan, d’Irak qui n’avaient aucun lien culturel ou historique avec la terre d’israel . Lire Joan Peters 1984 pour avoir tous les recensements Ottomans des populations . La dispute aurait pu etre évité quand en 1922 Churchill sépara du Mandat Britannique sur toute la Palestine, la rive a l’est du Jourdain pour en faire le royaume de Transjordanie . Or ce vaste territoire avait vocation a devenir royaume arabe de Palestine ce qu’il est de fait car 80% de sa population est arabo-palestinienne les 20% dominants sont issu des tribus bédouines . Mais il ne lui manque que l’appellation Palestine pour remettre les éléments historiques a leurs places . Quant au présent , les 30 ans de compromis depuis Oslo en 1992 entre Israel et le mouvement arabe dit palestinien sont un échec . La raison d’ete de ce mouvement arabe dit palestinien est la destruction totale d’Israel . Cet objectif est utilisé par l’Iran ( non arabe mais farouchement antijuif ) pour justifier son expansion au Liban, en Syrie, en Irak, au Yemen . Le monde arabe est désormais divisé entre les proches des USA et les alliés de l’Iran . La revendication arabe dite palestinienne est avant tout un prétexte dans les mains de l’Iran comme elle le fut dans les mains de Nasser de 1952 a 1970 .
Pour sortir de ce guépier , outre l’élimination de Hamas , il faut aider la Jordanie a assumer sa vocation qui est celle du royaume arabo-palestinien .
breizh
20 novembre 2023je vois mal comment le Hamas peut être éliminé…
pour le reste : https://www.charles-de-gaulle.org/blog/2021/10/20/charles-de-gaulle-conference-de-presse-du-27-novembre-1967/