28 juin, 2012

Stocker et Transporter l’électricité « Vous ne l’emporterez pas avec vous ! »

Stocker et Transporter l’électricité

« Vous ne l’emporterez pas avec vous ! »[1]

Cet article a une visée purement pédagogique. Il est là pour expliquer :

  • les deux principaux problèmes actuels liés à la production d’électricité ;
  • le concept, en apparence très technique, de ce qu’est « le suivi de charge », ce qui devrait faire tomber un certain nombre d’idées reçues ;
  • les technologies de stockage de l’électricité ;
  • les enjeux économiques en question.

Première question de bon sens. Etant un disciple de Ricardo, j’ai appris depuis toujours que chaque pays devait se spécialiser dans ce qu’il savait faire (le Portugal dans le vin, le Royaume-Uni dans le tissu). En transposant la métaphore sur le terrain électrique et en sachant que le réseau électrique est totalement interconnecté sur le continent européen, pourquoi diable ne pas faire une Europe de l’énergie intelligente et totalement verte ?

Certes, il faudrait pour cela couvrir le Danemark, les Pays-Bas et le nord de l’Allemagne d’éoliennes sur terre, la Manche, la Mer du Nord et la Baltique d’éolien en mer… et le Portugal, la Grèce et le sud de l’Italie et de l’Espagne de panneaux solaires. On aurait ainsi le meilleur de tous les mondes, avec la plus grande efficacité énergétique possible… En plus, cela aurait la vertu économique de compenser certains déséquilibres de compétitivité et de balance des capitaux, en transformant les pays du Sud en exportateurs nets.

Puisque cela n’est pas fait et que nul ne le propose, soit les politiques européens sont incompétents, soit il y a un petit problème technique dans l’idée exposée ci-dessus (les deux n’étant pas mutuellement exclusifs, d’ailleurs). En fait, pour que cette (fausse) bonne idée fonctionne, il faudrait que les trois assertions suivantes soient simultanément vraies :

  • Affirmation n°1 : « le solaire et l’éolien sont des sources d’énergie rentables » (ce ne sera pas mon propos ici) ;
  • Affirmation n°2 : « il est possible de transporter l’électricité produite du lieu de production au lieu de consommation sans déperdition déraisonnable ». Transporter l’électricité sera bien une nécessité, puisque la plupart des grands bassins industriels et de population (Rhénanie, vallée du Rhône, Milanais) se trouvent éloignés des lieux de production (sud de l’Europe en Andalousie, en Grèce ou en Sicile, ou bords de la Manche ou de la Mer du Nord) et qu’il faudrait donc, dans le scénario mentionné plus haut, acheminer l’électricité sur des distances avoisinant le millier de kilomètres ;
  • Affirmation n°3 : « il est possible de stocker l’électricité produite de manière intermittente, pour la restituer en continu, sans déperdition déraisonnable ». Pourquoi ? Parce que sous nos latitudes, les pics annuels d’électricité surviennent généralement en hiver, vers 20 heures. Or, à 20h en hiver, les panneaux solaires ne produisent plus rien et qui plus est, on est généralement sous un anticyclone, donc avec un vent très faible voire nul. Conclusion, si l’on veut se fonder sur une énergie verte uniquement, il vaut mieux être capable de stocker l’électricité produite, sous une forme ou sous une autre, pour la remettre dans le réseau au moment où les consommateurs en ont besoin.

Apparaît donc la notion de « déperdition déraisonnable ». Chacun comprend bien que s’il faut produire 102 MWh à Perpignan pour que Lille puisse consommer 100 MWh, c’est raisonnable. Si, au contraire, il faut produire 150 à Perpignan pour avoir 100 à Lille, cela a beaucoup moins de sens. Le même raisonnement s’applique avec les rendements du stockage (s’il faut stocker 2 MWh d’énergie pour restituer 1 MWh au final, cela va occasionner des coûts disproportionnés).

