29 mars, 2013

Petite Leçon d’Economie appliquée à Chypre

Une monnaie a deux prix, un prix extérieur (le taux de change) et un prix intérieur (le taux d’intérêt).

Si le pouvoir politique bloque le taux de change avec un deuxième pays « plus productif », alors le commerce extérieur du pays le moins productif va commencer à se dégrader avec le temps et l’on assistera à une chute de ce qu’il est convenu d’appeler le taux de couverture des importations par les exportations. Dans une situation « normale » où le premier pays aura conservé sa souveraineté monétaire, on assiste à chaque fois à une lente montée des taux d’intérêts dans le pays le moins efficace, cette hausse du taux de l’argent anticipant en quelque sorte l’inévitable dévaluation qui clôt le processus et remet les pendules à l’heure, ce qui se serait passé si Chypre avait conservé sa souveraineté.

Au lieu de cela, comme rien de tout cela n’est possible dans l’Euro, le pays le moins efficace voit son activité ralentir structurellement, mais ne peut rien faire pour corriger les déséquilibres.

Activité en baisse veut dire déficit budgétaire en hausse (plus de dépenses, moins de rentrées, conséquences inéluctables de la perte de compétitivité). Ces déficits toujours croissants se financent sans difficultés, au moins au début, sur les marchés financiers.

Malheureusement, les déficits accumulés se transforment petit à petit en dettes, et il arrive toujours un moment ou les marchés commencent à prendre peur sur la capacité de l’Etat du pays faible à rembourser sa dette dans ce qui est en fait la monnaie du pays fort. De ce fait, l’ajustement nécessaire ne se fait plus par la dévaluation, mais plus brutalement par la faillite de l’Etat qui a collé son système économique dans une situation d’infériorité. En Economie, comme le disait Bastiat, le meilleur économiste que la France ait eu, il y a ce que vous voyez, la possibilité de se balader en Europe et de payer partout avec les mêmes billets, et ce que vous ne voyez pas, l’inéluctable faillite des Etats Chypriotes, Italiens, Espagnols, Portugais que cette possibilité entraine.

L’étape suivante est très facile à décrire. Tout le monde va se rendre compte qu’un Euro dans une banque Chypriote ne vaut pas un Euro dans une banque Allemande et tout un chacun va se précipiter pour transférer tous ses Euros des banques Chypriotes vers les banques Allemandes. En termes techniques, cela s’appelle une crise bancaire ou en Anglais, un « bank run » Ce mouvement est marqué par une chute rapide des dépôts bancaires dans les pays faibles et bien entendu par une hausse extravagante des taux d’intérêts dans ces mêmes pays faibles, l’argent devenant rare devient fort normalement hors de prix

L’Euro est donc un Frankenstein financier qui ne peut pas fonctionner dans sa structure actuelle, ce que je ne cesse de répéter depuis des années. Hélas, trois fois hélas, tout se passe comme dans une tragédie Grecque, ou tout le monde sait ce qui va se passer et ou personne ne peut rien faire pour empêcher un dénouement dont tout le monde se doute qu’il sera tragique.

Je suis donc profondément triste parce que je sais la masse des souffrances que l’explosion inéluctable de ce monstre va créer. Une partie importante de l’épargne Européenne va être détruite, des établissements financiers de renom vont se trouver en difficultés et leurs actionnaires seront ruinés alors même que les dirigeants n’ont fait que suivre les directives et les réglementations qui leur étaient imposées par les pouvoirs politiques à l’origine de cette monstruosité économique, le chômage va exploser comme constaté encore cette semaine avec les chiffres les plus désastreux depuis 1997.

Tout cela était parfaitement évitable et n’est le résultat que de l’incompétence mâtinée d’arrogance d’une certaine classe politique ou administrative que j’ai appelé les « ignoramus » et à qui le désastre ne coutera rien mais qui voulait voir son pouvoir s’accroitre, un peu comme les généraux pendant la guerre de 14 qui envoyaient les poilus se faire tuer à Verdun pour  « entretenir le moral des troupes ».

