Nous ne vivons pas une crise mais des crises… Pour reprendre une expression de Michel Audiard, qui comme chacun sait, était un grand économiste, « les emmerdements ça vole toujours en escadrille »…
La mondialisation a conduit nos pays à laisser échapper, via les délocalisations leur substance productive pour s’installer dans le confort de la consommation, tandis que d’autres états devenaient producteurs de ce que nous consommons à crédit….. Tout cela a créé de nombreuses crises qui se cumulent.
La crise que nous traversons serait selon certains une crise du capitalisme. Luc Boltanski sociologue français né en 1940. Directeur d’études à l’ EHESS au cours la Leçon inaugurale qu’il a donnée lors des dernières « Rencontres de Pétrarque » en juillet 2012, a dressé un inventaire de la situation qui correspond au consensus de la majorité des élites françaises :
le néo libéralisme serait le grand responsable, car il défendrait la version du capitalisme le plus extrême…
le capitalisme financier qui serait devenu dominant se soustrairait à la régulation et à l’impôt. Il serait donc évident que toutes les crises successives que nous connaissons est attribuable à « la finance globalisée ». Toutes ces affirmations sont bien évidemment présentées comme des vérités définitives ne méritant même pas un débat !
La crise actuelle est très largement une crise des états, avant d’être une crise du capitalisme. Les états ont en effet pratiqué avec beaucoup d’allégresse le social-clientélisme qui consiste à acheter en permanence les voix des électeurs en émettant de la dette que nos enfants et nos petits enfants devront repayer.
Ce que nous vivons est donc une crise du dévoiement de nos systèmes politiques…. Winston Churchill disait à propos de la série d’événements qui ont conduit au nazisme. « Jamais dans l’histoire économique un si grand nombre d’hommes n’auront souffert de l’incompétence d’un si petit nombre d’hommes »
Nous allons donc faire un grand voyage dans le monde des crises et de celui de la mondialisation.
1-2 LE MOT CRISE
Le mot crise s’est propagé comme un virus pour désigner des choses très différentes. Il est devenu un vrai fourre tout qui installe le désordre dans les têtes des élites dirigeantes qui présentent la crise comme un être exogène, une sorte de météorite, de Léviathan. C’ est une grave erreur.
Le concept central de « crise » perd à cause d’une multiplication d’usage beaucoup de ses significations analytique et empirique. Le mot crise sature l’espace médiatique au point d’en être vidé de son sens. Utilisée à outrance pour désigner un phénomène économique, la crise recouvre en fait une réalité plurielle qui témoigne d’un sentiment de rupture et de perte de repères systématique, qui caractérise le présent de nos sociétés modernes. En fait cette incertitude sémantique est liée à la polysémie du mot qui est la raison même de sa fréquente utilisation.
Notre présent est totalement envahi par la crise nous dit Myriam Revault d’Allonnes dans son dernier livre « La crise sans fin » Il ne s’agit pas de dire “Vive la crise” mais de l’appréhender comme une force positive qui devrait nous oblige à penser autrement. Tout se passe comme si la crise économique concentrait toutes les difficultés de notre vécu quotidien. A supposer qu’un certain nombre de problèmes économiques soient résolus demain, on ne sortirait pas de la crise pour autant.
1-2-1 Les questions que suscite le mot crise
Nous allons nous poser un certain nombre de questions :
La crise est elle la conséquence du libéralisme et de l’économie de marché ?
Il n’est pas du tout prouvé que les banques ont été responsables ou uniquement à l’origine de cette crise, car les états ont une énorme part de responsabilité dans le désastre. C’est ce que décrit Charles Gave dans son livre « Libéral mais non coupable » (Editions Bourin)
Pourquoi n’a t on pas vu venir la crise et ne l’a t on pas prévenue ?
Quelles sont les caractéristiques de la crise ?
Comment la crise s’est elle déclenchée ?
La crise est elle mondiale ?
Quelles sont les retombées de la crise financière sur l’activité économique ?
Comment gérer la crise ?
La crise a t elle fait progresser l’Europe ?
Rentrons dans le vif du sujet
1-2-2 Ce que nous appelons “la crise” est en fait une mutation
Dès 1862, Clément Juglar publiait « Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre, aux Etats Unis ». Se basant sur une description méthodique des crises qui se sont succédé aux Etats Unis, en Angleterre et en France en 1804, 1810, 1813, 1818, 1826, 1830, 1836, 1839, 1947, 1857 il décrivait les signes précurseurs qui revenaient pratiquement à chaque crise: spéculation, crédulité du public, goût du jeu, désir de devenir riche comme à la loterie…
La mutation que nous vivons bien décrite par Alain Madelin, est celle d’un vieux monde en train de disparaître. A travers la mondialisation, un nouveau monde est en train de prendre forme. Ce dont nous sommes les témoins depuis la chute du mur de Berlin, c’est l’ouverture au monde extérieur d’un ensemble de pays qui étaient totalement refermés sur eux-mêmes. C’est l’entrée de plusieurs milliards d’habitants dans l’univers de la société ouverte. Cette ouverture entraine une redistribution globale des avantages comparatifs au sein d’un monde nouveau où dominent les idées de marché et de libre échange.
La civilisation industrielle cède le pas à la société de la connaissance dont le meilleur symbole est internet, et qui est entraînée par l’avènement de très puissantes technologies. C’est ce que, dans l’histoire de l’humanité, Alvin Toffler décrit sous le vocable de “Troisième vague” qui débouche sur une économie de la connaissance. Nous sommes au pied d’un nouvel Himalaya de progrès scientifique et technologique où nous n’avons encore progressé que de quelques millimètres. Dans ce nouvel univers, le plus important est la créativité, donc la liberté et l’indépendance individuelle.
C’est la fin de l’Etat-providence. L’immense réseau des marchés financiers fait qu’il est désormais impossible de se mettre à imprimer de la monnaie de manière indiscriminée. Les marchés imposent un plafond à l’accumulation de dettes publiques. Il n’est plus possible de relever indéfiniment les impôts. Ce n’est pas une surprise pour tous ceux qui, avec Milton Friedman, et selon son excellent formule, savaient qu’il n’y a jamais de repas gratuit (“There is no such a thing as a free lunch”).
