23 janvier, 2025

Je vais mettre l’économie française à genoux

Éric Lombard, actuel et peut-être éphémère ministre de l’Économie, a tenu des propos publics qui reviennent peu ou prou à dire « Je vais mettre l’économie française à genoux ». Sur BFM, le 17 janvier, il a ainsi affirmé que « La transformation écologique est la principale priorité » Il faut donc, selon lui, que les entreprises françaises acceptent de voir leur rentabilité baisser au nom de celle-ci. On savait déjà que l’écologie est un prétexte pour du communisme recyclé et la décroissance, c’est-à-dire la pauvreté, son objectif affiché, mais c’est dit avec un l’aplomb d’un technocrate.

 

Le PDG d’Air France a ainsi redit son opposition à la taxe avion, qui pénalisera l’industrie aéronautique française, au détriment de nos concurrents européens. Réponse du ministre (LR) des Transports : « Cela n’a pas fait plaisir au domaine de l’aérien, mais il doit prendre sa part au sacrifice. Il faut simplement que cette participation ne se répercute pas trop sur les usagers ».

Se sacrifier pour quel dieu ? Les usagers, en l’occurrence n’en sont pas, ce sont des clients, qui pourront prendre d’autres compagnies. Et Air France, en concurrence avec toutes les grandes compagnies mondiales, ne se sacrifiera pas trop longtemps.

Cette propension à vouloir tuer l’économie, au nom de chimères et de schémas mentaux éculés, a quelque chose de fascinant.

 

De l’IA ou du verre

 

L’État vient de nouveau de prêter 750 000 euros à Duralex, prêt qui sera probablement un don, la région Centre-Val de Loire a quant à elle prêté 1 M€ en septembre dernier. Certes, nous sommes tous nostalgiques de Duralex, qui a bercé nos années d’écolier et qui a accompagné nos repas de cantine. Mais chacun conviendra que ce n’est pas une industrie d’avenir, contrairement à l’IA. La semaine dernière, un de mes amis, jeune docteur, est parti aux États-Unis pour travailler dans l’IA, pour un contrat de deux ans. Personne ne doute que ce contrat deviendra un CDI et qu’il ne reviendra pas en France, pour une raison simple : il n’y a pas d’emploi dans l’IA. Mais dans le verre oui. Le Figaro s’en lamente : les talents fuient vers les États-Unis, où ils trouvent des centres de recherche, des budgets, des projets, de l’avenir. Pendant que certains quittent X, d’autres quittent la France. La réponse de l’Union européenne est sans appel : régulation et obstruction de l’IA. Plus que jamais, les États-Unis innovent, l’Europe s’enferme. Témoin l’IA d’Apple, accessible aux États-Unis, interdit en Europe. Difficile ensuite, pour les concepteurs vidéo et les photographes, de rivaliser avec leurs concurrents américains.

 

De faux chefs d’entreprise

 

Thierry Breton, qui a passé beaucoup de temps à critiquer Elon Musk, vient de rejoindre le board de Bank of America. On peut ne pas apprécier le personnage Musk, mais lui est génial, il crée, il innove. Qu‘est-ce que Thierry Breton a apporté à l’innovation et à l’intelligence française ?

Dirigeant de Bull (1993-1997), qui devait être l’IBM, puis le Microsoft français, l’entreprise s’est effondrée, l’État n’a cessé de la renflouer, en vain. Ce devait être Google, ce fut finalement Qwant.

Puis dirigeant de Thomson (1997-2002). Là aussi, l’entreprise, fondée en 1893, a disparu, dépecée entre Chinois et Américains. Son passage à France Télécom (2003-2005) ne fut pas plus brillant, ni son poste de ministre de l’Économie (2005-2007) où, comme tous les ministres de l’Économie, il a augmenté et la dette et les impôts. Puis il dirige Atos (2008-2019), entreprise qui a coulé et dont le cours de l’action ne vaut plus rien. Enfin, Commissaire européen, pour bons et loyaux services rendus. Quand on reste entre deux et quatre ans à la tête d’une entreprise, il est impossible de la développer et de mettre en place une véritable stratégie. C’est une attitude de pirate, non de chef d’entreprise et d’entrepreneur. Surtout quand on investit avec un argent qui n’est pas le sien.

