5 avril, 2013

Vue de New York, j’aurais souhaité qu’il fut innocent

Il s’agit bien sûr de Jerome Cahuzac, ministre du Budget, non par sympathie pour l’homme que je ne connais pas , mais plutôt par méfiance vis-à-vis du journalisme dit d’investigation, mon jugement sur l’animateur de Mediapart ayant été forge depuis longtemps par la lecture de La face cachée du Monde dont un certain nombre d’entre vous se souviennent sans doute.Or il était bien coupable et pris dans l’engrenage du premier mensonge, son sort était scelle. Il emporte avec lui les illusions que la campagne avait laissé espérer sur des institutions plus transparentes et intègres.

Pour tenter de préserver sa carrière, il a contribué à la perte de confiance de l’électorat dans l’administration Hollande. Il alimente dans les franges extrêmes de l’échiquier politique, le » tous pourris » des ligues d’entre les deux guerres.C’est un mauvais coup pour son clan qui demande à tous et particulièrement aux plus fortunes, de  contribuer de manière significative à la réduction des déficits.

Au-delà de son sort personnel, et des conséquences politiques de ce scandale, . je m’interroge sur ce que cette affaire relève de manière plus générale des comportements de notre société, singulièrement, en France face à l’argent.Notre pays, à ce titre très en phase avec son Président Normal,  n’aime pas les riches, qu’il définit de manière très large en incluant les classes dites moyennes supérieures..

A l’exception toutefois des artistes et sportifs…

Dans notre pays, surtaxe au niveau des particuliers, on observe pourtant une relative indulgence via vis de l’évasion fiscale, voire  de la fraude. Les taux de prélèvements notamment pour les revenus non déclarées par des tiers, employeurs, institutions bancaires et financières,  sont supérieurs à ce qu’ ils devraient être ce qui implicitement valide mon observation, un certain pourcentage des rentrées fiscales attendues ne se matérialise pas et le législateur corrige et surtaxe ceux qui s’acquittent de leurs obligations.D’où mon argument selon laquelle la fraude fiscale est avant tout un acte incivique pour le profit illicite d’un individu, ou de toute entité taxable, au détriment de la collectivité.

Si l’on accepte cette approche, la fraude est particulièrement répréhensible lorsqu’il s’agit d’élus, et plus généralement de personnes publiques.Le summum est évidemment le Ministre du Budget qui lui a la responsabilité institutionnelle de lutter contre cette fraude.Certes ce n’est pas la première fois qu’on observera un décalage entre le discours public et le  comportement prive, mais je considère pour ma part  que dans ce cas spécifique, on atteint le niveau maximum de l’inacceptable.Qu’il faut bien au moins en partie expliquer par ce sentiment diffus mais bien incontestablement présent  chez nos concitoyens, que nous sommes surtaxes, et qu’après tout, la faute peut s’expliquer, même si elle est inexcusable.

De ce cote de l’Atlantique, la fraude fiscale existe bien évidemment, mais ,elle est dissimulée, furtive, honteuse et personne ne s’en vante.Elle est aussi sévèrement réprimée non pas seulement par la confiscation des sommes en jeu, mais par de lourdes amendes et  des peines de prisons effectives.Dans un domaine différent, mais comparable, je me souviens d’un échange muscle que j’avais eu à Paris pendant un diner de l’Association Nationale des Docteurs en droit, avec l’époux récemment licencie d’un haut magistrat du siège. Ce personnage m’avait raconté avec une certaine fierté et sur un ton badin qu’il était tout à la fois bénéficiaire du RMI et redevable de l’ISF..

D’où sa surprise lorsque je lui ai signifié en termes non ambigus ce que je pensais de son comportement.

Qu’on se vante avec un parfait inconnu d’abuser de manière éhontée des .aberrations de notre système est bien la confirmation que les délinquants s’attendent à bénéficier d’une certaine indulgence lorsqu’ils franchissent la liste rouge qui sépare fraude de l’évasion fiscale.Aux Etats Unis, ou l’administration fiscale, le redoute IRS ( Internal Revenue Service), un Département du Trésor americain, est extraordinairement efficace – elle avait, non les Incorruptible – fait tomber Al Capone.

Les fraudeurs pris ne bénéficient d’aucune indulgence et les rigueurs de la loi sont appliquées.Pourtant les contribuables américains utilisent de manière agressive les dispositions complexes d’une législation abondante et touffue.Mais on sait, avec l’aide de spécialistes avertis s’arrêter pour ne pas commettre le délit d’abus de droit.Et l’argent ainsi économisé est souvent massivement utilise pour des dons qui ne bénéficient pourtant pas du traitement accorde en France, ou la déductibilité est effectuée sur l’impôt alors qu’ici elle est seulement sur la base fiscale.

Dans ce pays où comme l’avait déjà observé Alexis de Tocqueville, le principe de subsidiarité de l’Etat est endosse aussi bien à droite qu’à gauche, on constate en effet le rôle majeur de la philanthropie pour financer les religions, l’art, la culture, et les services hospitaliers.

Alors que les dons des particuliers en France sont limites, le public souscrivant à l’idée que la redistribution par l’impôt et les subventions publiques y pourvoira.

Il y loin me direz-vous de la fraude fiscale a la philanthropie.

Je préfère les Etats Unis qui taxent marginalement moins mais ne font preuve d’aucun laxisme ni tolérance pour la fraude, a la France, ou trop d’impôts tue les rentrées fiscales et excuse des comportements inacceptables.

Je comprends l’embarras de la gauche empêtrée dans cette affaire, mais à la place de la droite qui affiche sa satisfaction face à une telle aubaine, j’aurai un autre langage et élargirai le débat au thème de la pression fiscale insupportable.