La crise de l’euro aurait du faciliter notre adaptation à toutes les réformes et efforts de libéralisation qu’exige cette grande mutation. Mais, étrangement, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Tout se passe comme si la plupart des hommes politiques et des leaders d’opinion ne voyaient dans cette crise que l’occasion d’obtenir leur revanche sur ces “diables de marchés”, et ainsi le moyen de sauver, par la cartelisation, cette part de pouvoir qui leur échappe de plus en plus.
L’établissement d’un super état européen est le moyen qui devrait leur permettre de rétablir le pouvoir du politique sur les marchés et l’économie. Il faudrait plus de politique pour sortir de la crise, et plus de politique pour faire plus de croissance, pensent-ils. Mais ce n’est pas la solution. C’est le coeur du problème. Ceux qui poussent à ce super-Etat devraient adopter un profil plus modeste. Ce ne sont pas la spéculation ni les prises de risque des méchants traders des « hedge funds » et de Wall Street, ni les imprudences des grandes banques multinationales qui ont fabriqué cette crise financière dont nous sommes aujourd’hui les malheureuses victimes.
Ce que nous vivons est une crise politique, une crise du politique. Elle puise ses racines dans un excès d’endettement qu’on nous a toujours présenté comme le meilleur investissement possible, et qui n’a trouvé preneur que parce qu’il a été imposé aux circuits financiers par la réglementation.
Les dysfonctionnements de l’euro sont le produit de mauvaises idées politiques et d’erreurs de gestion politique car les règles du système n’ont pas été respectées. Les dirigeants politiques ont pris leurs libertés avec la discipline économique qu’était censé instituer le Pacte de stabilité.
L’euro a permis à de maintenir en vie de mauvaises politiques nationales qui n’auraient pas survécu aux contraintes d’une monnaie nationale, si celle-ci était encore en place. En bref, l’euro a permis à beaucoup de continuer à vivre en dépensant comme des grecs mais en empruntant comme des allemands.
La mise en place de l’Euro en 1999, monnaie unique, loin de constituer un bouclier, a exacerbé la compétition à l’intérieur même de la zone Euro. L’Allemagne l’a parfaitement compris, mais pas la France. Parallèlement, l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001 a exercé un phénomène comparable d’intensification de la concurrence au niveau mondial
Nous voici donc , individus et sociétés plongés dans l’angoisse d’une crise financière d’une ampleur hier insoupçonnée et aujourd’hui inappréciable dont personne ne paraît totalement comprendre les rouages et qui oblige gouvernants régulateurs et décideurs à placer le long terme à la semaine suivante, sans conviction au delà…
Elle est en fait beaucoup plus que cela. C’est une crise fondamentale et globale de l’argent. Si l’argent est impensé,écrit Charles-Henri Filippi dans “L’argent sans maître”, c’est parce que les philosophes contemporains sont coupés de l’argent par la barrière du mépris et par celle de la complexité.
1-2-3 L’évolution du mot crise
1-2-3-1 La crise et le corps humain
Le mot « crise » est dérivé du verbe grec krinein, qui signifie « juger » terme tiré du champ médical. Parler de « crise » revient donc à considérer la société comme un corps qui aurait ses propres affections. La crise est le moment où les symptômes se dévoilent. Pour les grecs le mot se rattache d’abord au modèle médical, mais aussi au judiciaire, au politique, et au militaire.
Pour la médecine hippocratique, dans les Traités de l’Ecole de Cos, le corps humain est composé de quatre « humeurs fondamentales » (théorie humorale) qui lorsqu’elles sont en juste rapport de mélange (l’ « eucrasie » soit l’équilibre) assurent la santé de l’individu, mais qui provoquent une maladie quand une de ces humeurs est en défaut ou en excès, ou n’est pas combinée avec le reste.
Autrement dit, tout déséquilibre (« la dycrasie ») touchant ces humeurs se traduit par une maladie et éventuellement une crise. Dès lors une maladie incurable est une maladie qui ne parvient jamais à la crise.
La crise serait comme la fièvre du malade, le symptôme du dévoiement du capitalisme ! c’est le thème du livre d’Henri de Bodinat « Les sept plaies du capitalisme »
On serait plutôt dans l’anosognosie qui est une maladie qui consiste à ne plus réaliser qu’on est atteint d’une maladie ! La victime n’a plus conscience de son désarroi. La France souffre d’anosognosie collective. François Hollande pendant la campagne des primaires a tenu un discours où la crise économique paraissait étrangement absente. Les maux dont souffrait la France venaient du fait qu’elle n’était pas dirigée par la bonne personne. Il suffisait donc d’écarter Sarkozy et tout s’arrangerait. Il suffisait pour reprendre la formule de « ré-enchanter la réalité ». En disant cela il ne pouvait pas être accusé de mensonge puisqu’il s’agissait de faire rêver. .
La mot crise signifie aussi la décision. C’est lié au sens précédent. Il faut prendre une décision pour en sortir.
La crise signifie enfin filtre, tamis, c’est à dire le jugement. Crise et critique ont la même étymologie.
Rien n’est plus angoissant que de ne pas pouvoir poser un jugement, de n’avoir aucun critère, pour identifier le mal qui nous affecte. Point de basculement de l’histoire, la crise nous responsabilise et nous oblige à l’avenir.
1-2-3-2 La crise et le corps social
Le terme de crise, qui faisait initialement référence au corps humain, renvoie à partir du XIXème siècle au corps social. La société devient, par analogie, un organisme vivant. C’est à cette époque que se constituent les sciences sociales et que la doctrine économique se renforce. Les nouveaux médecins au chevet de la modernité réfléchissent aux fonctionnements et dysfonctionnements de la société.
Les crises deviennent bien plus problématiques lorsque nous ne sommes plus en mesure de les diagnostiquer, et qu’elles laissent l’homme dans l’incapacité à s’orienter. Alors il s’agit d’innover, comme l’entend le philosophe Thomas Kuhn : il faut ouvrir un paradigme plus fécond pour interpréter le problème et le résoudre.
Face à l’inexpliqué, il faut penser « outside the box » (=en dehors de la boite). En un sens, quand la crise est en crise, il est temps d’innover.
