2 juin, 2014

Vue de New York, les élections au Parlement européen.

« Much ado about a blip »

Cataclysme, tremblement de terre, que n-a-t-on pas entendu dimanche dernier 25 Mai à la lecture des résultats préliminaires dans un certain nombre de pays. Longue face sur France2 des caciques UMP et Socialistes, triomphe retenu de Louis Alliot, le « partenaire » de Marine Le Pen, relayé par une suffisance insupportable de l’énarque de service au FN- eh oui, ils en ont un – et rayonnement de la Chef Suprême…

Trêve de balivernes, regardons les faits au niveau des résultats définitifs :

– Le Parti Populaire Européen, auquel participe l’UMP, perd 63 sièges mais demeure le premier groupe en terme d’élus avec 212 inscrits.

– Les socialistes ne sont amputés que de 10 sièges et sont la deuxième force politique avec 185 élus.

– Les libéraux passent de 85 à 71.

– Les « Verts » de 58 à 55.

Bref, les « Euro optimistes » qui étaient 613 dans le Parlement sortant ne sont plus que 523 soit moins 15%..ils demeurent toutefois largement majoritaires avec 70% des élus, au lieu de 80%.Les Eurosceptiques sont une juxtaposition de groupes à idéologies non compatibles, le groupe Europe of Freedom and Democracy – auquel adhère l’UKIP britannique de Nigel Farage- étant violemment oppose à toute alliance avec le FN qu’il qualifie de « raciste et antisémite »

– Les élus indépendants de droite ou extrême droite, nationalistes ne sont pas certains de pouvoir constituer un groupe autonome compte tenu des incompatibilités de programme et du souci de « respectabilité » du FN, qui ne veut pas s’allier avec les députés ouvertement fascistes de Grèce et Hongrie.

– L’extrême gauche est aussi en progrès de 10 sièges, de 35 à 45, notamment du fait de la percée de Syriza en Grèce.

En bref, incontestable poussée des « eurosceptiques », qui représentent désormais avec 143 élus une force politique d’opposition – 19% du Parlement – mais non de proposition, ses composantes principales étant l’UKIP et le FN, accessoirement les élus nationalistes grecs et danois.

Cette élection est largement un désaveu des partis au pouvoir dans leurs Etats respectifs, souvent pour des motifs très étrangers à l’Europe, même si l’argument peut être avance que ces suffrages sanctionnent des politiques d’austérité imposées par la Troika c’est à dire pour faire court le gouvernement allemand et ses suppôts de la Banque Centrale Européenne. Il est à craindre que des politiques anti-libérales, protectionnistes soient adoptées en réaction à ces résultats dans un souci de démagogie populiste.

Au niveau européen, l’agenda de convergence et d’intégration sera ralenti, sur des dossiers controverses de majorité qualifiée dans le domaine politique, ou de plus grande harmonisation financière et fiscale.

La nouvelle commission sera désignée après moultes tractations, notamment sur le choix du Président, la nouvelle donne politique devrait assurer la cooptation d’un représentant du PPE L’émergence vraisemblable d’un candidat de compromis fera du titulaire un nouveau Président sans véritable légitimité démocratique ou leadership, et le maintiendra dans une position secondaire par rapport aux principaux chefs d’Etat qui ont le pouvoir effectif de décision.

Le succès du Parti Democratico en Italie renforce la place de ce pays au Conseil aux dépens de notre pays, handicapé par les résultats très négatifs de la coalition au pouvoir en France. En Allemagne, la CDU/CSU est un peu en retrait du fait de l’arrivée au Parlement Européen du parti eurosceptique AfD avec 7 élus, mais le PSD gagne 2%.En conséquence, mon sentiment est plutôt celui d’un « statu quo », qui ne pourra qu’augmenter les frustrations exprimées dans ce scrutin, au grand dépit des europhiles et eurosceptiques.Et je prends le pari qu’aucun pays ne quittera la zone euro.

Si l’on se place maintenant du point de vue américain, il faut d’emblée souligner la très large indifférence voir ignorance du public américain sur les enjeux européens.