« La pression est telle que même les meilleurs d’entre eux ouvrent des comptes en Suisse ».

Auteur: Jean-Claude Gruffat

Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.

6 Commentaires

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  • GdG

    10 avril 2013

    @ IDL

    Je respecte le droit mais je pense que les limites du droit existent et existerons toujours.
    La limite du droit est très simple, « ma liberté s’arrête ou celles des autre commence »
    L’abus de droit s’appuie sur la morale pour punir un délinquant même si celui-ci à respecté la loi.
    On a plusieurs solutions : soit ignorer*, soit punir, soit modifier la loi…
    En France on choisit plutôt de faire une nouvelle lois.
    Si la fiscalité est faible, la morale se justifie pour punir les excès.
    -Quelle morale, celle que le gouvernement détruit tous les jours,
    la morale d’ici celle d’outre Rhin ou celle de Corée du Nord ?
    Dans un pays raisonnable il y a peu de tricheurs et cela ne met pas en danger la nation.
    En technologie ce sont des « erreurs » et on s’en accommode très bien.
    Votre ordinateur fait une quantité d’erreurs que vous ne soupçonnez pas.
    Bref la première solution * est à considérer avec intérêt..
    Ce qui est inacceptable c’ est le mauvais exemple de ceux qui font la loi.

    -Pour une entreprise qui veut vendre dans le monde, des avions,des TGV, du matériel de guerre, des centrales, il est impossible de signer des contrats avec des dictatures sans bakchich.
    A l’ONU plus de 50% des états sont probablement des dictatures, parfois très riches.
    Tous ces contrats sont soumis, je crois, à l’aval du gouvernement. Les politiques n’ ignorent pas ces bakchichs et les paradis fiscaux qui vont avec….
    Toute la haute administration d’où sortent en général les gouvernements est contaminée, ce qui explique probablement tous les salaires exorbitants pour verrouiller les langues.

    -La déclaration du patrimoine du président.
    Son patrimoine n’a aucun intérêt. C’est ce qui est au dessus qui est intéressant
    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025844022

    Montant et origine des revenus (mention facultative : les personnalités soumises à l’obligation de déclaration de patrimoine ne sont pas tenues de déclarer l’origine et le montant de leurs revenus)

    J.C Gruffat a parfaitement raison , mais l’abus de droit en France me semble un abus de droit.
    Amicalement.

    Répondre
  • P.M

    8 avril 2013

    Vu de new york j aurai préféré un peu plus de bon sens
    Avec de tels arguments on justifie la faute,le crime (ou plutôt l  » incivilité « si vous voulez parler comme un socialiste ) parce que la loi est trop dure!
    Mais si la loi était appliquée et que les tricheurs de toute sorte payaient leur du il n y aurait pas trop d impôts
    Il n y a pas a chercher des excuses…c est la faute aux impôts ,moi je pense que c est la faute aux tricheurs riches et pauvres qui font augmenter les impôts des honnêtes gens
    Trop de coulage,trop de passe droit,trop de niches,trop de combinazionne.
    Essayez de voir l autorité dans ce sens la…

    Répondre
    • idlibertes

      8 avril 2013

      Cher PM,

      Il existe des paradis fiscaux que parce qu’il a bien des enfers fiscaux. Essayez de voir la fuite dans ce sens là….

  • GdG

    5 avril 2013

    « Mais on sait, avec l’aide de spécialistes avertis s’arrêter pour ne pas commettre le délit d’abus de droit. »
    Je suis extrêmement surpris de trouver ceci dans votre texte.
    La France n’est pas la seule à utiliser ce délit ?
    J’ai toujours pensé qu’ il s ‘agissait d’un droit qui ne respecte pas le droit.
    D’un droit qui reconnaît qu’il est mal fait.
    Si les techniciens travaillaient ainsi, jamais un homme n’aurait marché sur la lune.
    Amicalement.

    Répondre
    • idlibertes

      7 avril 2013

      Cher Gdg,

      Qu’est ce que le droit? La somme des lois des hommes non? en cela l’ensemble est assez faillible, je crois que c’est aussi la vue de Kant de mémoire.L’abus de droit est ceci dit une notion presque redondante. Mais il existe aussi en common law. L’abus « de » tue « le » est en soit acceptable comme notion non?

  • Medocain

    5 avril 2013

    Monsieur Gruffat ,toutes ces questions de fraude fiscale et de pseudo-socialisme ne se comprenne que si on sait que l’euro est mort:

    tout le monde fuit devant l’euro ,chacun a sa façon,depuis des années:
    en achetant de l’or ,des terrains ou en fuyant à l’étranger..
    Vous même ,vous le confirmez par votre dernière phrase.

    Cette histoire va mal finir:

    -hier le directeur général d’Unicrédit indiquait dans Bloomberg qu’il allait falloir saisir les comptes de dépôt et d’obligations (je rigole 2 000 milliards de BTP dans la nature)

    -aujourd’hui l’Espagne annonce que la construction est à l’arrêt complet:
    5 000 logements terminés en janvier dans toute l’Espagne,la prédiction de Charles Gave se confirme jour après jour

    http://www.elconfidencial.com/vivienda/2013/04/05/el-ladrillo-esta-muerto-en-enero-solo-se-terminaron-5000-viviendas-en-toda-espana-118158/

    Ce système est complètement cuit et seule une révolution de type 1789 peut nous en sortir:

    vivement Vizille et la journée des Tuiles pour lancer le mouvement:

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Journ%C3%A9e_des_Tuiles

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