10 avril, 2013

Le Japon sur des oeufs

Au Japon, Haruhiko Kuroda le nouveau gouverneur de la Banque du Japon, a annoncé qu’il voulait doubler la taille du bilan de sa banque. Elle devrait atteindre 60% du PIB fin 2014, contre 30% à la fin de 2012 ! Cette décision souhaitée par Shinzo Abe le nouveau Premier ministre, dans le cadre de son plan, surnommé par les investisseurs « Abenomics » a immédiatement été saluée par la hausse des actions japonaises, qui se sont littéralement envolées cette semaine. Elle est néanmoins une stratégie risquée, si cela n’arrête pas la déflation mortifère qui touche l’économie japonaise depuis vingt ans et surtout si cela ne fait pas repartir la croissance. Ce qui est probable, car quand le rendement de l’obligation d’Etat 10 ans est à 0,32%, il n’y a plus beaucoup de marge de manœuvre pour baisser les taux qui donneront envie aux entreprises d’emprunter. En tout cas, George Soros, le légendaire gérant de hedge fund estimant que cette stratégie était dangereuse s’est mis à vendre le yen à découvert pour profiter de la baisse de la devise japonaise.

Pour bien prendre la mesure de l’importance de cette révolution monétaire, il faut la comparer avec celle de la Federal Reserve américaine qui avec plus de 3000 Md$ de dette rachetée dans les marchés depuis le début de la crise, n’en est actuellement qu’à 20% du PIB. Mohamed el-Rian de Pimco a d’ailleurs redit une fois de plus, que les stratégies d’expansion de bilan de la banque centrale étaient des stratégies expérimentales qui avaient beaucoup de chances de se terminer dans les larmes.

Le dévoiement monétaire d’une banque centrale se termine en général, à son dernier stade par l’achat d’obligations directement émises par l’Etat et non plus sur le marché secondaire. Les exemples de ce type dans l’histoire sont la République de Weimar qui s’est terminée dans l’hyper l’hyperinflation, le développement du populisme et l’arrivée au pouvoir de Hitler. En 1923, un dollar valait 4 milliards de deutschemark. Dans le Zimbabwe de Monsieur Mugabe, l’hyper inflation a atteint en 2008 des sommets avec un taux annuel de 231 millions pour cent. Concrètement, cela signifiait que le prix moyen des biens en juillet cette année était 231 millions de fois plus chers qu’une année auparavant. La situation économique du pays était simplement apocalyptique. Dans l’ancien grenier à céréales de l’Afrique (=la Rhodésie), un pain coûtait entre 7 000 et 10 000 dollars zimbabwéens soit entre 27 et 43 euros.

Les économistes sont en retard dans l’analyse de la complexité du monde

Sur les effets des politiques monétaires non conventionnelles qui ont été menée par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et dans une moindre mesure par l’Europe, les économistes ne sont pas en mesure de répondre de façon claire à des questions aussi simples que : 1/ en période de récession faut il réduire le déficit budgétaire ou l’augmenter ? 2/ l’Etat providence doit-il augmenter ses prestations ou les réduire pour inciter les chômeurs à chercher activement un emploi. 3/ est-ce que les inégalités de revenus sont de nature à encourager l’activité économique ?

Anatole Kaleytsky de GaveKal Londres a assisté à la conférence du Institute For New Economic Thinking à Hong Kong. Cette fondation dotée de 150M$ a pour mission de trouver des solutions à ces questions en dehors des réponses convenues sur le retour à l’équilibre, l’efficience du marché et la foi aveugle dans les statistiques.

Anatole Kaletsky estime que le monde est trop complexe et incertain pour être analysé avec des modèles. L’influence des marchés peut aboutir à des erreurs désastreuses. L’économie mondiale doit être gérée de façon flexible en ne fixant pas des objectifs irréalistes en matière d’inflation, d’endettement, de chômage. On voit bien, dit-il, que les normes adoptées par le Traité de Maastricht (=déficit de 3% du PIB et une dette de 60% du PIB sont les critères maximum tolérés) sont en train de détruire l’euro.

