12 décembre, 2013

Pile je gagne, face je ne perds pas

Depuis toujours la zone Asiatique est une zone « dollar ». Si la Thaïlande commerce avec la Chine ou la Corée, les factures sont en dollars et les règlements aussi. Si les Etats-Unis « produisent » trop de dollars, une partie de ces dollars se retrouve en Asie, qui se retrouve dans un boom et si les USA n’en produisent pas assez, l’Asie se retrouve en récession, comme on le vit fort bien au moment de la faillite des Lehmann Brothers. Du coup, les marchés financiers asiatiques (à l’exception du Japon) depuis toujours ne sont ni plus ni moins que des « warrants » sur la liquidité dollar, ce qui est très agaçant.

C’est cette dépendance exclusive vis à vis du Dollar qui va peut être disparaitre ou à tout le moins   s’atténuer dans les années qui viennent. La Chine par l’intermédiaire de sa banque centrale est en effet en train d’essayer de créer une « Zone de Liquidités » purement Asiatique. La méthode est toute simple: La chine offre des crédits en renminbi à tous ceux qui veulent acheter biens d’équipement ou biens de consommation chez elle (plus besoin de payer en dollars) et offre des accords de « swap », mettons a la Thaïlande et à  la Corée du Sud pour les aider à régler leurs transactions bilatérales. En ce qui concerne la Thaïlande par exemple, la Chine prendra en gage des Bath émis par la banque centrale Thaïlandaise et en donne à cette dernière la contrevaleur en Renminbi . La BOC (Bank of China) fait en même temps la même opération avec la banque centrale de Corée du Sud. Quand la Thaïlande et la Corée vont vouloir régler leurs soldes respectifs, elles n’auront plus besoin de dollars mais pourront utiliser leurs renminbis.

Voila qui peut totalement transformer le monde économique et financier en Asie en particulier. En effet, la plus grande partie de la VOLATILITE des économies et des marchés financiers en Asie provenait de cette domination du dollar US sur le commerce inter-asiatique. Et à  cause de cette relation, les marchés en Asie  ne sont pas décorrelés des autres marchés mondiaux. Quand  il y a trop de dollars, ils montent, quand Il n’y en a pas assez, ils baissent. Si la Chine réussit son coup (et je ne vois pas pourquoi elle devrait échouer) deux choses vont se produire:

  1. La corrélation entre les marchés asiatiques et les autres marchés va baisser très fortement, ce qui veut dire qu’avoir une partie de son portefeuille en Asie deviendra très utile.
  2. La volatilité baissant, les multiples cours bénéfices qui ne sont souvent que l’inverse de la volatilité vont monter très fortement, ce qui veut dire que nous allons rentrer dans une hausse structurelle des bourses un peu partout en Asie.

Récapitulons

Si les pays asiatiques réussissent à créer une zone autonome de liquidités, indépendante du dollar US,  centrée autour du Renminbi et qui sera géré un peu comme l’était autrefois la zone Européenne avec le DM, ce qui me semble bien parti, qu’allons nous trouver en Asie?

1.       Une croissance économique assurée, ce qui n’est pas le cas ailleurs.

2.       Des valorisations attrayantes sur un grand nombre d’actions, ce qui n’est  toujours pas le cas  ailleurs…

3.       Une liquidité contrôlée et adaptée à la région, ce qui sera une grande novation. Et cela passera par l’émergence d’une nouvelle grande monnaie, dont on peut espérer qu’elle sera gérée un peu plus sérieusement que les nôtres.

En termes simples, cela veut dire qu’il faut surpondérer l’Asie dans les portefeuilles soit en y étant directement soit en achetant des valeurs quotées chez nous et qui y sont établies depuis longtemps

Deux thèmes doivent donc dominer la réflexion des investisseurs pour les mois ou les années à venir.

  • L’internationalisation du Renminbi et ses effets sur le système financier mondial. Cette émergence de la Chine dans la sphère financière risque de transformer le monde de la  finance comme le monde de l’Industrie l’a été  depuis 12 ans, après la signature des accords entre la Chine et le WTO.
  • Le fait que  taux d’intérêts et taux de change Chinois seront de plus en plus déterminés par le marché (voir les résultats du dernier Comité Central du PCC) et que donc la Chine est en train d’abandonner son modèle mercantiliste, ce qui est une très bonne nouvelle.

