4 mars, 2024

Il y a quelque chose de pourri dans le royaume Allemand.

Question 1 : A quoi servent les marchés financiers ?

Réponse : A arbitrer entre ceux qui vont avoir accès au capital et ceux qui n’y auront pas droit.

Question 2 : Et comment font – ils ?

Réponse : En ne prêtant qu’à ceux qui peuvent rembourser.

Commençons en considérant ce qui se passe à l’intérieur de chaque pays, en prenant l’exemple allemand.

Les marchés financiers essaient sans arrêt de mesurer la rentabilité marginale du capital, ce qui est peu ou prou égal à la croissance des profits. Si cette rentabilité est supérieure au coût du placement sans risque, l’entrepreneur n’aura aucun problème à lever de l’argent. Dans le cas contraire, il ne trouvera rien et devra fermer ses activités

Appelons le taux de croissance des profits pour un pays, l’Allemagne par exemple, TPa et le taux du placement sans risque i, on voit bien que si TPa>i, alors, nous allons avoir une croissance économique satisfaisante puisqu’en moyenne, cela paie de prendre des risques,

En revanche, si TPa <i, alors le meilleur placement que pourra faire chaque entrepreneur est de rembourser sa dette aussi vite qu’il le peut et de stopper tout investissement nouveau. Et du coup la croissance s’arrêtera très vite.

S’il n’y avait qu’un seul pays, nous pourrions nous arrêter là, mais il y a plus de cent pays dans le monde et dans chacun d’entre eux, il y a une rentabilité du capital investi et un taux d’intérêts pour le placement sans risque.

Ce qui m’amène à la troisième question.

Comment l’arbitrage se fait entre plusieurs pays ?

Voici un début de réponse qui concerne l’arbitrage entre pays qui n’ont aucun contrôle sur les mouvements de capitaux.

En termes clairs, cela veut dire que les épargnants du premier pays peuvent investir dans les affaires du second, et vice versa, et que les emprunteurs de chaque pays peuvent emprunter chez eux ou dans l’autre pays. Mais, s’ils empruntent dans l’autre pays, ils vont encourir un risque de change …

L’arbitrage devient plus difficile…mais il se fait quand même en temps réel.

Si tout ce que j’ai écrit jusque-là est vrai, alors il est certain que la rentabilité des affaires doit être la même entre les deux pays sur le long terme et que donc, les marchés des actions auront une performance similaire au travers du temps car l’arbitrage va continuer tant qu’une différence de rentabilité existe.

Et donc, la bourse de New York et la bourse de Francfort (où se mesurent la rentabilité marginale du capital) devraient avoir la même rentabilité sur le long terme.

Et la même chose devrait se produire entre les deux marchés des placements sans risque et donc les obligations allemandes devraient avoir la même rentabilité en une seule monnaie que les obligations américaines.

Vérifions en commençant par les marchés des actions entre l’Allemagne et les USA.

 

 

 

Voilà une théorie qui a très bien marché de 1970 à 2014, mais qui ne marche plus depuis 2015.

Passons au ratio entre les obligations d’Etat entre les deux mêmes pays.

 

Cette fois ci l’arbitrage a cessé de fonctionner depuis 2021.

La conclusion est simple : la rentabilité du capital investi est maintenant plus faible en Allemagne qu’aux USA.

Ce qui m’amène à la quatrième question : est-ce la rentabilité en Allemagne qui a baissé, ou est-ce la rentabilité aux USA qui est montée ?

Vérifions en prenant un pays tiers, la Suisse, proche de l’Allemagne.

 

 

CQFD

Depuis 2010, le marché allemande s’est effondré en termes relatifs et contre la Suisse et contre les USA.

La seule conclusion possible est donc que la rentabilité marginale du capital a fortement baissé en Allemagne quelque part pendant la deuxième décennie de ce siècle.

Pour revenir à mon propos initial, cela doit vouloir signifier que TPa est passé en dessous de i, ce qui revient à dire que les investissements vont s’écrouler puisque le cout du capital est passé au-dessus de la croissance des profits. Il vaut mieux rembourser ses dettes qu’investir Outre Rhin.

Pourquoi sommes-nous arrivés à ce résultat désastreux ?

De nombreuses raisons me viennent à l’esprit et je cite dans le désordre :

  • La folie écologique en Allemagne qui vise à faire disparaitre l’industrie automobile allemande.
  • La folie réglementaire de Bruxelles.
  • L’Euro qui a tué tous les clients allemands dans l’Europe du Sud.
  • L’arrivée de l’industrie Chinoise qui fait maintenant concurrence à l’industrie Allemande.
  • La sous-évaluation du Yen, le Japon étant le principal concurrent de l’Allemagne.
  • La hausse phénoménale du coût de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine.
  • Le vieillissement de la population.
  • Le cout d’une immigration incontrôlée.
  • Etc…

Conclusion

Quoiqu’il en soit, avec TPa< i, le système allemand ne peut pas à retourner à l’équilibre naturellement et l’Allemagne est donc en train de rentrer dans une récession du type Japon 1992, et pour des raisons similaires.