D’ailleurs le mot crise en chinois fait appel à deux idéogrammes : danger et opportunité.
En 1997 au moment de la grande crise asiatique, les historiens de la banque mondiale ont identifié 200 épisodes similaires entre le milieu du XIXème et la fin du XXème.
1-2-4 Les définitions de la crise
Qu’est ce qu’une crise ? L’entrée de la crise dans les discours politiques et médiatiques se fait exclusivement par le biais économique. Pourtant des auteurs tels que Anah Harendt ont écrit dans les années 60 un certain nombre d’ouvrages fondamentaux sur la crise de la culture, de l’éducation de l’autorité de la transmission, des valeurs… Si l’on veut vraiment réfléchir sur la crise, il n’y a pas que la crise économique. La crise est un état d’exception dont on doit sortir.
Une crise économique est une dégradation brutale de la situation économique et des perspectives. Son étendue sectorielle, temporelle et géographique peut aller d’un seul secteur d’une seule région pour une brève période à l’ensemble de l’économie mondiale Si elle dure, on parle alors de ralentissement économique ou, plus grave, de récession économique. Une telle crise comporte souvent (mais pas systématiquement) des répercussions sur le niveau des salaires et la valeur du capital (valeurs boursières). Cela provoque des faillites et du chômage, accroît les tensions sociales, et peut même avoir des répercussions sanitaires.
La crise est le moment de retournement d’un cycle économique. Dans la théorie marxiste, les crises sont interprétées comme le moyen par lequel le capitalisme se réorganise. D’ailleurs, en anglais, le mot crise économique est compris au sens marxiste et il est peu utilisé. Il lui est préféré les termes plus économiques de « dépression » ou de « récession ». C’est ainsi que la crise de 1929 s’appelle pour les anglo saxons « Grande Dépression » ou que la crise économique de 2008-2010 est appelée « Great Recession »
En Français, le terme crise comporte l’idée, proche du marxisme, qu’une page se tourne et qu’il convient que le capitalisme soit réformé. Dans cette optique, la crise économique est parfois vue comme un phénomène qui ne se termine qu’avec l’adoption d’une nouvelle structure économique.
Chaque crise apparait spécifique, car elle s’inscrit dans un contexte différent et combine de diverses manières un certain nombre de mécanismes généraux. A l’origine de la plupart des épisodes de fragilité financière se trouve un emballement du crédit qui déclenche un mécanisme d’accélérateur financier qui se propage à différents marchés boursiers immobiliers. Cette fragilité se convertit alors en crise ouverte avec une probabilité d’autant plus forte qu’entrent en résonance les différents marchés d’actif.
La crise des subprime (=crédits immobiliers) est devenue une crise bancaire en septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers pour s’élargir à la finance à l’économie et au social. Depuis, elle a muté en Europe, pour déclencher une crise des dettes souveraines
La crise est d’abord européenne. La faillite de Lehman Brothers aura été le détonateur mais elle aurait eu lieu de toute façon. C’est une crise globale, à la fois financière, économique et sociale. Son origine a deux causes, une cause structurelle et une cause conjoncturelle.
Du point de vue structurel, tous les ressorts de la croissance sont cassés en Europe depuis longtemps et durablement. La population ne croit plus et l’immigration ne vient pas prendre le relais de cette stagnation. Il n’y a plus de gains de productivité faute d’un niveau insuffisant d’innovations et de recherche-développement. Enfin la consommation est atone du fait de la montée du chômage, du surendettement et des politiques d’austérité. Résultat, les entreprises n’investissent pas. Conséquence, le potentiel de croissance de l’Europe dans les dix ans qui viennent est proche de zéro, entre 0,5% et 0,7% en rythme annuel.
Du point de vue conjoncturel, depuis 2000, le surendettement du fait des bas taux d’intérêts, le surinvestissement de capitaux venant de l’Europe du Nord vers l’Europe du Sud. La mécanique du trop plein d’argent pas cher mal employé s’est inversée. On en paie désormais le prix.
Il y a deux scénarios possibles : celui de la dislocation européenne ou celui de l’intégration. La seule certitude que l’on peut avoir est que le statu quo n’est pas tenable.
1-2-5 Les interprétations de la crise
Plusieurs interprétations de la crise s’opposent entre elles qui traversent la droite comme la gauche :
L’une plutôt libérale, voudrait que la crise soit liée avant tout à l’endettement des états, lui même étant la conséquence de l’effet de la démagogie de nos gouvernements successifs. Il faudrait donc réduire les dépenses publiques, toute la difficulté étant d’y parvenir sans casser la croissance.
L’autre analyse privilégiée par les néorépublicains qui à l’instar d’Henri Guaino ou de Jean Pierre Chevènement étaient depuis l’origine hostiles à l’Euro. Pour eux la crise ne proviendrait nullement du laxisme passé, mais de l’absence totale de politique économique, sociale et monétaire de l’Union Européenne.
L’Europe serait ainsi livrée à la domination des marchés et à la concurrence de la Chine. Cette dernière exerce en toute tranquilité un triple effet de dumping sur nos vieux états providence :
1/ économique (coûts de production 25 fois inférieurs aux nôtres),
2/ social (pas de syndicats et des salaires horaires dignes du XIXème siècle)
3/ monétaire avec un yuan sous évalué.
La crise est le résultat d’une idéologie qui a poussé l’Etat à s’endetter sans limites. La responsabilité des élites politiques qui avaient promis une Europe de la croissance et du plein emploi doit être aussi prise en compte. Comme elles ont délivré de la décroissance et du chômage, il faut bien trouver un bouc émissaire.
Cela a aussi également permis à certains financiers de s’enrichir. Ce qui est un problème assez facile à traiter. Il existe de nombreuses pistes pour neutraliser les profiteurs de la crise : traders, agences de notation et officines privées qui édictent des normes. Si cela continue, dans un pays comme la France il n’y aura bientôt plus que le Caisse des Dépôts et quelques familles françaises pour investir durablement dans nos entreprises et donc créer des emplois.
Ce n’est pas une crise que nous vivons mais le bouleversement d’un monde qui change. La crise ne vient pas du libre marché, mais surtout d’un mauvais pilotage monétaire des Banques Centrales.