  1. 1.      L’art de toujours se trouver au mauvais endroit au mauvais moment

Commençons par les déperditions liées au transport et, d’abord, par quelques définitions et quelques règles :

  • Définitions (pour plus d’infos, voir http://www.rte-france.com/uploads/media/pdf_zip/nos-activit-s/chemins_electricite_vf.pdf) :
    • On appelle « réseau de transport d’électricité » le réseau comprenant les lignes THT (très haute tension = 400 kV ou 225 kV par exemple) et les lignes HT (haute tension, autour de 50 kV).
    • On appelle « réseau de distribution d’électricité » le réseau comprenant les lignes MT (moyenne tension, entre 500 V et 20 kV) et BT (basse tension, 380 V qui alimente les maisons ou 220V que l’on retrouve dans les prises).
    • Pour filer la métaphore routière, l’électricité, produite dans quelques centrales de production, emprunte d’abord des autoroutes (lignes THT), puis des routes nationales (HT), avant de parcourir des départementales (MT) qui alimentent le village et des (BT) qui suivent les chemins vicinaux pour alimenter chaque maison.
    • A chaque changement de type de ligne, on a un transformateur qui élève (rare) ou abaisse le niveau de tension. Les « nœuds » du réseau sont les transformateurs HT/MT, situés à l’interface entre les réseaux de transport et les réseaux de distribution d’électricité. Chaque Français vit en moyenne à 10 km d’un de ces nœuds.

Cf. le schéma suivant :

 

  • Règles : le gestionnaire de réseau de transport doit à tout instant :
    • s’assurer qu’il y a à tout moment et sur la totalité du réseau égalité entre production et consommation (avec une erreur de 1% au maximum, la tension jouant le rôle de variable d’ajustement) : c’est la contrainte « macro ». Si le déséquilibre est trop grand (quel que soit le sens, d’ailleurs), c’est la rupture du réseau et un risque de black-out généralisé.
    • s’assurer qu’en tout point du réseau, la puissance produite arrive chez les clients consommateurs sans dépasser la capacité des ouvrages du réseau (lignes et transformateurs) ; c’est la contrainte « micro ».
  • Contraintes physiques :
    • plus la tension de la ligne est grande, plus les pertes sont faibles (quand la tension double, les pertes sont divisées par quatre) ; ce qui veut dire qu’on perd autant d’électricité en empruntant une ligne THT sur 100 km qu’en empruntant une ligne BT sur 75 mètres !
    • plus l’intensité circulant sur la ligne est importante, plus les pertes sont importantes (au carré, là encore : intensité double, pertes multipliées par quatre) : les exploitants des réseaux ont tendance à ne « charger » leurs lignes qu’à moitié de leur capacité nominale, pour diminuer les pertes ; toutefois, cela leur est impossible lors des périodes de grandes consommation, où les lignes sont alors chargées au maximum ;
    • chaque transformateur fait perdre en moyenne 1% de l’électricité ;
    • sur une ligne THT en période de pointe, on perd en moyenne 1% de l’électricité transportée tous les 50 kms.

On peut en tirer plusieurs leçons :

  1. A.    Sur le transport

a)      les déperditions sont réelles dès que l’on est sur des distances importantes : imaginons que vous vous trouviez à 200 kms d’une centrale nucléaire, par exemple :

  1. Quatre transformateurs jusqu’à votre maison (400 kV à 225 kV ; 225 à 50kV ; 50 kV à 15 kV et 15 kV à 380V), cela donne de l’ordre de 4% de pertes ;
  2. 150 km avec une THT, puis 40 km avec une HT, puis les dix derniers kilomètres avec une MT et 100 mètres avec une BT, cela donne de l’ordre de 6% de pertes.
  3. soit pas loin de 10% de pertes au total !

b)     la seule manière de les limiter serait de construire beaucoup plus de lignes THT (hautement populaires !!!). Le site www.leseoliennes.be a à ce sujet fait le calcul : pour profiter d’une vraie interconnexion entre les éoliennes de mer du Nord et les panneaux solaires de Méditerranée, il faudrait, suivant un calcul de coin de table, « quelque 36 000 km de lignes très haute tension supplémentaires en Europe, ce qui, avec un pylône tous les 250 mètres, donne 144 000 pylônes… Trois fois plus que de mâts d’éoliennes dans un projet de 100 GW éolien produit par 50 000 éoliennes de 2 MW en Europe et en Mer du Nord… » Le rêve…

c)     mais le problème s’accroît encore dès lors que l’on imagine une production décentralisée, c’est-à-dire où chaque maison, chaque immeuble, doté de ses panneaux solaires propres ou de sa petite éolienne, peut devenir un producteur de courant, relié au réseau. Reprenez le schéma plus haut et imaginez qu’à l’endroit où la ligne moyenne tension se connecte au clocher de l’église, au premier plan, il y ait en fait quelques producteurs indépendants injectant des MWh sur le réseau. Dans le cas, fréquent, où la puissance produite est trop importante pour la production strictement locale, il faut alors remonter le courant en tension pour lui faire emprunter une ligne haute tension et aller alimenter le bassin de population voisin. Toutes les pertes sont alors doublées !