Les deficits budgétaires vont donc exploser en Allemagne et le drame pour ce pays est que les réserves accumulées pendant les années de vaches grasses ont été investies dans des créances sur l’Italie, l’Espagne et la France (les fameuses « balances targets ») qui ne valent rien, ces pays étant bien incapables de rembourser quoi que ce soit.

Tout compte fait, l’Allemagne semble bien avoir été le dindon de la farce tragique qu’a été l’Euro et comme je le disais en 2002 dans mon premier livre, des Lions menés par des ânes, si le but de l’Euro était de détruire l’Europe et les économies européennes, alors ce but a été atteint au-delà des espérances de ceux qui l’ont créé.

Encore un succès à mettre au crédit de messieurs Chirac, Sarkozy, Holland, Delors, Trichet, Attali, Minc, Draghi qui se sont fait rouler dans la farine par les Clinton, Bush et Obama de ce monde.

Et comme je l’ai écrit la semaine dernière, si l’Allemagne rentre en récession, alors, en France, ça va être vraiment dur, très dur.

NB

Note sur les marchés des actions

Peu de valeurs cotées en Allemagne auront une croissance de leurs profits supérieure aux taux d’intérêts.

Mais celles qui y arrivent verront leurs cours exploser à la hausse tant elles représentent les seules valeurs « refuges »’.

C’est ce qui est en train d’arriver en France et en Allemagne.

 

 

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

11 Commentaires

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  • Henry

    7 mai 2024

    Formidable grâce à Youtube, j’ai trouvé ce site. J’adore les articles car ils sont très cartésiens. Je ne suis pas français donc impartial et donc, même si je suis d’accord pour la démonstration et les conclusions pour l’Allemagne dont l’avenir me paraît très sombre, je ne le suis pas pour la France et même pas du tout à long terme.

    Beaucoup d’entreprises françaises ont adopté une stratégie d’internationalisation officiellement pour diversifier leurs marchés et réduire leur dépendance à l’égard d’un seul marché national mais en réalité surtout pour pouvoir continuer à faire des profits ailleurs puisque les conditions mises par l’état français ne le permettaient plus dans la mère patrie. Cela leur permet de bénéficier de la croissance économique dans différentes régions du monde et de continuer à promouvoir des CEO remarquables.. Comme m’avait dit un CEO Allemand d’origine Luxembourgeoise (Grand-Ducale) « Les Français sont incapables de faire travailler leurs compatriotes mais à l’étranger ils sont très bons, ce sont d’excellents esclavagistes ».

    Le gouvernement français si il les détruit sur son sol à l’inverse soutient souvent ses entreprises nationales à l’étranger, que ce soit par le biais de partenariats public-privé, d’investissements directs ou de politiques favorables au commerce international. Et par dessus tout via un lobbying politique efficace, j’ai pu constater l’efficacité des réseaux de Matignon dans le monde entier, certes il y a 20 ans mais je pense qu’il doit en rester quelque chose ? : REDOUTABLES !!! Les Allemands ne sont nulle part ou presque en tous cas comparés aux Français (et aux Anglais).

    Quand les conditions politiques seront de retour pour la réindustrialisation de la France, ces multinationales peuvent jouer un rôle clé lorsqu’il s’agira de ramener la production et les emplois dans le pays. Leur expertise et leurs ressources financières et humaines leur permettront de contribuer à la modernisation et à l’expansion des secteurs industriels français. De plus, les directeurs français qui dirigent ces entreprises et autres cadres supérieurs qui ont fait leurs preuves à l’étranger ont souvent une connaissance approfondie du tissu français et peuvent donc prendre des décisions stratégiques qui favorisent la croissance industrielle du pays.

    Dès qu’elles ne seront plus empêchées de bien fonctionner en France, les multinationales françaises reviendront y faire prospérer l’économie.

    En fait en France, il faut que le vieil adage des peuples latins advienne : Il faut que tout aille très mal pour que l’on puisse enfin prendre les mesures pour que cela aille mieux ».

    Pour illustrer mon propos quand on me demande des conseils sur les actions je dis toujours « prenez un MSCI world à capitalisation et puis partez à la plage ou … investissez dans les entreprises du CAC 40 très rentables qui ne font pas (pour l’instant) de profits en France »

    Pour les Allemands non seulement Mr Gave a raison (c’est pas un sentiment son papier c’est une très bonne démonstration) mais en plus je crains qu’il y ai un gros risque de « keine Rückkehr zum ersten Zustand » (pas de retour au pristine état). En effet, l’économie allemande repose en grande partie sur un réseau dense  » grande moyennes entreprises », GPME)))), je viens d’inventer le terme)))))))). Des boites souvent familiales, avec certes des dizines voire des centaines d’employés dans un petit village ou une petite ville et donc qui ont un fort ancrage local. Ces entreprises sont connues sous le nom de « Mittelstand ».

