Apres le passage en force sur le mariage pour tous, clivant et conduisant à une radicalisation de la vie politique et des débordements de rue – sur lequel j’avoue avoir eu de la peine à me forger une opinion définitive – le gouvernement sous l’impulsion du Président de la République, a décidé de limiter, au prétexte de conflits d’intérêts, l’exercice de certaines professions par les membres des Assemblées Parlementaires. Là je retrouve plusieurs décennies après sa rédaction, le sujet de ma thèse de doctorat en droit public, « les incompatibilités parlementaires en droit positif français, », Lyon, 1972…
Au-delà d’une réflexion sur la genèse de cette législation, deux types de problèmes essentiels au bon fonctionnement de nos institutions démocratiques sont à débattre : voulons nous une représentation nationale de professionnels de la politique, ou de fonctionnaires ? Y-a-t ’il des professions dont l’exercice est manifestement en conflit structurel d’intérêt avec l’exercice d’un mandat parlementaire ?
Sur le premier thème, nous souffrons déjà d’une sur représentation de la fonction publique dans les deux assemblées, il est en effet difficile voire impossible de combiner les emplois du temps d’un salarie du secteur privé, et l’exercice d’un mandat national. Il n’existe en outre aucun statut de détachement qui garantirait le retour à l’emploi abandonne.Ce qui écarte de facto les salaries du prive d’une fonction élective nationale.
Bien sur les professions libérales, avocats, médecins, architectes, consultants, peuvent gérer leur emploi du temps de manière plus flexible et de ce fait, ces catégories sont raisonnablement représentées au Parlement.
C’est beaucoup moins vrai pour les gérants/dirigeants de PME, même si certains se font régulièrement élire et jonglent avec des agendas compliques, combinant éloignement géographique et gestion du temps partage. Pour avoir notamment discuter sa situation de vive voix avec un élu de Haute Savoie, dirigeant d’une petite entreprise, il faut faire preuve d’abnégation et de sacrifice- pendant le cumul des deux activités – dans sa vie privée, pour faire entendre dans l’hémicycle la voix d’un chef d’entreprise et de ses enjeux quotidiens, toutes choses dont des fonctionnaires, même hauts, ou des politiques, n’ont pas la moindre idée.
Une autre profession généralement bien représentée est celle d’agriculteur, plus souvent il est vrai d’exploitations de taille importante.
Le reste est composé de professionnels de la politique, qui émergent souvent de la filière taillable et corvéable des attaches parlementaires.
Mais dans ce cas on peut parler d’une gestation en vase très clos.
Bref toute réforme susceptible de réduire encore la liste des professions qui de fait ou de droit sont compatibles avec l’exercice de mandats électifs nationaux ne pourra que contribuer – avec l’absence de « term limits » – a une professionnalisation de la fonction, a une quasi exclusivité de son exercice par des fonctionnaires en détachement /disponibilité, et enfin à la pérennisation d’une pensée unique de nos dirigeants, formes quelles que soient leurs étiquettes politiques, dans les bonnes écoles de la République, avec les résultats que nous observons quotidiennement avec tristesse et souvent colère.
Si nous abordons ensuite le deuxième, celui des conflits d’intérêt, dont se préoccupe notre Président, rappelons que certaines des lois d’incompatibilités adoptées sous la Troisième République étaient censées prévenir le retour de scandales qui avaient vu des parlementaires utiliser leur titre pour cautionner des appels publics à l ‘épargne, obligations finançant des opérations douteuses voire tout simplement frauduleuses.
Elles pourraient à l’avenir viser la profession d’avocat – avec pour cible l’avocat d’affaires, et non pas le défenseur de la veuve et de l’orphelin -, le risque étant ni plus ni moins le trafic d’influence, comme j’ai personnellement pu l’observer dans des situations concrètes auxquelles j’ai été historiquement confronte.
Faut-il interdire l’accès au parlement pour éviter les pratiques condamnables d’une petite minorité ? Je ne le pense pas, et je considère qu’il appartient aux procédures et juridictions disciplinaires du Barreau de sanctionner sévèrement les dérives.
Le texte couvrirait la profession de journaliste, j’avoue ne pas être en faveur de cette disposition, dont la logique m’échappe mais il est vrai que je ne suis pas socialiste en France..Quid du cumul des mandats électifs sur lequel le Président, face à la levée de boucliers de certains potentats régionaux de son parti, tergiverse ?Plus l’absentéisme de fin et début de semaine, le parlementaire étant en séance ou commission du mardi au jeudi.Je serai pour ma part tente d’accepter un mandat local et un seul.
