Le Proche et le Moyen-Orient ont particulièrement bouillonné au cours de l’année 2020, connaissant des évolutions majeures qui sont trop souvent restées silencieuses. Les accords d’Abraham, les difficultés économiques liées à la chute de la fréquentation touristique, l’agitation de la Turquie, l’axe iranien, autant de choses qui ont contribué à modifier la région. L’orientaliste Gilles Kepel propose une analyse de cette année inattendue dans un essai où il associe le temps court des événements de 2020 au temps moyen de la décennie écoulée. Le prophète et la pandémie (Gallimard, 2021), dont le cahier de cartes central a été réalisé par Fabrice Balanche, analyse principalement l’attitude d’Erdogan, mais propose aussi un concept original d’évolution du jihadisme, dans ce que Gilles Kepel appelle le « jihadisme d’atmosphère ».
Évolution du jihadisme
Il y a peu, mais c’est déjà un autrefois, le jihadisme était structuré et organisé. Il y avait des organisations, des chefs, des ordres et des modes opératoires. Cela permettait l’organisation d’attentats ciblés et organisés, s’appuyant sur des relais et des réseaux. Les frères Kouachi en sont un exemple : leur attaque contre Charlie Hebdo nécessitait une certaine logistique en armement, voiture de déplacement, repérages, lieux de replis, etc. Ce jihadisme organisé est principalement le cas des attentats des années 1990-2010, mais celui-ci a dorénavant évolué vers ce que Keppel appelle le jihadisme d’atmosphère. Désormais, des jeunes désœuvrés agrippent des idées et des sentiments à travers les musiques piochées sur le Net, la lecture de quelques sites, la fréquentation de forum et de discussions en ligne. Ils se radicalisent au contact de ces nuages jihadistes et des rencontres personnelles qu’ils peuvent faire dans leurs cités, décidant un jour de passer à l’acte en faisant usage d’une voiture ou d’un couteau. L’attentat est beaucoup moins organisé et planifié, moins meurtrier aussi, mais plus facile à perpétrer. Une voiture lancée à forte allure dans une foule, des coups de couteau envoyés à la gorge de quelques passants. Ce jihadisme d’atmosphère a changé la façon d’agir des terroristes et donc doit modifier aussi la façon de le contrecarrer. À cet égard, le plan Vigipirate qui interdit le stationnement des voitures à l’abord des lieux publics, notamment des écoles, est obsolète, car cela fait belle lurette qu’il n’y a pas eu d’attentats à la bombe à partir d’une voiture ; il n’y en a d’ailleurs quasiment pas eu en France. C’est donc apporter une solution à un problème qui n’existe pas, car ce n’est pas le mode opératoire des terroristes.
Voilà ce que nous dit Gilles Kepel : « cet assassinat [Samuel Paty] est le paradigme d’une nouvelle phase du terrorisme islamiste – de quatrième génération, ou « 4G ». Elle est structurellement liée à la propagation de messages de mobilisation sur les réseaux sociaux déclenchant le passage à l’acte criminel, et ne nécessite plus d’appartenance préalable du meurtrier à une organisation pyramidale -de type al-Qaida- ou d’affiliation à une structure réticulaire – comme Daesh. Elle se cristallise par la rencontre entre une demande d’action, diffusée en ligne par des « entrepreneurs de colère » – selon la formule du Pr. Bernard Rougier -, et une offre terroriste qui répond à celle-ci, sans que la connexion nécessite d’être véritablement formalisée. » (p. 236)
Le meurtrier de Samuel Paty cherchait une cible et a fini par se cristalliser sur ce professeur de collège, qu’il ne connaissait pas, mais qui lui semblait avoir les conditions requises d’une vengeance nécessaire.