 

  1. B.    Sur le réseau décentralisé

Pire, que se passe-t-il si toute une zone décide de devenir producteur d’énergie ? L’actuel président des conseils de surveillance de RTE (réseau de transport d’électricité) et d’ERDF (distribution d’électricité) André MERLIN, donne une partie de la réponse :

« A la différence des raccordements d’autres moyens de production, ce sont les gestionnaires de réseaux de distribution [NDR : et non de transport ! Ces réseaux de distribution sont généralement gérés par une régie appartenant à une collectivité locale] qui sont en premier lieu concernés. On pourrait imaginer que ces nouvelles installations vont compenser la consommation locale et ainsi réduire les transits sur les lignes du réseau de transport. Mais en fait les niveaux de puissance à installer font que la production sur les réseaux de distribution devient très vite excédentaire et doit emprunter le réseau de transport. Le gestionnaire du réseau de transport est donc lui aussi directement impacté.

La question posée au gestionnaire de réseau de transport est de savoir si la capacité de son réseau est suffisante pour accueillir tous les projets qui vont se présenter, sachant qu’il ignore quelle proportion de projets se réalisera vraiment. »

Et si la capacité « locale » du réseau est trop faible pour absorber la production totale du voisinage – on en arrive sur notre contrainte « micro » de tout à l’heure, soit c’est la totalité du réseau qui tombe, résultant dans une coupure de courant pour toute la zone, soit le gestionnaire du réseau débranche de lui-même certains producteurs. Cf. l’article[2] qu’un lecteur m’avait envoyé suite à mon post précédent, où un couple de Belges équipé de panneaux photovoltaïques avait eu la désagréable surprise de constater que le gestionnaire de réseau les débranchait régulièrement, pour éviter de saturer ledit réseau.

Seule solution, reconstruire un deuxième réseau à côté du premier… avec des coûts induits absolument gigantesques !

 

 

  1. C.    Sur l’équilibre du réseau

Revenons à notre contrainte « macro » de tout à l’heure : équilibrer à tout moment production et consommation implique de pouvoir prédire précisément l’une et l’autre.

Prédire la consommation est relativement simple (cf. graphe ci-dessous) : en pratique, elle dépend de nombreux facteurs, dont trois en particulier :

  • l’activité humaine qui varie fortement en fonction du jour de l’année, du jour de la semaine et de l’heure de la journée
  • de la température, ainsi une variation de ± 1°C en hiver se traduit par une variation de puissance nécessaire de 2100 MW (mais seulement de 450 MW en été),
  • de la nébulosité ; celle-ci variant de 0 à 8 (octa), du ciel pur (0) à un ciel très couvert (8), avec une augmentation de 250 MW par octa…

Prédire la production est, de manière générale, difficile, du fait des aléas affectant les éléments du réseau ou les centrales de production, les niveaux de consommation, et par l’exigence de maîtrise de la sûreté du fonctionnement du système électrique – maintien de la tension, de la fréquence et de la stabilité des unités de production. Se rajoute à cela l’entretien du réseau qui se traduit régulièrement par la mise hors tension de certains de ses éléments.

 

Courbe de production et de consommation en un mois dans le sud du Danemark.

Mais ici, prédire la production dans le cadre de moyens intermittents comme l’éolien, voilà qui est presque impossible. On voit sur le graphe ci-dessus que la production peut passer de 0 à 95% du besoin en quelques heures seulement.

Aujourd’hui, les Allemands – qui sont beaucoup plus avancés que nous sur ce sujet – font encore en moyenne des erreurs de 15% sur leurs prévisions de production éolienne à 24 heures, avec certains jours des erreurs allant jusqu’à 50%.

Ceci nous amène donc à la manière dont un réseau est constitué :

  • la production de « base », qui correspond en gros au niveau minimal de la consommation annuelle – et pour laquelle on met en place des moyens de production en fonctionnement permanent et de puissance constante : en France, c’est le parc nucléaire français qui est consacré, pour la majeure partie, à la production de base ;
  • la production de « semi-base » ou « suivi de charge » qui permet de faire face aux variations prévisibles de consommation (toujours en gros, la production de semi-base permet de suivre toutes les oscillations de la consommation, sauf les pics imprévus) ; en France, cette fonction est remplie par le reste des réacteurs nucléaires (même si les réacteurs nucléaires sont peu indiqués pour faire du suivi de charge), des centrales hydrauliques et des centrales thermiques au charbon,
  • enfin la production de pointe qui doit faire face très rapidement à des hausses importantes et relativement imprévisibles. Pour cela on utilise des moyens de production pouvant être mis en service instantanément, tels que des turbines à gaz. Dans les cas extrêmes[3], on importe de l’électricité, principalement d’Allemagne qui possède un très grand parc de production thermique, charbon et lignite.

