L’année 2013 sera une année de transition. Selon les tous ceux qui se sont exprimés à Davos, à Francfort et à Paris cette semaine, le monde va poursuivre sa mutation qui devrait se produire sur les cinq prochaines années. Cela va se traduire notamment par des usines qui vont fermer en Chine, car de nombreuses fabrications seront rapatriées aux Etats Unis. Ensuite, la « Pax Germanica » va progressivement prendre le contrôle de l’Europe. Cela permettra à des sociétés européennes de tirer encore plus parti de la mondialisation et des opportunités qu’elle offre.
A Davos, on pouvait avoir l’impression que le pire était terminé, en écoutant Lloyd Blankfein patron de Goldman Sachs et qu’après les craintes de tous ordres on allait pouvoir échapper au cycle des contraintes de la dette pour passer à une nouvelle dynamique de croissance. Heureusement Axel Weber aujourd’hui patron d’UBS, mais ancien de la BCE a fait remarquer que Mario Draghi le président de la BCE, avait pris des mesures qui permettaient de gagner du temps pour permettre aux gouvernements de prendre des mesures de réforme structurelles. Ce que l’Irlande et les pays du sud de l’Europe ont entrepris mais pas encore la France.
A Francfort, on a compris que la convergence entre valeurs de croissance et valeurs « value » (=société dont le cours de bourse est inférieur à la valeur de ses actifs) allait se poursuivre. C’est ce qu’a expliqué Christopher Potts, stratégiste chez CA Cheuvreux. L’Amérique était très à la mode jusqu’à maintenant, car elle offrait aux investisseurs de la sécurité et de la croissance (=Apple). Cette période semble selon lui révolue. Il faut désormais acheter des valeurs « value » surtout en Europe et au Japon.
Comme le faisait remarquer un des investisseurs présent à la villa Kennedy à Francfort, Christopher Potts doit avoir raison, car le meilleur moment pour acheter des actions c’est quand les banquiers revendent au plus bas les broker qu’ils ont acheté au plus haut. C’est d’ailleurs précisément ce qu’a fait le Crédit Agricole avec Cheuvreux , la maison de courtage qu’il avait achetée !
Plus de cent sociétés allemandes, suisses et françaises étaient présentes. La plupart ont donné un message plutôt optimiste. La plupart pensent qu’elles devraient réaliser des résultats au moins équivalents à ceux de 2012. Cela fait du bien d’entendre des patrons qui envisagent l’avenir avec confiance. Les secteurs qui réalisent les meilleures performances sont ceux de l’automobile, de la chimie et de la technologie car ils exportent une très grande partie de leur chiffre d’affaire.
Pour Bernd Laux, chef du bureau d’étude de CA Cheuvreux en Allemagne les valeurs qui offrent les meilleures perspectives de hausse seraient notamment RWE, Dialog Semiconductor, TUI, K + S, Linde. Celles qui présenteraient un potentiel de baisse seraient : Software AG, SAP, Kuka, Panalpina, Carl Zeiss Meditec et Lanxess
Les dernières élections de Basse Saxe ont été décryptées par le Professeur Jürgen Falter ancien responsable des études politiques à l’Université de Mayence. Il considère que Angela Merkel pourrait être battue aux prochaines élections mais que son sentiment est qu’elle devrait pouvoir se maintenir au pouvoir mais avec une coalition différente qu’il est très difficile d’anticiper. …
Dans la perspective du retour en grâce de l’Europe auprès des investisseurs, Hugo Scott-Gall chez Goldman Sachs a établi une liste de ses valeurs européennes préférées. Dans le domaine du hardware il a retenu ARM Holdings, en Grande Bretagne qui met au point des architectures de composants ultra rapide et utilisant peu d’énergie pour les smartphones et les mobiles. Ses principaux clients sont Qualcomm, Samsung et Apple…) ; ASML en Hollande qui produit des machines utilisant la photolithographie pour produire des circuits intégrés très performants ; Dans le software : Dassault Systèmes, Aveva et Hexagon. Dans la chimie : AZ Electronics en Grande Bretagne qui produit des composants chimiques de grande pureté utilisés dans les circuits intégrés, les écrans plats et les LED ; BASF, Croda et Victrex. Dans la technologie médicale : Smith & Nephew et Sonova/William Demant
A Paris, on avait le sentiment d’être dans une phase de complaisance un peu excessive. Le risque systémique tel qu’il est calculé par la BCE est au plus bas. Pour Patrick Legland patron de la recherche à la Société Générale les marchés sont probablement beaucoup trop complaisants. C’est également l’avis du Docteur Hans Werner Sinn, patron de IFO qui a très calmement expliqué qu’aucune mesure courageuse n’avait été prise à ce jour, ni sur les problèmes de compétitivité, ni sur les réformes nécessaires pour faire fonctionner la zone euro convenablement. Pour le président de l’Université de Munich, on est tout simplement en train de détruire l’économie de marché en avalisant la répression financière organisée à l’encontre des épargnants
D’ailleurs dans la dernière grille d’allocation d’actif que Andrew Garthwaite en charge de la stratégie au Crédit Suisse a fait parvenir à ses clients, il préfère sous pondérer l’Europe…
Le débat sur le multiplicateur budgétaire en France a été relancé par la publication du dernier livre de Michel Rocard « La gauche n’a plus le droit à l’erreur ». Patrick Artus patron de la recherche de Natixis, fait le calcul suivant : pour passer d’un déficit budgétaire de 4,5% à 3% du PIB, il faut faire un effort de 1,5% du PIB. Comme le montre en moyenne dans le monde les effets des plans de réduction des déficits, le multiplicateur est négatif de 1,2, cela devrait donc se traduire par une baisse du PIB de 1,8%. Les 0,8% de croissance attendus par le gouvernement serait donc ramené à -1% soit quasi mécaniquement 400 000 emplois en moins !