Un jihadisme diffus, mais omniprésent
Le tueur de Samuel Paty, d’origine tchétchène, correspond en russe avec des jihadistes présents dans la poche d’Idlib. S’il passe donc à l’acte seul, il n’est donc pas complètement isolé et se rattache à la mouvance jihadiste par l’intermédiaire de communication sociale. Au moment du passage à l’acte, il soudoie des élèves pour qu’ils lui indiquent qui est le professeur incriminé (moyennant 300 euros) et il parvient à décapiter promptement et proprement sa cible, ce qui est un geste technique difficile à réaliser, d’autant plus avec une personne qui se défend. Gilles Keppel fait remarquer que la décapitation est typique du rite de passage des adolescents tchétchènes vers l’âge adulte où couper la tête du mouton (par opposition à son simple égorgement) symbolise l’entrée dans l’âge d’homme. Il ne suffit pas de visionner des vidéos de décollation pour y parvenir, il faut une certaine pratique. Le Tunisien qui a assassiné trois personnes dans la basilique de Nice a essayé sans succès de les décapiter, devant se limiter à un simple égorgement. Il y a donc, en dépit d’un jihadisme mondialisé et diffus grâce aux réseaux internet, des pratiques et des coutumes locales qui demeurent. Les brigades tchétchènes sont notoirement connues pour leur violence au sein du jihad syrien et elles furent très présentes dans la poche de réduction d’Idlib. C’est d’ailleurs à l’un de leurs membres que le meurtrier de Conflans a envoyé des messages avant et après l’attentat, notamment la photographie de la tête découpée.
Faillite de l’orientalisme
Ce jihadisme diffus, qui tisse des connexions humaines et invisibles entre le Moyen-Orient et ce que Gilles Keppel appelle les « banlieues de l’islam » est particulièrement difficile à combattre. Emmanuel Macron s’y essaye en disant vouloir lutter contre le « séparatisme », terme flou, sans consistance et sans pensée réelle. Les concepts de « laïcité » et d’ « intégration » sont eux aussi beaucoup trop vagues pour supporter une quelconque résistance au choc jihadiste. En conclusion de son essai, Gilles Keppel note avec justesse la faillite des études orientalistes en France. Nombreux sont les hauts fonctionnaires et les responsables politiques à n’avoir aucune connaissance sérieuse de l’Orient, trop souvent confondu avec l’islam et avec le monde arabe. Cela se traduit notamment par l’emploi de termes dont la signification est problématique, comme les termes « islamistes » et « séparatisme ».
En français, « islamiste » désigne l’islam politique et en particulier l’islam salafiste radicalisé, mais il n’a aucun équivalent en langue arabe. La notion de « séparatisme » elle aussi n’a pas de signification en arabe. Fitna désigne la sédition, notamment à caractère confessionnel. Bara’a désigne la rupture, le désaveu d’avec les mécréants, ce qui est par ailleurs le fondement de la pensée des islamistes. « Séparatisme » n’a par ailleurs que très peu de signification en français. Or les autorités politiques françaises devraient s’adresse au monde arabe et traduire leur discours en arabe, ce qui est la base de tout mouvement de contre-insurrection. Tout semble donner l’impression que la lutte contre l’islamisme est davantage un discours politique orienté vers la population française, pour la rassurer, qu’une véritable politique menée à l’encontre de l’origine de ces problèmes. Macron et consorts ressortent des concepts politiques éculés de la fin du XIXe siècle et du début du XXe pour tenter de lutter contre des phénomènes jihadistes de 4e génération actifs en 2021. C’est peu dire qu’ils ont de nombreuses guerres de retard. Enfin, Gilles Keppel s’interroge avec raison sur l’usage qui est fait des caricatures de Charlie Hebdo. Une fois rappelée la liberté d’expression on peut aussi s’interroger sur la nécessaire décence à avoir à l’égard des communautés. Insulter l’autre et s’attaquer à ce qui est sacré pour lui n’est pas nécessairement la meilleure façon d’apaiser les situations et de lutter contre les radicalisés. Là aussi, la méconnaissance de l’autre est grande. C’est tout l’intérêt de l’essai de Gilles Kepel d’associer l’érudition et l’analyse à un style d’écriture vif et agréable qui rend son ouvrage plaisant à lire. Avoir des universitaires qui font l’effort d’allier la rigueur intellectuelle à l’aisance de la langue écrite est certes chose rare, mais néanmoins nécessaire.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Philippe