La France est donc aujourd’hui très largement indépendante en moyens de production de base grâce aux centrales nucléaires ; elle dispose de suffisamment d’installations en semi-base (même si les capacités en énergie hydraulique sont quasiment totalement utilisées) mais dispose de trop peu de moyens de production de pointe : centrales thermiques classiques de nouvelle génération (à cycle ultra-supercritique, à « lit fluidisé circulant ») et des centrales à cycle combiné.

Ce que le lecteur doit parfaitement comprendre, c’est que l’éolien ou le solaire sont totalement exclus pour faire du suivi de charge puisque, par définition, on est incapable de savoir s’ils vont produire du courant à un moment déterminé, ni à combien se montera leur production. Par conséquent, on est obligé de les traiter comme une production de base lorsqu’ils produisent – production qu’il faut compenser par des capacités de pointe lorsqu’ils s’arrêtent ! Mécaniquement donc, plus le réseau accepte de capacités intermittentes, plus le besoin en capacité de base (nucléaire en France) diminue et plus le besoin en capacités thermiques d’appoint augmente (avec le double inconvénient d’être souvent importées et massivement source de CO2).

Les écologistes ont donc parfaitement raison lorsqu’ils affirment que le nucléaire est incompatible avec le solaire ou l’éolien. Ce qu’ils omettent de dire, c’est que la seule chose qui soit réellement compatible avec ces deux sources d’énergie, c’est le charbon ou le gaz ! Car comme la quasi-totalité de notre potentiel hydro-électrique est déjà utilisé, il n’y aura aucune autre possibilité…

Pour être parfaitement clair avec le lecteur, ceci veut dire qu’avec des objectifs (chimériques) de production éolienne/solaire à 50% de notre production nationale, il faudrait avoir non seulement des capacités thermiques (15-20% de notre production) comme aujourd’hui pour faire du suivi de charge, mais en plus construire en thermique l’exact équivalent de ladite capacité renouvelable (donc 50% en plus) pour pallier les périodes sans production. Une catastrophe tant financière qu’environnementale !

  1. 2.     Les technologies de stockage de l’énergie et leur rendement

Seule manière de contourner ces problèmes, disposer d’une capacité de stockage présentant les caractéristiques essentielles suivantes :

  • un coût faible ;
  • un rendement proche de 1 (c’est-à-dire que l’on peut récupérer la majeure partie de l’énergie mise dans le stockage) ;
  • une grande rapidité de mobilisation : la manière la plus simple de stocker de l’énergie reste encore de disposer de barils de pétrole que l’on brûlera dans le futur. Mais cette solution ne permet absolument pas de pallier une rupture de charge instantanée sur le réseau ;
  • une grande capacité de stockage ;
  • une certaine stabilité dans le temps : certains accumulateurs ont de bons rendements et de faibles coûts, mais ont des durées de vie insuffisantes de l’ordre de la centaine de cycles charge-décharge. En imaginant deux cycles de charge-décharge par jour, il faut des durées de vie de l’ordre de la dizaine de milliers de cycles pour que le coût d’exploitation soit raisonnable.

Si l’on exclut, pour les raisons de faible rapidité de mobilisation, le stockage sous forme de matière première – type barils de pétrole, barres d’uranium, … –, l’immense majorité des moyens de stockage consiste en fait à stocker de l’énergie, qui sera ensuite restituée et consacrée à produire de nouveau de l’électricité. Or il n’y a guère que 4 types d’énergie différents que l’on peut mobiliser :

a)      l’énergie mécanique

b)     l’énergie chimique

c)     l’énergie thermique

d)     l’énergie électromagnétique

Commençons par l’énergie mécanique :

