La consommation en France, qui était jusqu’à maintenant le seul moteur de la croissance qui restait actif, fait l’objet d’une panne historique. Les dépenses des ménages ont reculé de 0,1% en 2012 et depuis le début de l’année on enregistre -7,7% sur le bricolage, -5,8% sur la restauration, -3,4% sur les carburants, -2% sur l’habillement… Comme les moteurs de l’investissement sont paralysés par une fiscalité de plus en plus confiscatoire et un climat anti entrepreneur du gouvernement et que l’exportation souffre du manque de compétitivité française, l’économie française s’enfonce durablement dans la récession. Mislav Matejka stratégiste Europe chez JPMorgan est d’ailleurs très inquiet de la profonde détérioration de l’activité en France. Elle est bien supérieure à ce qu’il escomptait au début de l’année…
Eric le Boucher des Echos a rappelé une fois de plus que l’urgence c’était d’aider les entreprises à restaurer leurs marges pour qu’elles puissent investir. Christian Saint Etienne professeur au CNAM pense que arrêter la rigueur, ce serait commettre une erreur historique. Ils ne sont visiblement pas écoutés par Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif, qui s’est exprimé dans Le Monde sur la politique de réduction des déficits : « cette politique (du gouvernement Ayrault dont il fait partie) conduit à la débâcle ». On ne peut pas dire que l’on fait de l’austérité quand on continue à embaucher des fonctionnaires. On ne peut continuer longtemps à naviguer entre le rafistolage et l’incantation…
Dans la rubrique des mauvais signes :
Gérard Filoche a été l’invité de plusieurs media cette semaine (France Culture, France 2 notamment) pour expliquer tout le mal qu’il pensait de Margaret Thatcher. Il faut dire que, en tant qu’ancien inspecteur du travail, ex membre du Parti Communiste et aujourd’hui membre du Parti Socialiste, il prend la défense des syndicats qui selon Geoffroy Lejeune de Valeurs Actuelles, ruinent l’économie, cassent les usines, minent le dialogue social et sont amnistiés par le gouvernement…. Quand on regarde les résultats obtenus par Margaret Thatcher entre 1979 et 1990 (hausse de la croissance, baisse du chômage, suppression du déficit budgétaire), plus que jamais, on a besoin d’hommes et de femmes politiques courageux comme elle. D’ailleurs « L’indice de misère » qui prend en compte le chômage et l’ inflation a considérablement baissé pendant son mandat, alors qu’il battait des records inégalés sous les premiers ministres travaillistes Wilson et Callaghan. Voilà des chiffres qui malheureusement ne sont mentionnés par aucun media grand public.
François Hollande président de la République, n’a pas du lire avec beaucoup de plaisir les couvertures des magazines de la semaine : « Monsieur faible » pour L’Express, « Pépère est il à la hauteur ? » pour Le Point, « La gauche piégée par l’argent » pour Le Nouvel Observateur. Rebondissant sur le niveau de popularité le plus bas de tous les présidents de la Vème République (26% selon Opinionway) Dominique Moïsi économiste professeur au King’s College de Londres, a comparé dans le Financial Times, François Hollande à Louis XVI qui quelques semaines avant son exécution passait plus de temps à s’occuper de ses serrures que de gérer la France…
Dans le reste de l’Europe, Olivier Blanchard chef économiste du FMI nous rappelle que les prévisions économiques se révèlent presque toujours inexactes. Il y aura encore selon lui d’autres crises car le FMI voit les risques grandir dans le système financier. Il légitime néanmoins les politiques monétaires expansionnistes.
Il devient toutefois clair que le Portugal devra encore être sauvé. Quant à l’Europe de l’Est, elle offre une vision contrastée. La Slovénie inquiète l’Europe. C’est le pays qui pourrait être le prochain à avoir des problèmes.
La zone Euro dans son ensemble est confrontée à sa stratégie budgétaire. Le Semestre Européen va être une période de coordination des politiques structurelles macroéconomiques et budgétaires des Etats Membres. Au terme d’un long processus les Etats membres devront tenir compte des recommandations pour faire adopter leur projet de loi de Finance par leurs parlements national respectifs. Une étude très détaillée sur ce sujet vient d’être publiée par Frédérique Cerisier de BNP Paribas.
Comme l’Allemagne risque de se lasser de jouer le bouc émissaire de tout ce qui ne va pas en Europe, George Soros Chairman de Soros Fund Management est revenu cette semaine sur un de ses sujets favoris qui est le lancement le plus rapidement possible de Eurobonds. Son denier papier, intéressant comme d’habitude, « A European solution to the Eurozone problem » a été publié sur le site www.project-syndicate.org.
