A l’occasion d’un voyage récent en Asie du Sud Est, cette question m’a été posée de manière incidente par un dirigeant local d’une entreprise multinationale, bon connaisseur des Etats-Unis ou il avait étudié,.
Ma première réaction a été de constater que la réélection du President sortant pour un second et dernier mandat, que l’on considérait depuis la désastreuse et auto destructrice primaire républicaine comme acquise, laissait depuis le premier des 3 débats publics la place à un scenario alternatif, même improbable..
D’où la pertinence de l’interrogation.
Je vais m’efforcer de mettre en exergue, au delà de la rhétorique des plate formes adoptées par les Conventions des deux partis, ce que je crois être les véritables différences en terme de politiques publiques, sachant bien que dans pratiquement tous les domaines a l’exception notable des affaires extérieures, le Congres contrôle l’agenda, son contenu et son calendrier.
A l’occasion du second débat présidentiel, un commentateur, ancien conseiller du Président Clinton, William Galston, observait que les téléspectateurs et le public americain de manière plus générale, « know what theses candidates believe, not what they would do »..
Ecartons tout d’abord le sujet essentiel des personnalités, qui n’est pas notre propos mais qui sera sans doute un facteur dominant dans le choix final de beaucoup d’électeurs dits « indépendants »..
Les avis divergent sur nombre réel d’électeurs qui se déterminent en fonction de la personnalité du candidat plutôt que sur son affiliation partisane ou son programme.
Aux Etats Unis, vous pouvez faire figurer votre inscription sur la liste électorale avec une affiliation partisane ou comme indépendant.
Cette catégorie est statistiquement la plus nombreuse, suivie par les démocrates, les républicains et très marginalement les petits partis, conservateur, libertarien, vert…
Mais bon nombre des « indépendants votent de fait quasiment toujours pour le même parti, et le nombre réel des électeurs qui se déterminent au cas par cas est sans doute de l’ordre de moins de 10% du corps électoral.Sur la base de ce critère unique de « likeability », Obama l’emporte largement sur Romney, moins connu et handicape par le pilonnage des primaires républicaines qui l’ont présente tout a la fois comme un ploutocrate détache des préoccupations de ses concitoyens, enrichi par des investissements destructeurs d’emplois aux Etats Unis, un indécis carriériste et de surcroit le fidèle d’une religion que beaucoup d’Américains définissent plutôt comme une secte.
Toutefois les débats présidentiels ont quelque peu change la perception du public, Obama étant apparu pendant le premier comme excessivement détaché, et dans le second trop agressif..
L’évolution de la carte électorale aux Etats Unis issue de la Guerre de Sécession avec un Sud démocrate conservateur et un Nord plus « libéral », dans le sens américain de ce terme, a laisse progressivement la place a une polarisation des Etats entre les Rouges républicains et les Bleus démocrates.
Cette polarisation étant accentue par un glissement effectif des deux partis vers leurs extrêmes respectifs et donc un clivage idéologique qui n’existait pas historiquement dans la classe politique notamment au Congres
De fait, comme l’élection présidentielle est au scrutin indirect, avec le mécanisme des grands électeurs qui eux sont élus au suffrage universel direct mais emportent toutes les voix attribuées à chaque Etat, un vote républicain à New York est aussi inopérant qu’un vote démocrate a Houston Texas.
Et l’élection se joue de plus en plus sur le résultat de quelques Etats dits « Swing States », qui agrèges ne représentent pas plus de 20% au mieux du corps électoral, mais depuis déjà plusieurs consultations déterminent de fait le résultat final. Voir les multiples décomptes en 2000 pour finaliser le choix de la Floride et de ce fait l’élection de Georges W Bush face à Al Gore.
Ceci explique que passe les investitures, l’essentiel de la campagne et des messages publicitaires achetés à grand frais avec l’argent levé auprès des supporters fortunes, et accessoirement du public, soient quasi intégralement déployés dans l’Ohio, la Floride, la Virginie, l’Iowa, la Caroline du Nord pour mentionner les principaux.
L’essentiel de cette campagne, qui a commence il y a près de 2 ans s’est pendant de nombreux mois limite à la saga des primaires républicaines, les démocrates ne contestant pas la candidature de leur champion Président en fonction.
J’ai suivi de nombreux débats qui tous se résumaient a des exercices destines a trouver une solution alternative a :Mitt Romney, sachant que nombre de candidats potentiels ne souhaitaient pas entrer dans la compétition.
D’où une logomachie autodestructrice sur la personnalité de Romney, des attaques violentes mettant en cause la fermeté de ses convictions conservatrices sur des sujets sensibles tels le droit a l’avortement, et des tentatives de dénigrement de son bilan en tant que dirigeant fondateur de Bain capital, investisseur en « private equity », animateur des Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City, Utah, fief mormon, et enfin son mandat unique de Gouverneur du Massachusett, Etat du NE des Etats Unis qualifie de « libéral » car base historique de la famille Kennedy.
Lorsque Romney a finalement décroche le nombre de mandats nécessaires pour sécuriser son investiture, au printemps 2012 les démocrates n’avaient plus qu’a mettre en forme une campagne de decrédibilisation du concurrent républicain largement écrite au moment des débats des primaires républicaines.
Les républicains de leur cote pensaient qu’ils suffisaient pour l’emporter de compter sur les chiffres historiquement élevés du chômage, aucun Président sortant n’ayant été réélu avec des niveaux d’emploi aussi bas.