La formule célèbre du docteur Kissinger déplorant l’absence d’un numéro de téléphone unique pour contacter l’Europe en cas d’urgence garde toute son actualité et sa pertinence. Et les Secrétaires au Trésor qui se succèdent à Washington peuvent déplorer la politique d’austérité suivie en Europe, ils doivent avancer leur feuille de route de relance vigoureuse sur un plan bilatéral faute d’interlocuteur autorise à parler au nom de l’Europe ou même de la zone Euro, exception faite peut être de Mario Draghi qui dispose de la politique monétaire mais pas du levier fiscal.?

L’administration Obama a une politique étrangère que la droite républicaine qualifie d’ « isolationniste », les relations avec l’Europe ont beaucoup évolué avec le changement générationnel ;également oubliée la distinction faite par les Néo Cons au moment de l’intervention en Irak il y a 10 ans , entre Nouvelle et Vieille Europe.

L’Europe n’est pas perçue ici comme une entité, mais bien plus comme une juxtaposition de nations pas toujours représentées par une collectivité étatique, voir l’ancienne Yougoslavie.

Et l’Amérique s’intéresse aux problèmes de tel ou tel pays européen lorsqu’une collectivité est fortement représentée ici, voir la question israélienne ou le conflit irlandais .Aussi la révélation des écoutes a beaucoup contribue au rafraichissement des relations avec l’Allemagne, quant au partenariat USA UK, il n’est prioritaire ni pour Cameron ni pour Obama.La France est paradoxalement devenu le pays européen avec lequel Obama entretient les relations les plus cordiales, non pas tant par sympathie pour Francois Hollande mais bien plutôt compte tenu des interventions françaises notamment au Niger et au Mali contre AQMI.

La France permet à l’Amérique de se contenter d’un soutien logistique en laissant les troupes françaises s’engager sur le terrain.

En bref, les élections européennes, commentées uniquement par et pour les spécialistes ont soulevé ici beaucoup moins d’intérêt ou de passion qu’outre Atlantique.

Le rapt des jeunes filles au Nigeria faisait au même moment la une de la presse locale à commencer par le New York Times, l’affaire Bygmalion aujourd’hui en p.2 relativisant ses conséquences en soulignant que la prochaine présidentielle française sera dans 3 ans seulement…

 

Auteur: Jean-Claude Gruffat

Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.

8 Commentaires

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  • Libre

    5 juin 2014

    L’atmosphère politique de ce pays devient de plus en plus irrespirable :
    1.Le PS en faillite politique tiraillé entre son aile sociale -démocrate et son aile marxiste.
    2.L’UMP en pleine décomposition et mouillée jusqu’au cou dans des affaires de fausses factures.Sans compter le doute persistant sur l’honneteté de l’electeion de M. Copé.
    3.Le FN malheureusement qui progresse de manière significative.
    La suite est facile à pronostiquer, Le FN risque de venir à plus ou moins brève échéance aux affaires. Et de mettre en application leur programme économique délirant tendance ultra-gauche ….Avec au menu : planche à billets à gogo, étatisation d’entreprises en veut tu en voila, planification made in URSS ,ect …Et je vous laisse imaginer le niveau de compétence des membres du gouvernement….Avec la faillite au bout sans doute agrémentée d’un zeste d’hyperinflation à la mode argentine ou vénézuélienne…Et pour terminer la mise en place d’une dictature et/ou d’une guerre civile ( dans les banlieues par exemple)…Joyeuses perspectives pour notre beau pays!

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  • BA

    4 juin 2014

    La France au XXI ème siècle : le scénario « Guerre Civile Espagnole »

    Quel est le paysage politique ?

    Dans le camp des élites pro-européennes :

    – Le Parti Socialiste : le clan Hollande, contre le clan Valls. Discrédité.
    – L’UMP : le clan Sarkozy, contre le clan Copé, contre le clan Fillon, contre le clan Juppé. Discrédité.
    – L’Alternative (UDI + Modem) : le clan Jégo, contre le clan Bayrou. Discrédité.
    – Europe Ecologie Les Verts : trop de clans, je n’arrive pas à faire une liste complète, j’ai mal à la tête, c’est un bordel indescriptible. Discrédité.

    Dans le camp d’en face :

    – Le Front National : 24,95 % aux élections européennes. Un sondage IFOP montre que si le vote était obligatoire, 24 % des abstentionnistes voteraient FN. En clair : le FN dispose d’une très importante armée de réserve, qui, pour le moment, ne vote pas.