12 mars 2021Inutile de se voiler la face : Tous les gouvernements en France depuis Chirac collabore activement a la propagation d’un islam séparatiste , radicalement opposé a une intégration culturelle en France . Les accords Arabsat ont porté au lancement de 7 satellites d’ émission TV-Radio qui couvrent l’ensemble du continent européen . C’est le groupe Airbus-EADS ( avec participation de la plupart des gouevernements d’europe ) qui fabriquent et lancent ces satellites . Ces 7 satellites diffusent chacun les émissions de 130 chaines de TV arabes . Al Jazeera est la plus connue . Pratiquement toutes ces chaines de TV diffusent les sermons de leurs cheikhs et imams dont le fameux Al Qaradawi sur Al Jazeera . Et leur sermons sont anti-libertés , anti -mécréants ( vous en etes un vous qui apprécierez mon commentaire …) , anti-chrètiens , anti-laicité , anti-integration , anti-femmes , anti-juifs etc…. A noter le nom de chacun des 7 satellites : Badr . Badr est la 1ere bataille victorieuse de mahomet en 623 , contre une caravane de marchands qurayshites non musulmans . Les quarayshites en 2021 c’est vous et moi . Vous avez étè prévenu , vous n’avez pas réagi . Nos gouvernements sont complices par opportunisme mercantile.
Jean-Claude Tergal
7 mars 2021La plupart des athées, des bouddhistes, des juifs, des musulmans, des catholiques , des protestants et cetera sont des personnes paisibles qui n’aspirent qu’à vivre tranquillement. Néanmoins, la vie de Jésus n’est pas similaire à la vie de Bouddha ni à celle de Mahomet. De plus, les doctrines sont (contrairement à ce qu’on a trop souvent voulu nous faire croire) très différentes. A chacun de se faire un avis précis sur sa religion quitte à en changer. ..
Dans ce domaine comme dans les autres domaines (économie, écologie,…) l’heure n’est plus à la paresse intellectuelle.
Je suis étonné que l’ouvrage du Père Eudiste François Jourdan , publié en 2015 » Islam et Christianisme : Comprendre les différences de fond » ne soit pratiquement jamais mentionné. Pourquoi ? Ce livre détaillé est très très instructif.
On dit souvent que les Français font partie des peuples les plus pessimistes : C’est peut-être rassurant si c’est le début d’une prise de conscience des défis colossaux et très nombreux à venir !!!
breizh
7 mars 2021« Emmanuel Macron s’y essaye en disant vouloir lutter contre le « séparatisme », terme flou, sans consistance et sans pensée réelle. »
Absence de toute culture et de volonté de vraiment lutter contre le problème : donc il enrobe pour tenter d’amadouer. Le seul adversaire qu’il voit par habitude (comme tout républicain) est l’Eglise catholique. S’il faut enrôler l’Islam pour l’abattre, pourquoi pas.
Par ailleurs, excellent dernier paragraphe de ce très bon article.
Vauban
7 mars 2021Très inquiétant cette manie de faire semblant, et qui rend incapable de faire!
Dominique
6 mars 2021Ne croyez vous pas que le temps drs analyses et des discussion autour de l’islam est révolu ? La grande islamologue Marie Thérèse Urvoy, et unique enseignante universitaire de niveau, à tout écrit sur cette religion – qui est avant tout une idéologie et un système politique, social, et militaire – Dans son ouvrage, écrit avec son époux Dominique Urvoy, La Mésentente, elle conclut que Christianisme et Islam sont incompatibles. Benoit XVI a aussi démontré l’aspect consubstantiellement violent de l’islam
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L’islam contrebalance sa grande faiblesse théologique par une organisation sociale basée sur la soumission, avec la violence permanente sur tous ceux qui lui ont été soumis, par la guerre, depuis le 7ème siècle. Cette idéologie fonctionne ainsi depuis des siécles dans tous les pays conquis, et les musulmans, arabes et turques, n’ont cessé d’attaquer l’Orient ( jusqu’aux Indes ) et l’Occident.