Personne ne veut acheter les marchés Asiatiques tant tout le monde est tétanisé par la fin de la politique monétaire laxiste aux US (tapering). Moins de dollar = baisse des marchés Asiatiques , de cela tout le monde est sur. Mais les marchés ont comme rôle d’anticiper…et peut être ont ils  déjà faits leur travail? C’est en tout cas ce que je pense. L’Asie est un peu dans une situation pile je gagne , face je ne perds pas.

 

 

Charles Gave

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

18 Commentaires

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  • Nadia Poilane

    3 janvier 2014

    Bonjour,
    Votre propos est tres pertinent mais je souleverais la question du timing:
    a quand le RMB comme une veritable monnaie internationale.
    A l’heure actuelle, malgre les differents accords de swaps que vous mentionnez justement ainsi que les mesures additionnelles annoncees recemment (elargissement de la bande de trading etc.) qui vont dans le bon sens,
    l’objectif d’un nouvel etalon asiatique qui remplacerait l’USD semble bien lointain. Qu’en pensez-vous?

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  • riz

    23 décembre 2013

    Bonjour,

    on arrive à la fin de l’année et le déficit de l’Etat devrait être de 4.2% cette année .Courant de la semaine prochaine nous serons en 2014 , et les politiques se diront : »l’année prochaine on doit être à 3% ».
    Or les recettes de tva et tipp (taxes sur l’essence) c’est 50% du budget de l’Etat(150 mds) , le reste étant les IR (71 mds) et IS (50mds) .
    En ce qui concerne l’IR on est probablement déjà passé de l’autre côté de la courbe de Laffer , le rendement des impôts redeviendrait négatif face à toute augmentation car on a suffisamment tiré sur la bête .Pour l’IS ce n’est pas le moment de les ponctionner , les sociétés étant exangues d’où le cice et la base étant faible une hausse de 5% de l’is c’est 2.5 mds soit peanuts .
    Non , les recettes viendront de la tva qui est une base suffisamment large pour avoir un impact .Mais attention la tva c’est la consommation donc les salaires qui seront « gelés » sur les 3 prochaines années , l’Etat ayant fait un deal avec son cice « on fait le cice afin de faire baisser le coût du travail mais c’est pas pour que vous augmentiez les salaires par derrière  » (en toute logique cela va de soi , c’est cohérent en effet) .Et l’Etat mène une politique d’offre qui consiste par définition à soigner la production (E) au détriment de la consommation (ménages) .A salaires stagnant et ponctions sur les ménages par baisses de prestations sociales , gèle des retraites , hausses de la tva , hausse des impôts foncier à venir etc …. la consommation va plafonner et par la même occasion la tva et taxe sur l’essence .Il ne faut pas oublier que la baisse des dépenses publiques c’est la baisse du pouvoir d’achat des ménages car baisse des prestations en tout genre : santé , retraite, apl, logement , famille , prestations en tout genre …..et nous avons 15 mds de moins en 2014 et 2015 puis 10 mds en 206 et 2017 mais ce sera plus .Il manque 11 milliards d’euros par rapport au projet de budget pour 2013 , c’est considérable , comment peut-on faire une erreur gigantesque de 11 milliards ? On ne sera pas à 3% l’année prochaine (je suppose que l’on est dans 10 j) c’est une certitude et pourtant on en avait fait la promesse .Cette baisse de la dépense publique de plus de 50 mds ce sera surtout de la baisse de prestations et niches fiscales .
    Mais pas de baisse du nombre de fonctionnaires ou privatisations ou autres simplifications du millefeuille administratif .
    Le gouvernement n’a plus le choix au moment où les recettes fiscales ne peuvent plus augmenter il est obligé de jouer sur la dépense mais la dépense pour la plupart des Français n’est pas ce qu’ils pensent c’est aussi surtout la baisse de leur niveau de vie (et cela va de soi on ne peut continuer à vivre au dessus de nos moyens) .

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  • FaLLaWa

    17 décembre 2013

    Desolé pour la question de debutant suivante, mais qu’est-ce qui interdit 2 commercants de faire une transaction entre eux de la maniere suivante:

    – l’un est en thailande, il paye en bath, qui vont a sa banque centrale, qui envoie les baths a la BC des philippines
    – l’autre aux philippines, recoie le montant correspondant en pesos de sa BC

    Pourquoi faudrait-il passer par le dollar? Ou le CNY?

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    • Didier

      19 décembre 2013

      Privilège du vainqueur de la seconde guerre mondiale, qui a organisé le monde « libre » autour de lui.