Le marché japonais fait partie de ceux qui sont le plus attractif
« Changement au pays du soleil levant ». Tel est le titre du dernier papier posté par Charles Gave, notre cher président . Il explique pourquoi les allemands ont été très agacés cette semaine par les propos de Shinzo Abe le nouveau premier ministre, sur la nécessité de laisser filer le Yen pour redonner à l’industrie japonaise de la compétitivité. En effet, depuis le début de la crise en 2008-2009 le Yen s’est réévalué de 35% par rapport à l’Euro, ce qui a eu pour effet de rendre les produits allemands nettement plus compétitifs. Dans les mois qui viennent les produits et les services japonais vont retrouver de la compétitivité, ce qui devrait au passage être mauvais pour le commerce extérieur français….
Pour faciliter encore les choses, c’est Kazumasa Iwata qui devrait être le prochain Gouverneur de Banque du Japon remplaçant Masaaki Shirakawa. On le décrit souvent comme un « Bernanke japonais »
La déflation au Japon c’est donc fini. Le marché est un des plus attractif selon le consensus de marché établi à partir des anticipations des stratégistes et des analystes. Le Topix (= l’indice principal représentatif de l’évolution des sociétés japonaises) se paye 15X contre plus de 20X pour le S&P 500, 18X pour le MSCI China et le MSCI India. L’Europe est la zone la plus attractive avec un P/E de moins de 15X…
La Chine et les Etats Unis auront certainement une croissance moins forte
En Chine, les autorités prévoient 4% d’inflation en 2013. Le gouvernement maintient la croissance grâce aux investissements publics, ce qui est dans la durée malsain et crée des bulles. Tous les observateurs se rendent compte que les chiffres chinois sont manipulés car depuis que le nouveau gouvernement est arrivé ils sont tous bons… !
En revanche les inégalités au sein de la société chinoise ne cessent d’augmenter et une crise du crédit est en train de se préparer. Tel est le signal qui a été envoyé par Edward Chancellor gérant chez GMO dont les avis sont très écoutés aux Etats Unis par les investisseurs. D’ailleurs les analystes financiers deviennent nettement plus prudents comme on l’a vu avec les résultats annoncés par SAB Miller qui montrent clairement qu’il y a ralentissement
Aux Etats Unis le plafond de la dette a été prorogé de trois mois jusqu’à la mi mai. Une solution de dernière minute est vraisemblable mais le parti républicain est divisé et Obama n’a pas l’air encore prêt pour une grande négociation.
Eric Fishwick le chef économiste de CLSA s’attend à une croissance aux Etats Unis qui ne sera pas supérieure à 2% avec un déficit budgétaire qui représentera 6% du PIB et un Federal Reserve qui détient maintenant 18% de l’encours de la dette du Gouvernement américain.
La perspective d’un krach obligataire existe
Les gérants obligataires sont de plus en plus inquiets sur le retour pour les obligations américaines, d’ « un scénario 1994 ». C’est une année de reprise de l’économie qui avait conduit la Fed à augmenter ses taux par surprises entrainant un véritable bain de sang sur le marché des obligations américaines. Huw Van Steenis de Morgan Stanley a averti une nouvelle fois ses clients sur cette probabilité qui n’est pas du tout consensuelle.
Pour les obligations des pays émergents, on est sorti de la crise nous a dit Michel Aubenas spécialiste dette émergente chez BlackRock. Toutefois note il, l’inflation est en train de faire son retour. Toutes les banques centrales ont comme objectif 2%. Le Japon vient d’entrer dans le club… sans fixer toutefois la date de l’objectif. C’est le marché qui décidera du moment où les taux vont remonter. Pour lui , il ne devrait pas y avoir de krach obligataire mais une baisse progressive qui devrait durer jusqu’en 2015/2016. Il faut surveiller la volatilité du marché obligataire.
La France a beaucoup à perdre dans la guerre des monnaies nous dit Jean Pierre Robin du Figaro. Comme le Japon repart à l’offensive pour faire baisser le Yen, c’est l’Euro qui sera la première devise à en faire les frais. Cela constitue un handicap de plus pour les exportateurs français.