1-2-5 Les auteurs à lire : C Kindelberger, J Schumpeter, C Gave…….
Charles Kindelberger en 1978 dans son livre « Histoire mondiale de la spéculation financière » a montré qu’il n’y avait pas de capitalisme sans crises financières. Des épisodes spéculatifs reviennent inlassablement déstabiliser les marchés, ruiner les institutions et redistribuer les richesses.
Joseph Schumpeter en 1942 publie « Capitalisme, Socialisme et Démocratie ». Rédigé dans les années 1930 et publié en 1942, cet essai porte la marque des échecs de la vieille Europe, notamment après la première guerre mondiale, la révolution communiste, la crise de 1929 et la montée des fascismes.
Il pose les questions qui hantent la politique du XXe siècle, dont la survie du capitalisme et la compatibilité du socialisme et de la démocratie.
Charles Gave dans « Libéral mais non coupable » (…. ?) Le capitalisme et son pendant intellectuel, le libéralisme ne sont pas une idéologie, mais la simple constatation qu’une forme de production complètement décentralisée et prenant ses informations d’un système de prix libre arrive à de meilleurs résultats sur le long terme qu’un système de production lié à l’état.
Charles Gave dans » C’est une révolte ? Non sire c’est une révolution » (…. ?) Nous sommes entrés, depuis un certain temps déjà, dans la troisième grande révolution technologique que l’humanité ait connue. Après être passés de la cueillette et du nomadisme à l’agriculture puis à l’ère industrielle, nous entrons dans l’économie de la connaissance. Cette révolution aura des conséquences incommensurables sur la société et l’organisation du monde : disparition du modèle social français ; affrontement direct entre le modèle individualiste anglo-saxon et le modèle communautariste religieux islamique ; faillite de l’euro, la dernière tentative de superstructure monétaire totalement archaïque ; fin de la plus-value industrielle au profit de la plus-value intellectuelle, etc.Mais les » princes » qui nous gouvernent refusent d’affronter cette réalité. Par méconnaissance ou par malhonnêteté, ils » vendent » encore au bon peuple une société déjà morte. Ils n’ont qu’un seul objectif : que le peuple continue de payer pour cette illusion.Et qu’une seule peur : que le » tiers-état » moderne se révolte comme en 89. Pourtant, qu’ils le veuillent ou non, la révolution a commencé !
Pascal Salin dans « Revenir au capitalisme …. Pour éviter les crises » défend l’idée qu’il vaut mieux accepter le vent du grand large plutôt que de persévérer dans la médiocrité du protectionnisme. Pascal Salin (né le 16 mai 1939 à Paris) est un économiste français, professeur à l’université de Paris IX Dauphine, spécialiste de la finance publique et ancien président de la Société du Mont Pèlerin (1994-1996). D’inspiration libérale et libertarienne, son travail s’inspire de Frédéric Bastiat, Ludwig von Mises et Friedrich Hayek
Ludwig von Mises : « Il n’y a aucun moyen d’éviter l’effondrement final d’un boom provoqué par une expansion du crédit. L’alternative est de savoir si la crise doit arriver plus tôt, par l’abandon volontaire d’une expansion supplémentaire du crédit, ou plus tardivement, comme une catastrophe finale et totale du système monétaire affecté » (Ludwig von Mises Human Action 1949).
Alain Touraine, dans « Après la crise » montre que le monde des élites, celui des majors des grandes institutions financières et industrielles appartient à un territoire qui n’est plus national. Il est le premier sociologue français à prendre au sérieux le phénomène de la globalisation.
Mathieu Pigasse dans son livre « Révolutions » estime que la mère des crises n’est pas celle de la finance mais celle de l’Europe. Une crise économique, politique morale globale. Aucun programme de soutien financier, même massif, ne sera en soi suffisant pour renouer avec la croissance. Il faut écrit il, un nouveau partage de la valeur ajoutée. Est il raisonnable sage et efficace économiquement de voir les grandes entreprises dégager des dizaines de milliards d’euros de bénéfices , mais ne pas les redistribuer à leurs salariés et ne pas les réinvestir ? Elles préfèrent les distribuer à leurs actionnaires étrangers américains ou chinois, ou procéder à des rachats d’actions. Enfin il faut soutenir la dépense publique utile, l’innovation, l’investissement dans les infrastructures.
Elie Cohen : « Penser la crise »
1-3 LA MONDIALISATION
1-3-1 La mondialisation fait basculer le centre de gravité du capitalisme
La mondialisation a fait basculer le centre de gravité du capitalisme vers les pays émergents, ces derniers assurent désormais 52% de la production industrielle, réalisent 48% des exportations et détiennent 80% des réserves de change mondiales. L’occident se voit contester le monopole qu’il détenait sur l’histoire du monde depuis le XVIème siècle.
La mondialisation a conduit nos pays à laisser échapper, via les délocalisations leur substance productive pour s’installer dans le confort de la consommation, tandis que d’autres états devenaient producteurs de ce que nous consommons à crédit. D’un côté les dettes souveraines, de l’autre côté les fonds souverains…
Apple est un des symboles les plus éloquents de la mondialisation : ses produits sont conçus en Californie et assemblés en Chine par Foxconn. Apple regroupe à peine une cinquantaine de milliers de salariés et Foxconn un million. La part chinoise pour l’assemblage des différents composants d’un iPhone 5 n’est que de 4% du prix de vente.
1-3-2 La mondialisation serait une menace
La mondialisation est inscrite dans les réalités industrielles d’aujourd’hui.
Elle est toutefois présentée par ses adversaires comme une menace et comme la cause de tous les malheurs qui nous arrivent.
La mondialisation a touché durement les travailleurs non qualifiés. La classe moyenne est très touchée par l’atrophie de l’industrie. De plus, les outils de l’état providence sont mis à mal par la mondialisation : la solidarité est tuée par un marché dual du travail avec les « in » (ceux pour qui tout va bien) et les « out » (les jeunes et les seniors). Parallèlement l’élitisme républicain est tué par une école en échec et l’innovation rendue plus difficile par l’égalitarisme des chercheurs…
La démondialisation chère à Arnaud de Montebourg avant d’être nommé Ministre du Redressement Productif relèvait du mythe. Que deviendraient les voitures, les avions, les équipements « made in France » si nos importations en matière électronique ou informatique en provenance de Taiwan ou du Japon étaient interrompues !