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

27 Commentaires

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  • Marius

    17 avril 2013

    vous avez raison, à cela 2 solutions :

    créer les Etats-Unis d’Europe avec les pays de l’eurozone. (d’ailleurs pas forcément avec tous, on pourrait imaginer la sortie de beaucoup de pays et ne fédéraliser qu’avec l’Europe des 7, voir 9 ou 10). Mais pour cela, il faut que les peuples se sentent européens comme les américains se sentent américains (et que les élus nationaux acceptent de devenir des élus d’Etats, le président devenir Gouverneur etc..) je ne sais pas si c’est le cas.
    OU
    briser l’euro et revenir aux monnaies nationales (1 euro-nord et un euro-sud est peut-être tentant mais ne rajouterai que de l’illisibilité à une Europe déjà à 2 voir 3 vitesses, à un moment il faut dire stop ou fédéraliser).

    C’est basique. On retourne toujours à la même question : l’UE est-elle un marché commun ou un Etat fédéral en construction ?

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  • Rihour

    8 avril 2013

    Excellente mise en garde ,les actions des groupes dont l activite est basee hors d europe constituent peut etre une alternative .

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  • Rihour

    7 avril 2013

    Merci infiniment de votre reponse ,toutefois je reste un peux’ sur ma faim .peut t on considerer que l exces de creation monetaire aura comme effet de faire monter les prix de toute les categories d actif ce qui cree un effet richesse susceptible d infuencer l environnement conjoncturel de maniere positive,ou bien existe t il des facteurs qui neutraliseraient les effets traditionnels de l augmentation de la masse monetaire .?Si ce n est pas le cas faut t il se precipiter sur les a ctions allemandes compte tenu du gonflement gigantesque de M1 montre dans votre grahique recent ?

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    • idlibertes

      7 avril 2013

      Surtout pas sur des actions allemandes qui dépendraient directement de l’etat. l’idée reste des actions dites schumpéteriennes mais qui ne dépendrait pas des implications d’un quelconque état Européen. Prenons Dassault pour illustrer; Dassault sytéme à la rigueur, Dassault tout court , non.
      Pour ce qui est de l’euro, si vous avez la possibilité de jouer d’autres monnaies…. la BCE risque de controler assez peu de chose dans les temps qui viennent.

  • Rihour

    7 avril 2013

    Mon comentaire du 30 mars ne semble pas avoir attire l attention .la réponse a ma question sur l avenir de l inflation est t elle si evidente qu elle ne merite pas qu on lui reponde .Monsieur Gave pourrait t il eclairer ma lanterne comme il le faisait si bien dans le cadre demes activites professionelles d antan .

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    • idlibertes

      7 avril 2013

      Cher monsieur,

      Souvent s’il ne répond pas c’est qu’il y a soit déja répondu; et puis vous savez, que la BCE fasse absolument n’importe quoi avec la monnaie qu’est l’euro n’est pas franchement l’actualité remarquable de la semaine. Fusse-t-elle l’inflation.

  • Homer

    2 avril 2013

    Article de Charles Gave factuel, simple et démonstratif, comme toujours. Merci !

    Illustration par les chiffres de ce que dénonce Gave depuis des années :

    « Le PMI manufacturier du mois de mars montre que, en tendance lourde, l’écart entre les Etats-Unis (où il est à 51,3), et la France en récession avec un indice à 43,9 continue à se creuser » :

    http://chevallier.biz/2013/04/pmi-croissance-us-recession-accentuee-en-france/

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  • BA

    2 avril 2013

    Mardi 2 avril 2013 :

    Du côté de l’Espagne, la contraction du secteur manufacturier espagnol a été en mars la plus marquée depuis octobre, alors que les deux premiers mois de l’année 2013 avaient suggéré que le pire était passé.

    L’indice PMI de l’industrie manufacturière, qui ne représente qu’environ 12% du produit intérieur brut (PIB) espagnol, est ressorti à 44,2 contre 46,8 en février et 46,1 en janvier.

    La contraction du secteur manufacturier espagnol s’est ainsi poursuivie pour le 23e mois consécutif.

    L’économie espagnole ne devrait pas renouer avec la croissance avant la fin de l’année, le gouvernement espagnol devant abaisser à sa prévision de PIB pour 2013, à -1%, selon des sources.

    En Italie, l’activité manufacturière a subi en mars une contraction plus marquée que prévu, reculant à son rythme le plus marqué depuis le mois d’août.