      Pour faire simple:
      Avant la seconde guerre mondiale, la référence internationale = l’or
      Après guerre: la référence internationale = dollar gagé par l’or de l’état américain
      1973: Nixon coupe le lien dollar – or. Le monde libre se retrouve avec le dollar.
      1974 crise pétrolière. Renforcement de la position du dollar, car les pays pétroliers veulent être payés en dollars.

  • El oso

    15 décembre 2013

    Si les pays asiatiques tendent à commercer de plus en plus entre eux en recourant au renminbi en lieu et place du dollar, il me semble qu’ils se soucieront de moins en moins de financer la dette américaine. Ils auront mieux à faire.
    Ce qui normalement devrait faire monter les taux d’intérêt auxquels les States empruntent. Si tel est le cas, la valeur des obligations US déjà en portefeuille va baisser. Et en posséder risque d’amener des pertes, sauf à attendre leur date d’échéance, ce qui empêcherait de profiter de meilleures occasions.
    Ou y a-t-il quelque chose que je n’aurais pas compris?

    Répondre
  • Gilles

    13 décembre 2013

    Cher M. Gave,
    Merci pour ces informations et votre sens pédagogique qui ne vous fait jamais défaut.
    Comment expliquez-vous la forte montée de l’euro actuellement vis à vis des grandes monnaies type USD ou JPY,…?
    Cordialement

    Répondre
    • vivelafrance

      15 décembre 2013

      la hausse de l’euro a toujours été alimenté par des taux d’intérêt trop élevé par rapport au taux de croissance au sein de la zone euro.
      C’est pour ainsi dure la politique d’un euro fort……enfin !!! c’était !!!!
      Aujourd’hui ils se rendent compte que cela pénalise les sociétés qui vendent à l’export et incite au passage à des pays comme l’Espagne de pratiquer de la dévaluation interne (baisse des salaires qui ce dit en passant pousse à la déflation!!!!!). pareil pour l’Italie me semble t-il.
      Charles Gave dit aussi (me semble t-il) que cela est du aux rapatriements de capitaux présents aux usa par ex par nos banques françaises et européennes afin de répondre aux nouvelles règlementations prudentielles de bale 3 (afin de disposer d’un matelat de liquidité ou de fonds propres) et que cela biensur fait monter l’euro.
      Il y aussi la spéculation (opération de carry trade). La BCE également avait affirmé qu’elle ferait tout pour sauver l’euro, regagnant en quelque sorte la confiance des marchés.
      Récemment la BCE a baissé les taux d’interet ce qui momentanément fait baisser l’euro. Le soucis c’est que nous avions assisté à une guerre des monnaies à la baisse un peu partout et les taux restent très bas par ex au usa. Le probleme va se poser quand les taux au usa vont augmenter. En faites il y a tellement de facteur ou de risque qui rentrent en ligne de compte qu’il est difficile d’anticiper sur le moyen long terme la baisse d’une monnaie.

    • vivelafrance

      15 décembre 2013

      Bonjour monsieur,
      je me suis permis de donner un avis.
      Bien sur il serait préférable pour vous que l’expert Charles Gave 🙂 vous réponde.

      Cordialement

    • roger duberger

      15 décembre 2013

      Bonsoir, votre avis est bon, en tout cas ça m’a éclairé. merci

  • BA

    13 décembre 2013

    Vendredi 13 décembre 2013 :

    Espagne : nouveau record de la dette publique, à 93,4% du PIB.

    La dette publique de l’Espagne a atteint un nouveau record au troisième trimestre, à 93,4% du Produit intérieur brut, s’approchant de l’objectif révisé par le gouvernement pour l’année (94,21%), selon les chiffres publiés vendredi par la Banque d’Espagne.

    La dette de la quatrième économie de la zone euro a augmenté de 14,3 points de pourcentage par rapport à la même période de 2012.

    La dette, qui ne cesse de gonfler depuis le début de la crise en 2008, dépassera les 100% du PIB en 2015, à 101,13%.

    En montant brut, l’endettement de l’Espagne atteignait 954,863 milliards d’euros au troisième trimestre, un record absolu depuis l’année 2000, contre 818,003 milliards un an plus tôt.