Un mauvais air protectionniste plane donc sur la politique. Les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ont entrainé une mutualisation des prix et des actifs qui évite que se pérennisent des anomalies de marché. Par exemple, le prix du chocolat est a peu près le même partout dans le monde, mais cela crée aussi des conditions de contamination entre pays. Au total, la mondialisation aurait montré les limites de l’articulation traditionnelle entre le capital et le travail.
Le « Buy American Act » existe, il est appliqué tous les jours. Rien ne devrait empêcher la mise en place d’un « Buy European Act » qui devrait cesser de faire de l’Europe un moulin ouvert à tous les vents de la concurrence et une machine à détruire les emplois. Il n’est pas possible d’avoir des frontières totalement ouvertes sans la même réciprocité en contrepartie.
1-3-3 La mondialisation mérite un débat de qualité
La mondialisation mérite un débat de qualité. Elle est réalisée, le protectionnisme est impossible à remettre en place. La critique du libre échange faite par le camp anti mondialisation est faible. De toute façon, le traité européen comporte bien une clause de sortie volontaire de l’Union, mais pas de clause de sortie de l’Euro.
L’Allemagne est de plain-pied dans la mondialisation. Le Capitalisme rhénan a des performances qui sont les meilleures du G7, le sort de la zone Euro est entre ses mains. La France, au contraire, n’y est pas du tout. Elle est rentrée dans la crise économique actuelle sans être vraiment sortie de celle de 1973, faute d’avoir pu ou su adopter un modèle économique adéquat
La France est donc coupée aujourd’hui en trois:
1/ une France qui vit dans la mondialisation, qui accepte l’économie de marché et qui a confiance dans l’avenir. Toutes les enquêtes d’opinion se recoupent pour estimer que cela représente environ un tiers des français.
2/ une France qui vit protégée par l’Etat à l’ombre de statuts particuliers, de subventions et d’allocations diverses. Ce qui ne représente pas moins de 20M de français.
3/ une France des exclus. Cette France qui compte désormais 25M de personnes est la honte de « ce-modèle-social-que-le-monde-nous-envie » comme François Mitterrand et Jacques Chirac l’ont répété pendant des années dans un même aveuglement coupable…
1-3-4 Les auteurs à lire : F Bastiat, D Cohen, N Baverez
Fréderic Bastiat (1801-1850): est un économiste né au Pays Basque et homme politique qui a attaché son nom à la lutte contre le protectionisme et le socialisme sous toutes ses formes. Son influence est plus importantes à l’étranger qu’en France où il est méconnu. “La Loi” a pourtant été tiré à plus d’un million d’exemplaires et 15 000 exemplaires se vendent chaque année aux États-Unis. Ronald Reagan disait de Basquiat qu’il était son économiste préféré. Margaret Thatcher le citait comme l’un des économistes l’ayant le plus influencée : « En me replongeant dans les écrits de Bastiat, j’ai découvert une défense de la liberté et de l’autonomie individuelle à la fois élégante et puissante », ou bien « Bastiat nous a rappelé que le sens du pouvoir va des individus vers le haut, et non de l’État vers le bas. C’est un message de tous les temps. De même, Alain Madelin lui reconnaît une influence majeure : « Fondamentalement, Bastiat nous rappelle que la pensée libérale, avant d’être une pensée économique, est aussi et surtout une pensée philosophique, juridique et politique de la libération de l’homme.
Il faut lire « Les harmonies économiques » et la « Pétition des marchands de chandelles, bougies, lampes, chandeliers, réverbères, mouchettes, éteignoirs … » et généralement de tout ce qui concerne l’éclairage. Devant la concurrence du soleil qui est intolérable, ils demandent une loi qui ordonne la fermeture de toutes les fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, oeils de bœuf, stores, en un mot de toutes les ouvertures…
Daniel Cohen dans « La mondialisation et ses ennemis » publié en 2004 présente les deux camps opposés à la mondialisation: d’un côté les Mollahs dénonçant l’occident et la corruption du monde; de l’autre, les ennemis du capitalisme qui soulignent que le capitalisme est une forme d’oppression exercée sur les peuples. Il démontre que ces différents courants sont contredits notamment par les avancées technologiques, les peuples disposant des moyens de modeler le monde.
Nicolas Baverez, avec son livre, « La France qui tombe » publié en 2003 a créé véritablement un événement. Il y dit quelques vérités que les Français avaient jetées au fond du puits afin de ne pas troubler leur digestion. Il agace. Il fait même scandale parce qu’il dérange les autruches, les ravis du sérail et les politiciens de droite et de gauche qui, en évitant les réformes de fond, ont laissé dégringoler l’économie française. Il est difficile de résister à son mélange de rigueur, de modestie et de raideur, qui fait de lui le digne héritier de Raymond Aron, sa référence, dont il partage le pessimisme fondamental. Sans parler de son courage. Celui, notamment, de déplaire
Philippe Manière dans « Le pays où la vie est la plus dure » explique très bien que la mondialisation, c’est plus de risques et aussi plus d’opportunités. Or en France parce que la société est figée, seule une toute petite minorité fermée profite des nouvelles opportunités. La France est devenue le pays ou la vie est la plus dure du fait de l’endogamie de nos élites, de l’immobilisme de l’état, de nos structures sociales et d’une culture obsessionnelle de la rente et de la protection qui nous empêchent d’avancer.
Christian Saint Etienne : Dans « France état d’urgence. Une stratégie pour demain » il qualifie François Hollande de « Gorgatchev français inconscient des terribles leviers de l’histoire qu’il actionne ». Pour l’auteur « La France est au bord du dépôt de bilan économique et moral car elle a renoncé à se battre puisqu’elle n’est responsable de rien. Tout est de la fautre des autres : la globalisation, l’Allemagne, l’Euro, l’immigration. On s’accomode du déclin pourvu qu’il soit lent et confortable. Nous sommes au bout de ce projet faramineux : faire de la France une grande Corrèze fascinée par la littérature du XIXème siècle, les foires aux bestiaux et les arts premiers » (Le Figaro 07/01/2013)
Nicolas Bouzou : « Quatre propositions pour que l’Europe ne tombe pas dans le protectionisme » (Fondapol 01/03/2009)
Jacques Sapir Directeur à l’EHESS, économiste du Front de Gauche (=Melenchon), grand adepte de la démondialisation « Démondialisation » est le titre de son dernier ouvrage. Il rebaptise l’antimondialisme, « protectionisme européen » Cela ressemble à de la propagande de nostalgiques de la planification communiste et du protectionnisme conservateur qui ont trouvé une nouvelle occasion de s’en prendre à l’économie de marché.