Les Polonais marquèrent un coup d’arrêt terrible aux Ottomans, à Vienne au 17ème siècle. Hélas ils ne détruisirent pas l’empire ottoman. Charles Martel, membre de la famille de Charlemagne ferma la porte aux Arabo-berbères. Hélas il les repoussa seulement au-delà des Pyrénées
Les Espagnols repoussèrent à la mer les Arabes, après 7 siècles d’occupation, et pendant 2 siècles ils poussèrent leurs armés sur les côtes méditerranéennes de l’actuel Maroc jusqu’à Tripoli au Liban. Hélas ils ne détruisirent pas la source du mal.
Il y eu aussi Lépante, mais hélas encore une fois, les Européens ne firent que repousser l’Ottoman. Et à chaque fois, les Français avaient été absents de ces combats, de François 1er jusqu’à Louis XIV !
Enfin, l’intervention militaire de la France pour défaire les Barbaresques autour d’Alger, marquait un coup d’arrêt à l’islam dans ces régions, permettait de libérer les esclaves européens et de rétablir la circulation maritime en Méditerranée. Hélas on connait la suite : ce fut le début, dès 1962, de l’invasion de la France par des populations musulmanes, au début en provenance des anciens départements français en Afrique du Nord.
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Globalement, les peuples européens n’ont fait que se défendre, et ont terriblement souffert des invasions ottomanes et arabes. Pire, en 1920, c’est la Hongrie qui fut démantelée et non la Turquie !!!
Aujourd’hui, le Grand Remplacement est en cours en France particulièrement, mais toute l’Eirope est en cours d’invasion. Seuls 4 pays résistent, ceux du Groupe de Visegrad où l’on retrouve la Pologne et la Hongrie, fers de lance déjà au 17ème siècle du sauvetage de Vienne puis du rejet des Ottomans, auxquels il convient de joindre la Grèce, qui conquérit au 19ème siècle sa liberté contre la Turquie ; ce fut cher payé, ( et il convient de célébrer les soldats Français qui combattirent aux côtés des patriotes grecs ). Mais à Chypre, les Européens se sont couchés, après le débarquement des Turcs.
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Alors, je veux bien qu’un analyste contemporain parle d’ » atmosphère « , toute analyse est valable, et ce mot anodin et décalé est d’alleurs tragiquement significatif : l’atmosphère devient islamique. Mais n’est il pas grand temps de réaliser que l’islam est une idéologie qui soumet ses peuples par la violence – islam signifie d’ailleurs soumission -, celle de la charia, la burqua, et la lapidation, et n’a pas cessé de vouloir soumettre l’Europe par la guerre, depuis sa création au 7ème siècle ?
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Il convient donc de s’armer sérieusement face à des pays dont les forces armées sont devenues puissantes et redoutables ( Turquie, Arabie, Algérie etc.) Les Turcs sont de redoutables guerriers.
De bloquer les envahisseurs qui franchissent les frontières européennes d’autant plus facilement que l’ONU, Bruxelles, et l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne etc. jusqu’à la Suède les aident officiellement.
D’expulser les immigrés qui commettent des crimes sur notre sol, évidemment, et ceux qui prèchent le djihad et la haine, donc de fermer des centaines de mosquées.
De rétablir la sécurité intérieure à laquelle les Français, et tous les Européens ( de la Grèce jusqu’en Suède ) ont droit et aspirent, y compris tous ceux qui ne sont pas chrétiens : vivre libres et en.paix !
Et soyons réalistes, pour cela, de désislamiser les musulmans vivant en Europe, en interdisant toutes les parties politiques et guerrières ( jdihad ) de cette idéologie qui se fait passer pour une religion et s’appuie sur nos » Droits de l’Homme ». Et lui laisser sa ( si faible part ) de théologie.
La reine Isabelle la Catholique obligea les musulmans à se convertir au catholicisme, seul moyen de rétablir la souveraineté espagnole, devons nous attendre à notre tour 7 siècles pour nous sauver et prendre cette ultime décision ?