Et pendant ce temps la France continue d’emprunter à 1,75% à 10 ans

En France, l’affaire Cahuzac a fait l’objet de suffisamment de commentaires pour ne pas en rajouter dans le cadre de cette chronique. Il faut absolument lire le papier de Charles Gave de GaveKal sur « Tartuffe patron des socialistes ». Le vrai sujet est maintenant de savoir quand le gouvernement prendra enfin conscience que l’on ne peut relancer une économie en dépensant toujours plus et faire fonctionner une économie insérée dans la mondialisation sans capital et sans investisseurs…

Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, pendant que tous les journaux et télévisions commentaient l’affaire Cahuzac en boucle, en a profité pour admettre qu’il n’y aurait pas de croissance en 2013 et très peu en 2014. En fait on peut s’attendre à ce que d’ici six mois le PIB se contracte au rythme de 1% et le PIB marchand (=le secteur privé seul créateur d’emplois durables) au rythme de 3%.

Tout cela, curieusement n’empêche toujours pas la France d’émettre des obligations à dix ans rémunérées à 1,75%. C’est une stratégie qui soumet les épargnants à une double peine. L’Etat pratique la « répression financière » pour orienter l’épargne vers le financement de sa dette et ensuite par la pression fiscale et l’inflation le rendement devient négatif.

Dans la rubrique des mauvais signe, la troisième faillite d’Heuliez SAS (emboutissage et carrosserie) soutenue en 2010 par la présidente de la région Poitou Charente n’est pas une bonne nouvelle. La société a perdu 5M€ pour un chiffre d’affaires de 35M€. Quant à l’activité voiture électrique reprise par Mia Electric elle ne décolle toujours pas (1500 voitures vendues en 2012 au lieu des 12 000 escomptés !). L’exercice du métier de banquier peu compatible avec les contraintes politiques ne va pas être facile pour Nicolas Dufourcq directeur général de la BPI. Entre Jean-Pierre Jouyet, président et « meilleur ami du président » et Ségolène Royal vice-présidente de la BPI et « ex-compagne du président » la marge de manœuvre va être plutôt faible.

L’Europe à bout de souffle attend les élections allemandes

Le sauvetage de Chypre peut avoir des conséquences très négatives. On pourrait voir des retraits importants dans des banques considérées comme faibles. Le premier endroit où cela se produira sera Chypre. Dans le cadre du dispositif Emergency Liquidity Assistance (ELA) Bank of Cyprus et Laiki Bank peuvent tirer jusqu’à 15Md€. A Ce jour 13Md€ ont été déjà tirés ! La gestion de cette crise a été catastrophique.

En Italie, cinq mois après les élections il n’ y a toujours pas de gouvernement. Les banques italiennes ont baissé de 30% depuis leur plus haut de janvier. En Espagne, où l’on assiste à une forte baisse de l’encours de crédit à l’économie, la situation n’est pas meilleure avec un recul des banques ibériques de 20% sur la même période. Au Portugal, la rigueur imposée par l’Europe ne fait plus l’unanimité. On assiste à la fin de l’entente entre le premier ministre de centre droit Pedro Passos Coello et le parti socialiste.

La situation en Europe est d’autant plus compliquée que l’on approche des élections allemandes qui auront leu en septembre et que les problèmes de la France vont malheureusement devenir ceux de l’Europe entière.

En Europe, on a eu un recul de la production industrielle. Mario Draghi le président de la BCE s’est montré plutôt pessimiste sur les perspectives économiques.

Les actifs européens auront des performances décevantes tant que les sujets politiques n’auront pas été tranchés.

Aux Etats-Unis, les derniers indices ISM laissent présager une croissance de 2% au T2 après +3% au T1. Les dernières statistiques de l’emploi pour le mois de mars ont été divisées par trois. Ce qui n’est finalement pas si mal. Le rebond surprise des commandes de biens durables est une bonne nouvelle mais plusieurs sociétés ont prévenu que leurs résultats ne seraient pas à la hauteur des attentes du marché : ce sontFedEx, Oracle, Adobe Systems, Apple

Matières premières : cuivre et or en baisse

Le cours du cuivre devrait encore baisser car l’offre de métal va augmenter avec le développement de Escondida la plus grande mine de cuivre du monde située au Chili. Par rapport au plus haut de 2011, la baisse du cuivre atteint déjà 28%. Les valeurs concernées par cette évolution :  BHP Billiton (Australie UK), Anglo American (UK/Afrique du Sud), Freeport McMoran (US), Antofagasta (Chili), Codelco (Chili),Aurubis (Allemagne/raffinerie).