1-4 LA DYNAMIQUE DES CRISES
Les crises ont une formidable dynamique endogène où les contradictions non seulement ne riment pas avec impossibilité mais deviennent des stimuli de croissance. La crise économique est donc à la fois fin et commencement, rupture d’équilibre et rééquilibration soudaine entre les différentes branches du produit social et devient l’élément essentiel d’une dynamique saisie comme la faculté du système capitaliste à surmonter provisoirement mais périodiquement ses contradictions.
Les crises sont constituées de plusieurs séquences : une phase d’essor, une phase d’engouement et d’emballement, une phase de peur et de désordre, une phase de consolidation et enfin une phase de redressement.
La fin du communisme et la chute du mur de Berlin ont été la disparition d’un horizon d’espérance pour toute une génération qui attendait tout du marxisme. Cela explique en partie que la France soit le pays le plus rétif à la mondialisation et à l’économie de marché. Elle est un mélange de gaulois et d’Amish. Comment nos enfants pourraient ils avoir confiance en l’avenir lorsqu’on leur explique qu’il faut avoir peur de l’atome, peur d’internet, peur du Wi Fi, peur de ce qu’ils ont dans leur assiette, mais aussi peur de la finance, peur des marchés, mais aussi et surtout des inventions, du progrès en général et puis des autres, de tous ceux qui sont différents.
La question des restructurations industrielles est encore plus préoccupante. La crise atteint plus fortement les entreprises françaises parce que l’appareil de production a vieilli, faute d’investissements, lesquels ont manqué à l’appel en raison de l’insuffisance des fonds propres.
Changement: comme le disait Jean Monet « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise »
1-4-1 Les auteurs à lire : S Gruzinski, JP Betbèze, J Attali
Serge Gruzinski dans son livre « L’Aigle et le Dragon » fait le récit de la première mondialisation qui a eu lieu au XVIème siècle par les espagnols et les portugais, qui pour la première fois se déploient à l’est comme à l’ouest sur la scène planétaire en Asie et en Amérique. Il s’agissait de faire main basse sur le pétrole de l’époque qui était les épices. Elles étaient recherchées pour la conservation alimentaire, le goût, la pharmacopée. Grâce aux conquêtes cela permettait également d’établir une monarchie chrétienne universelle…
Jean Paul Betbèze dans « Crise une chance pour la France » (PUF 2009) se pose la question :sommes nous en France au fond de la piscine ? Que nous reste-t-il à faire ? Un violent coup de pied pour remonter ? Ou bien allons-nous nous installer dans une crise latente et attendre des jours meilleurs ? La politique du changement est un art toujours long à mettre en place avec des résultats non assurés mais c’est en même temps un art nécessaire à pratiquer…
Jacques Attali a publié en 1981 « Les trois mondes » (Fayard) dans lequel il défendait des idées bien différentes de celles qu’il exprime aujourd’hui : « il faut que vienne au pouvoir un groupe social ayant intérêt et capacité à dépenser les surplus pour mettre en œuvre les nouvelles technologies en un projet, une culture, une conception des rapports des hommes avec le monde. Il faut dévoyer la culture, jusqu’à son cauchemar jusqu’à la nausée de la fascination.Dévoyer les mots, la monnaie, les pouvoirs, les objets en changer l’usage en ridiculiser la fonction » ….!
Après « Les crises de la mondialisation » nous traiterons successivement :
Les crises : approche historique 1
Les crises : approche historique 2
Les crises : approche typologique
La crise française
La crise de l’Europe
La crise américaine
La crise asiatique
Les crises de l’Amérique Latine, de l’Afrique, du Moyen Orient, de la Russie
La crise du politique
Les solutions
Auteur: Romain Metivet
Romain Metivet est économiste et dirigeant d'une entreprise dans les nanotechnologies.
KEBIR
6 septembre 2016Brillant exposé introductif, on voudrait lire la suite!
Merci et à bientôt.
traderidera
22 septembre 2013Juste une question d’orthographe (de la part d’un agrégé de Lettres). S’il vous plaît, écrivez Etat avec un E majuscule quand vous parlez d’une nation, du gouvernement d’un pays, et « état » sans majuscule quand vous dites, par exemple, que votre voiture est en bon état.
Cela dit, j’ai beaucoup apprécié la rigueur et la logique de votre analyse de la « crise ».
idlibertes
22 septembre 2013Cher Monsieur,
Nous aimons parler d’état (voir L’ETAT est mort, vive l’état ») Comprendre qui aime 🙂
Amicalement
Idl
Odinot
11 mai 2013Voici une autre approche de la Mondialisation
Une utopie réalisable !
Publié le 7 février 2013 par Michel Odinot
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Chacun s’accorde à penser que notre société est à bout de souffle, mais personne ne propose réellement de solutions à hauteur des problèmes identifiés. Or, nous avons une obligation de résultat si nous souhaitons voir l’humanité perdurer.
« Une utopie réalisable » est une simple ébauche de ce qui nous semble pouvoir et devoir être entrepris après inventaire et mise en forme.
Certaines propositions originales choqueront sans doute le lecteur. Au lieu de réagir négativement, nous souhaitons que celui-ci avance et enrichisse le débat avec ses propres idées.
• Où sommes nous ?
Nous évoluons sur une planète privilégiée perdue dans un univers hostile, fait de roches, de gaz de particules, et soumis à des températures extrêmes. Cet univers a-t-il été conçu ou non par un dieu « créateur » ? Personne ne peut apporter à ce sujet de réponse pertinente. Le problème religieux doit donc se cantonner au niveau de la conscience individuelle et non collective.