    L’indice PMI est ainsi retombé à 44,5 le mois dernier, contre 45,8 en février. Il est ainsi sous la barre des 50 séparant croissance et contraction pour le vingtième mois d’affilée. Les économistes avaient anticipé un indice à 45.

    Ces données suggèrent que la récession dans laquelle est plongée l’Italie depuis la mi-2011 pourrait encore s’aggraver alors que l’impasse politique se poursuit dans le pays.

    « Le dernier chiffre en date est sous la moyenne de la séquence des 20 mois de contraction, ce qui peut être le signe d’une détérioration des conditions générales d’activité », note Markit/Adaci dans son rapport.

    http://www.latribune.fr/depeches/reuters/la-contraction-de-l-activite-manufacturiere-s-accentue-en-europe.html

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  • bismarck

    31 mars 2013

    Monsieur Gave,

    Vous qui êtes rompu à tout ce qui touche la finance et résidant en Asie, n’auriez-vous pas quelques conseils à me donner (et aux autres aussi surement) afin d’ouvrir un compte multi-devise à Singapour sous couvert d’une société offshore sans avoir à m’y déplacer physiquement.

    Merci

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    • Homo-Orcus

      1 avril 2013

      Faut demander à Cahuzac !

    • Gilles Hector

      2 avril 2013

      LOL ! d’autant plus que Cahuzac a fait son coming out aujourd’hui 🙂

    • idlibertes

      3 avril 2013

      et un beau, de coming out
      « oops i did it again »

  • Rihour

    31 mars 2013

    La nouvelle donne de l economie mondiale c est la creation monetaire sans frein aux u s a en europe et mmaintenant au japon. Par ailleurs les capitaux resultants de cette creation monetaire affluent vers les pays consideres comme surs .La masse monetaire de ces pays explose .Normalement l inflation devrait suivre.Ce n est pas le cas .Comment cette situation inedite peut t elle evoluer?

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  • Homo-Orcus

    31 mars 2013

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k141115z
    Concernant la conclusion de l’article « pour remonter le moral »
    Ce tout petit bouquin d’Arthur Levy nous explique par le menu l’organisation française. On a le droit de pouffer quand on peut faire abstraction de ceux qui sont morts avec le moral.

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  • prb

    30 mars 2013

    Je suis en train de lire « the rotten heart of Europe » de Bernard Connolly, enfin réédité en 2012… Tout y est prévu…

    Ce que je me demande, c’est ce que deviendront les euros off-shore (détenus dans une banque hors zone euro). Il y en a des centaines de milliards, ne serait-ce que dans les comptes des entreprises Quelqu’un a-t-il une idée? .

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  • Robert Marchenoir

    30 mars 2013

    Hors-sujet, concernant la présentation du site:

    L’emploi d’un texte gris rend la lecture difficile. Sur écran comme sur papier, il n’y a qu’une seule façon correcte d’afficher du texte : en caractères noirs sur fond blanc.

    Les maquettistes sont nombreux à ne pas le comprendre, car ils trouvent que la couleur fait plus joli. Mais la maquette ne sert pas à faire joli, ou à flatter l’égo des maquettistes : elle sert à faciliter la lecture.

    Fouettez votre maquettiste en place publique, et adoptez la solution que des millions de scribes et de typographes ont appliquée avant vous.

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  • svl

    30 mars 2013

    Je vous remercie une fois de plus pour votre intervention Mr Gave
    Ce qui me chagrine le plus c’est le temps perdu a la prise de décision pour en finir avec cette monnaie …
    La Finlande est elle aussi prête a sortir de l’euro

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  • Homo-Orcus

    30 mars 2013

    Ajustement par les salaires OK mais en même temps baisse drastique des dépenses publiques, c’est le plan allemand qui à pas trop mal fonctionné bien que la dépense n’a pas connu une baisse drastique.

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  • reporting

    29 mars 2013

    parmi les souffrances inéluctables l’inscription prochaine de Christine Lagarde à Pôle emploi. Mais avec 6000 d’euros d’allocations chômage elle devrait tenir bon. Aussi les banquiers de Dexia au chômage. Cela changerait. Quelques fonctionnaires au chômage. Allez tout le monde au chômage et qu’on en finisse.