L’or est passé de 1 690$ l’once à la mi-janvier à 1 570$. Didier saint Georges le stratégiste de Carmignac a annoncé que les fonds gérés par Carmignac avaient réduit significativement leur exposition or. Parmi les valeurs qui se trouvaient au début de l’année dans le portefeuille de Carmignac Investissement on note : Newmont Mining, Detour Gold, Franco Nevada Corp, Kinross Gold Corp et Eldorado Gold Corp.

Secteurs : Télécommunications en Europe et Raffinage aux Etats-Unis affectés

Le secteur des télécommunications a souffert cette semaine sur des perspectives de ralentissement de chiffre d’affaire. La société qui ont le plus baissé étant TeliaSonera (Suède) et Telecom Italia (-5,4%) en Europe à la baisse. Parmi les autres valeurs susceptibles d’être affectées il y a : France Telecom, Bouygues, Vivendi, Vodafone (UK), Deutsche Telekom.

Le secteur du raffinage aux Etats-Unis a baissé cette semaine de 10% après avoir doublé en un an. Les deux éléments qui expliquent ce mouvement sont le ralentissement de la demande en Europe et en Asie ainsi que l’instauration de normes environnementales plus strictes. Les valeurs qui ont le plus souffert sont les raffineurs indépendants notamment : Valero Energy, Marathon Petroleum, Tesoro Corp

Dans le cloud computingF5 Networks une des valeurs vedette du secteur a reculé de 19% après l’annonce de résultats T2 un peu en dessous des estimations des analystes… A suivre.

 

Auteur: Romain Metivet

Romain Metivet est économiste et dirigeant d'une entreprise dans les nanotechnologies.

3 Commentaires

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    14 décembre 2013

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    16 avril 2013

    La revolution monetaire est avant tout un revolution politique . La decision de banques centrales ex . U s a ,japon de creer des quantites de monnaie a leurs gres conduit a reduire a neant la remuneration des epargnants .C est l equivalent de l instauration d une imposition discretionnaire qui peut depasser le montant du revenu et amputer la valeur du capital des lors que le taux reel dvient negatif .Des organismes sans legitimites politiques s attribuent le pouvoir de prelever sans controle une contribution sur la richesse des citoyens .Le pouvoir politique legitime a concede aux autorites monetaires une part essentielle de son pouvoir regalien . Il n est pas nouveau que la. Creation monetaire bouleverse la situation des citoyens Quand les autorites monetaires sont dependantes du pouvoir politique cela fait parti des regles de fonctionnement des democraties . Quand les autorites monetaires agissent de maniere. independante elles exercent des pouvoirs regaliens sans legitimite politique .Confisquer le fruit du capital revient a porter atteinte au droits de l homme .Le droit de propriete fait partie des droits fondamentaux du citoyen .Le droit de propriete : usus fructus abusus !

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  • jepirad

    10 avril 2013

    Les exemples pris pour le dévoiement monétaire d’une banque centrale me laisse perplexe, car l’Allemagne sortait de la 1ère guerre mondiale avec toute la ruine que l’on connait, quant au Zimbabwe, son cas est tellement atypique qu’il ne saurait servir de référence. Pour la France la question qu’il convient de se poser est que serait la situation de sa dette si la banque centrale avait continué à l’acheter depuis qu’on lui a retirée cette possibilité en 1973. Il est probable que le financement de la dette aurait était nettement moins coûteux donc une dette aujourd’hui bien moindre ‘500 à 700 milliards peut-on lire ça et là). Ce qui ne veut pas dire que nous serions sauvés (j’ai bien en tête ce qu’à pu nous dire M. Gave sur le sujet : problèmes liés à l’euro, le prix artificiel de l’argent, les charges, la confiscation, …les politiques, les nantis, les ânes …et tout le reste).

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