Après 4 ans d’interruption pour cause de confinement, le mondial de l’auto a rouvert à Paris pour tenter de redevenir la vitrine de l’automobile mondiale. Comme la voiture a changé depuis 50 ans et comme a changé aussi le discours porté sur ce moyen de locomotion. Autrefois promu comme un moyen de liberté, comme une image d’ascension sociale, la voiture est désormais stipendiée puisqu’accusé de nombreux maux. Seule trouve grâce, à peine, la voiture électrique, en dépit de son échec industriel et écologique.
Effacement de l’Europe, percée de la Chine
Le mondial de l’automobile a reflété cette tendance. La plupart des constructeurs présentaient des modèles électriques, sans que l’on sache s’ils y croient vraiment ou s’ils le font par conformisme et obligation. Mais le mondial est aussi un reflet des rapports de force industriel. Cette année a ainsi vu l’absence de la plupart des constructeurs européens, notamment allemand, italien et anglais. Les trois marques françaises étaient présentes, toujours très appréciées du public, alors qu’elles n’avaient guère de nouveautés à mettre en avant. Une 4L pour Renault, certes électriques, comme un aveu d’absence d’imagination, une DS pour Citroën, histoire de ne pas sortir du passé, une nouvelle 408 pour Peugeot et surtout sa e-208, dont la marque au Lion espère beaucoup.
Absence des Européens, mais présence en grande force des marques chinoises, comme un passage de témoin industriel. Le chinois BYD a ainsi marqué les esprits avec un immense stand, des mises en scène futuristes, des voitures grandiloquentes. « L’électrique, c’est l’avenir » nous dit la Chine et on les comprend puisque c’est eux qui détiennent la maitrise de la production des batteries. Mais derrière les effets de manche, la qualité n’est pas encore au rendez-vous, ce qui se voit.
Autres marques chinoises présentes, SERES, plus haut de gamme et futuriste, ainsi que Great Wall Motor, qui présentait des SUV et des coupés, deux catégories qui plaisent beaucoup aux Européens, en dépit des attaques des écologistes.
Autre nouveauté, la présence de deux constructeurs de voitures à hydrogène, Hopium (France) et NamX (franco-marocain). Difficile de se faire un avis sur l’hydrogène : certains le présentent comme la motorisation de l’avenir, d’autres au contraire estiment que c’est une vaste arnaque. L’avenir tranchera.
La voiture modèle les paysages
Cela fait à peine un siècle que la voiture est entrée dans le quotidien des Français, avant de devenir un objet à la portée de tous dans les années 1950-1960. En facilitant les échanges, en réduisant les distances, la voiture a profondément marqué les paysages et a contribué à modifier la géopolitique locale. C’est elle qui a permis le développement des zones urbaines périphériques, qui a rendu possible la construction des grands ensembles (avant que ceux-ci ne soient dénigrés), qui est à l’origine aussi du développement des stations balnéaires et des stations de ski. La voiture a supplanté le train, permettant de voir émerger Saint-Tropez, La Plagne, Font-Romeu ou encore La Baule. Le tourisme est fils de la voiture plus encore que de l’avion. La construction des autoroutes, dont la France peut s’enorgueillir d’en avoir d’excellente qualité, a modifié les paysages en contribuant au développement d’un urbanisme particulier et en créant des routes touristiques consacrées par le Guide Michelin. La voiture a aussi permis l’émergence des grandes surfaces et des centres commerciaux, pensés pour la vie automobile. La ménagère trouve-là de quoi simplifier son quotidien. Le volume du coffre ne doit pas être plus petit que celui du chariot, lui-même étant calculé pour contenir le volume d’achat d’une famille de deux enfants. Si la France n’a jamais connu les cinémas de pleins comme aux États-Unis et si les drive n’ont pas beaucoup pris, la voiture a profondément marqué les paysages urbains et ruraux, contribuant à leur donner une nouvelle organisation. Elle fut, malgré elle, un puissant levier d’aménagement du territoire.