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    • Hagen

      29 mars 2013

      Ça vaut pas un pet de lapin votre article d’Agora, c’est hyper vieux (2012).

  • Amellal Ibrahim

    29 mars 2013

    Bonjour,

    quel « riche » risquerait à laisser ses avoirs dans une banque chypriote, normalement, il ne resterait plus rien dans les banques chypriotes non ?

    Répondre
  • BA

    29 mars 2013

    Après le cinquième domino (Chypre), nous allons assister à la chute du sixième domino (la Slovénie).

    PIB de la Slovénie : 35,719 milliards d’euros.

    Créances irrécouvrables des banques slovènes : 7 milliards d’euros, soit 20 % du PIB de la Slovénie.

    Parmi les anciens pays communistes, la Slovénie, ex-élève modèle de l’Union européenne et de la zone euro qu’elle a intégrée en 2007, est tombée en récession en 2012 et devrait y rester en 2013. Son système bancaire est confronté à une montagne de créances pourries (7 milliards d’euros, selon un rapport du FMI).

    Lisez cet article :

    Après Chypre, les marchés voient la Slovénie menacée à son tour.

    Si le cas chypriote est présenté par un certain nombre de responsables européens comme « exceptionnel », la gestion du plan d’aide accordé à Nicosie pourrait avoir de lourdes conséquences pour la Slovénie, dont le secteur bancaire montre d’inquiétants signes de fragilité.

    Les rendements des emprunts slovènes à deux ans ont bondi jeudi à près de 7%, dépassant ainsi ceux des emprunts à dix ans, signe que les investisseurs commencent à juger que le risque de défaut est élevé.

    La Slovénie a placé en octobre 2012 sa première obligation à 19 mois, et l’ancien Premier ministre Janez Jansa a prévenu que le pays devrait émettre de nouveaux titres d’ici le 6 juin, date à laquelle 907 millions d’euros de dette à 18 mois arriveront à maturité.

    Le précédent chypriote, par lequel certains déposants ont été lourdement taxés pour permettre à Nicosie d’obtenir une aide de ses partenaires, laisse craindre qu’une situation semblable se produise en Slovénie.

    « Pour eux, juin, c’est encore loin, ils doivent donc faire quelque chose », juge Tim Ash, responsable des marchés émergents chez Standard Bank.

    « Il devient de plus en plus probable qu’ils devront commencer à discuter avec le FMI et la Troïka sur la question d’un plan d’aide. »

    http://bourse.lesechos.fr/forex/infos-et-analyses/apres-chypre-les-marches-voient-la-slovenie-menacee-a-son-tour-866793.php

    Répondre
  • Jaedena

    29 mars 2013

    Bonjour,

    L’ajustement ne peut-il pas se faire de facon differente ? Comme par exemple par les salaires (malgré les syndicats, et ayant le desavantage de rendre les dettes ecrasantes) comme du temps de l’etalon-or, voir en theorie par la fiscalite via une (forte) augmentation de la TVA et une baisse des autres impots ?

    Cordialement.

    Répondre
    • alex

      29 mars 2013

      l ajustement sera sur les salaires puisque le taux de change est fixe. Cependant toute la difference sera dans le temps necessaire a l ajustement. Devaluer une monnaie c est l affaire de quelques semaines, baisser les salaires ca risque de prendre des annees. Le hic de l euro c est que l ajustement qui se faisait avant sur le taux de change doit se faire sur les salaires. Hors il se trouve que le marche de l emploi en Europe est un des plus reglemente au monde (donc cela va prendre un temps de dingue).

      Cherche sur internet le term « wage stickiness » ou « nominal rigidities ». C est ca qui correspond au probleme actuel.

    • Jaedena

      29 mars 2013

      Donc, theoriquement, avec un marché du travail dereglementé comme celui de Singapour, l’ajustement aurait pu se faire tout seul par les salaires même en présence d’un taux de change fixe, non ?

    • Alex

      31 mars 2013

      Desole pour ma reponse tardive. Oi et non. L ajustement se ferait plus rapidement sans doute mais de la a dire que ce serait rapide je ne suis pas certains. Il y a egalement des facteurs psychologiques qui entrent en jeu (peros j ai toujours du mal a accepter une diminution de mon salaire 🙂 ).

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