    Elles sont plus petites que les grandes entreprises multinationales, mais plus grandes que les PME « normales » => mon terme GPME « grandes PME ». Beaucoup d’entreprises du Mittelstand sont détenues et gérées par des familles depuis plusieurs générations. Cette structure de propriété favorise souvent une vision à long terme et un sens des responsabilités aigu. Dans ma jeunesse, j’ai eu pour amie une fille d’une telle boite.

    Ces entreprises du Mittelstand sont souvent spécialisées dans des niches de marché spécifiques, développant une expertise approfondie dans leur domaine d’activité. Cela leur permet de rester compétitives sur un marché mondial concurrentiel malgré leur petite taille pour un marché mondial du moins. En plus c’est eux qui assurent le formidable système de formation professionnelle, où les entreprises se débrouillent pour former des travailleurs qualifiés de toute première qualité, les Facharbeiter une des clés du succès teuton.

    Contrairement aux grandes multinationales qui opèrent à l’échelle mondiale, les entreprises du Mittelstand ont souvent un ancrage seulement local. Elles ont une super résilience mais si elles disparaissent, elles ne reviendront pas du monde entier réindustrialiser l’Allemagne quand les conditions le rendront possible (par exemple de l’énergie bon marché, voire tout simplement assez d’énergie).

    Mais bon regardons le meilleur des professeurs et le seul à avoir une boule de cristal : l’histoire. rappellons nous que des étudiants volontaires, ont été engagées dans des combats acharnés près du village de Langemarck et sont morts en masse de façon un peu stupide malgré un grand courage et une détermination farouche dans leur engagement. L’empereur Guillaume II d’Allemagne avait prononcé la célèbre phrase : « Ces jeunes hommes allemands sont morts pour que vive l’Allemagne » . Depuis lors l’Allemagne a souvent sacrifié sa population « pour que que vive l’Allemagne ». La dernière fois c’était début 2000 avec le projet Hartz initié par le gouvernement allemand dirigé par le chancelier Gerhard Schröder. Ils sacrifieront encore peut-être leur peuple « pour que vive l’Allemagne » Encore faut-il qu’il reste un peuple allemand ou qu’il ne soit pas dans des hômes !

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  • Beauchamp

    25 mars 2024

    L’exposé de Mr Gave est clair , nous devons trouver des lieux sûres pour notre épargne .

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    • Henry

      7 mai 2024

      Je ne suis pas français et donc ce n’est pas du chauvinisme mais je vous recommanderais d’investir … en France ! Dans les entreprises qui font des « bénéfices honteux » pour autant qu’elles ne les fassent pas (pour l’instant) dans leurs sites d’exploitations français ! voire mieux encore qu’elles n’aient pour l’instant plus que des bureaux à Paris ou ailleurs en France et des usines, de l’infrastructure, etc partout dans le monde.

  • le chinois

    12 mars 2024

    Tout vos inquiétudes vont être balayées par l’ouragan monétaire provoqué par la hausse de l’Or a 2400…3000…5000…..10 000.
    Notre CAC fut a 5600 a sept 2022 il est a 8000 pour viser 10 000 !! Sur quel performance ????
    Hausse de l’or =baisse de tout les monnaies .
    L’inflation Weimarien dans vos gueules

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  • Patrice Pimoulle

    11 mars 2024

    Magnifique analyse, suivie d’une magnifique synthese, suivie d’une conclusion absolue et definitive.

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  • Loubière

    7 mars 2024

    Vous parlez souvent d’Air Liquide, son cours va-t-il exploser comme vous dites? Je pense aussi, à Michelin, à TotalEnergie, cela sera-t-il aussi le cas?
    Merci de votre réponse.

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  • Lejeune

    5 mars 2024

    Les dirigeants politiques européens sont des ânes. Et pardon pour cet animal qui lui est plus intelligent. Il y a eu de leur part des erreurs fatales, dont la dernière est l’Ukraine. Le seul gagnant c’est le Deep State américain qui voulait détruire l’Europe et qui a bien été aidé par les européens qui se sont fait harakiri. Ils voulaient tuer l’Allemagne et l’Europe, mission accomplie.

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  • andries roger

    4 mars 2024

    merci pour vos pertinentes explications

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  • Wdowiak

    4 mars 2024

    Quel sont les valeurs ou le secteur susceptible de surperformer en Allemagne ? On est laissé sur sa faim 🤪

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  • Sophie

    4 mars 2024

    Tres interressant, avez vous une idee des valeurs refuges en france et allemagne ? Faut il y investir, ou rester hors ue ?

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  • Francois Mobi

    4 mars 2024

    Je ne comprend pas le 3ieme graphique. Le SMI a sous performer le marché Allemand DAX et US S&P500 (en base euro) depuis 2020. Le graphique montre l’inverse

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