Mais je rétablirai la règle hélas abandonnée selon laquelle un membre du gouvernement démissionnaire ou remercie, doit se soumettre à une partielle pour récupérer son siège.Bref encore une fois nous allons manquer l’opportunité d’une réforme qui devrait commencer par une simplification de la carte administrative du pays, ce qui permettrait de réduire à due concurrence les effectifs de la fonction publique régionale et locale.Et limiterait les opportunités de cumul de mandats nationaux et locaux.
Ensuite des « term limits » de deux mandats consécutifs limiteraient la professionnalisation des élus, certains quasiment à vie, et limiteraient cette unicité de pensée entre la dite haute fonction publique, les Assemblées, le gouvernement, et les dirigeants du secteur public et nationalise dont notre société souffre depuis des décennies, sous la droite comme sous la gauche.
Dans l’urgence pour faire face au scandale Cahuzac, là encore cette équipe gouvernementale fait la preuve non pas de son idéologie, mais tout simplement de son incompétence.
Auteur: Jean-Claude Gruffat
Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.
nicolas2
11 mai 2013Observateur attentif de la politique et vivant à Paris je crois pouvoir dire que le projet présidentiel est suscité en particulier par le pont qui a été établi entre la profession d’avocat et la fonction parlementaire.
L’exemple type est la situation honteuse à mes yeux de jf cope qui cumule de nombreux mandats et rentabilise son carnet d’adresses avec un grand cabinet parisien car bien entendu, ni ses compétences juridiques ni son temps disponible ne lui permettent de faire autre chose que du go between.
Un exemple plus récent est la cas Gueant qui illustre clairement le besoin d’imposer un minimum de déontologie au personnel politique.
jean claude gruffat
18 mai 2013Cher interlocuteur,
Est ce suffisant pour interdire la representation parlementaire a toute une profession?
Non selon moi mais le barreau doit reglementer et sanctionner les pratiques que vous stigmatisez a juste titre.
Pierre
4 mai 2013Bien sûr, le trafic d’influence existe au parlement mais l’essentiel de la concussion passe par les responsables territoriaux qui manipulent de l’argent public. Nous avons par exemple depuis très longtemps une loi du littoral qui limite son accès et qui est notoirement inefficace. Personne n’ira jamais regarder les patrimoines de ceux qui ont signé les dérogations à la loi.
Quand nous n’aurons plus au parlement que des apparatchiks et des fonctionnaires, les forces vitales du pays seront enfin libérées pour nous conduire à la justice républicaine et au bonheur citoyen!
Gerald Muller
3 mai 2013Il est clair que la quasi exclusion de la « représentation nationale » de ceux qui créent des richesses est un drame, auquel s’ajoute celui de la professionalisation du métier de polticien qui ,ne devrait justement jamais être un métier.
Nous avons atteint et largement dépassé les limites dont parlaient déjà Aristote et Platon sur les débordements de la démocratie, qui, pour Aristote était la forme « pourrie » de la république, comme la tyrannie était celle de la monarchie et l’oligarchie celle de l’aristocratie.
Démagogie, conflits d’intérêt plus ou moins ouverts, ignorance du monde de l’entreprise sont notre lot quotidien. Franchement, je ne vois guère comment réformer un système que je qualifierais aussi, comme Aristote, de pourri.
ccomp
3 mai 2013En Suisse, le problème ne se pose pas. On se demande bien pourquoi !
iclair
3 mai 2013Cher Mr. Gruffat,
Mon commentaire est hors sujet and I apologize. Francais vivant depuis 40 ans dans la zone Americaine et dote d’un IQ que je crois respectable et un professionel de la finance, j’ai eu du mal a comprendre votre papier qui est pourtant je suis sur tres intelligent et bien pense.Serait-il possible que l’American English est un meilleur medium que le Francais pour communiquer des idees?
Bien a vous
idlibertes
3 mai 2013Doit-on y lire une petite ironie? Jaloux va
jcgruffat
5 mai 2013Psychoanalyst sometimes?
jcgruffat
5 mai 2013Dear Iclair,
My only purpose is to express concern in front of professionalisation of representative democracy for the exclusive benefit of civil servants and apparatchiks.
Under the fallacious pretext of eliminating conflicts of interest.