  • potentielle – gravité : plus une masse est placée en altitude, plus son énergie devient importante (proportionnelle à la masse et à la hauteur atteinte). Le concept est donc, pendant les périodes où la production est supérieure à la consommation, de pomper des grandes masses d’eau pour les remettre dans des bassins situés en altitude, et lorsque la production devient inférieure à la consommation, de restituer cette énergie sous forme d’électricité hydraulique. Le rendement d’un tel stockage varie entre 65% et 75%. Il est possible de stocker jusqu’à quelques centaines de GWh sur  une durée indéterminée. Les puissances peuvent atteindre l’ordre du GWh avec une durée de démarrage comprise entre 10 et 15 minutes. Le principal avantage de cette technologie est la possibilité de stocker de grandes quantités d’énergie avec un coût relativement faible vis-à-vis d’autres technologies. Toutefois, l’inconvénient est de pouvoir trouver un site géographique adapté pour son implantation.
  • potentielle sous forme de gaz comprimé : Le principe de cette technologie est de convertir l’énergie électrique en air comprimé que l’on stocke. Le stockage se fait soit dans des cavernes souterraines soit dans des réservoirs en surface pour de petites installations. Pour restituer l’électricité, l’air comprimé est dirigé vers une machine semblable à une turbine à gaz. Il est réchauffé dans une chambre de combustion grâce à un appoint de gaz naturel puis détendu dans la turbine. Le rendement est autour de 50%, puisque pour chaque kWh électrique restitué, il aura fallu stocker 0,75 kWh électrique et brûler 1,22 kWh de gaz naturel durant le déstockage. Le temps de réponse est de 10 minutes.
  • cinétique : un volant d’inertie est constitué d’une masse sous forme d’anneau ou de tube en fibre de carbone entraînée par un moteur électrique. L’apport d’énergie électrique permet de faire tourner la masse à des vitesses très élevées (>8000 tr/min) en quelques minutes. Sans apport de courant la masse continue de tourner. L’énergie est restituée instantanément en utilisant le moteur comme génératrice électrique. Le rendement du système est optimisé par les roulements magnétiques et le confinement sous vide. Si le rendement est élevé (80% de l’énergie absorbée pourra être restituée) et le temps de réponse très court (de l’ordre de la milliseconde ce qui permet de faire de la régulation de fréquence d’un réseau), la technologie est aujourd’hui fortement limitée par la durée de stockage (15 minutes maximum) et par la quantité d’énergie maximale.

Le stockage sous forme d’énergie électrochimique consiste à utiliser de l’électricité pour forcer une réaction chimique réversible ; lors de la réaction inverse, sera produite soit directement de l’électricité (principe des piles), soit de l’énergie :

  • production d’hydrogène : l’électrolyse de l’eau permet de produire de l’hydrogène. Ce gaz peut ensuite être stocké soit sous forme liquide, comprimé ou encore solide par la formation de composés chimiques généralement des hydrures métalliques. Il peut ensuite soit être directement réutilisé (pour propulser des véhicules par exemple), soit être reconverti en électricité via une pile à combustible. Cette technologie est prometteuse puisque l’hydrogène a une densité énergétique très élevée et permettrait ainsi de stocker d’importantes quantités d’énergie. Mais la technologie a plusieurs graves inconvénients à ce stade : un rendement autour de 30% seulement, un prix très élevé et une faible durée de vie des générateurs électrochimiques !
  • accumulateurs (nommés communément batteries) : les technologies sont nombreuses (Plomb-acide, Nickel-Cadmium, Nickel-Métal Hydrures, Lithium-ion, Sodium Soufre,…). Ils sont souvent employés à petite échelle sur des sites isolés ou pour des applications mobiles, et peuvent servir pour du stockage à grande échelle assurant la sécurité électrique d’un réseau entier. On peut relever notamment :
    • les accumulateurs au plomb (technologie mature, durée de vie allant entre 5 à 15 ans, rendement de 70%, mais faible nombre de cycles charge-décharge) ;
    • les accumulateurs au nickel (70% également de rendement, grande sûreté, mais toxicité liée au cadmium) ;
    • les accumulateurs au lithium (même chose, mais coûts importants et réserves en lithium limitées) ;
    • les accumulateurs au soufre (sodium-soufre, brome-soufre, …) : rendements entre 60 et 85%, forte capacité de stockage, durée de vie moyenne, mais forte auto-décharge dans le temps.

