21 septembre, 2025

Faut-il appliquer le portefeuille Turc à la France ?

Curieuse question doit se dire le lecteur.

Pour y répondre, je vais commencer par rappeler ce qu’est, pour moi, un portefeuille « Turc ».

Revenons à la base de tous mes raisonnements.

Dans chaque pays, si je ne veux utiliser que des actifs domestiques, je peux investir dans quatre actifs et seulement quatre : les actions, l’or les obligations et le cash en monnaie nationale.

Comme je l’ai souvent expliqué, les deux premiers actifs, les actions et l’or ont une valeur intrinsèque indépendante de la monnaie dans laquelle je mesure cette valeur.

En revanche, le cash et les obligations de l’Etat ne sont que des contrats et ne valent pas tripette si la monnaie ne vaut plus grand-chose. Et donc, si le gouvernement suit une politique qui vise à faire baisser structurellement la valeur de la monnaie du pays, alors je ne dois avoir dans mon portefeuille que de l’or et des actions (50/50) et rien d’autre.

C’est ce que j’appelle un portefeuille Turc, car c’est ce qui a marché en Turquie quand Erdogan s’attacha à détruire la monnaie locale, avec beaucoup de succès.

Que le lecteur veuille bien considérer le graphique suivant.

 

En pouvoir d’achat, celui qui a acheté des bons du trésor turcs à 3 mois a perdu 75 %, celui qui détenait des obligations longues émises par le trésor turc a perdu 96 % (!)… et celui qui a acheté des actions a vu son portefeuille monter de 19 % en termes réels.

C’est là où l’on voit la différence entre détenir un contrat et avoir la pleine propriété …

Voici maintenant la performance du portefeuille Turc pour la Turquie.

Je rappelle que le portefeuille turc de base est constitué de 50 % en actions turques et 50 % en or.

 

 

 

La monnaie est passée de 5 lires turques par dollar à 41 lires turques par dollar, l’indice des prix a été multiplié par 11, mais le portefeuille Turc a lui été multiplié par 19, l’or montant de 100 à 2200 tandis que l’indice des actions grimpait de près de 13 fois.

Et donc le portefeuille turc a parfaitement protégé l’épargne des Turcs qui se sont investis dans ce portefeuille.

Mais il faut bien comprendre une chose : ce portefeuille n’a qu’un but : sortir l’épargnant local de la machine à spolier qu’est devenue la monnaie de son pays.

Et, bien entendu, pour arriver à ce résultat, il ne faut avoir dans son portefeuille aucune obligation, aucun placement à terme, aucun dépôt, mais juste de l’or et des actions…

Ce qui m’amène à la raison pour laquelle j’écris le papier de cette semaine.

Les politiques budgétaires et monétaires suivies par notre pays amèneront un jour ou l’autre à un « accident » sur notre dette.

Je n’ai pas la moindre idée de la façon dont notre surendettement sera traité. Les solutions sont nombreuses :

  • Hyper inflation comme en Turquie.
  • Prélèvement sur les comptes bancaires des Français comme à Chypre
  • Abandon partiel ou total des créances comme en Grèce.
  • Prolongation autoritaire de la duration des obligations, autorisée par la Loi Sapin.
  • Emprunt forcé comme avec Monsieur Barre.
  • Une combinaison des solutions mentionnées ci-dessus—

Tout ce que je sais est que les obligations et le cash vont en prendre plein la gueule. Déjà, les obligations ont perdu 31 % de leur pouvoir d’achat (ligne grise à 69) mais dans le désastre à venir il me semble qu’un portefeuille « Turc » Français devrait pouvoir passer au travers. Le voici, et depuis le 1/1/2016, il rapporte du 8. 5 % en termes réels, ce qui est tout à fait anormal car les taux d’intérêts sont plus hauts aujourd’hui qu’en 2013. Une fuite devant la monnaie a sans doute commencé.

 

 

 

Et comme la situation budgétaire américaine n’est guère meilleure que la nôtre, je présente   à tout hasard le portefeuille « Turc » Américain, pour ceux qui auraient la plus grande partie de leurs actifs aux USA.

 

 

Conclusion

Ce que j’essaye de dire est très simple.

  • De 1980 à 2013, tout gérant compétent devait protéger la partie actions de son portefeuille par une position en obligations d’Etat qui étaient antifragiles.
  • Depuis 2013, les obligations de certains états sont devenues fragiles et se sont donc transformées en certificats de confiscation.
  • Depuis 2013, il faut donc vendre les obligations et protéger la partie actions par de l’or (antifragile) puisque les états ont émis trop d’obligations qu’ils ne pourront pas rembourser.
  • Dans la plupart de nos pays, il ne faut donc plus avoir de contrats émis dans les monnaies douteuses de certains pays de l’OCDE (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis…), mais des actifs réels tels que l’or et les actions.
  • Il faut avoir ses obligations ou son cash en Asie et peut être en Amérique Latine.

Et la question n’est PAS de savoir quand cela va arriver, mais d’être bien sûr que votre portefeuille tiendra le coup QUAND cela arrivera.

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

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