7 octobre, 2020

Le « Camp du Bien » fait progresser le terrorisme intellectuel

Les rendez vous de l’histoire doivent avoir lieu à Blois le 7 octobre prochain sur le thème « Gouverner ». Il s’agit selon les organisateurs de « La plus grande université populaire d’Europe avec 500 débats et conférences ». Nous avons donc regardé la liste des invités à la table ronde « L’économie aux rendez-vous de l’histoire »

 

Rappelons tout d’abord l’incident qui s’était produit  en 2014 avec Marcel Gauchet,  grand philosophe et historien des idées qui avait été choisi comme conférencier inaugural. Le thème choisi pour servir de fil rouge à cette 17ème édition était «La rébellion ». Immédiatement, le philosophe Geoffroy de Lagasnerie et l’écrivain Edouard Louis, auteur du livre «En finir avec Eddy Bellegueule», avaient publié sur Internet un appel à boycotter les «Rendez-vous de l’histoire», puisque Marcel Gauchet y participait. Le texte publié par Lagasnerie et Louis s’intitulait «Célébrer les rebelles ou promouvoir la réaction?». Il a été repris très vite dans «Libération» . Il était reproché à Marcel Gauchet d’avoir commis le péché ultime en portant une main sacrilège sur des idoles comme Foucault et Bourdieu. Lagasnerie et Louis ne veulent pas débattre. Ils excommunient, ils chassent les hérétiques. Pourtant Marcel Gauchet avait fondé avec Pierre Nora en 1980 « Le Débat » une revue où une nouvelle manière de parler était possible après les empoignades et les anathèmes des années 1960-1970. En quarante ans le monde a changé. La discussion quand elle peut avoir lieu ne débouche plus que sur des  positions tranchées soumises aux règles de la corrida numérique et médiatiques des réseaux. Deux ans après « Les Temps Modernes », Le Débat vient de cesser sa parution.

 

Encore aujourd’hui, le « camp du bien » n’invite que des personnalités qui pensent bien.  Voila la liste de certains invités :

 

André Cartapanis est un économiste enseignant notamment à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. ll considère que la pensées de John Maynard Keynes a été trop souvent oubliée à partir des années 1980, menant indirectement à la crise économique de 2008. Celle-ci nécessite selon lui une reprise des travaux de Keynes. Lors de l’élection présidentielle française de 2012, il avait signé l’appel des économistes en soutien au candidat François Hollande en raison de « la pertinence de ses options, en particulier pour ce qui concerne la reprise de la croissance et de l’emploi »…

 

Tout le monde a le droit d’être « un économiste keynésiens ». Seulement dans la réalité, il y a deux sortes d’économistes. 1/ Ceux qui pensent que la croissance économique vient de la « création destructrice », chère à Schumpeter, qui n’est rien d’autre qu’une forme de sélection naturelle. Pour ceux là, la croissance vient de la conjonction d’une classe d’entrepreneurs, d’un système juridique stable, de la reconnaissance du Droit de propriété et d’un système financier concurrentiel et bien réglementé. 2/ Ceux qui pensent qu’un Dieu bienfaisant (l’Etat) est à l’origine de la croissance, et que le rôle de ce « Dieu-Etat » est comme le dit Charles Gave de déléguer tous ses pouvoirs aux «Oints du Seigneur » qui savent parler en son nom et interpréter la Volonté du Tout Puissant puisqu’ils en sont les grands Prêtres. Le but poursuivi étant que l’idole PIB ne baisse jamais. Leur Dieu-Etat a la capacité remarquable de créer de la Valeur à partir de rien. Le camp des « Keynésiens » qui se présentent comme des scientifiques, comme le faisait avant eux les Marxistes adorent les modèles mathématiques qui sont censés prévoir le futur mais qui ne marchent jamais …

 

Christian Chavagneux du magazine « Alternatives Economiques » est invité en qualité de président. C’est le seul titre français qui comprend dans son nom une faute de français et une faute d’orthographe ! En effet, il ne peut y avoir qu’une seule alternative à un problème sinon il faut parler d’autres solutions. Dans son livre « Les dernières heures du libéralisme : mort d’une idéologie » il s’acharne à montrer comment selon lui « le poisson pourrit par la tête » à cause du libéralisme.  Il montre ensuite comment la croyance dans les vertus de la libéralisation financière s’effondre puisque le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale entrent dans une période de doute….

 

El Mouhoub Mouhoud a aussi été invité. Il avait été classé dans la liste des économistes de gauche par Le Monde en 2011, il est actuellement Professeur d’économie et Vice-Président de l’Université Paris-Dauphine.  En 2011, lors de la primaire présidentielle socialiste, El Mouhoub Mouhoud avait fait partie de l’équipe de campagne de Martine Aubry en qualité d’expert de la société civile. Il était chargé des questions d’immigration qu’il faut selon lui démystifier car il circule de nombreux mensonges et de faux chiffres sur ce sujet.