Le stockage sous forme d’énergie thermique : l’électricité est converti en chaleur dans des résistances électriques. La chaleur produite est stockée dans un réservoir constitué de réfractaires. On peut soit récupérer directement la chaleur (chauffe-eau, géothermie, …), soit la transformer en électricité par le biais d’une turbine à gaz. Ce dispositif est devenu possible grâce au développement des turbines à gaz à haute température (supérieur à 1400°C) autorisant un rendement de conversion de la chaleur en électricité de l’ordre 60% dans les cycles combinés. L’isolation thermique est bien maîtrisée et l’est d’autant mieux que le stockage est de grande taille.

Enfin, le stockage sous forme de stockage de puissance dans des supercondensateurs, qui permettent de stocker des puissances importantes sous forme électrostatiques et de les décharger avec un rendement supérieur à 90% en moins d’une seconde. Ces technologies sont très intéressantes pour certains types d’applications bien déterminées (notamment dans le transport terrestre) mais ne sont pas intéressantes pour la production d’électricité sur la durée.

  1. 3.     Quelques enjeux

Comme on le voit par ce rapide tour d’horizon, aucune technologie ne s’impose aujourd’hui vraiment et les rendements des installations industrielles restent limités à 75%, ce qui reste beaucoup trop faible. Imaginons en effet qu’il faille stocker 50% de tout ce qui est consommé pour assurer une consommation ultérieure. Pour une consommation virtuelle de 100 kWh, si on considère une perte de 25% lors du stockage, cela veut dire qu’il ne faut pas produire 105 kWh (ce qui tient compte des pertes de transport), mais plutôt 123 kWh[4]. Ceci nous imposerait, toutes choses étant égales par ailleurs, à installer 20% de capacité de production en plus (équivalent de 11 réacteurs nucléaires actuels…). Déraisonnable, non ?

Néanmoins, les recherches dans ce domaine sont légion et concernent tous types de problèmes – les matériaux des accumulateurs, pour trouver des électrodes toujours moins chères et de durée de vie toujours plus longue, le rendement des piles à combustible, la combinaison de technologies à énergie thermique et mécanique (coupler un stockage thermique par exemple avec un stockage sous forme d’air comprimé, afin de limiter l’appoint en gaz lors du réchauffage de l’air comprimé).

Plusieurs annonces ont d’ailleurs fait récemment les gros titres : le CEA et Alstom viennent d’annoncer un partenariat pour des recherches industrielles sur les technologies de stockage de l’énergie, le MIT travaille depuis quelques années – et un groupe d’étudiants et leur professeur ont fondé une entreprise pour creuser les résultats de leurs recherches – sur un accumulateur magnésium-antimoine, qui aurait un coût de fabrication beaucoup plus faible que toutes les batteries existantes, …

Il faut bien comprendre les enjeux financiers de telles recherches.

Juste un rapide calcul de coin de table : admettons que dans le futur :

  • 20% de notre électricité consommée chaque année soit produite par des sources d’énergie intermittente (ce qui revient à dire 100 TWh par an pour la France)
  • pour atténuer l’impact sur l’environnement – ce qui revient à diminuer l’usage de capacités d’appoint – on stocke la moitié de cette production pour la consommer quelques heures plus tard.

On a donc à restituer 50 TWh d’électricité à partir du stockage. Une augmentation de 5% seulement du rendement de la technologie de stockage, de 75 à 80% par exemple, permettrait donc d’économiser 4,6 TWh par an. Soit la production d’un réacteur nucléaire pendant six mois, ou 552 M€ par an au prix facturé au client EDF (en France uniquement).

Même type de résultat pour les technologies de câbles de transport d’électricité : aujourd’hui, 10% de notre électricité part « aux oiseaux »[5], soit de l’ordre de 50 TWh par an (ou la production de 5 réacteurs EDF…). Si Nexans trouve des câbles qui permettent de diminuer, ne serait-ce que de 10% ces pertes, on est à nouveau sur des montants de l’ordre du demi-milliard d’euros annuels. C’est juste colossal.

Voilà qui pour moi a un impact véritable pour la planète (tant en termes environnementaux qu’économiques) et qui mérite que l’on y consacre un peu plus de temps qu’aux fadaises écologistes habituelles.


[1] Je continue avec mes sous-titres inspirés de grands classiques cinématographiques. Ici, Frank Capra, 1938.

[3] En moyenne, la France exporte 360 jours par an et importe cinq jours seulement !

[4] On consomme directement 52,5 et on stocke 70, dont on récupère les ¾, soit 52,5 è 105

[5] L’équivalent de la part des anges pour le vin…

Auteur: Romain Metivet

Romain Metivet est économiste et dirigeant d'une entreprise dans les nanotechnologies.

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