    – Le Front de Gauche : 6,34 % aux élections européennes. Jean-Luc Melenchon a parfaitement décrit la dynamique historique en faveur du Front National :

    « Aux conditions actuelles, parce qu’elle est en dynamique, rien ne peut plus barrer la route de madame Le Pen. Mieux : le fruit va lui tomber tout droit dans la bouche. Toute la décomposition en cours du champ politique, ou bien alimente directement son fond, ou bien emporte sans combat les digues qui s’y opposeraient. La physique de l’Histoire n’a d’ailleurs jamais fonctionné autrement. Les grands mouvements comme les petits ne sont pas linéaires. Ils suivent des lignes de croissance ou décroissance saccadées où des pics succèdent à des paliers. Les prochains condiments qui vont alimenter le suivant pic sont en place. D’un côté l’implosion de l’UMP, libérant de vastes pans de sympathisants de tous niveaux, de l’autre la débilité de l’équipe au pouvoir et de ses supplétifs entretenant tous les ingrédients d’une implosion autrement plus dangereuse : celle de l’Etat. Que les auto-flagellant se rassurent, je ne nous oublie pas dans ce tableau. Notre score à l’orée du nouveau cycle politique ne nous permet pas d’être l’alternative dans le chaos qui s’avance. »

    – Debout la République : 3,82 % aux élections européennes.

    – Lutte Ouvrière : 1 %

    – UPR (Union Populaire Républicaine) : 0,41 %

    – NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) : 0,30 %

    Conclusion :

    Depuis mai 1974, les partis pro-européens dirigent la France. Ils n’ont réussi qu’une seule chose : remettre en selle les fachos.

    Aujourd’hui, la dynamique est en faveur du FN. Son armée de réserve d’abstentionnistes est très importante.

    Pour la France, le scénario le plus probable est un scénario de type « Guerre Civile Espagnole », comme entre 1933 et 1936.

    Si ce scénario-catastrophe se réalise, la France connaîtra une guerre civile entre :

    – les Républicains

    – et les Nationalistes.

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    • jcgruffat

      4 juin 2014

      Effrayant, un cauchemar, reveillez moi, je ne peux croire mes compatriotes aussi nihilistes..

  • Marius

    3 juin 2014

    Pourquoi les américains s’intéressaient-ils aux européennes alors que les européens eux-même ne s’y intéressent pas (abstention) et ne connaissent pas eux-même les institutions, les commissaires, les eurodéputés…

    Si les européens sont eux-même incapables de vous décrire, nommer, les institutions européennes et leurs élus (et non-élus)…

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  • Bobdenard

    3 juin 2014

    Bonjour,

    Oui bien sûr, on peut minimiser la poussée des identitaires et l’assimiler à celle d’un Poujade en son temps.

    Ou peut-être est-ce le début d’une prise de conscience ?

    Qu’il faut commencer par torpiller ce « fameux » traité transatlantique dont personne ou presque ne parle

    Ensuite retrouver notre monnaie nationale et avoir une monnaie unique

    Qu’il faut affirmer les valeurs gréco-romaines et judéo-chrétiennes qui sont à l’origine de l’Europe et que nous refusons d’être charia-compatibles

    Qu’il faut arrêter d’être niais vis-à-vis de nos alliés traditionnels qui peuvent être aussi des adversaires

    Qu’il faut nouer des relations chaleureuses avec la Russie qui n’est pas notre ennemie contrairement à ce que veut nous faire croire la « Colombe » Obama

    Qu’il existe un capitalisme industriel et que ce qu’on nous présente parfois comme libéralisme n’est que la finance devenue folle

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  • Tagada

    3 juin 2014

    Pas « much a do » mais « much ado ».

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  • Amellal Ibrahim

    2 juin 2014

    Bonsoir,

    Content de voir mon souhait exaucé, j’ai encore un voeu, comprendre cette histoire de BNP, est-ce de l’extorsion ou c’est normal ? JP Morgan a bien été condamné à 13 milliards de $ … ou il s’agit de French-Bashing ?

    Merci.

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    • jean-claude

      3 juin 2014

      Desole mais je suis pas en mesure de repondre.
      Mais je vous renvoie a l’excellent interview de mon ami Pierre de Ravel dans les Echos de lundi dernier.

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