Haro sur la liberté
Il y a encore quelques années, passer le permis de conduire c’était obtenir un passeport pour la liberté. C’était la promesse de vacances entre amis, à bord d’un vieux modèle bringuebalant, puis d’un modèle plus sportif, puis enfin d’une voiture familiale. Elle suivant les âges et les évolutions de la vie, en permettant à chaque fois de se déplacer, c’est-à-dire d’échanger. En s’attaquant à la voiture, c’est bien à la liberté de mouvement que les écologistes s’attaquent. C’est aussi à un moyen de transport collectif et communautaire : parce que l’espace est clos et intime, la voiture permet des conversations sérieuses et profondes, ce qui n’est pas possible dans les transports en commun où l’intime et le privé n’existent pas. Le vélo, au contraire, est un moyen de transport bien limité, à la fois dans l’espace et dans ses possibilités. Il ne permet pas non plus les discussions et les échanges. C’est un moyen de transport individualiste, certes commode pour certaines occasions, mais qui coupe tout commun et toute relation. Il est à l’image de la société que les écologistes veulent édifier : des individus sans lien entre eux, sans famille et sans enfant, c’est-à-dire sans passé et sans futur.
Ce n’est pas un hasard si la voiture s’est liée très tôt à l’art, notamment au cinéma et à la littérature. Parce que les véhicules étaient beaux, parce qu’ils permettaient de s’échapper et de voyager, ils avaient toute leur place dans le monde de la création artistique. Elle a contribué, à sa façon, à la beauté des villes et des paysages urbains. Que le maire de Paris, pour imposer sa politique, soit obligé de saccager la ville et d’en faire un lieu de laideur démontre bien la raison cachée des écologistes : interdire les échanges, effacer le beau, pour mieux contrôler les hommes.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Philippe
30 octobre 2022l’Automobile et la motocyclette sont des mythes du 20.éme siècle : Relire la 628E d’ Octave Mirbeau , la motocyclette d’André Pieyre de Mandiargues , revoir la Piscine ou Maurice Ronet étale sa réussite au volant de la sublime Maserati Ghibli , et le prémonitoire » Traffic » de Jacques Tati , » Le Mans » avec Steve Mc Queen , » Continental Circus » de Jérome Laperousaz , la derniere scène de Mamma Roma de Fellini ou la virilité des motards tournant autour du Colisée rend hommage a la virilité des gladiateurs . L’ écologie punitive est une absurdité économique ( comment recycler ces millions de batteries ) en plus de sonner comme la d’une d’une conquete .
Alain Bernos
30 octobre 2022Merci pour le billet.
Entièrement d’accord, on a diabolisé la voiture, qui est notre amie et grand moyen de liberté. Bientôt ce sera un objet du passé, on se déplacera avec un QR code, 1 jour sur 3 et uniquement en voiture électrique, un peu plus souvent en vélo.
Dans tous les vas ceux qui tiendront un volant seront coupables et seront passibles d’un jury populaire écolo-gauchiste et bienfaiteur…..
Robert
30 octobre 2022D’ accord avec votre conclusion.
Avec la voiture électrique, les écolos avancent masqués : l’ objectif non avoué est de restreindre les déplacements.
L’ électrique sera suffisant pour les trajets limités.
Pour les longs trajets, les usagers seront dirigés vers les transports en commun, le train en particulier, au détriment de l’ automobile individuelle.
Une anecdote : un vendeur de voitures, ayant fait récemment Paris-Nice avec une Tesla, m’a avoué avoir dû s’ arrêter cinq fois vingt minutes pour recharger. Sans commentaires.
breizh
30 octobre 2022les écologistes n’aiment pas la libertés des autres !
Soniasecrète
28 octobre 2022Brillante conclusion
La « bagnole » est, plus que n’importe quel objet, un vecteur de liberté, le seul qui permette à un individu de se déplacer à sa guise et presque sans contrôle. La haine viscérale que lui montrent les collectivistes de tout genre est parfaitement normale. Elle est à l’oeuvre, en France, depuis la mort de Pompidou, et elle coïncide avec l’arrivée au pouvoir de ces gens, et aussi avec le déclin du pays.
En ce qui concerne nos constructeurs, j’ai récemment été étonnée de découvrir que Renault n’avait plus que la 19è capitalisation boursière du secteur, et que Stellantis n’était lui-même pas parmi les premiers. L’avenir de cette industrie, comme d’autres, risque bien d’être asiatique.
N.B. : la coquille « stipendiée » au lieu de « vilipendée » en début d’article.