 

Cela fait penser à Elisabeth Borne, qui se dit fière de ne rien connaître aux sujets éducatifs, ce qui ne l’empêche pas d’accepter d’être ministre de l’Éducation nationale. Elle « s’est battue » dit-elle pour que l’on ne supprime pas 4 000 postes à l’EN. Mais si ces postes devaient être supprimés, c’est que le nombre d’élèves a baissé et qu’ils sont donc inutiles. Le budget de l’EN est le premier poste de dépenses de l’État (près de 160 milliards d’euros annuels) alors que l’on pourrait faire beaucoup mieux en dépensant beaucoup moins. Autant d’argent qui n’est pas investi ailleurs, par exemple dans l’IA, la robotique et les secteurs structurels innovants. Tout se tient et tout est lié. Et tout cela pèse sur la puissance et sur l’avenir de la France.

 

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a à peu près le même diagnostic quand il considère que l’épargne des Français est mal investie. « Il y a 300 milliards d’euros d’épargne des Européens qui vont s’investir hors d’Europe, et d’abord aux États-Unis », a-t-il dit sur BFM. C’est le principe même de l’épargne : on investit là où l’argent rapporte, et ce n’est pas en France et en Europe. « Récupérons ces 300 milliards pour faire face aux besoins d’investissement que nous avons en Europe et utilisons nos atouts. » Il faudrait lui préciser qu’il n’a pas à « récupérer » ces milliards, puisque ceux-ci ne lui appartiennent pas. Tout au mieux peut-il faire en sorte que l’Europe devienne attractive afin d’attirer cette épargne. « Récupérer » comment ? Par le vol et la coercition ? Le gouverneur souhaite investir « dans la transition écologique ». Ceux qui s’y risqueront connaîtront le même sort que ceux qui ont investi dans le tunnel sous la Manche ou le canal de Panama. Pas sûr que cela incite à orienter l’épargne vers l’Europe.

 

Les capitaines d’industrie montent de plus en plus au créneau pour dénoncer ces politiques économiques suicidaires : Patrick Pouyanné, Carlos Tavarès, entre autres, eux qui vivent à l’échelle mondiale et qui voient ce qui se passe en Chine, en Asie, dans le Golfe et aux États-Unis. Il y a urgence : le décrochage français et européen serait très difficile à rattraper et nos concurrents sont déjà loin devant nous.

 

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

17 Commentaires

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  • Nanker

    27 janvier 2025

    Un point de vue oblique sur votre article ; la gauche a DETRUIT les secteurs qu’on lui a confiés depuis 1981 à savoir l’Education Nationale et la Justice : on peut décrocher son Bac en sachant à peine lire et écrire et on peut « prendre » 5 ans pour un viol ou un meurtre. Et maintenant la gauche inocule – comme un poison – ses valeurs au domaine économique.

    « Bientôt la faillite de Bank of America avec le recrutement de M. breton? »
    Bien sûr que non! Ce type est embauché pour son carnet pas pour ses compétences. On lui demandera de prendre contact avec les cibles, ensuite on le tiendra éloigné des négociations. Les Ricains ne sont pas fous!

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  • Edward

    26 janvier 2025

    Il y a urgence sur le Groenland. Cette région regorge de richesses minières d’avenir. Sauf qu’il y a 60.000 pécheurs, et un Etat danois qui se contente de mettre la tête dans le sable devant les menaces de M Trump. Il est du devoir de l’UE de forcer l’exploitation des mines et bloquer la mainmise US. Il y va de la cohésion de l’OTAN et du monde libre, et de l’avenir de l’Europe.
    Un billet de M Noé sur le sujet me semble utile et urgent.