    2007 : dette publique de 382,307 milliards d’euros, soit 36,3 % du PIB
    2008 : 40,2 % du PIB
    2009 : 54 % du PIB
    2010 : 61,7 % du PIB
    2011 : 70,5 % du PIB
    2012 : 86 % du PIB
    Troisième trimestre 2013 : dette publique de 954,863 milliards d’euros, soit 93,4 % du PIB

    http://www.youtube.com/watch?v=Vxz8p3QdD3Q

    Répondre
  • Tanguy

    13 décembre 2013

    Cher Monsieur Gave,
    Pourquoi le Japon n’a jamais créé cette source de liquidité en Asie?
    Il me semble que, d’un point de vue économique, le Japon est le pays asiatique qui ressemble le plus à l’Allemagne.
    Merci pour votre réponse.

    Répondre
  • Romain

    13 décembre 2013

    Merci beaucoup pour cet article M. Gave.

    En terme de placement pour accéder à la Chine et au SSE est ce que le nouveau ETF DB X-Trackers Harvest CSI 300 China A-Shares vous semble un bon produit ?

    Répondre
  • Roger Duberger

    12 décembre 2013

    Merci Mr Gave pour cet article. Pas facile de faire de l’anticipation avec les marchés, mais ce qui est bien avec vos articles, c’est que les cours d’économie – habituellement indigestes – semblent suivre une logique évidente, et après vos lectures on se sent moins sot et peut être un jour seront nous des investisseurs éclairés.
    Bien cordialement

    Répondre
  • FrancisC

    12 décembre 2013

    Votre présentation de l’émergence d’un zone / système monétaire (asiatique au début, plus grande après…?) basés sur la devise chinoise commence très justement par la condition que la Chine ouvre des lignes de crédit à ses partenaires en renminbis.

    Autrement dit le scénario se conçoit parfaitement tant que les pays asiatiques sont les débiteurs de la Chine, s’ils ont emprunté et s’ils ont un déficit commercial structurel déficitaire avec la Chine.
    Car dans ce cas ils n’ont pas de risque sur la Chine.

    Mais si le modèle de développement économique des pays de l’Asie du nord (Corée) et surtout du sud (Thailande, Indonésie,…etc) est basé sur les exportations, alors ces mêmes pays ont des chances (et l’ambition) de se trouver créditeurs par rapport à la Chine, autrement de se trouver dans la situation où ils accumulent des réserves en renminbis.

    L’émergence du renminbi comme remplaçant du dollar ne fonctionne réellement que si ces pays acceptent de conserver leurs réserves dans la devise chinoise.
    Mais se sentiront-ils à l’aise dans cette situation? Je ne suis pas un spécialiste de la Chine comme vous, mais on peut avoir des doutes à ce sujet. La Chine ne semble pas (entre autres obstacles) un modèle de transparence et de garantie juridique pour jouer le rôle de réceptacle d’excédents de réserves.

    Alors certes, les pays de la « zone renminbi » pourraient couvrir ce risque en finançant leurs investissements précisément en renminbis.
    Mais la Chine laissera-t-elle se développer un tel marché offshore du renminbi?

    Répondre
  • David

    12 décembre 2013

    Bonjour Monsieur Gave,
    Si je continue votre raisonnement.

    Donc le $ va progressivement disparaitre des échanges inter-asiatiques.
    Mais ou vont alors aller ces $ ?

    Ne peuvent ils pas être rappatriés aux US et faire monter les actions US ? (et donc limiter les effets du tapering à venir) ou alors les faire monter par simple affaiblissement de la valeur de la monnaie dans laquelle ils sont exprimés, c’est à dire le $ ?

    Ou alors ces liquidités « mobiles » de $ libérés sont en quantité assez limitée et vont peu influencer la formation des prix en occident ?

    Vous avez un avis la dessus ?

    Répondre
    • Charles Gave

      12 décembre 2013

      Cher David
      Le vrai probleme c’est que beaucoup de gens en dehors des USA se sont endettes en dollar us , qu’il va falloir rembourser
      Une hausse du dollar apparait probable donc, mais cela rendra les actions US moins competitives
      pour jouer ce scenario je prefere avoir des actions en dehors des USA (en Asie) et des obligations du Tresor Americain
      Amicalement
      cg

  • LP

    12 décembre 2013

    Merci pour votre pédagogie à décrire les phénomènes monétaires.

    Si j’ai bien compris votre raisonnement, ceci tenderait à signifier pour une vraie position win-win, d’investir 50 % du portefeuille en actions asiatiques et 50 % en US Treasory (si le usd se raréfie, les US Treasory montent, si le usd est abondant, les actions asiatiques montent).

    Répondre
    • Charles Gave

      12 décembre 2013

      Cher LP
      Absolument
      cg

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Les livres de Charles Gave enfin réédités!