La vie a envahi la terre ; trois règnes s’y côtoient : l’animal, le végétal et le minéral. Mais au cours de ces deux derniers siècles, un animal : l’homme, a pris le contrôle de l’ensemble or, visiblement la situation lui échappe et il ne sait comment gérer cette planète dont il s’est arrogé la propriété.
• Nos problèmes
Une trop rapide augmentation de la population, multipliée par sept en deux siècles, appelait de profondes transformations sociales, mentales, économiques environnementales et d’infrastructures sans communes mesures avec les moyens disponibles et les politiques suivies durant la même période.
En même temps que le nombre de bras augmente les besoins en main d’œuvre diminuent, du fait de la mécanisation, de la robotisation et de la course à la productivité.
Une fraction non négligeable de la population, ne dispose pas de moyens d’existence décents, tandis qu’une infime minorité accumule des richesses de façon démesurée.
L’homme, excelle dans les sciences et la production, mais il est totalement dépassé aux plans : politique, économique et même philosophique.
L’environnement se dégrade, les ressources s’épuisent.
Arrêtons là le constat, et donnons-nous comme objectif d’imaginer un type de société ou l’humanité toute entière trouve sa cohésion et gère « en bon père de famille », l’ensemble de la planète.
• Que souhaitons-on nous ?
Comme nous le constaterons ci-dessous, c’est une utopie techniquement réalisable, mais mentalement impossible, car nous avons des difficultés à abandonner nos repères habituels.
Quatre questions essentielles pour le devenir de l’humanité:
1. Population : combien d’hommes et avec quel niveau de vie, la planète peut-elle admettre sans mettre en cause les équilibres naturels ?
2. Moyens d’existence : comment permettre à chaque individu de se nourrir, d’être protégé soigné, éduqué tout au long de sa vie ?
3. Sécurité : comment assurer la sécurité collective et individuelle ?
4. Environnement : comment laisser à nos successeurs une planète non épuisée ou dégradée ?
• Que pouvons-nous ?
Voici les réponses que j’entrevois au plan « technique »:
1. Gouvernance mondiale
Confier à un gouvernement mondial, émanant d’une ONU complètement redéfinie, les grandes orientations qui s’imposent désormais à l’humanité.
Ce gouvernement disposerait de deux atouts majeurs : d’une monnaie unique et d’une armée mondiale, constituée de l’ensemble des armées nationales; soustraites à l’autorité des gouvernements nationaux. Il serait le garant des « droits de l’humanité », des « droits de l’homme » et du « droit au travail pour tous ».
Les notions de pays et de nations ne seraient nullement remises en cause. Par contre les régimes seraient obligatoirement des démocraties.
2. Population
Nous savons calculer la population globale admissible en fonction des ressources planétaires et du niveau de vie.
Par exemple actuellement 1,2 milliard d’habitants peuvent vivre comme un américain moyen, ou 33,6 milliards comme dans les pays les plus pauvres.
Nous sommes 7 milliards d’hommes sur terre et ce chiffre s’accroît environ d’un milliard tous les douze ans. Une politique contraignante de limitation des naissances permettrait de réguler ce « paramètre » en posant comme donnée fondamentale qu’il est préférable d’éviter une naissance que de tuer un être humain par la sélection naturelle, la misère ou la guerre. Il pourrait même être envisagé de revenir à une population mondiale de l’ordre de 4 milliards dans deux ou trois siècles.
Limiter les naissances : on sait faire !
3. Moyens d’existence
Je vais essayer de préciser ma pensée de façon caricaturale, car je ne suis pas un spécialiste et le domaine est trop vaste.
Ce que chacun peut constater c’est qu’une activité permet de dégager de la richesse, mais implique salaires, investissements, frais de fonctionnement dividendes et impôts, au sens large du terme. On se rend compte que nos états modernes sont de plus en plus impliqués en matière de fonction publique, d’infrastructures et de réduction des inégalités.
Tout le monde réclame de plus en plus de moyens. Or ces moyens proviennent soit de l’impôt soit de la dette.
Quel que soit le cas de figure, l’écart entre objectifs souhaitables et moyens disponibles ne peut que s’accroître. Celui qui prétendrait le contraire dans le système actuel se trompe ou nous trompe.
Il faut donc trouver autre chose: sorte de synthèse entre communisme et capitalisme.
Le développement des techniques et plus particulièrement de la robotisation laisse de plus en plus de monde en dehors du circuit traditionnel du travail. Parallèlement une quantité énorme de taches utiles, ne sont pas accomplies, car elles apparaissent contre-productives.
Or, dans le droit de l’humanité doit figurer un droit au travail pour tous. La solution consiste à concevoir une société à trois vitesses et un financement adapté :
1. On garde le schéma actuel du capitalisme, mais on supprime l’impôt, inégalitaire, impopulaire et cher à récupérer.
2. On réorganise la fonction publique en tenant compte de son financement par la banque mondiale.
3. On crée un circuit social, chargé de procurer impérativement un emploi à tous ceux qui n’ont pu s’intégrer ou se maintenir dans les deux précédents circuits économiques.
Ce secteur est également financé par la banque mondiale dans le cadre du budget préparé par chaque état et accepté par le gouvernement mondial.
Les tâches susceptibles d’être réalisées dans ce troisième circuit sont innombrables, en voici quelques exemples : surveillance et soins aux personnes âgées, aux enfants, aux infirmes, amélioration du cadre de vie dans un quartier, une ville, un pays, entretien des forêts, reboisement, formation des adultes, lutte contre la désertification, soutien scolaire, actions citoyennes, etc…
Des critères de rentabilité doivent être pris en compte dans ce troisième secteur afin que tout salaire versé corresponde à un travail effectif, utile et de qualité. Les négligences sont sanctionnées par une mise à pied temporaire et sans salaire. Tout travail procurant un pouvoir d’achat, le secteur concurrentiel s’en trouve dynamisé. Concrètement: les salaires sont plus attractifs dans les deux premiers circuits que dans le troisième. Chacun trouve néanmoins, un emploi correspondant à ses mérites et motivations et peut passer d’un secteur à l’autre.