De fait et jusqu’au premier débat présidentiel, les stratèges de l’équipe Obama étaient confiant de sécuriser la réélection du Président sortant sans avoir articuler les thèmes majeurs de son prochain mandat.
Ou comme l’avait dit le Vice président Joe Biden sur le bilan simple du sauvetage de General Motors et de la liquidation d’Ossamah Ben laden.
Romney lui avait bien un agenda pour sa Présidence, en 5 points, mais ne le communiquait pas de manière effective : indépendance énergétique d’ici à 2020, développement du commerce international par accords bilatéraux avec les principaux partenaires, éducation plus décentralisée avec un système de « vouchers » pour donner plus de choix aux familles , réduction des déficits par élimination de la plupart des niches fiscales, et remise en cause de l’excès de règlementations bureaucratiques adoptées au cours des 4 dernières années.
Les axes d’une nouvelle Présidence Obama, tardivement communiques par le candidat incluaient notamment des recrutements d’enseignants – 100000 -, des investissements / subventions dans les énergies alternatives, une reforme de la politique d’immigration, et des hausses d’impôts frappant les contribuables disposant d’un revenu annuel supérieur à $ 250000.
Apres le retrait d’Iraq et celui annonce pour 2014 en Afghanistan, le redéploiement des dépenses militaires vers les investissements en infrastructure constituait l’essentiel des actions sur les finances publiques.
Si nous cherchons maintenant à définir au delà d’une communication parcellaire de la part des 2 concurrents sur ce que seraient leurs programmes pour les 4 ans a venir, je pense que le véritable clivage est celui du rôle dévolu à l’Etat Fédéral et notamment son intervention dans l’éducation, l’emploi, les dépenses d’assistance et de sante.
A cet égard, un des causes de l’aggravation du déficit fédéral – et son corollaire sur l’endettement public – a été le plan dit de stimulus dont les effets positifs sont juges au mieux limites – La dépense fédérale est montée en % a 27,3% du PNB en 2009 –
Romney et son colistier Paul Ryan veulent réduire le poids de la dépense publique fédérale dans le produit national brut a 20%, en retrait par rapport a la moyenne historique de 21%, et au niveau actuel de 23%, qu’Obama prétend maintenir avec un nouveau dérapage anticipe vers 24%.
Les véritables différences entre les deux visions de l’Amérique sur la prochaine décennie procèdent de ces prémisses.
Sans entrer dans un luxe de détails, gardons quelques ordres de grandeur en mémoire :
– Les dépenses fédérales sur l’exercice clos au 30/09 /2012 sont de l’ordre de $ 3600 milliards. Soit 23% du PNB.
A noter que le % est aggrave par l’effet cumule d’une contraction du PNB, du fait de la récession, et d’une hausse des dépenses par le stimulus, soit près de $ 500milliards en 2009, 2010, et 2011.
– Ou va cet argent par grandes masses ?
Medicaire – les plus de 65 ans – et Medicaid – les plus défavorisés – représentent $828milliards soit 5,4% du PNB.
Si on y ajoute la Sécurité Sociale correspondant ici aux retraites et les autres programmes d’assistance, on arrive a un total de « mandatory spending’, ou « entitlement » de $2,100 milliards soit 58% de la dépense fédérale.
La part dite discrétionnaire s’élève a $ 1200 milliards dont la défense et autres dépenses militaires représentent $ 670milliards.
Le service des intérêts de la dette en 2012 est monte a $ 200 milliards.
Si l’on se projette dans le futur – travaux effectues de manière non partisane par le Congressional Budget Office CBO -, la situation des finances publiques continuera a se détériorer compte tenu de l’allongement de la durée de vie
Dans 30 ans sans reforme sérieuse des systèmes sociaux, le ratio dépenses fédérales sur PNB atteindrait 40%.
D’où une augmentation du déficit.
La réponse de l’administration en place est l’aggravation de la pression fiscale, celle des républicains une reforme du code des impôts notamment en réduisant la charge supportée par les TPE et PME, soumises à la fiscalité des personnes physiques.
La partie moins crédible est la neutralité budgétaire car les experts affirment que les baisses d’impôts ne seront pas compensées en terme de recettes par l’abolition des niches.
Les républicains rétorquent que la baisse de la pression fiscale contribuera a une augmentation de la croissance avec un taux annualise de 4% qui comblerait le manque a recouvrer.
Mais en réalité, il s’agit bien aussi de remettre en cause certains systèmes de couvertures sante surtout pour les plus de 65 ans qui représentent une catégorie d’électeurs en majorité disposes a voter pour Romney.
D’où l’embarras du candidat républicain presse de détailler les niches qu’il propose de remettre en cause, ou les programmes qui seront reduits…
C’est bien le véritable enjeu de cette élection que les électeurs vont trancher sous peu.
Sans en avoir pleinement conscience.
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Auteur: Jean-Claude Gruffat
Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.
Bois
1 novembre 2012Bravo Jean-Claude,belle analyse,digne d’un éminent ex Président de l’AEDSEL.
Cordialement.
jean-claude
2 novembre 2012une voix du passe?
Ou es tu?
Sirius
1 novembre 2012Cher Monsieur,
Merci pour cette analyse, un pronostic personnel ?
jean-claude
2 novembre 2012Karl Rove predit 51/48 pour Romney vote populaire, et 279 suffrages du college des grands electeurs.
Je donne a ce scenario une probabilite 45/55.
Tout va dependre de la mobilisation pour Romney des Evangelistes dans les Swing States, et de la participation efffective des minorites, notamment hispaniques, tres favorables a Obama.
Sirius
6 novembre 2012merci