Vous l’avez appris ce matin à votre réveil en Europe, nous le savions depuis hier soir avant minuit à New York, ces élections ont essentiellement prorogé le partage du pouvoir qui existe ici depuis le mois de Novembre 2010, à savoir, Barack Obama à la Présidence, la Chambre des Représentants sous contrôle républicain, et le Sénat avec une majorité simple au parti démocrate.
Si la victoire du Président sortant est claire en terme de collège électoral, elle est modeste au niveau des suffrages populaires.
59.725.608 contre 57.098.650, soit 2.626.958, un peu plus de 2%.
Et Romney/Ryan ont fait bien mieux que McCain /Palin en 2008, notamment en ramenant aux Républicains des Etats perdus il y 4 ans tels que l’Indiana et la Caroline du Nord.
Toute la différence vient d’une participation accrue des minorités ethniques, notamment Africaine Américaine et Hispanique qui ont voté de manière encore plus importante qu’en 2008, et largement en faveur du Président sortant.
Ces suffrages ont fait la différence dans des Etats tels que la Virginie, le Nouveau Mexique, le Colorado et la Floride dont Romney Ryan avaient besoin pour sécuriser la majorité requise de 270 voix au collège électoral.
La mobilisation attendue des Evangélistes et autres Eglises chrétiennes qui souvent et notamment au Sud constituent l’ossature du parti républicain n’a pas contrebalancé suffisamment la participation accrue des démocrates.
On peut penser que l’affiliation religieuse de Mitt Romney à l’Eglise mormone explique cet enthousiasme bien tempéré.
Ceci combiné au caractère auto – destructeur des primaires républicaines explique le résultat.
Cette victoire est nette, mais elle pérennise un pays divisé, et une classe politique peu portée aux compromis.
En effet entrent au Senat des activistes progressistes tels Elizabeth Warren, qui gagne l’ancien siège de Ted Kennedy temporairement occupe par un républicain centriste, Scott Brown.
On peut attendre de sa part des tentatives pour intensifier le rôle de la régulation et supervision financière dans le sens d’une protection accrue des consommateurs.
Les Républicains à la Chambre ont le pouvoir de bloquer l’agenda du Président pour une aggravation de la pression fiscale sur les plus favorisés.
Durant la campagne, Obama parlait d’une diminution des dépenses cumulée avec des hausses de recettes dans un rapport de 2 et demi à un.
Si une absence totale d’action, entrainant une disparition totale des baisses d’impôts actées en 2002, et une diminution brutale des dépenses – le « fiscal cliff’ » sur le schéma arrêté à l ‘été 2011 – est peu vraisemblable, il est également difficile d’envisager d’ici à l’entrée en fonction du nouveau Congrés une négociation d’ensemble qui reformerait le code des impôts et engagerait un processus significatif de réduction des dépenses sociales.
Bref on s’orientera sans doute vers un compromis temporaire et boiteux que l’on qualifie ici de solution à l’Européenne…
Plus intéressant pour le futur me parait être la réflexion qui doit s’engager sur le bipartisme et le positionnement du parti républicain, dont l’électorat est dominé par les hommes « caucasiens » de plus de 40 ans. Catégorie dont le poids diminue à chaque élection ce qui à terme condamne le parti au niveau fédéral à un rôle d’opposition institutionnelle.
L’ouverture du parti sur les minorités ethniques notamment hispaniques et asiatiques me parait, et cette opinion est partagée par nombre de dirigeants du Republican National Committee –RNC – être une priorité absolue. Elle implique une révision des positions notamment sur l’immigration en conflit avec la paranoïa sécuritaire post 9/11.
Je sais que cette vue n’est pas celle de nombre de commentateurs européens qui demande au parti de revenir à ses origines, c’est-à-dire une coalition d’intérêts sans cohérence idéologique et de valeurs.Hier encore dans un interview auquel je participais également sur BFM business, « les décodeurs de l’économie » animée par Fabrice Lundy, Jacques Mistral affirmait que le parti républicain était « prisonnier du Tea Party », ce que je conteste.
En effet, les républicains sont bien plutôt une coalition d’intérêts et d’opinions divers, selon les régions du pays. Leurs valeurs communes sont bien plutôt le principe de subsidiarité de l’Etat qu’avait en son temps observe et analyse Alexis de Tocqueville. Dans la vie professionnelle, privée, religieuse et aussi associative .Ce qui est hélas bien étranger à notre philosophie politique dominante notamment en France. Ce courant en son temps représenté par Jack Kemp, est désormais incarne par Paul Ryan, que Romney qualifiait hier après sa défaite de son meilleur choix après celui de son épouse Ann.
J’ai eu l’occasion d’entendre Paul Ryan a deux reprises au cours de ces derniers mois, il fut notamment le « Key note speaker ».au diner annuel du Competitive Enterprise Institute a Washington en Juin 2012.
Réélu à la Chambre des Représentants dans son fief électoral du Wisconsin, il est clairement un des espoirs du Parti, sera l’interlocuteur des démocrates sur les questions d’arbitrage sur les déficits, et sans doute très vite un prétendant crédible à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2016.
Go wisconsin.
Auteur: Jean-Claude Gruffat
Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.
Jacques Peter
8 novembre 2012Ce serait en effet super que Paul Ryan prenne encore du poids et puisse concourir aux primaires de 2016. J’ai moi aussi eu l’occasion de l’entendre l’été dernier et j’étais sous le charme.