30 octobre, 2025

Les États-Unis en guerre perpétuelle contre la drogue

Ravagés par les drogues depuis les années 1960-1970, les États-Unis tentent d’enrayer la situation, qui dégénère en crise sociale, notamment en menant une série de « guerres contre la drogue ». Avec des résultats assez mitigés.

Tout a commencé avec Richard Nixon dans les années 1970, repris par Ronald Reagan dans les années 1980. Dès son arrivée au pouvoir, Reagan relance la « War on Drugs » initiée par Nixon une décennie plus tôt. Reagan en fait une véritable priorité nationale, mobilisant des moyens militaires, judiciaires et médiatiques sans précédent. Son administration renforce les lois répressives, augmente les budgets de la Drug Enforcement Administration (DEA) et mène une vaste campagne de communication pour décourager la consommation de stupéfiants. Une politique qui se révèle un échec : faire de la publicité pour expliquer qu’il ne faut pas consommer de drogues n’a jamais dissuadé personne.

Les lieux de production étant situés en Amérique latine, la politique de Reagan se déploie au-delà des frontières américaines. Les États-Unis soutiennent militairement les gouvernements d’Amérique centrale et andine dans leur lutte contre les cartels, notamment en Colombie et au Pérou. Cette stratégie, marquée par la coopération entre armées, polices et services secrets, transforme la lutte antidrogue en enjeu géopolitique majeur de la guerre froide. Le trafic de drogue sert souvent à financer les guérillas marxistes (comme les Farc en Colombie), ce qui permet aux États-Unis de justifier leurs interventions et de soutenir des régimes militaires qui ont d’autres priorités que les droits de l’homme. Mais au nom de la lutte contre la drogue, Washington ferme les yeux.

Les résultats sont mitigés : la consommation augmente toujours, le type de drogue consommé se transforme, passant notamment aux drogues de synthèse, dont le fentanyl aujourd’hui. Si le problème n’est pas réglé, on peut toujours opposer l’argument que ne rien faire aurait abouti à pire. Mais, contre les drogues, les États, quels qu’ils soient, se battent toujours contre des océans immenses.

Pirates des Caraïbes

Donald Trump reprend à son compte cette guerre contre la drogue en intensifiant les interventions en mer des Caraïbes, espace par où transitent de nombreuses embarcations des réseaux criminels. C’est notamment l’interface aquatique entre les zones de production (Amérique latine) et les zones de consommation (États-Unis). Des zones de transport qui passent soient par le Mexique, soit par les Caraïbes. Mais il est plus facile, pour l’armée américaine, d’agir en mer des Caraïbes.

Les trafiquants utilisent des bateaux rapides, des pêcheurs complices, mais aussi des sous-marins artisanaux, capables de transporter plusieurs tonnes de cocaïne sous les eaux.

Pour contrer ce trafic, les États-Unis ont mis en place un important dispositif naval et aérien. Le Joint Interagency Task Force South (JIATF-South), basé à Key West en Floride, coordonne la surveillance de l’ensemble du bassin caribéen. Cette force inter-agences regroupe des unités de la Navy, des Coast Guards, du Department of Homeland Security, mais aussi des services de renseignement et des armées alliées d’Amérique latine. Son objectif : détecter, intercepter et neutraliser les cargaisons de drogue avant qu’elles n’atteignent les côtes américaines.

À coups de marteau

Les États-Unis ne mènent pas cette guerre seuls. Ils collaborent étroitement avec de nombreux pays de la région, notamment la Colombie, le Mexique, la République dominicaine, le Panama et plusieurs îles caribéennes. Ces coopérations prennent la forme d’échanges de renseignements, d’exercices conjoints et d’opérations coordonnées en mer.

L’une des opérations phares est Operation Martillo (« marteau »), lancée en 2012, donc sous Barack Obama. Elle réunit les États-Unis et dix-sept pays partenaires pour intercepter les cargaisons illégales dans les Caraïbes et le Pacifique oriental.

Outre les interceptions, les États-Unis mènent des actions de formation et d’assistance. Ils fournissent du matériel, des radars et des navires de patrouille aux pays de la région, dans le cadre de programmes d’aide militaire et de sécurité. L’objectif est de renforcer les capacités locales afin de limiter le rôle des États-Unis à la coordination et au soutien.

Une guerre sans fin ?

Malgré ces moyens considérables, la lutte contre le trafic de drogue reste un combat difficile, voire impossible. Les routes du trafic se déplacent au gré des opérations : quand la pression augmente dans une zone, les cartels en ouvrent une autre. Les Caraïbes connaissent ainsi des phases de reflux et de recrudescence ; les États ont toujours plusieurs coups de retard.

Pour Washington, pourtant, l’enjeu demeure vital : empêcher que les narcotrafiquants n’alimentent les réseaux criminels et la consommation intérieure. C’est pourquoi la mer des Caraïbes reste, plus que jamais, un espace sous haute surveillance. Notons ici une remarquable continuité parmi les administrations : quelles que soient les couleurs politiques, tous les présidents américains ont mené leur guerre contre la drogue. Trump, fidèle à lui-même, parle plus haut et plus fort, comme pour le mur anti-migrants, débuté sous Bill Clinton. Il attire la lumière et fait pression sur le gouvernement vénézuélien, sans certitude de réussite.

 

 

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

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