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  • CADUC

    26 janvier 2025

    Excellente et rapide Analyse

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  • Patrice Pimoulle

    26 janvier 2025

    Il est evident que la France ira mieux lorsque, pour aller de Paris-St-Lazare a Asnieres comme pour aller de Lyon a Turin, le consommateur aura le choix de devenir client de la SNCF ou client de TRENiTALIA.

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  • Gaulois réfractaire

    25 janvier 2025

    Bah ! soyons philosophes. La débilité des orientations des « élites » européennes devient partout de plus en plus flagrante. Ils sont incapables d’arrêter de ramer, alors qu’ils attaquent la falaise de plus belle.
    La fin du régime approche clairement à grands pas.
    Patientons. 

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    • Rob

      29 janvier 2025

      La fin de l’UE de Mastrich est proche, peut-être quelques semaines… Trump n’en veut plus, comme d’ailleurs une majorité de citoyens européens.

  • Grandga

    24 janvier 2025

    Si le Breton en question a pu nuire autant, c’est qu’il a un carnet d’adresse gros comme l’encyclopédie universelle, et c’est ce carnet d’adresse que vient de s’offrir B of A…
    Quand au sire, on devrait l’appeler François Pignon !

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  • FP 37

    24 janvier 2025

    Il est donc logique que VDL n’ait plus voulu de Breton.
    Mais que va-t-elle faire maintenant?

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  • Pascal

    24 janvier 2025

    Bientôt la faillite de Bank of America avec le recrutement de M. breton ?(Je ne lui mets pas la majuscule par respect pour les Bretons)

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  • hoche38

    24 janvier 2025

    Il n’y a plus à espérer que l’opposition nationale au Parlement censure une fois de plus ces gentlemen. De toute façon, il est impossible de changer quoi que ce soit en France tant qu’Emmanuel Macron règne sur le marigot macronien.

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  • moisset

    24 janvier 2025

    l’idéologie guide nos politiques, il n’y a aucun pragmatisme, le réel est ignoré ou méprisé, la vérité est censurée. Tout cela sur plusieurs plans : l’économie mais aussi l’écologie, la justice, le sociétal…. il faudrait virer cette caste de privilégiés incompétents et militants et repenser un système démocratique à l’image de la Suisse avec des référendums réguliers sur tout.

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  • Patrick LEMAIRE

    24 janvier 2025

    L’Homme ne donne le meilleur de lui-même que dans l’adversité parait-il. Alors, encore un peu de patience… Vive la F-Rance, vive la Raie-Public !

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  • LEJEUNE

    24 janvier 2025

    Bravo Mr Noé, analyse réelle et très pertinente. Le souci ce sont que nos dirigeants politiques ou énarques s’assurent des fins de mois et de millénaire trop confortables pour voir et comprendre le réel. Et surtout ils s’en moquent par un individualisme contraire à la direction du Pays ou du continent. L’intérêt général devrait primer sur leurs intérêts particuliers. Seule solution il faut virer tous ces gens et vite.

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    • M. Jassogne

      24 janvier 2025

      Certes ! Je partage votre opinion, mais comment faire pour virer cette caste de rentiers ? Car tous les coups sont permis pour qu’ils puissent conserver leurs prérogatives !

  • Daniel Fremont

    24 janvier 2025

    Pourquoi opposer les nouvelles technologies aux industries traditionnelles dont nous avons et auront toujours besoin? Ce genre de choix dans les années 80 lorsque certains pensaient qu’il fallait mieux se concentrer sur les services plutôt que l’industrie nous a amené à la dépendance actuelle à la Chine, usine du monde. Ne faisons pas les mêmes erreurs.

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  • CLAUDE ALQUIER

    24 janvier 2025

    Merci Monsieur pour votre analyse pertinente. Les personnes visées dans votre article n’ont certainement pas de problèmes financiers, sauf certainement celui de donner à fond perdu l’argent qui ne leur appartient pas et d’être grassement rémunérés au passage.

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