J’ai vraiment l’impression que nous sommes dans un monde occidental totalement nombriliste.
Les journalistes suivent avec passion les foucades de nos hommes politiques qui eux-mêmes réagissent aux commentaires des journalistes, ce qui finit par lasser même les citoyens les plus obtus.
Du coup, j’ai décidé de faire ce papier sur ce qui se passait en …Inde et qui est sans doute beaucoup plus important que ce qui se passe en ce moment entre Le (bis)Cornu et le Président Macron.
Commençons par un rappel : J’ai souvent indiqué dans ces billets qu’un ordre monétaire nouveau était en train de naitre autour du renminbi, la monnaie chinoise. J’ai prouvé, à ma satisfaction tout au moins, qu’un certain nombre de pays autour de la Chine s’était alignés sur cet ordre nouveau. Mais la grande question pour les années à venir est la suivante : L’Inde acceptera-t-elle que la roupie fasse partie de ces nouveaux arrangements ?
C’est ce que je vais essayer de voir dans ce papier en commençant avec le taux de change entre la roupie et le yuan ajusté ou non pour la différence des taux courts entre les deux monnaies.
La ligne rouge représente le taux de change au comptant entre les deux monnaies, celui qui vous voyez dans le journal.
La ligne bleue le taux de change ajusté pour la différence des taux courts. Si l’Inde a des taux à un an à 6% et la Chine à 1%, et si la roupie baisse de 5 % alors la ligne bleue restera horizontale. Si la ligne bleue baisse, cela veut dire que l’Inde dévalue contre la Chine, si elle monte que l’Inde réévalue, et si elle est à plat que rien n’a changé, les taux courts compensant exactement la variation des taux de change.
Lignes bleues et rouges baissaient toutes les deux de 2006 a 2016.
Depuis 2016, la roupie s’est stabilisée par rapport au renminbi (ligne bleue horizontale), ce qui veut dire que ceux qui font du commerce entre les deux pays peuvent couvrir leur risque de change sans aucune difficulté, ce qui semble indiquer une collaboration certaine entre les deux banques centrales.
Venons-en aux taux longs (obligations gouvernementales a 10 ans).
Pour les placements obligataires, c’est beaucoup plus net encore.
De 2004 à 2016, Les obligations indiennes sont dans une baisse structurelle vis-à-vis de leurs consœurs chinoises.
Depuis 2017, nous avons une horizontale centrée aux alentours de 80 (échelle de gauche, base 100 au 1/1/2004).
Ce qui revient a dire qu’emprunter à long terme en Chine ou en Inde est revenu exactement au même…
Là encore, ce genre de choses n’arrive pas par hasard.
Venons-en finalement aux actions et regardons la performance relative des deux marchés des actions.
Le ratio est parfaitement horizontal entre les deux marchés, ce qui semble indiquer que la rentabilité du capital investi est la même sur le long terme entre les deux pays
Aujourd’hui, il vaut mieux jouer la Chine que l’Inde pour des raisons de valorisation.
Conclusion
Je voudrais terminer sur une note optimiste sur l’Inde en montrant un dernier graphique.
Pour les Indiens, LA réserve de valeur est l’or.
Apparemment, quand l’or a doublé par rapport à leur marche des actions et donc quand l’or est cher, ils en vendent pour acheter des actions.
Quand les actions sont chères, ils en vendent pour acheter de l’or.
Ces règles de décision marchent depuis 1993, date du début de mon graphique.
Aujourd’hui, les Indiens sont sans doute en train de se préparer à acheter des actions en vendant de l’or puisque nous venons d’atteindre un point d’achat sur les actions contre l’or.
De ce fait, ils vont acquérir à bon compte des revenus futurs en dividendes qu’ils auront payés avec leurs gains sur l’or.
Pour ceux qui auraient trop d’or aujourd’hui et qui n’auraient pas confiance dans la Chine. Ils pourraient suivre cette stratégie « Indienne ».
Après tout, si les Indiens sont rentrés dans le système monétaire Chinois, il parait raisonnable d’espérer une baisse des taux longs Indiens qui convergeront vers les taux Chinois, ce qui ne ferait pas de mal aux actions Indiennes, bien au contraire.
Auteur: Charles Gave
Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).
Karl DESCOMBES
13 octobre 2025Merci pour cette analyse.
Je partage totalement la conclusion stratégique.
Pour moi, l’Inde est à l’évidence le pays du 21ème siècle.
Le problème est la tactique, pour un européen.
1) L’Inde est devenue très nationaliste. Ceux qui gagneront de l’argent sur le marché indien seront les indiens.
On pourrait dire: MIGA…
Pour les étrangers, cela va être aléatoire.
2) Les instruments financiers indiens à partir de l’Europe sont souvent simplement inaccessibles.
4) Quand c’est possible, les coûts d’achat/vente / détention d’instruments financiers indiens sont souvent prohibitifs, à moins de gros montants.
Et pour les accessibles, les réglementations européennes ou indiennes pourraient se durcir en cas de crise européenne (comme pour les ETF US en leur temps).
4) Et de base, le taux de change EUR/INR n’est pas favorable en tendance longue. Le taux est passé de 60 INR/EUR en 2011 à 100 en 2025.
Pas simple donc…
Bilibin
13 octobre 2025Je ne sais pas bien ce que l’IdL pense de Sarah Paine (spécialiste de l’histoire de l’Asie au XXe et a fortiori de la Chine) mais elle m’a appris que l’Inde s’était un peu brûlée diplomatiquement avec la Chine et que certains couteaux dans le dos lui étaient restés en travers de la gorge (ce que les indiens semblaient valider, disant que les relations ne pouvaient être que froides dans le meilleur des cas). Ce différend peut s’incliner devant les intérêts économiques bien sûr mais il serait très intéressant d’avoir une émission pour en discuter (avec un « représentant » de chaque pays)
Pétulante
13 octobre 2025Le(bis)Cornu ! Hahaha. Merci pour ce billet fort intéressant. J’ajoute que je n’ai ni télé, ni radio et que les soubresauts pathétiques de la meute politico-mediatique n’ont aucun effet sur moi.