La Chine est paradoxalement toujours fragile
En Chine, malgré un niveau de réserves de change sans précédent (3400 Md$), Fitch l’agence de notation s’inquiète de la croissance de la finance parallèle (=shadow banking). L’inflation ralentit mais les chiffres du déficit commercial ont constitué une surprise en mars en raison de la baisse des exportations vers l’Europe. C’est pourquoi Martin Wolf l’éditorialiste du FT a rappelé les propos que Wen Jiabao, l’ancien premier ministre a tenu sur la croissance en Chine qui « a été déséquilibrée, non coordonnée et non durable »…
En Corée, la crise commence à inquiéter les marchés. La politique économique surnommée « Abenomics » par le marché, mise en place par Shinzo Abe le nouveau premier ministre, menace la compétitivité des produits coréens …Les menaces d’attaque nucléaire par Kim Jong-un contribuent à faire en sorte que le marché coréen soit pour le moment le moins cher de tous les marchés asiatiques (rapport cours/bénéfices de 9x et rapport cours/actif net de 1,1x)
Matières premières : cours en baisse sur l’or, le pétrole et le cuivre
L’once d’or a franchi en baisse le niveau de 1500$. Plusieurs maisons ont changé d’avis cette semaine sur les perspectives du métal jaune. Goldman Sachs est même allé jusqu’à recommander à ses clients de vendre de l’or à découvert. Quand à Patrick Legland le patron de la stratégie chez Société Générale, il vient de sortir une étude intitulée « La fin de l’or. Il s’attend à ce que l’or baisse jusqu’à 1375$ pour la fin de l’année.
Parallèlement le baril de pétrole Brent a perdu 8$ dans la semaine et le cuivre se retrouve à 7610$ la Tonne. Comme la demande mondiale est stagnante les stocks gonflent. Si le cours passait durablement en dessous de 7000$ de nombreuses mines seraient en perte. C’est une hypothès tout à fait vraisemblable car l’offre de cuivre va beaucoup augmenter avec BHP Billiton (mine Escondida au Chili), Rio Tinto (mine Oyu Tolgoï en Mongolie), Codelco (mine Chuquicamata au Chili),
Le charbon baisse également puisque le contrat de la société XStrata avec les sociétés électriques japonaises a été revu en baisse de 17% par rapport à l’année dernière. Parmi les autres sociétés impactées par cette évolution on trouve des sociétés mondiales comme Rio Tinto, Anglo American, Glencore (trading) et Noble (trading Hong Kong). Il y a aussi des sociétés américaines notamment : Murray Energy, Peabody Energy, Alpha Natural Resources, Arch Coal.
Secteurs : le secteurs des équipementiers gaz de schistes va rester actif
Dans le secteur des Gaz de schistes pour lequel toute recherche est toujours interdite en France, les sociétés françaises souhaitant participer à cette activité en forte croissance sont obligées de se développer à l’étranger. Cela leur permettra d’aller créer des emplois aux Etats Unis plutôt qu’en France. Imerys, société contrôlée par le belge Albert Frère et le canadien Paul Desmarais, vient ainsi d’annoncer cette semaine le rachat au fonds d’investissement CSL Capital, d’une usine de billes aux Etats Unis. Elles sont injectées dans le sol pour maintenir les fractures ouvertes et permettre au gaz de schiste de s’échapper. Le secteur va rester sous les feux de l’actualité car le gaz de schiste est en train de menacer l’économie de la Russie. Ses exportations de pétrole pourraient baisser selon l’Agence Internationale de l’Energie, de 50MT d’ici 2040.
Parmi les sociétés qui pourraient faire l’objet d’opérations financières les gérants mentionnent souvent Weir Group plc qui fabrique des pompes en Grande Bretagne. La société pourrait intéresser Flowserve (pompes centrifuges/US) ou Caterpillar. Parmi les sociétés fournissant les exploitants de gaz de schistes figurent
Sulzer (gestion de l’eau/Suisse), Rotork plc (Valves/UK), Burckhardt Compression Holding AG (compression de gaz/Allemagne), IDEX Corporation (pompes et fluides/US), Kentz (engineering/ UK).
Les sociétés qui sont à l’origine d’innovations de rupture sont très recherchées par les analystes financiers jusqu’au moment où elles déçoivent. Cela a été le cas cette semaine pour VMWare (-17% depuis le début de l’année et -32% sur le plus haut), une des vedettes du « cloud computing » aux Etats Unis).
Nick Nelson stratégiste de UBS a profité de ce trou d’air pour remettre le titre à l’achat.
Parmi les sociétés identifiées par la MIT Technology Review comme les plus innovantes on note : ABB(coupe circuit haute densité pour les énergies renouvelables), Corning ( nouveau verre pour écran tactile/US), Dow Chemical (tuiles avec des matériaux photovoltaique/US), GE (nouvelle turbine éolien-solaire/énergie classique/US), Philips (LED contrôlable par smartphone/Pays Bas), Siemens ( nouvelles batteries pour les énergies renouvelables/Allemagne), Facebook (corrélation online offline/US), Safaricom ((=M-Pesa au Kenya), Tencent (version chinoise de Twitter/Chine), Amazon (mise en place de la livraison dans la journée), Apple (développement de la technologie Retina/US), ARM Holdings (chips pour smartphones…Big Little Chip Architecture/UK), Google (logiciel de smartphone le plus utilisé/US), IBM (nouveaux circuits qui transmettent des données avec de la lumière/US), Intel (technologie superbe non reflétée par les performances boursières/US), Microsoft (Windows 8 va influencer le marché des PC et des mobiles/US), Nuance Communications (reconnaissance vocale/US), Xerox (gestion du prix des parking en yield management/US).
Les sociétés de services informatiques (SSII) ont cédé du terrain à Paris cette semaine avec des baisses sur CapGemini, Steria et Atos. Le mouvement s’est produit à la suite de l’avertissement sur ses perspectives publiés par Infosys le numéro un indien. Parmi les autres sociétés indiennes suceptibles d’être impactées figurent Wipro, Tata Consultancy Service et Patni
Auteur: Jean-Jacques Netter
Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.
lartillier
20 avril 2013très bon article. merci Mr Netter.