Dominique Méda est invitée en qualité de philosophe et sociologue française. Comme elle est normalienne, énarque et inspectrice générale des affaires sociales, elle a particulièrement écrit avec Pierre Larrouturou sur le thème du travail et des politiques sociales, des indicateurs de richesse et des femmes. Après la victoire de Benoît Hamon à la primaire citoyenne de 2017, elle était devenue conseillère « travail » pour sa campagne présidentielle. Il s’agissait de faire  en sorte que la norme du travail à temps complet soit établie à 32 heures…

Thomas Piketty l’économiste qui séduit la gauche française et américaine, figure aussi dans le programme. Dans son livre « Le capital au XXIème siècle » il avait dénoncé les rendements des fortunes élevées tout en condamnant la retraite par capitalisation. Pourtant, il semble oublier qu’entre 1990 et 2010, environ 700M de personnes ont quitté la grande pauvreté grâce à l’économie de marché …. Chez Piketty l’idéologue surplombe toujours l’économiste. Son objectif c’est « la construction d’un nouvel horizon égalitaire à visée  universelle et internationaliste. Cette révolution ne passe plus par la dictature du prolétariat mais par un socialisme participatif qui réalise l’euthanasie du capital avec impôt progressif avec des taux allant jusqu’à 70 ou 90% et socialisation de la propriété et la circulation du capital à travers une dotation universelle de 120 000€ à tout individu agé de 25 ans…Ecrire long ne suffit pas pour penser juste….La hausse des inégalités est concentrée en Chine, en Inde, aux Etats-Unis et en Russie mais celles-ci sont stables en Europe.

Thomas Porcher fait aussi parti des invités. Il s’agit d’un économiste qui prône une nouvelle lutte des classes incluant les victimes du système. Comme pour lui les délaissés de la mondialisation et de l’austérité représentent plus de 80% de la population mondiale, il faut retrouver l’Etat stratège qui fixe les objectifs de long terme et contraigne les entreprises à appliquer une politique cohérente ! Toute ressemblance avec l’Union Soviétique serait purement fortuite.

La technique employée par le « Camp des Biens Pensants » consiste à diaboliser les gens qui ne pensent pas comme eux. Elle est en plein essor. Il leur suffit, d’accuser tous ceux qui ne doivent pas être invités à participer à leurs débats. Les motifs sont alors le racisme, l’homophobie, le populisme, l’extrémisme… Tout cela se transforme très vite en  diabolisation qui devient alors l’arme majeure du terrorisme intellectuel.

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

9 Commentaires

Répondre à Véronique

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  • sangmelima

    11 octobre 2020

    Merci à cet article éclairant et utile !
    Toujours se méfier des auteurs en tout domaine « starisés » par le système… ils ne servent que l’air (malodorant) du temps des émiettements inévitables. Tout meurt, l’homme, les « œuvres » et le monde finira aussi sa course…

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  • Véronique

    8 octobre 2020

    Le rêve Jacobin ne mène qu’à la pauvreté de tous

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  • Essentielliste

    7 octobre 2020

    Merci à Monsieur J.J.Netter que je salue pour sa lucidité et sa clairvoyance face à ces « oints du Seigneur  » de la gauche universitaire. Lorsque l’on prend conscience du nombre de ces « éducateurs » universitaires qui forment les cervelles de tous ces jeunes dont certains sont nos enfants, je pense qu’il serait temps que nous puissions créer organiser les moyens de fournir à tous ces jeunes les bases intellectuelles et concrètes des connaissances sociales et économiques objectives.
    Oui : »il n’y a plus qu’à » mais raison de plus de s’y atteler rapidement

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  • Christophe

    7 octobre 2020

    « Mille choses avancent ; neuf cent quatre-vingt-dix-neuf reculent : c’est là le progrès »

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  • Ockham

    7 octobre 2020

    Est un grand merci pour nous rappeler ce qu’il ne faut pas lire. Ayant lu en entier Piketty car non prévenu, je plains ce garçon. Mépriser l’interprétation statistique à ce point est étonnant. Ces grandes écoles et ces universités produisent toujours autant d’inadaptés qui se reproduisent sans fin !

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  • MARTINE PERRET

    7 octobre 2020

    Merci pour cet article instructif ; mais où sont les economistes dits  » de droite » ?

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    • Netter

      8 octobre 2020

      Il n’ y a pas « d’économiste de droite ». Il y a des économistes compétents et des économistes de gauche !

    • idlibertes

      8 octobre 2020

      ahahah

  • Philippe

    7 octobre 2020

    Les nouvelles génération de gauche n’ayant pas connu l’ampleur de la violence politique pratiquée au nom de leur idéologie en URSS, Chine, Cambodge, elles ne peuvent que relégitimer celle-ci.
    Par cette « innocence » restaurée par le recyclage des générations, leur intérêt pour le pluralisme, la démocratie institutionnelle, l’Etat de Droit, ne peut que passer à la trappe face aux impératifs de leur « morale ».

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