Financement du secteur non concurrentiel
On pose comme objectif économique mondial, que dans le délai raisonnable d’un siècle, tous les états disposeront s’ils le souhaitent de moyens d’existence équivalents, en s’efforçant de niveler plutôt vers le haut que vers le bas. Le gouvernement mondial a la maîtrise de la monnaie unique. Celle-ci ne peut donc s’apprécier ou, se déprécier par rapport à aucune autre. Il convient seulement de conserver un équilibre entre le montant global de la monnaie émise et le volume total des biens et services proposés. Cela est rendu possible grâce à un circuit court de la monnaie. On ne thésaurise plus, puis que l’on est garanti de percevoir des revenus tout au long de son existence grâce au droit au travail et à la retraite. La discrimination par l’argent disparaît. Seul, le train de vie distingue les plus productifs et les plus créatifs. On peut envisager qu’une grille des rémunérations impose qu’aucun homme ne puisse percevoir un salaire ou revenu supérieur, par exemple, à 50 ou 100 fois le salaire minimum. La motivation reste cependant suffisante pour que le génie humain continue de s’affirmer.
Le montant des retraites est indexé sur le salaire moyen perçu au cours de la vie active. Les handicapés perçoivent le salaire minimum s’ils ne peuvent travailler.
Les moyens financiers ne doivent pas provenir de l’impôt, ils sont simplement émis par la banque mondiale selon une planification et une modélisation à mettre sur pied. Ils se traduisent pour chaque pays par des droits de tirage équivalents au budget présenté par chaque état et accepté par l’autorité mondiale. L’argent émis doit couvrir tous les besoins de la fonction publique, les investissements publics et le droit au travail pour tous, selon un taux de progression devant permettre une parité économique de tous les états à échéance d’un siècle.
En résumé, le gouvernement mondial édite de la monnaie qui lui permet de financer la fonction publique et de payer tous les travailleurs des secteurs : public et social. Une consommation normale s’effectue tout au long de l’année, consommation à laquelle doit s’adapter et répondre le secteur concurrentiel.
Il conviendra de prévoir un système de régulation pour « éponger » l’excèdent de monnaie qui aurait pu être émis par rapport aux biens et services disponibles et éviter la reconstitution de très grosses fortunes ainsi qu’une inflation mondiale.
Ce n’est pas une mince affaire que de tenter de planifier et modéliser tout cela tant aux échelons nationaux qu’au niveau mondial. C’est donc un véritable défi à relever conjointement par les informaticiens, les économistes new-look et les industriels.
Il semble difficile d’affirmer la possibilité ou l’impossibilité d’entamer une telle démarche au niveau mondial. Par contre la faisabilité pourrait être vérifiée en chargeant l’ONU de mettre en place un tel système dans une Ile réputée pauvre telle que Haïti et la République Dominicaine sa voisine mieux développée.
Du travail et des moyens d’existence pour tous : on peut faire !
4. Sécurité
Sécurité collective
Il faut absolument retirer à tous les chefs d’état le droit et la possibilité de faire la guerre. À cet effet toutes les armées sont placées sous l’autorité du gouvernement mondial. Chaque état fournit et entretient le contingent qui lui est assigné, mais celui-ci est cantonné, 50% sur le territoire national, 50% à l’étranger, afin d’échapper à toute tentative d’utilisation de l’armée nationale par les gouvernements locaux. Chaque état doit donc héberger sur son territoire en contre partie une quantité équivalente de militaires étrangers.
L’armée mondiale intervient à l’initiative du gouvernement mondial pour régler toute velléité de conflit.
Sécurité individuelle
Police et gendarmerie disposent également des moyens militaires pour leur action de prévention ou de répression. Les prisons sont réduites n’ayant pas prouvé leur efficacité. Toutefois, la société doit se protéger efficacement contre tous ceux qui l’agressent.
Les peines prévues par le code pénal doivent être totalement révisées.
5. Assurer la sécurité individuelle et collective : on sait faire !
6. Environnement
Actuellement, la protection de l’environnement grève les prix de production, on fait donc semblant de prendre en compte ce problème, mais en réalité, il est largement marginalisé. Les océans se vident de leur faune, les puits de pétrole s’épuisent, les nappes phréatiques se dessèchent, les forêts disparaissent, la planète se réchauffe etc.
Le droit au travail et la monnaie unique permettent de traiter cette question au fond, et d’inverser la tendance à la dégradation. De très grands travaux peuvent être entrepris tels que reconstitution des forêts tropicales, arrêt de la désertification, reconquête progressive des déserts, recyclage systématique des matières premières, dépollution des sites, amélioration des paysages urbains, recherche d’énergies nouvelles: fusion nucléaire, batteries non polluantes pour stocker l’électricité des voitures, etc…
Protéger l’environnement : on sait faire !
7. Utopie ou non ?
A priori, tout ceci procède du rêve et ne peut être suivi d’effet car les mentalités ne sont pas prêtes aux nécessaires adaptations.
« Pouvoir » n’est pas « vouloir » !
On ne sait pas faire !
Dégager un consensus
Prévoir et organiser à moyen et long terme
Changer d’échelles de valeurs
Avant de renoncer il serait bon, sous l’autorité de l’ONU, que chacune de ces suggestions soit soumise respectivement à des groupes de philosophes, de scientifiques, d’économistes, et de politiques d’horizons différents, en leur demandant :
D’en faire une critique comparative et constructive par rapport à la situation actuelle
De vérifier leur cohérence et leur faisabilité
En cas d’adhésion significative à ces principes, il leur appartiendrait également d’échafauder un calendrier sur une quarantaine d’années pour la préparation et la mise en œuvre toujours sous l’égide de l’ONU.
Mais là encore nous sommes en pleine utopie, car l’ONU ne peut être mandatée que par des gouvernements et aucun gouvernement ne cautionnera, une future amputation de ses prérogatives sur les deux pôles du pouvoir que sont l’armée et la monnaie.
Si une action doit se dessiner, pacifiquement elle ne peut démarrer que de la base, organisée en associations : locales, nationales, internationales. Il est certain qu’un foisonnement d’idées pourrait en sortir via Internet, prouvant que d’autres choix sont possibles essentiels et urgents.
Lorsque les médias s’empareront à leur tour du sujet, les responsables politiques aiguillonnés par leur base seront enfin contraints de s’occuper des vrais problèmes de l’humanité.
Michel Odinot
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