16 mai, 2012

Le Libéralisme à la « croq’au sel » ou « qu’est ce que la mouvance Libertarienne? »

 

Certains mouvements sont immuables dans leurs certitudes.

S’imposent en illustration Noël en Décembre, l’augmentation des impôts dans les premiers mois de règne d’un gouvernement socialiste et la montée au créneau comme un ressac de nos amis libertariens  par vague de trois mois. Interrogée sur la notion il y a peu par des lecteurs sur  ce qu’est le libertarianisme (notions  visiblement non connue également  de Word qui ne manque pas de souligner dans mon correcteur d’orthographe systématiquement et l’un et l’autre (Je sais c’est un complot), il m’a semblé approprié de revenir sur les grandes lignes qui se sont imposées à moi grâce à mes lectures approfondies in vivo et à mes errances en autres lieux que la morale libertarienne ne reprouvera pas.

Pour la forme, nous allons partir du postulat que nous serions tous libéraux en ce lieu. En tant que Libéral, vous devriez donc souhaiter que l’individu et son libre arbitre prévalent pour toutes choses. Pour ce faire, il est d’usage entre les libéraux et pour citer Bastiat de considérer que l’Etat ne devrait être que :

« La force commune instituée non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais au contraire pour garantir à chacun le sien et faire régner la justice et la sécurité ».

Or, voici le premier point de clivage constant : pour les Libertariens, la haine de l’Etat est si grande, si intense (alors que rappelons le quand même « L’Etat , c’est toi ! » ) qui s’agirait même d’interdire toute notion de la chose et  recourir ainsi par exemple à des polices privées au nom d’une meilleure concurrence tout en bannissant également toute instauration de Justice et Lois d’Etat. Les rapports entre les êtres devraient être organisés autour de contrats consensuels (cf synallagmatiques constamment renouvellés) je cite un des site Libertarien:

« Les rapports sociaux au sein de la société doivent être exclusivement fondés sur le libre consentement et la coopération volontaire des êtres humains. Une telle société est naturellement équilibrée et juste. ».

Vraiment ? Suis- je donc la seule céans à considérer que l’homme peut être aussi un loup pour l’homme ?

Que, certes la Loi agit par voie de contrainte mais au moins peut-on lui demander ou en espérer à tout le moins, la Justice ?  (Notion orpheline chez un Libertarien et pourtant très présente chez Bastiat comme nous venons de la voir plus haut)

Arrive juste en seconde position pour un libertarien une notion  qui ne prête ni à rire ( ni aux pauvres), j’ai nommé la propriété.  J’ose préciser que la juriste que je suis n’a aucun problème avec la dite notion qui n’est qu’une application logique de conservation du fruit de son labeur  (L’auteur a lu Proudhon) mais j’ai une question auquelle personne n’a jamais répondu à ce jour :

En toute logique, si l’Etat n’est plus et que nous faisons fi de tous les codes (et donc de l’article 544 du Code Civil qui assoit le titre de propriété) comment le quidam moyen va-t-il en pratique apporter la preuve que le bien en question est sien ?

La servitude ? Mais s’il a plusieurs biens (une maison et une voiture), plusieurs maisons (Principale et secondaire) et qu’il n’est pas Saint Jean Bosco ?Si un tiers spolie ce droit et que légitimement le propriétaire souhaite le faire respecter, vers qui va -t-il se tourner et comment va -t-il arguer de son droit ?

Rappelons qu’il n’existerait plus ce stade pour un Libertarien  de tribunaux d’Etat et plus de forces de police autres que privées. Je vois pour ma part se profiler deux options : la première étant  le port d’armes et son utilisation à tout va. Sans aller dans la discussion sur le port d’armes dans le cadre ACTUEL, il me semble toutefois qu’ériger cela en « justice pour tous » est un peu….archaïque…nous dirons.Le seconde étant une sorte de retour à une seigneurie féodale : le préfet/l’élu de région « dirait le droit » avec tous les ressorts de mafias que l’on imagine. Quel prodigieux retour en arrière et que voilà une belle anarchie programmée !

« Liberté, Egalité et Archaïsme »  soit les trois mamelles  du programme il m’apparait.Pour ma part, je considère qu’une société évoluée, ayant intégré le progrès serait une société ou la chose politique aurait compris et maitrisé l’art de faire vivre les hommes en communauté. L’exclusion individualiste que propose les libertariens est, pour moi, un reniement de cet art.

L’antinomie fondamentale de l’ordre politique, dont  tous les régimes apparaissent comme des solutions imparfaites, c’est la volonté de concilier la diversité des taches, l’inégalité des pouvoirs  et des prestiges avec une participation de tous les hommes à la communauté. Toutes les sociétés et tous les régimes sont un effort pour concilier la hiérarchie de pouvoir avec l’égale dignité humaine. A notre époque, on ne peut établir de régime autoritaire qu’au nom de la démocratie pour la plupart ou de l’individu pour un libertairien ? Tocqueville avait déjà fait cette remarque clairvoyante il y a plus d’un siècle et demi quant il avait expliqué que si  dans notre démocratie surgissait des régimes autoritaires, ceux ci évoqueraient « le peuple » et « l’égalité ». Je vois l’autoritarisme qui émane de « l’indivu » tout autant.

Je pourrais bien sur ne rien dire, fermer les yeux sur les propos des uns et des autres  en mettant cela sur le compte d’une certaine jeunesse ou d’un certain taux de testostérone car « l’on n’est pas sérieux sous un régime socialiste » pour paraphraser Musset, ce que je conçois et condéde aisemenent. Mais je suis toutefois irritée de constater que temps après temps, si de notre coté « Libéraux Classique » nous concevons le vivre ensemble de façon courtoise, il semblerait que désormais aucun auteur Libéral majeur (Bastiat, Friedmann, Tocqueville pour ne citer qu’eux) ne soit  redéfinis en « Libertariens majeur » et comme pour ma part, j’apprécierais assez que les Libéraux classique retrouvent un accès à la chose politique, j’aimerai donc que les individus Libertariens susvisés arrêtent de crayonner notre feuille de route (en dehors des lignes en plus à mon sens).

Aucun régime politique n’a trouvé de solution définitive à la contradiction du gouvernement sage et du gouvernement par consentement. Mais faute de solution doit-on donc tout renier et laisser l’homme (mais surtout la veuve et l’orphelin) se débrouiller comme il peut?

Est-on assez candide pour penser que surtout « Bon sang mais c’est bien sur! », nous serions en face de l’oeuf  de Colomb, ayant TOTALEMENT échappé au monde des sciences politiques dans l’instauration des différents systèmes depuis  les réflexions d’Aristote jusqu’à celles de Chantal Delsol et en passant par « le Prince » de Machiavel?

Mais où avions-nous la tête alors qu’un simple système politique fondé sur « l’individu à la « croq’au sel » suffirait! Enfin, sans doute, ne suis-je pas assez un male dominant alpha dans mon rapport à la Justice et à la Loi pour faire un bon Libertarien mais jusqu’à preuve du contraire, depuis peu certes, face à l’Histoire, je vote.

 

 

 

Emmanuelle Gave

 

 

Auteur: Emmanuelle Gave

Emmanuelle Gave est titulaire d'un DEA de Droit des AFFAIRES de PARIS II (Assas), ainsi qu'un LL.M de Duke University. Lauréate du barreau de Paris, elle prête serment en 1996. Elle est Directrice Exécutive de L'Institut des Libertés depuis janvier 2012.

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