Les énergies renouvelables délaissées en bourse.
Le secteur des énergies renouvelables est revenu dans ses plus bas depuis 2004. Toute la hausse de 2004/2008 qui s’est produite dans une sorte d’enthousiasme un peu naïf a été annulée. Pratiquement tous les bureaux d’étude ont arrêté la recherche sur les valeurs du secteur. Pour Patrick Legland de la Société Générale, c’est un très bon signe d’achat
Le secteur des travaux publics s’enfonce en France dans la crise en France selon la Fédération Nationale des Travaux Publics. Tout le monde était habitué à enregister un rebond avant les élections municipales avec les commandes des communes et des agglomérations. Sur l’ensemble de l’année on devrait enregistrer une baisse des investissements de 1% pour les communes, de -5% pour le secteur privé et de -7% à -8% pour l’Etat et les départements. Cela fera quelques rond points en moins….
Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.
Von Inanitas Crastinus
5 mars 2013Monsieur Netter, vos articles sont précieux ; il serait intéressant d’en connaître le nombre de connexions ainsi que le temps moyen de lecture. Découvrirait-on que les lecteurs d’IDL n’ont pas conscience de leur chance d’accéder gratuitement à un tel niveau de raffinage et synthèse d’informations stratégiques ?.. Pardon d’insister et peut-être de vous gêner, mais : merci !
idlibertes
7 mars 2013merci beaucoup.
Gilles Hector
22 mars 2013Pour ma part, cette synthèse est une de mes lectures préférées (d’investissseur)
Que l’auteur en soit remercié
BA
31 janvier 2013Jeudi 31 janvier 2013 :
Le scandale de la Monte dei Paschi en Italie sera-t-il le déclencheur d’une nouvelle crise grave de la zone euro ?
La banque italienne Monte dei Paschi (MPS), la plus vieille banque du monde, fondée en 1472, se trouve actuellement au cœur d’un scandale dont les ramifications menacent les élections italiennesdu mois prochain, et le projet de l’UE de créer une union bancaire, affirme Ambrose Evans-Pritchard dans le Telegraph.
La banque est soupçonnée d’avoir dissimulé des pertes sur des produits dérivés non déclarés, et d’avoir payé un prix excessif pour le rachat de la banque Banca AntonVeneta en 2007, pour la somme de 9 milliards d’euros. Selon la presse italienne, l’enquête aurait révélé un réseau de corruption, ce que réfute la banque.
Les pertes de la MPS s’élèvent à 6,4 milliards d’euros depuis début 2011 et il se pourrait qu’elle ait perdu une somme additionnelle de 500 millions d’euros dans une opération immobilière appelée « Chianti Classico ». La banque a donc émis un emprunt de 4,5 milliards d’euros pour faire face à ses pertes, et ses actions se sont effondrées de 95%. C’est la troisième fois qu’elle nécessite un plan de sauvetage.
Mais ce qui fait la particularité de cette affaire, ce sont les liens très proches de la MPS avec le parti démocrate (PD) de Luigi Bersani. En Italie, ce scandale fait la une des journaux et il entame la crédibilité des deux candidats pro-européens et pro-austérité des élections du mois prochain, Luigi Bersani mais aussi Mario Monti. Il rend service à l’autre ex-Premier, Silvio Berlusconi, qui avait jusque-là les plus grandes peines à gagner les faveurs des électeurs, et dont la campagne a largement consisté à attaquer l’UE. La coalition qu’il mène, formée de son parti, le Parti des Libertés (PdL), et de celui de la Ligue du Nord, obtient actuellement 26% de votes.
L’hypothèse que les eurosceptiques remportent assez de sièges aux élections pour bloquer les éventuelles réformes du nouveau gouvernement, est de plus en plus plausible. Or, les entraves à la nécessaire réforme du pays pourraient entamer la confiance des marchés à l’égard de l’Italie, et obliger la Banque Centrale Européenne à prendre le relai comme elle s’y était engagée en juillet dernier, et remettre en cause la relative accalmie que connait la zone euro actuellement.
Le scandale touche également Mario Draghi, l’actuel gouverneur de la BCE, qui a été gouverneur de la banque centrale italienne (BCI), en charge de la supervision de la MPS. Selon le Corriere Della Sera, des documents montrent que la BCI avait eu vent de ces irrégularités et qu’elle avait missionné 2 audits. Les juges italiens ont d’ailleurs ouvert une enquête la concernant.
« Cela pourrait sérieusement entamer la crédibilité de Mario Draghi », estime Stephen Lewis de Monument Securities. « S’il ne savait pas ce qui se passait à la MPS, ils [les Allemands opposés à une union bancaire européenne placée sous la supervision de la BCE] vont dire qu’il n’est pas tout à fait l’homme idéal pour prendre en charge la supervision bancaire de la zone euro ».
http://www.express.be/business/fr/economy/le-scandale-de-la-monte-dei-paschi-en-italie-sera-t-il-le-declencheur-dune-nouvelle-crise-grave-de-la-zone-euro2/185429.htm